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Gruppenführer

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Georg-Henning Graf von Bassewitz-Behr - Richard Glücks - Otto Ohlendorf - Otto Hofmann - Heinrich Müller - Otto Rasch - Arthur Seyss-Inquart - Arthur Nebe - Max SimonGeorg-Henning Graf von Bassewitz-Behr - Richard Glücks - Otto Ohlendorf - Otto Hofmann - Heinrich Müller - Otto Rasch - Arthur Seyss-Inquart - Arthur Nebe - Max SimonGeorg-Henning Graf von Bassewitz-Behr - Richard Glücks - Otto Ohlendorf - Otto Hofmann - Heinrich Müller - Otto Rasch - Arthur Seyss-Inquart - Arthur Nebe - Max SimonGeorg-Henning Graf von Bassewitz-Behr - Richard Glücks - Otto Ohlendorf - Otto Hofmann - Heinrich Müller - Otto Rasch - Arthur Seyss-Inquart - Arthur Nebe - Max SimonGeorg-Henning Graf von Bassewitz-Behr - Richard Glücks - Otto Ohlendorf - Otto Hofmann - Heinrich Müller - Otto Rasch - Arthur Seyss-Inquart - Arthur Nebe - Max SimonGeorg-Henning Graf von Bassewitz-Behr - Richard Glücks - Otto Ohlendorf - Otto Hofmann - Heinrich Müller - Otto Rasch - Arthur Seyss-Inquart - Arthur Nebe - Max SimonGeorg-Henning Graf von Bassewitz-Behr - Richard Glücks - Otto Ohlendorf - Otto Hofmann - Heinrich Müller - Otto Rasch - Arthur Seyss-Inquart - Arthur Nebe - Max SimonGeorg-Henning Graf von Bassewitz-Behr - Richard Glücks - Otto Ohlendorf - Otto Hofmann - Heinrich Müller - Otto Rasch - Arthur Seyss-Inquart - Arthur Nebe - Max SimonGeorg-Henning Graf von Bassewitz-Behr - Richard Glücks - Otto Ohlendorf - Otto Hofmann - Heinrich Müller - Otto Rasch - Arthur Seyss-Inquart - Arthur Nebe - Max Simon

Georg-Henning Graf von Bassewitz-Behr - Richard Glücks - Otto Ohlendorf - Otto Hofmann - Heinrich Müller - Otto Rasch - Arthur Seyss-Inquart - Arthur Nebe - Max Simon

 

Gruppenführer est un grade utilisé dans la SS, et dans sa branche militaire, la Waffen-SS. Au sein de la SS, il constitue un titre honorifique et une reconnaissance de l'importance politique de son titulaire, comme pour Arthur Seyss-Inquart. Par contre, il traduit une réelle fonction de commandement d'unités de combat au sein de la Waffen-SS. Ce grade est le troisième grade d'officier général, dans le corps des officiers généraux SS qui en compte six.


Liste de Gruppenführers
 

  • Georg-Henning Graf von Bassewitz-Behr (1900–1949), actif sur le Front de l'Est, mort dans un camp de travail soviétique ;
  • Richard Glücks (1899–1945), chef de l'Amt D: Konzentrationslagerwesen (Détachement D : division des camps de concentration) du « SS-Wirtschafts- und Verwaltungshauptamt », ou WVHA (Office Central de l’Administration et de l’Économie SS, en tant qu’Inspekteur des Konzentrationläger). Impliqué dans la solution finale, il se suicide le 10 mai 1945, le surlendemain de la capitulation allemande ;
  • Otto Hofmann (1896–1982), dirigeant du « Bureau pour la race et le peuplement » (Rasse- und Siedlungshauptamt ou RuSHA). Il était présent à la conférence de Wannsee et fut condamné lors du procès du RuSHA, mais gracié en 1954 ;
  • Heinrich Müller (1900–disparu en 1945), au RSHA, chef de la Gestapo et de la police des frontières ; il était présent à la conférence de Wannsee ;
  • Arthur Nebe (1894–1945), au RSHA, directeur de la Kriminalpolizei (Kripo) et premier commandant de l'Einsatzgruppe B ; après l'attentat du 20 juillet 1944 contre Hitler, il est soupçonné de liens avec des opposants ; il s'enfuit mais il est retrouvé après plusieurs mois, arrêté puis exécuté un mois avant la fin du conflit ;
  • Otto Ohlendorf (1907–1951), chef de l'Einsatzgruppe D, condamné à mort au procès des Einsatzgruppen puis exécuté par pendaison ;
  • Werner Ostendorff (1903-1945), commandant de la 2e division SS Das Reich puis de la 17e Panzer grenadier division SS Götz von Berlichingen ;
  • Otto Rasch (1891–1948), chef du Einsatzgruppe C, meurt avant son procès ;
  • Johann Rattenhuber (1897–1957), chef de la garde du corps personnelle d'Hitler et l'un des derniers occupants de son bunker ; arrêté par les soviétiques, il est interné pendant 10 ans, libéré et meurt 2 ans plus tard ;
  • Arthur Seyss-Inquart (1892–1946), Reichskommissar des Pays-Bas pendant la guerre ; il est condamné au procès de Nuremberg, et exécuté par pendaison ;
  • Max Simon (1899-1961), commandant du XIIIe SS Armeekorps.

Bethmann Hollweg Theobald von

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Bethmann Hollweg Theobald von

 

Theobald von Bethmann Hollweg, né le 29 novembre 1856 et mort le 2 janvier 1921, était un homme politique allemand. Il est chancelier impérial, de 1909 à 1917, succédant à Bernhard von Bülow. Après des études de droit, il entra au service de l’État et à trente ans était déjà commissaire d'arrondissement de son pays natal, le cercle d’Oberbarnim. Le 1er juillet 1899, il devint préfet à Bromberg (aujourd’hui Bydgoszcz), et dès octobre 1899 président supérieur de la province de Brandebourg.

De 1905 à 1907, il occupa le poste de ministre de l’Intérieur du royaume de Prusse, de 1907 à 1909 le poste de secrétaire d'État à l'Intérieur du Reich et, de 1909 à 1917, il fut chancelier impérial ainsi que ministre-président ministre des Affaires étrangères de Prusse. Il dirigea le gouvernement pendant les premières années de la Première Guerre mondiale mais, sous la pression de l’armée, en particulier des généraux Hindenburg et Ludendorff, il fut démis par l’empereur Guillaume II le 13 juillet 1917.

Pendant son séjour à la chancellerie et avant la Première Guerre mondiale, Bethmann Hollweg s'employa en politique extérieure à chercher une entente avec le Royaume-Uni. Jusqu’en 1912, il s’efforça de parvenir à un accord de neutralité par une convention maritime. Tout en continuant la construction du chemin de fer vers Bagdad et l’empire colonial, il chercha à gagner la confiance du Royaume-Uni pour dissoudre le système de bloc en Europe. Jusqu’à la déclaration de guerre, il obtint certes quelques succès mais rien de définitif.

Ce qui explique sa politique dans la crise de juillet, c’est sa crainte devant la puissance croissante de la Russie[réf. nécessaire]. Il croyait qu’elle dominerait l’Europe à partir de 1917 et qu’il ne serait pas plus possible à l’Allemagne de mener une politique mondiale. C’est pourquoi il essaya, dans la crise de juillet, d’obtenir un succès diplomatique pour l’Autriche-Hongrie pour que les puissances centrales pussent s’affirmer en face de la Russie dont l’hégémonie grandissait.

Au cours de la marche à la Première Guerre mondiale, dans un premier temps, il fait preuve de prudence en refusant de cautionner l'ultimatum autrichien à la Serbie, qu'il savait inacceptable, avant de céder sous la pression de Moltke, le Chef du Grand État-Major et de Guillaume II ; dans un deuxième temps, il adopte un certain « fatalisme belliqueux », selon Thomas Lindemann. Quand il reçoit l'ambassadeur britannique, Goshen, il utilise l'expression « chiffon de papier (scrap of paper) » pour qualifier le traité garantissant la neutralité belge, ce qui provoque l'entrée en guerre de la Grande-Bretagne.

Les théories du darwinisme social lui faisaient penser que les affrontements entre les peuples étaient inévitables et les guerres nécessaires : « La loi ancienne selon laquelle le faible sera une proie du plus fort est toujours valable ». Il voyait en la Russie, « qui grandit sans cesse », un adversaire redoutable dans l’avenir et pensait qu’il valait mieux l’affronter rapidement plutôt que d’attendre sa montée en puissance. L'interprétation des idées de Bethmann-Hollweg, de son entourage et de l'opinion publique allemande au cours du mois de juillet 1914 est au cœur de la thèse de Fritz Fischer sur les causes de la Première Guerre mondiale. Le 30 juillet 1914, il constatait : « Le contrôle est perdu et la pierre s'est mise à rouler. »

Hitler sur des tasses vendues en Allemagne

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Un magasin de meuble allemand a retiré de la vente un lot de 5.000 tasses à café fabriquées en Chine, portant en filigrane un timbre postal à l'effigie d'Adolf Hitler, indique aujourd'hui la presse régionale allemande.

Deux tasses à café portant l'impression d'un timbre avec le portrait d'Adolf Hitler à Herford le 11 avril 2014

Deux tasses à café portant l'impression d'un timbre avec le portrait d'Adolf Hitler à Herford le 11 avril 2014

C'est une cliente qui étudiait de plus près la tasse pendant son petit déjeuner, qui a reconnu le profil du dictateur sur un timbre de l'époque nazie, avec un cachet arborant une croix gammée clairement reconnaissable, le tout imprimé dans des couleurs délavées en arrière-plan de décorations florales, explique le journal Neue Westfälische. "J'ai cru que j'avais mal vu", a raconté la cliente, désigné sous le nom Agnes T. par le quotidien, qui précise toutefois que son nom a été changé.

Le patron de la boutique, également interrogé par la journal, a parlé d'un événement "épouvantable", dû à une "série déplorable d'erreurs malheureuses". Selon lui, c'est le fabricant chinois des tasses qui a utilisé la représentation du timbre sans savoir qui figurait dessus.

Le lot de 5.000 tasses vendues dans son magasin ont été immédiatement retirées de la vente. Le magasin propose en outre de reprendre les 175 exemplaires déjà écoulés au prix de 3 euros, en échange d'un bon d'achat de 20 euros.

Braun Eva

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Eva Anna Paula Braun, nom d'épouse Hitler, née le 6 février 1912 à Munich et décédée le 30 avril 1945 à Berlin est une photographe allemande. 

Eva Braun

Eva Braun

 

Elle est d'abord l'amante, puis l'épouse d'Adolf Hitler. Fille d'un professeur-architecte d'intérieur en lycée professionnel, Friedrich Braun (surnommé "Fritz") et de Franziska Kronberger, elle-même fille d'un ancien directeur des services vétérinaires. Le couple a trois filles : Ilse, née en 1908, Eva en 1912 et Gretl en 1926. Franziska, catholique convaincue place alors sa fille au couvent de Simbach-am-Inn où elle montre des talents pour l'athlétisme.

Eva Braun est titulaire d'un diplôme de secrétaire-dactylographe-comptable et rêve d'être un jour actrice à Hollywood. Eva Braun croise le chemin d'Adolf Hitler en 1929, à Munich, alors qu'elle travaille comme assistante d'Heinrich Hoffman, le photographe officiel du parti nazi. Ils se rencontrent lors d'une visite d'Hitler dans l'atelier. Eva Braun confie plus tard à sa soeur « Il me dévorait des yeux ».

Elle glisse une lettre d'amour dans la poche d'Hitler lors d'un rendez-vous futur. Dix-sept ans à peine, Eva Braun est véritablement fascinée par cet homme âgé de quarante ans. Elle semble attirée par l'apparence de domination virile qu'il se donne en portant une cravache. Il lui est alors présenté comme Herr Wolff, un pseudonyme qu'il utilise souvent dans les années 1920 pour garder l'anonymat. À ses amis elle le décrit comme « un gentleman d'un certain âge arborant une moustache amusante et portant un grand chapeau de feutre ». Cependant, les choses se compliquent rapidement pour la jeune fille. Les deux familles sont opposées à leur relation.

D'ailleurs, Fritz Braun qui n'adhère pas du tout au national-socialisme et qui n'apprécie pas Adolf Hitler pour ses idées politiques et morales le considère comme un « clochard d'Autrichien ». Il le prie alors d'arrêter de voir sa fille. On sait peu de choses sur les deux premières années de leur relation. La demi-sœur d'Hitler, Angela Raubal, mère de Geli Raubal, qui s'est suicidée en 1931, considère Eva Braun avec condescendance. Pendant ce temps, Adolf Hitler fréquente d'autres femmes, comme l'actrice Renate Müller, qui est présente longtemps aux côtés de son amant à Munich, puis à la chancellerie de Berlin, mais qui se suicide en 1937. Eva Braun tente de se suicider en 1932, d'une balle dans le cou, puis une nouvelle fois en 1935, en absorbant une grande quantité de somnifères. Après son rétablissement, Adolf Hitler décide d'être plus proche d'elle, et l'emmène dans sa villa de Wasserburgerstrasse, dans la périphérie de Munich, et lui fournit même une voiture avec chauffeur.

Eva Braun emménage avec lui en 1936, au Berghof, la résidence d'Hitler en Bavière, près de Berchtesgaden. Certains historiens supposent qu'elle est au courant de certains détails concernant les activités du gouvernement. Mais la plupart des sources affirment qu'elle se tient à l'écart des affaires politiques. Eva Braun et son compagnon n'apparaissent néanmoins jamais ensemble en public, et leur mariage est très tardif. Ainsi, les Allemands ignorent tout de leur relation jusqu'à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Dans son autobiographie Erinnerungen, Albert Speer, l'architecte en chef du gouvernement, décrit ainsi leur relation : « Eva Braun était autorisée à assister aux entretiens avec les anciens du parti. Mais elle devait disparaître lorsque les autres membres du gouvernement, comme les ministres, arrivaient […]. Manifestement, Hitler acceptait sa compagnie en société jusqu'à certaines limites. Parfois, je lui tenais compagnie lorsqu'elle était isolée, à côté de la chambre d'Hitler. Elle était tellement intimidée qu'elle n'osait même pas sortir de la maison pour prendre l'air. Au-delà de la sympathie que j'éprouvais pour sa situation délicate, je commençais à prendre goût à cette femme malheureuse, si profondément attachée à Hitler. »

Il est pourtant important de noter qu'Eva Braun est extrêmement proche d'Hitler et ce, jusqu'à la fin. Même pendant la Seconde Guerre mondiale, Eva Braun semble avoir beaucoup de loisirs, comme faire du sport, lire des romans à l'eau de rose, regarder des films. Mais son penchant pour les bains de soleil, totalement nue, et son goût d'être photographiée dans cette situation déplaît à Adolf Hitler. En outre, elle s'intéresse fortement à la photographie et aux Rolleiflex Girls, groupe de passionnées dont le nom est inspiré d'une célèbre marque d'appareils photo. Elle aménage d'ailleurs sa propre chambre noire, dans laquelle elle développe la majorité des photographies et des films sur la vie qu'elle mène avec le chef de l'État allemand. Otto Günsche et Heinz Linge, lors de leurs interrogatoires par les services de renseignements soviétiques au sortir de la guerre, affirment qu'Eva Braun est au centre de la vie du dictateur pendant ses douze ans au pouvoir.

En 1936, ils disent : «  Elle l'accompagnait toujours. Dès qu'il entendait la voix de sa bien-aimée, il devenait joyeux. Il plaisantait volontiers à propos de ses nouveaux chapeauxAprès ses journées de travail, ils passaient du temps ensemble à boire du champagne frais et du cognac, et à manger du chocolat et des fruits. » Le rapport d'enquête ajoute que lorsqu'Adolf Hitler était trop occupé pour lui consacrer du temps, « Eva était souvent en sanglots ». Heinz Linge affirme qu'avant la guerre, Adolf Hitler fait renforcer la surveillance de la maison d'Eva Braun à Munich, après que cette dernière ait rapporté à la Gestapo qu'une femme l'avait traitée de « putain du Führer ».

Adolf Hitler est réputé pour être opposé au maquillage, en partie car ils sont fabriqués à partir d'animaux ; il va même jusqu'à en parler lors des repas. Linge, qui est alors son valet, raconte qu'un jour, son employeur s'est moqué des traces de rouge à lèvres présentes sur la serviette de table d'Eva Braun, puis lui aurait dit en plaisantant « Bientôt, le rouge à lèvres sera fabriqué avec les corps des soldats morts. » En 1944, la sœur d'Eva Braun, Gretl, se marie avec un membre de l'entourage d'HitlerHermann Fegelein, général SS travaillant aux côtés d'Heinrich HimmlerAdolf Hitler se sert de ce mariage comme prétexte à l'accession d'Eva Braun à des fonctions officielles.

Mais en 1945, Hermann Fegelein est exécuté sur l’ordre de Hitler car il est trouvé portant sur lui des documents concernant un échange entre Juifs et camions militaires qu'aurait négocié Heinrich Himmler. Eva Braun ne serait alors pas intervenue en faveur de son beau-frère, quoi qu'en dise le film La chute. Début avril 1945, Eva Braun rejoint Hitler au Führerbunker, son bunker sous la nouvelle chancellerie, à Berlin. Lorsque l'armée soviétique conquiert Berlin, elle refuse de partir, par loyauté envers son compagnon. Ils se marient même le 29 avril 1945, au cours d'une brève cérémonie civile.

Certaines rumeurs affirment alors que lors de ce séjour dans le bunker, Eva Hitler était enceinte de son époux ; néanmoins, aucune preuve n'a jamais été fournie. Ils se suicident ensemble le 30 avril 1945, Eva absorbant une capsule de cyanure. Leurs corps sont aussitôt incinérés avec de l'essence, dans les jardins de la nouvelle chancellerie. Leurs restes sont rapidement découverts par les Russes, puis enterrés en secret dans l'enceinte du SMERSH à Magdeburg, auprès des corps de Joseph et Magda Goebbels et leurs six enfants.

Un détachement de femmes soldats soviétique se presse alors dans le bunker nouvelle chancellerie et est vue en sortant avec les fourrures, les sous-vêtements et le maquillage de la récente morte, n'ayant pas en Union soviétique ni dans les décombres de l'Allemagne des vêtements d'un tel luxe. Les deux corps sont exhumés en 1970, puis leur crémation est achevée, et leurs cendres dispersées dans l'Elbe. La famille d'Eva Braun survit à la guerre. Son père travaille alors dans un hôpital, après que sa fille lui ai envoyé, en avril 1945 plusieurs malles d'affaires personnelles. Sa mère, Franziska, meurt à l'âge de quatre-vingt-seize ans en janvier 1976, après avoir passé la fin de sa vie dans une vieille ferme de Ruhpolding, en Bavière.

Hitler Adolf

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Adolf Hitler (20 avril 1889 à Braunau am Inn , Autriche – 30 avril 1945 à Berlin) était un homme politique et chef d'État allemand.

Adolf Hitler

Adolf Hitler

Il est notamment connu en tant que fondateur du nazisme . Convaincu, selon ses propres écrits dans Mein Kampf , d'être désigné par le destin , il s'engage en politique fin 1918. Brillant orateur et propagandiste hors pair, il mobilise rapidement de nombreux partisans. Il adhère en 1919 au DAP, futur NSDAP (ou parti nazi). S'appuyant sur les revendications allemandes à l'issue de la Première Guerre mondiale (en dénonçant le Traité de Versailles ), puis sur les conséquences de la crise économique des années 1930 , il accède à la Chancellerie d'Allemagne le 30 janvier 1933.

En quelques mois, de janvier à juillet 1933 , la République de Weimar bascule dans la dictature et la terreur. À la fois Reichspräsident et Reichskanzler (Président et Chancelier du Reich) après le plébiscite du 19 août 1934 , il devient Reichsführer (Chef du Reich). Il viole le Traité de Versailles en réarmant l'Allemagne , en occupant et en annexant des territoires, avec la complicité passive des puissances européennes qui redoutent une nouvelle guerre. Sous ses ordres, l'armée allemande attaque la Pologne le 1er septembre 1939 , ce qui déclenche la Seconde Guerre mondiale .

Parallèlement à sa politique d'agression nationaliste, il met sur pied l'un des plus grands génocides de l'Histoire. Il ordonne ainsi l'élimination des handicapés, des Tziganes , des homosexuels , des franc-maçons , des communistes , des résistants , des multirécidivistes, des Témoins de Jéhovah , des asociaux, et, conformément à ce qu'il laisse entrevoir dans Mein Kampf , l'extermination systématique des Juifs. Principal instigateur de la «  Solution finale  », il est responsable de la mort d'environ 5 millions d'êtres humains dans les camps de concentration et les camps d'extermination , ainsi que lors des tueries de masse sur le front de l'Est par les Einsatzgruppen . Adolf Hitler naît le 20 avril 1889 dans l'auberge Gasthof zum Pommer , Vorstadt Nr. 219 , à Braunau am Inn , une petite ville de Haute-Autriche près de la frontière austro - allemande . Il est le quatrième des six enfants d' Alois Hitler et de Klara Pölzl . La plupart des enfants meurent en bas âge ; seule sa sœur cadette Paula († 1960 ) lui survivra.

Alois Hitler , le père d'Adolf, est douanier. Né hors mariage le 7 juin 1837 , Alois porte d'abord le nom de famille de sa mère, Maria Anna Schicklgruber , mais le 6 juin 1876 , il est légitimé et obtient un an plus tard le droit de porter le nom « Hitler ». Adolf n'utilisera jamais d'autre patronyme, et « Schicklgruber » ne resurgira que plus tard chez ses opposants politiques. L'arbre généalogique d'Adolf Hitler laisse cependant planer de fortes suspicions de consanguinité. L'incertitude relative à ses origines n'est pas sans conséquence. Ainsi après l' Anschluss en 1938 , il fera détruire Döllersheim , le village natal de son père, en le transformant en place de tir. L'enfance d'Adolf se passe sous la stricte discipline d'un père âgé, fonctionnaire retraité dès 1895 . Dans son ouvrage Am Anfang war Erziehung (traduit en français sous le titre C'est pour ton bien ), Alice Miller analyse les liens entre cette éducation répressive et la suite de la biographie de Hitler. Le 3 janvier 1903 , son père meurt, suivi le 21 décembre 1907 par sa mère qui succombe à un cancer du sein . Élève médiocre à partir de son entrée à la Realschule de Linz (lycée), Hitler refuse de suivre la voie paternelle. Mais il échoue par deux fois à l'examen d'entrée de l'Académie des Beaux-Arts de Vienne en 1907 et 1908 . Autodidacte, grand lecteur et admirateur de la musique de Richard Wagner , il développe un intérêt profond pour l' architecture .

Il enchaîne les petits boulots, vivant dans une misère constante durant cinq ans. Plus tard, dans Mein Kampf  il écrira : « Cinq années pendant lesquelles je dus, comme manœuvre d'abord, ensuite comme petit peintre, gagner ma subsistance, maigre subsistance, qui ne pouvait même pas apaiser ma faim chronique. Car la faim était alors le gardien fidèle qui ne m'abandonna jamais, la compagne qui partagea tout avec moi. Chaque livre que j'achetai eut sa participation ; une représentation à l'opéra me valait sa compagnie le jour suivant ; c'était une bataille continuelle avec mon amie impitoyable. J'ai appris cependant alors comme jamais avant. Hors mon architecture, hors les rares visites à l'Opéra, fruit de mes jeûnes, je n'avais d'autre joie que des livres toujours plus nombreux. » Adolf Hitler assiste aux séances du Parlement autrichien, il écrira plus tard son mépris pour la démocratie et le parlementarisme . Il étudie les thèses pangermanistes et observe l'influence de la politique sur les masses. Au printemps 1913 , pour éviter son enrôlement dans l'armée de l' Empire austro-hongrois , État multiethnique qu'il exècre, il s'enfuit à Munich et vit en vendant ses peintures de paysages. Sa tentative d'échapper à la conscription est remarquée, mais, après avoir été refusé lors d'un examen médical à son retour en Autriche (pour constitution « trop faible »), il retourne à Munich . En 1914 , exalté par l'entrée en guerre de l' Allemagne , Hitler s'engage comme volontaire. Il se bat sur le front ouest dans le 16e régiment d'infanterie bavarois . Soldat enthousiaste, il est apprécié de ses pairs et supérieurs, qui lui refusent toutefois un avancement, jugeant qu'il ne possède pas les qualités d'un chef. Il remplit pendant presque toute la durée de la guerre la mission d' estafette entre les officiers.

Fin septembre 1916 , sa division part pour la bataille de la Somme . Hitler est blessé une première fois à la cuisse, le 7 octobre. Il rentre se faire soigner en Allemagne, à l'hôpital de Beelitz, près de Berlin . Après une affectation à Munich , il revient sur le front des Flandres. Dans la nuit du 13 au 14 octobre 1918 , sur une colline du sud de Werwick, près d' Ypres ( Belgique ), son unité subit un bombardement britannique au gaz moutarde . Touché aux yeux, il est évacué vers l'hôpital de Pasewalk , en Poméranie . Hitler est décoré de la Croix de fer 1 re classe (distinction rarement accordée à un soldat engagé mais facilement octroyée à une estafette , du fait de ses contacts avec les officiers) pour avoir accompli le dangereux transport d'une dépêche. Ironiquement, cette décoration lui est remise sur recommandation d'un officier juif. Alors que l'Allemagne est sur le point de capituler, la révolution gagne Berlin et la Kaiserliche Marine se mutine. Le Kaiser Guillaume II abdique et part pour les Pays-Bas avec sa famille. Le socialiste Philipp Scheidemann proclame la République. Deux jours plus tard, le nouveau pouvoir signe l' armistice . De son lit d'hôpital, Hitler est anéanti par cette annonce. Il affirme dans Mein Kampf y avoir eu une vision patriotique. À sa sortie d'hôpital en novembre 1918 , il retourne dans son régiment de Munich . Plus tard, il écrira que la guerre avait été « le temps le plus inoubliable et le plus sublime ».

La Bavière est alors entre les mains d'un gouvernement révolutionnaire, la Räterepublik (« République des conseils ») ; sa caserne est dirigée par un Soviet (« conseil »). Dégoûté, Hitler quitte Munich pour Traunstein . Cependant, en 1919 , alors que le pouvoir est hésitant entre communistes du KPD et sociaux-démocrates du SPD , Hitler se fait élire délégué de sa caserne, une première fois lorsque le pouvoir en Bavière est aux mains du SPD, puis une seconde fois en tant que délégué adjoint sous l'éphémère régime communiste (avril-mai 1919), juste avant la prise de contrôle de Munich par les troupes. Hitler n'a pas, pour autant adhéré à ces partis, et il probable que les soldats connaissaient ses opinions politiques nationalistes réelles. Dans Mein Kampf , Hitler donne de cet épisode un récit plutôt elliptique, mais assez clair quant à sa vision du monde : « En mars 1919 , nous étions de retour à Munich . La situation était intenable et poussait à la continuation de la révolution. La mort d' Eisner ne fit qu'accélérer l'évolution et conduisit finalement à la dictature des soviets , pour mieux dire, à une souveraineté passagère des Juifs, ce qui avait été originairement le but des promoteurs de la révolution et l'idéal dont ils se berçaient.

Au cours de cette nouvelle révolution de soviets, je me démasquai pour la première fois de telle façon que je m'attirai le mauvais oeil du soviet central. Le 27 avril 1919 , je devais être arrêté, mais les trois gaillards n'eurent point le courage nécessaire en présence du fusil braqué sur eux et s'en retournèrent comme ils étaient venus. Quelques jours après la délivrance de Munich , je fus désigné pour faire partie de la Commission chargée de l'enquête sur les événements révolutionnaires dans le 2e régiment d'infanterie. Ce fut ma première fonction active à caractère politique. » Hitler reste dans l'armée jusqu'au 31 mars 1921 et est chargé de surveiller un groupuscule politique, le Parti ouvrier allemand ( Deutsche Arbeiterpartei , DAP). Remarqué lors de l'une de ses interventions, il finit par y adhérer, et le transforme en NSDAP Nationalsozialistische Deutsche Arbeiterpartei (« Parti National Socialiste des Travailleurs Allemands »). En avril 1921 , il devient le chef du parti. Du fait de ses talents d'organisateur et d'orateur, le parti gagne rapidement en popularité.

Les 8 et 9 novembre 1923 , il conduit le coup d'État avorté connu comme le Putsch de la brasserie . Le NSDAP est aussitôt interdit. Arrêté, Hitler est accusé de conspiration contre l'État et condamné pour « haute trahison » le 1 er avril 1924 à cinq ans de réclusion criminelle, qu'il purge à la prison de Landsberg am Lech . Pendant sa détention, il écrit Mein Kampf ( Mon combat ), autobiographie et manifeste politique. Après seulement 13 mois de détention et malgré l'opposition déterminée du procureur Stenglein , il bénéfice d'une libération anticipée le 20 décembre 1924.Craignant d'être expulsé vers l' Autriche , Hitler renonce à la nationalité autrichienne le 30 avril 1925 . Devenu apatride , et bien qu'il soit interdit de parole en public jusqu'au 5 mars 1927 , il reconstruit son parti et retrouve une certaine popularité. C'est de cette époque que date l'entrée en scène de Joseph Goebbels , l'un de ses plus fidèles soutiens. En 1928 , le NSDAP semble pourtant marquer le pas et peine à remonter la pente : seuls 2,6% des votants lui accordent leur confiance aux élections législatives du 28 mai .

Mais l'instabilité politique (décès de Gustav Stresemann, chute du chancelier Hermann Müller , remplacé par le gouvernement conservateur et autoritaire de Brüning du Zentrum ) et surtout les conséquences catastrophiques de la crise de 1929 sur l'économie allemande très dépendante des États-Unis , apportent au NSDAP un succès foudroyant et imprévu aux élections du 14 septembre 1930  : avec 18,3% des voix et 107 sièges, le parti nazi devient le second du Reichstag ). Le septennat du président Hindenburg se terminant le 5 mai 1932 , la droite et le Zentrum , afin d'éviter de nouvelles élections, proposent de renouveler tacitement le mandat présidentiel. L'accord des Nazis étant nécessaire, Hitler exige la démission du chancelier Brüning et de nouvelles élections parlementaires. Hindenburg refuse. Le 22 février 1932 , Joseph Goebbels annonce la candidature d'Adolf Hitler à la Présidence de la République. Le 26 février , Hitler est opportunément nommé Regierungsrat , fonctionnaire d'État, ce qui lui confére automatiquement la nationalité allemande.

Après une campagne électorale sans précédent sur le plan de la propagande , Hitler obtient 30,1% des voix au premier tour le 13 mars 1932 et 36,8% au second tour en avril. Hindenburg est réélu. Lors des scrutins régionaux qui suivent l'élection présidentielle le NSDAP renforce ses positions. En 1932 , la situation se dégrade sur les plans économique et social (plus de 6 millions de chômeurs à la fin de l'année). L'agitation et l'insécurité politique sont à leur comble. Le gouvernement est incapable de réunir une majorité. Engagé dans un bras de fer avec Hitler, le président Hindenburg refuse toujours de le nommer chancelier . Toutes les tentatives de conciliations échouent. Même la baisse de popularité du NSDAP aux élections de novembre n'entame en rien sa détermination. Hitler est nommé à la Chancellerie de la République de Weimar le 30 janvier 1933 , avec le soutien de la droite organisé par l'ancien Chancelier Franz von Papen avec l'implication du Parti populaire national allemand . Le DNVP est dirigé par le magnat nationaliste de la presse Alfred Hugenberg , qui espère être ainsi avec Papen en mesure de contrôler le nouveau chancelier. Cependant le DNVP ne représente que 8 % des voix alors que les nazis en ont 33,1 %. Hitler obtient le soutien de l'armée, déborde ses partenaires, et met en route la Gleichschaltung (la « Mise au pas ») de l' Allemagne . L'incendie du Reichstag , le 27 février , lui permet de limiter les libertés civiles et d'éliminer ses opposants politiques, notamment les députés communistes du KPD, malgré l'illégalité de leur arrestation.

Le NSDAP remporte les élections du 5 mars 1933 avec 43,9 % des suffrages. Le 23 mars , le Reichstag vote la Loi des pleins pouvoirs ( Ermächtigungsgesetz ) accordant à Hitler les pouvoirs spéciaux pour quatre ans. C'est le début du durcissement du régime : les syndicats et partis politiques sont progressivement dissous à partir du mois de mai. Le 14 juillet , le NSDAP devient parti unique. Le 30 juin 1934 , durant la Nuit des longs couteaux , fort du soutien bienveillant de l'armée, le Chancelier fait assassiner plusieurs de ses partisans et de ses anciens ennemis politiques. Parmi eux Gregor Strasser et Ernst Röhm , chef de la SA. La mort du président Hindenburg le 2 août marque la fin de la République de Weimar . En vertu de la Constitution, le Chancelier exerce temporairement les pouvoirs du président défunt. Le même jour, le Reichstag vote une loi de fusion des deux fonctions en une seule : Hitler devient Führer und Reichskanzler. La popularité du Führer provient notamment de son opposition au Diktat de Versailles , des succès diplomatiques et des succès économiques obtenus (notamment une importante réduction du chômage) par sa politique de réarmement. Encore qu'il ne faille pas oublier ni les conditions sociales et politiques dans lesquelles les améliorations économiques ont été obtenues, ni les pénibles situations de pénurie alimentaire et le manque de devises dès 1935 . L'adhésion des Allemands à sa politique (et plus encore à sa personne) fut importante, surtout au début. Le 2 janvier 1939 , il est élu Homme de l'année 1938 par le Time Magazine.

La diplomatie du Troisième Reich est essentiellement conçue et dirigée par Hitler en personne. Ses ministres des Affaires étrangères successifs ( Konstantin von Neurath puis Joachim von Ribbentrop ) relayent ses directives sans faire preuve d'initiatives personnelles. La diplomatie hitlérienne, par son jeu d'alliances, d'audaces, de menaces et de duperies, est un rouage essentiel des buts stratégiques que poursuit le Führer. En octobre 1933 , Hitler retire l'Allemagne de la Société des Nations et de la Conférence de Genève sur le désarmement, tout en prononçant des discours pacifistes. Sur la lancée, il obtient le rattachement de la Sarre à l'Allemagne par un plébiscite, le 13 janvier 1935 , avec 90,8% de oui. En 1935 , Hitler viole le Traité de Versailles , qui était destiné entre autres à empêcher l'Allemagne de rester une puissance militaire, en rétablissant la conscription et en lançant un programme de réarmement massif, créant notamment des forces navales ( Kriegsmarine ) et aériennes ( Luftwaffe ). En juin 1935 , Londres et Berlin signent un accord naval, qui autorise le Reich à devenir une puissance maritime. En mars 1936 , Hitler ordonne la remilitarisation de la Rhénanie , violant une nouvelle fois une clause du Traité de Versailles . C'est un coup de bluff : Hitler a donné comme consignes à ses troupes de se retirer en cas de riposte de l'armée française. Cependant, bien que l'armée allemande, à ce moment-là soit bien plus faible que ses adversaires, ni les Français ni les Anglais ne jugent utile de s'opposer à la remilitarisation. Le succès est éclatant pour Hitler.


Adolf Hitler et Rudolf Hess

Adolf Hitler et Rudolf Hess

 

En juillet 1936 , Hitler apporte son soutien aux insurgés nationalistes du général Franco lors de la Guerre d'Espagne . Il fait parvenir des avions de transports pour permettre aux troupes coloniales du Maroc espagnol de franchir le détroit de Gibraltar, lors des premiers jours cruciaux de l'insurrection. Tout comme Mussolini, il envoie ensuite du matériel militaire, ainsi qu'un corps expéditionnaire, la Légion Condor, qui permettra de tester les nouvelles techniques guerrières, notamment les bombardements aériens sur les populations civiles, à Guernica en 1937. L'Allemagne nazie et l' Italie fasciste (initiallement hostile sur un sujet comme l' Anschluss ) se rapprochent, une relation décrite par Benito Mussolini comme l' Axe Rome-Berlin , lors de la signature du traité d'amitié d'octobre 1936 . Ce rapprochement a été accéléré par l'éviction de l'Italie de la Société des Nations , suite à son agression contre l'Ethiopie . En mai 1939 , les deux pays signent un traité d'alliance militaire, le Pacte d'Acier. En novembre 1936 , l'Allemagne et le Japon signent le Pacte anti-Komintern , traité d'assistance mutuelle contre une éventuelle agression de l'URSS, auquel se joint l'Italie en 1937 . En septembre 1940 , la signature du Pacte tripartite entre le Troisième Reich, l'Italie et l'Empire du Japon, formalise la coopération entre les puissances de l'Axe pour établir un « nouvel ordre ». Ce pacte oblige l'Allemagne à déclarer la guerre aux États-Unis après l' attaque japonaise sur Pearl Harbor .

Afin de réaliser l' Anschluss , rattachement de l' Autriche au Troisième Reich interdit par le Traité de Versailles, Hitler s'appuie sur l'organisation nazie locale. Celle-ci tente de déstabiliser le pouvoir autrichien, notamment par des actes terroristes. Un coup d'État échoue en juin 1934 , malgré l'assassinat du chancelier Engelbert Dollfuss . L'Italie a avancé ses troupes dans les Alpes pour contrer les velléités expansionnistes allemandes, et les nazis autrichiens sont sévérement réprimés par un régime autrichien de type fasciste. Début 1938 , l'Allemagne est davantage en position de force et est alliée avec l'Italie. Hitler exerce alors des pressions sur le chancelier autrichien Kurt von Schuschnigg , lui sommant, lors d'une entrevue à Berchtesgaden en février, de faire entrer des nazis dans son gouvernement, dont Arthur Seyss-Inquart au ministère de l'Intérieur. Devant la menace croissante des nazis, Schuschnigg annonce en mars l'organisation d'un referendum pour confirmer l'indépendance de l'Autriche. Hitler lance alors un ultimatum exigeant la remise complète du pouvoir aux nazis autrichiens. Le 12 mars, Seyss-Inquart est nommé chancelier, et la Wehrmacht entre en Autriche. Le lendemain, l'Autriche est officiellement rattachée au Reich, ce qui est approuvé par referendum (99% de oui) en avril 1938 .

Le Grossdeutschland (« Grande Allemagne ») était ainsi créé, avec la réunion des deux États à population germanophone. Poursuivant ses objectifs pangermanistes , Hitler menace ensuite la Tchécoslovaquie . Les régions de la Bohème et de la Moravie situées le long des frontières du Grossdeutschland , appelé Sudètes , sont majoritairement peuplées par la minorité allemande de Tchécoslovaquie.  Comme pour l'Autriche, Hitler affirme ses revendications en s'appuyant sur les agitations de l'organisation nazie locale, menée par Konrad Henlein . Le Führer évoque le « droit des peuples » pour exiger de Prague l'annexion au Reich des Sudètes. Bien qu'alliée à la France (et à l' URSS ), la Tchécoslovaquie ne peut compter sur son soutien. Paris veut absolument éviter le conflit militaire, incitée en cela par le refus britannique de participer à une éventuelle intervention. Le souvenir de la Grande Guerre influence également cette attitude : si les Allemands ont développé le désir de revanche, les Français entretiennent quand à eux une ambiance générale résolument pacifiste.

Le 29 septembre 1938 , réunis dans la capitale bavaroise, Adolf Hitler, le président du Conseil français Édouard Daladier, le Premier ministre britannique Neville Chamberlain et le Duce italien Benito Mussolini , signent les accords de Munich . La France et le Royaume-Uni acceptent que l'Allemagne annexe les Sudètes , pour éviter la guerre. En échange, Hitler, manipulateur, assure que les revendications territoriales du Troisième Reich cesseront. Le lendemain, la Tchécoslovaquie , qui avait commencé à mobiliser ses troupes, est obligée de s'incliner. Parallèlement, le Troisième Reich autorise la Pologne et la Hongrie à s'emparer respectivement de la ville de Teschen et du sud de la Slovaquie . Alors que les opinions publiques françaises et britanniques sont enthousiastes, Winston Churchill commente : « Entre le déshonneur et la guerre, vous avez choisi le déshonneur. Et vous allez avoir la guerre. » De fait, Hitler rompt sa promesse quelques mois plus tard.

En mars 1939 , Hitler, lors d'une entrevue à Berlin avec le président tchécoslovaque Emil Hácha (remplacant le président démissionnaire Edvard Beneš ), menace de bombarder Prague si la Bohème et la Moravie ne sont pas incorporées au Reich. Le 15 mars, Hácha cède, et l'armée allemande entre à Prague le lendemain. La Bohème et la Moravie deviennent un protectorat du Reich, dirigé par Konstantin von Neurath à partir de novembre 1939. La Slovaquie proclame son indépendance ; son leader, Jozef Tiso place son pays sous l'orbite allemande. En mettant la main sur la Bohème-Moravie , le Reich dispose par la même occasion d'une importante industrie sidérurgique et notamment des usines Škoda , qui permettent de construire des chars d'assaut. Après l'Autriche et la Tchécoslovaquie , vient le tour de la Pologne . Coincée entre deux nations hostiles, la Pologne de Józef Pilsudski a signé avec le Reich un traité de non-agression en janvier 1934 , pensant ainsi se prémunir contre l' URSS . L'influence de la France, allié traditionnel de la Pologne, en Europe centrale a ainsi considérablement diminué, tendance qui s'est confirmée ensuite avec le démembrement de la Tchécoslovaquie et la désagrégation de la Petite Entente (Prague, Bucarest , Belgrade ), alliance placée sous le patronnage de Paris.

Au printemps 1939 , Hitler revendique l'annexion de la Ville libre de Dantzig . En mars, l'Allemagne a déjà annexé la ville de Memel , possession de la Lituanie . Ensuite, Hitler revendique directement le corridor de Dantzig , territoire polonais perdu par l'Allemagne avec le Traité de Versailles en 1919 . Cette région donne à la Pologne un accès à la mer Baltique et sépare la Prusse orientale du reste du Reich. Le 23 août 1939 , Ribbentrop et Molotov , ministres des Affaires Étrangères de l'Allemagne et l' URSS signent un pacte de non-agression . Ce pacte est un nouveau revers pour la diplomatie française . En mai 1935 , le gouvernement de Pierre Laval avait signé avec l'URSS un traité d'assistance mutuelle , ce qui eut pour conséquence de refroidir les relations de la France avec la Pologne, mais aussi avec les Tories au pouvoir à Londres. Avec le pacte de non-agression germano-soviétique, la France ne peut plus compter sur l'URSS pour menacer une Allemagne expansionniste. En outre, la Pologne est prise en tenaille. L'Allemagne et l'URSS ont convenu d'un partage de leurs zones d'influence : Pologne occidentale pour la première, Pologne orientale ( Polésie , Volhynie , Galicie orientale) et Pays baltes pour la seconde.

Le 30 août 1939 , Hitler lance un ultimatum pour la restitution du corridor de Dantzig . La Pologne refuse. Cette fois-ci, la France et le Royaume-Uni sont décidés à soutenir le pays agressé. C'est le début de la Seconde Guerre mondiale. Une fois la France vaincue en 1940 , Hitler sattellise les pays d'Europe centrale : Slovaquie , Hongrie , Roumanie , Bulgarie . Hitler obtient l'adhésion de la Hongrie et de la Bulgarie, ancien vaincus de la Première Guerre mondiale, en leur offrant respectivement la moitié de la Transylvanie et la Dobroudja , cédées par la Roumanie, où le général pro-hitlérien Ion Antonescu prend le pouvoir en septembre 1940. À partir de juin 1941, Hitler entraîne la Slovaquie, la Hongrie, et la Roumanie dans la guerre contre l'URSS, ainsi que la Finlande , qui y voit une occasion de réparer les torts de la guerre russo-finlandaise . Cependant, Hitler échoue en ce qui concerne l' Espagne franquiste . Comptant sur la reconnaissance du Caudillo qui a gagné la guerre civile espagnole en grande partie grâce à son soutien, il le rencontre à Hendaye le 23 octobre 1940. Hitler espère notamment pouvoir obtenir l'autorisation de Franco pour conquérir Gibraltar et couper les voies de communications anglaises en Méditerranée. Les contreparties exigées par Franco (notamment des compensations territoriales en Afrique du Nord française), dont le pays est par ailleurs ruiné, sont irréalisables pour Hitler, qui souhaite ménager quelque peu le régime de Vichy pour l'amener sur la voie de la collaboration . Celle-ci sera d'ailleurs officialisée le lendemain par Pétain lors de son entrevue avec le Führer à Montoire .

En novembre 1941 , le Grand Mufti de Jérusalem, Amin al-Husseini , rencontre Adolf Hitler et Heinrich Himmler , souhaitant les amener à soutenir la cause nationaliste arabe. Il obtient d'Hitler la promesse « qu'une fois que la guerre contre la Russie et l'Angleterre sera gagnée, l'Allemagne pourra se concentrer sur l'objectif de détruire l'élément juif demeurant dans la sphère arabe sous la protection britannique». Amin al-Husseini relaie la propagande nazie en Palestine et dans le monde arabe et participe au recrutement de combattants musulmans, concrétisé par la création des divisions de Waffen SS Handschar , Kama et Skanderberg , majoritairement formées de musulmans des Balkans. Ce soutien des nazis au Grand Mufti de Jérusalem est contradictoire avec la politique antisémite dans les années 1930, qui a pour conséquence l'émigration d'une grande partie des juifs allemands vers la Palestine . Quant au Grand Mufti, sa stratégie est guidée par le principe selon lequel l'ennemi de ses ennemis (en l'occurence les Anglais et les juifs) doit être son allié.

Du point de vue hitlérien, il s'agit essentiellement d'ébranler les positions de l'empire britannique au Moyen-Orient devant l'avancée de l' Afrikakorps et de permettre le recrutement d'auxiliaires, notamment pour lutter contre les partisans, alors que l'hémorragie de l'armée allemande devient problématique. Hitler a eu de « brillantes » intuitions, lors de la première phase de la Seconde Guerre mondiale . La Wehrmacht applique la Blitzkrieg (guerre éclair, impliquant un emploi massif et concentré des bombardiers et des blindés), qui lui permet d'occuper successivement :
 

  • la Pologne ( septembre 1939 ),
  • le Danemark ( avril 1940 ),
  • la Norvège (avril- mai 1940 ),
  • les Pays-Bas,
  • le Luxembourg et la Belgique (mai 1940),
  • la France (mai- juin 1940 ),
  • la Yougoslavie ( avril 1941 )
  • et la Grèce (avril- mai 1941 ).


Six de ces pays (Danemark, Norvège, Pays-Bas, Luxembourg, Belgique, Yougoslavie), neutres, sont attaqués par surprise. Hitler a souvent exprimé à ses proches collaborateurs son sentiment selon lequel les traités diplomatiques ou de non-agression qu'il signait au nom de l'Allemagne n'était, pour lui, que des papiers sans réelle valeur, uniquement destinés à endormir la méfiance adverse. Autodidacte en matière de culture militaire, Hitler juge que les généraux de la vieille école dominant la Wehrmacht , souvent issus de l'aristocratie prussienne (généralement méprisée par les nazis qui se considèrent révolutionnaires), sont dépassés par les conceptions de la guerre moderne ( Blitzkrieg , guerre psychologique) et sont d'un tempérament trop prudent. Les succès militaires sont avant tout ceux de jeunes généraux talentueux tels que Heinz Guderian ou Erwin Rommel , qui savent faire preuve d'audace, d'initiatives et ont une conception de la guerre plus novatrice que leurs adversaires.

Toutefois, Hitler lui-même démontre une certaine habileté et audace stratégique. Il est ainsi persuadé que la France ne bougera pas pendant que la Pologne sera envahie, évitant à l'Allemagne de combattre sur deux fronts, ce qui est effectivement le scénario de la drôle de guerre . Il est également en grande partie à l'origine du plan dit " von Manstein ", qui permet, en envahissant la Belgique et la Hollande, de piéger les forces franco-britanniques projetées trop en avant et de les prendre à revers par une percée dans les Ardennes dégarnies, pour isoler le meilleur des troupes adverses acculées à Dunkerque en mai - juin 1940 . Cependant, Hitler ordonne à ses troupes de marquer un arrêt devant le port d'où rembarquent les troupes anglaises, ordre qualifié plus tard de " miracle de Dunkerque ".

La défaite de la France en juin 1940, est l'occasion pour Hitler de profiter d'un véritable triomphe, acclamé par une foule massive à son retour à Berlin. Avant l'invasion de la Russie un an plus tard, l'Allemagne hitlérienne domine l'Europe, occupant la Bohême - Moravie , la Pologne , le Danemark , la Norvège , les Pays-Bas , la Belgique , le Luxembourg , la France , la Yougoslavie et la Grèce. Avec ses succès militaires et la disparition de l'influence française en Europe centrale, la Slovaquie , la Hongrie , la Roumanie (et ses champs de pétrole, obsession continuelle de Hitler durant la guerre) et la Bulgarie , en adhérant au Pacte tripartite au cours de l'année 1940 , tombent dans l'orbite de l'Allemagne, mettant à sa disposition des bases pour de futures actions. Entre juin 1940 et juin 1941 , le seul adversaire de l'Allemagne nazie est le Royaume-Uni appuyé par le Commonwealth . Hitler, plutôt enclin à des relations cordiales avec les Anglais, espère que le gouvernement britannique finira par négocier la paix et ne plus intervenir sur le continent. Hitler compte sur l'action de la Luftwaffe , puis les attaques des sous-marins contre les convois de marchandises ( bataille de l'Atlantique ), pour faire plier le Royaume-Uni.

Mais sur ce point, la détermination de Winston Churchill , qui contraste avec les atermoiements de ses prédecesseurs, contrarie les plans du Führer . Par ailleurs, la guerre sous-marine à outrance rapproche le Royaume-Uni des États-Unis, soucieux de la liberté de commerce et de navigation. Hitler s'avére aussi et surtout être un commandant en chef brouillon et imprévisible, dédaigneux de l'opinion de son état-major. Il peut compter sur la très grande servilité de celui-ci, et en premier lieu du chef de l' OKW (haut commandement des forces armées), Wilhelm Keitel. Chez Hitler, un manque fréquent de réalisme se double souvent d'impairs stratégiques. Sa première grosse erreur a sans doute été d'ouvrir un deuxième front, en envahissant l'immense URSS sans avoir terminé la guerre contre le Royaume-Uni . Persuadé d'avoir une tâche monumentale qu'il aura du mal à réaliser en une seule vie, il souhaite attaquer l'URSS, adversaire principal et doctrinal, dans des délais rapides. En outre, le Führer est inconscient de bien des problèmes du front. Accueillant très mal les mauvaises nouvelles ou qui ne correspondent pas à ses plans, ses subordonnés hésitent à les lui transmettre.

Au lancement de l'opération Barbarossa contre l' URSS en juin 1941, Hitler, considérant que l' Armée rouge s'écroulera rapidement, envisage d'atteindre avant la fin de l'année une ligne Arkhangelsk - Astrakhan . Il divise son armée en trois groupes :
 


À ce dispositif s'ajoutent les alliés finlandais au Nord, hongrois et roumains au Sud, ces derniers étant considérés comme peu fiables par Hitler et son état-major. En août 1941, Hitler donne la priorité à la conquète de l'Ukraine, objectif économique avec ses terres céréalières et ses mines, par le GAS. Ce faisant, il oblige le GAC à stopper, alors qu'il était parvenu à 300 kilomètres de Moscou et qu'il avait déjà parcouru plus du double en un mois. L'offensive sur ce secteur reprend en octobre, mais ce contretemps fait intervenir un adversaire redoutable : l'hiver russe. Hitler a négligé ce facteur autant qu'il a sous-estimé, du fait de sa haine des Slaves et du communisme, la qualité des troupes soviétiques. L'arrivée de troupes fraîches de Sibérie leur permet de dégager Moscou et de faire reculer les Allemands, mal préparés aux dures conditions climatiques. La Wehrmacht a alors perdu 700 000 hommes (tués, blessés, prisonniers), soit un quart de son effectif sur ce front. En décembre 1941, après l'échec des Allemands devant Moscou , Hitler prend directement le commandement de la Wehrmacht sur le front russe, évinçant le général von Brauchitsch . Pendant l'offensive d'été en Russie du Sud en 1942 , il répète l'erreur de l'année précédente en divisant un groupe d'armée en deux, le rendant ainsi plus vulnérable. Le groupe A se dirige vers le Caucase et ses champs de pétrole , le groupe B se dirige vers Stalingrad .

Jusqu'à la débâcle de 1945, Hitler ordonne continuellement à ses troupes, sur quelque front que ce soit, de ne pas reculer, en dépit des rapports de force largement en faveur des Soviétiques ou des Alliés, ou des conditions du terrain, qu'il ne constate jamais sur place. Cette attitude est particulièrement flagrante lors de la bataille de Stalingrad , quand il refuse à l'armée encerclée de Paulus la permission d'opérer une retraite. De nouveau, il refuse d'évacuer l'Afrique du Nord, prise en tenaille par les Américains et les Anglais, malgré les conseils de Rommel lors de la campagne de Tunisie en février - mai 1943 . Ces deux refus de retraiter coûte à chaque fois environ 250 000 tués ou prisonniers à l'armée allemande. Lors de la bataille de Normandie , Hitler retarde l'envoi de Panzerdivisionen pour rejeter les forces alliées, pensant que l' opération Overlord est une diversion et que le vrai débarquement doit avoir lieu dans le Pas-de-Calais , ce qui était d'ailleurs l'objectif de l' opération Fortitude , intoxication des services secrets alliés.

En août 1944 , il ordonne au général von Kluge d'effectuer une contre-attaque à Mortain pour sectionner la percée des troupes américaines à Avranches . Cependant, les troupes allemandes engagées dans cette opération ne peuvent avancer jusqu'à leurs objectifs en raison des bombardements alliés massifs, et elles sont prises dans une nasse refermée par Patton et Montgomery , dans la poche de Falaise où 50 000 Allemands sont fait prisonniers. Paris est libérée quelques jours plus tard, intacte, bien que le Führer eut ordonné sa destruction. La capitale de la Pologne n'a pas la même chance, car après l' insurrection de Varsovie , en août- septembre 1944 , plus du tiers de la ville est rasée sur ordre personnel d'Hitler. Hitler a échappé à plusieurs tentatives d'assassinat. En novembre 1939, il a évité en prenant le train une bombe placée dans son avion par Johann Georg Elser . Au fur et à mesure que l'issue de la guerre se précisait dans le sens d'une défaite, plusieurs gradés militaires ont comploté avec des civils pour éliminer Hitler. Bien que les Alliés aient exprimé le choix d'une reddition sans condition lors de la conférence d'Anfa , en janvier 1943 , les conjurés espèrent renverser le régime afin de négocier un règlement politique du conflit.

Parmi eux, l'amiral Wilhelm Canaris , chef de l' Abwehr (services secrets), Karl Gördeler , l'ancien maire de Leipzig, ou encore le général Ludwig Beck . Ce dernier, après la défaite de Stalingrad, met en marche le complot sous le nom d' opération Flash , mais la bombe placée le 13 mars 1943 dans l'avion de Hitler, en visite sur le front de l'Est , n'explose pas. Le 20 juillet 1944 , à la Wolfsschanze , Hitler est blessé dans un attentat lors d'une tentative de coup d'État d'officiers organisée par Claus Schenk von Stauffenberg , qui est durement réprimée. Compromis, les maréchaux Erwin Rommel et Günther von Kluge sont obligés de se suicider, tandis que l'amiral Canaris, est envoyé dans un camp de concentration. Les ordres de Hitler à ses troupes deviennent de plus en plus irréalistes compte tenu de l'écrasante supériorité de l' Armée rouge et des Alliés . Les réunions entre Hitler et son chef d'état-major (depuis juillet 1944) Heinz Guderian sont de plus houleuses, et ce dernier fini par être renvoyé le 28 mars. Devant ses proches, Hitler déclare que les "armes miracles" (dont les V1 , V2 et les premiers chasseurs à réaction Messerschmitt Me 262 ) vont renverser la situation, ou que les Alliés arrêteront de combattre le Troisième Reich pour s'attaquer à l' URSS .

Dans les derniers mois du conflit, Hitler, dont la santé décline rapidement, n'apparait plus en public et reste la plupart du temps à Berlin. C'est Joseph Goebbels , le chef de la propagande , par ailleurs commissaire à la défense de Berlin et responsable de la Volksturm , qui se charge d'exhorter les troupes et les foules. Convaincu que l'Allemagne ne pourra survivre à une défaite devenue inéluctable, Hitler ordonne le 19 mars 1945 la destruction des industries, des installations militaires, des magasins, des moyens de transport et de communications. Cet ordre ne sera pas respecté. Albert Speer , ministre de l'armement et architecte du Reich, a prétendu devant le tribunal de Nuremberg qu'il avait pris les mesures nécessaires pour que les directives de Hitler ne soient pas accomplies par les gauleiters. Le 30 avril 1945 , alors que l' Armée rouge encercle Berlin, Adolf Hitler se suicide en compagnie d'Eva Braun qu'il venait d'épouser, dans le Führerbunker . Dans son testament politique, il écarte Hermann Göring et Heinrich Himmler , qu'il accuse de trahison. Le premier est accusé d'avoir tenté de le renverser et le second d'avoir négocié en secret avec les Alliés. Il désigne l'amiral Karl Dönitz comme successeur. Son corps est incinéré par son chauffeur Erich Kempka et son aide de camp Otto Günsche , dans un cratère de bombe près du bunker.

Hitler et les Juifs

Hitler avait présenté ses thèses raciales et antisémites dans son livre Mein Kampf ( Mon combat ), rédigé en 1924 , lors de son incarcération dans la forteresse de Landsberg, après son putsch raté de Munich . Si son succès fut modeste dans un premier temps, il fut tiré à plus de 10 millions d'exemplaires traduits en seize langues jusqu'en 1945, référence de l'orthodoxie nazie du Troisième Reich. Dans ce livre, Hitler expose ses théories racistes, impliquant une inégalité et une hiérarchie des « races », et son aversion particulière envers les Slaves , les Tsiganes , et surtout les Juifs . Présentés comme des « races inférieures », ils sont qualifiées d' Untermenschen (sous-hommes). Dans la fantasmagorie hitlérienne, les juifs sont une « race » de « parasites » ou de « vermine » dont il faut débarasser l'Allemagne. Il les rend responsables de l'effondrement de l'arrière et de la défaite allemande en 1918 , ainsi que de la décadence culturelle, physique, sociale, de la prétendue civilisation aryenne. Mein Kampf recycle donc la thèse du complot juif déjà développée dans les Protocoles des Sages de Sion . Hitler puise son antisémitisme et ses théories raciales dans des idéologies de son temps. À Vienne , durant sa jeunesse, les juifs, bien intégrés dans l'élite, sont souvent accusés de la décomposition de l'empire d' Autriche-Hongrie .

La haine des juifs est exacerbée par la défaite de la Première Guerre mondiale . Concernant ses idées sur les races humaines, Hitler les tient du livre Die Grundlagen des neunzehnten Jahrhunderts (« Génèse du dix-neuvième siècle », 1899) du théoricien britannique d'expression allemande Houston Stewart Chamberlain , dont les thèses reprenaient elles-mêmes celles de l' Essai sur l'inégalité des races humaines (1853) du racialiste français Gobineau  ; il s'inspire également du darwinisme social de Herbert Spencer tel que le prônait la Deutsche Monistbund (« Ligue moniste allemande ») fondée par Ernst Haeckel. Hitler reprend aussi dans Mein Kampf les vieilles doctrines pangermanistes de création d'un « espace vital » allemand ( Lebensraum ) en Europe de l'Est. Selon cette doctrine, les territoires habités par des Allemands doivent être unifiés. Puis, ils doivent être élargis, car trop étroits par rapport aux besoins matériels de leurs populations, et dans une position stratégique inconfortable entre des puissances hostiles à l'ouest et à l'est. Hitler cible également deux adversaires fondamentaux : les communistes et la France, considérée comme dégénérescente (car métissée de juifs et de noirs des colonies), et contre qui l'Allemagne doit se venger de l'humiliant Traité de Versailles .

Adolf Hitler fut obsédé par l'idée fallacieuse de pureté d'une prétendue « race » aryenne, la « race » supérieure dont les Allemands étaient censés être les meilleures représentants, tout comme les autres peuples nordiques (Norvégiens, Danois, Suédois). La notion de « race » aryenne devait être présentée comme une donnée scientifique, et des recherches anthropologiques ou des cours d'université furent menés dans ce sens (Himmler créa un institut scientifique, l' Ahnenerbe ). En fait, les Aryens étaient un groupe de peuplades nomades vivant en Asie Centrale au IIIème millénaire av. JC et sans liens avec les Allemands. Toujours est-il que la notion d'« aryen » devient avec Hitler un ensemble de valeurs fantasmagoriques que ces scientifiques nazis ont tenté de justifier par de prétendues données objectives. La « race aryenne » est assimilée aux canons esthétiques de l'homme germanique grand, blond et athlétique, tel que le représenta Arno Breker , le sculpteur favori d'Hitler. Parallèlement, Hitler développe un intérêt particulier pour le paganisme nordique pré-chrétien, plus conforme à ses théories raciales qu'un christianisme trop humaniste. La religion des dieux Wotan et Thor avait notamment été glorifiée par les opéras de Richard Wagner, dont Hitler était un fervent admirateur. Heinrich Himmler fut le fidèle hitlérien qui poussa le plus loin cette passion, et on retrouve ce symbolisme mythologique dans l'uniforme et les rituels des SS , « chevaliers noirs » du Troisième Reich .

Dans l'Allemagne nazie, les juifs étaient naturellement exclus de la communauté du peuple allemand ( Volksgemeinschaft ). Le 1 er  avril 1933 , les docteurs, avocats et commerçants juifs sont l'objet d'une vaste campagne de boycott, mise en œuvre notamment par les SA . Ces milices créées par Hitler avaient déjà perpétré, dès le début des années 1920, des actes de violences contre les juifs. Le 7 avril , deux mois après l'arrivée d'Hitler au pouvoir, la Loi « pour le rétablissement d'une fonction publique professionnelle » exclut les juifs de tout emploi dans les gouvernements (sauf les anciens combattants et ceux qui étaient en service depuis plus de dix ans). Le 15 septembre 1935 , Hitler, officialisant un antisémitisme d'État jusque là modéré, proclame les lois de Nuremberg , comprenant les lois « pour la protection du sang et de l'honneur allemand » et « sur la citoyenneté du Reich ». Celles-ci interdisent aux juifs l'accès aux emplois de la fonction publique et aux postes dans les universités, l'enrôlement dans l'armée ou la pratique de professions libérales. Ils ne peuvent plus avoir de permis de conduire. Les juifs sont déchus de leur nationalité allemande et les mariages mixtes ou les relations sexuelles entre juifs et Allemands sont également interdits. L'objectif est la ségrégation complète entre le peuple allemand et les juifs, ce qui est valable également pour les écoles, le logement ou les transports en commun. En 1937, une "loi d'aryanisation" vise à déposséder les juifs des entreprises qu'ils possèdent. Incités par ces mesures, les juifs allemands émigrent masssivement : environ 400 000 départs en 1933-1939 en comptant les Autrichiens (sur environ 660 000), vers les Amériques, la Palestine ou l'Europe de l'Ouest.

Dans la nuit du 9 au 10 novembre 1938 , c'est un véritable pogrom , la Nuit de cristal , qu'organise Joseph Goebbels à la demande d'Hitler, le prétexte étant l'assassinat à Paris d'un diplomate du Reich par un juif allemand. Les magasins juifs sont saccagés et la plupart des synagogues sont incendiées. Près de 30 000 juifs sont internés dans des camps de concentration ( Dachau , Buchenwald , Sachsenhausen ). À la suite de ces évènements, la communauté juive, tenue pour responsable des violences, est sommée de payer une amende de un milliard de marks . Les biens des juifs sont massivement spoliés. À noter que parmi les Allemands entrés en résistance, très peu l'ont fait en raison de ces mesures antisémites. La majorité de la population allemande, aidée en cela par la propagande de Goebbels ou Streicher , était convaincue de l'existence d'une "question juive". Ce conditionnement permettra la participation de nombre d'entre eux à l'extermination des juifs.

L'allusion à l'extermination physique des juifs dans Mein Kampf fait encore débat dans la communauté des historiens. Certains d'entre eux signalent que ce projet n'est pas explicitement décrit dans ce livre, d'autres analysent la haine des juifs qui y est contenue comme suffisamment alarmante. Si on peut imaginer que le projet d'extermination totale des juifs a pu germer dans l'esprit d'Hitler et de ses séides assez tôt, il ne semble pas qu'il y ait eu un plan précis pour passer à l'acte avant la guerre, et rien n'indique qu'initiallement, il était prévu par les dirigeants nazis que ce devait être la finalité des premières mesures antisémites. Cependant, d'après les mots du procureur général américain Robert Jackson lors du procès de Nuremberg , « la détermination à détruire les juifs a été une force qui à chaque moment a cimenté les éléments de la conspiration ». Les dirigeants nazis ont longtemps envisagé, parmi d'autres « solutions » comme la création de zones de relégation, d'expulser l'ensemble de la communauté juive allemande sans l'exterminer, mais aucune phase de réalisation concrète n'a été enclenchée. Des projets d'installation des juifs en Afrique ( Plan Madagascar ) ont notamment été envisagés. Le déclenchement de la guerre radicalise les persécutions antisémites au sein du Troisième Reich. La prolongation de la guerre contre le Royaume-Uni ne permet plus d'envisager ces déportations, de même que l'idée d'un déplacement des juifs d'Europe en Sibérie est abandonnée.


Reinhard HeydrichReinhard Heydrich

 

L'occupation de la Pologne en septembre 1939 a placé sous contrôle allemand plus de 3 000 000 de juifs. Ceux-ci sont rapidement parqués dans des ghettos , dans les principales villes polonaises. L'attaque contre l' URSS , à partir du 21 juin 1941 , place sur un même plan la conquète du Lebensraum et l'éradication du « judéo- bolchévisme  ». Des unités de la SS , les Einsatzgruppen , souvent secondées par des unités de la Wehrmacht , fusilleront sommairement plus d'un million de juifs sur le front de l'Est. Le 20 janvier 1942 , lors de la conférence de Wannsee , quinze responsables du Troisième Reich, sous la présidence du chef du RSHA Reinhard Heydrich , élaborent la «  solution finale au problème juif  » ( Endlösung der Judenfrage ), soit l'extermination totale des juifs en Europe. Hitler n'a jamais formellement écrit un ordre, mais ces décisions respectaient l'orientation générale de ses objectifs. Himmler , Heydrich et Göring ont prit la part la plus importante dans la mise en place administrative de la Shoah au sommet de l'État. Sur le terrain, l'extermination des juifs a été souvent le fait d'initiatives locales, d'officiers de la SS. Deux proches collaborateurs d'Hitler, Hans Frank , gouverneur général de la Pologne , et Alfred Rosenberg , ministre des Territoires de l'Est, y ont également pris une part active. Lors de l'été 1942, Himmler retient le procédé d'exécution massive par les chambres à gaz testé à Auschwitz . Au total, près de 1 700 000 juifs, surtout d'Europe centrale et orientale, ont été gazés à Sobibor , Treblinka , Belzec , Chelmno et Maïdanek . Dans le camp de concentration et d' extermination d' Auschwitz-Birkenau , 1 000 000 de juifs ont périt.

Le génocide des Tsiganes ou Porajmos est une autre conséquences des théories raciales nazies. Le Troisième Reich mit sur pied l'Office central pour la lutte contre le péril tsigane. Considérés à la fois comme « asociaux » et racialement inférieurs, les Tsiganes d'Europe furent déportés vers les camps de concentration et d'extermination de la Pologne. Seule la tribu des Sinti échappa à ce sort, étant censée n'être point « abâtardie » (paradoxalement, les Tsiganes sont originaire du nord de l' Inde , berceau de la race aryenne pour les nazis). Pendant la Seconde Guerre mondiale, 240 000 Tsiganes (sur 700 000) furent exterminés en Europe (essentiellement à l'Est et dans les Balkans ), en grande partie avec le concours des collaborateurs des territoires occupés. L'extension du Lebensraum allemand devait fatalement se réaliser aux dépens des population slaves repoussées vers l'Est. Pour Hitler, la Pologne , les Pays baltes et l' Ukraine devaient être traitées comme des colonies. À ce sujet, Hitler aurait dit, selon Hermann Rauschning , en 1934 : « Ainsi s'impose à nous le devoir de dépeupler, comme nous avons celui de cultiver méthodiquement l'accroissement de la population allemande. Vous allez me demander ce que signifie "dépeuplement", et si j'ai l'intention de supprimer des nations entières ? Eh bien, oui, c'est à peu près cela. La nature est cruelle, nous avons donc le droit de l'être aussi ».

Les populations non germaniques sont expulsées des territoires annexés par le Troisième Reich après la défaite de Varsovie en 1939 , et sont dirigées vers le Gouvernement général de la Pologne , entité totalement vassalisée. Dès octobre 1939, l'Office central de sécurité du Reich ( RSHA ), programme la « liquidation physique de tous les éléments polonais qui ont occupé une quelconque responsabilité en Pologne [ou] qui pourront prendre la tête d'une résistance polonaise ». Sont visés les prêtres, les enseignants, les médecins, les officiers, les fonctionnaires et les commerçants importants, les grands propriétaires fonciers, les écrivains, les journalistes, et de manière générale, toute personne ayant effectué des études supérieures. Des commandos SS sont chargés de cette besogne. Ce traitement extrêmement dur aura causé la mort de près de 2 200 000 Polonais. En comptant les 3 000 000 de juifs polonais, c'est environ 15% de la population civile polonaise qui a disparu pendant la Seconde Guerre mondiale. Avec l'invasion de l'URSS, la répression contre les slaves prend une tournure plus massive, bien que certaines populations, notamment les nationalistes ukrainiens aient été initiallement disposées à collaborer contre le régime stalinien . Le traitement des prisonniers soviétiques capturés par les Allemands a été particulièrement inhumain : 3 700 000 d'entre eux sur 5 500 000 meurent de faim, d'épuisement ou de maladie. Les commissaires politiques sont systématiquement abattus. Les actions des partisans sont l'occasion de représailles impitoyables, aussi bien en URSS qu'en Yougoslavie. Environ 11 500 000 civils soviétiques meurent ainsi pendant la Seconde Guerre mondiale .

Les doctrines raciales nazies impliquaient également d'« améliorer le sang allemand ». Des stérilisations massives, appliquées avec le concours des médecins, furent ainsi entreprises dès 1934 , portant sur près de 400 000 « asociaux » et malades héréditaires. Par ailleurs, 5000 enfants trisomiques , hydrocéphales ou handicapés moteurs disparaissent. Avec la guerre, un vaste programme d' euthanasie des malades mentaux est lancé sous le nom de code «  Action T4  », sous la responsabilité directe de la chancellerie du Reich et de Karl Brandt , médecin personnel d'Hitler. Hitler assure en 1939 l'impunité aux médecins sélectionnant les personnes envoyées à la mort, libérant ainsi des places dans les hôpitaux pour les blessés de guerre. Comme pour les juifs, les victimes sont gazées dans de fausses salles de douche. Malgré le secret entourant ces opérations, l'euthanasie est condamnée publiquement par l'évêque de Münster en août 1941 . Elle cesse officiellement mais continue dans les camps de concentration . Environ 200 000 schizophrènes , épileptiques , séniles , paralytiques ont ainsi été exécutés. Hitler rejetait dans un même mépris capitalisme et marxisme . Son nationalisme raciste transcendait le clivage traditionnel capital/social : il rêvait d'un peuple uni par une race et une culture communes. La propagande hitlérienne est essentiellement guidée par des considérations d'opportunité politique, mais comporte des points de fixation : le nationalisme et l'anti-marxisme, suivi de près par une obsession de la « pureté » raciale.

Il est clairement préoccuppé par le problème de cohésion nationale et parle d'« espace vital » pour le développement des allemands en général. Ayant lui-même enduré des privations à l'époque où il vagabondait à Vienne dans sa jeunesse, il constate amèrement puis avec rage l'impéritie d'une démocratie affaiblie et méprisable. Pendant les années 1920, il dut louvoyer entre les tendances « droitistes » (de l'armée et de la droite traditionnelle, du patronat qui finançait son parti) et « gauchistes » (de certains de ses partisans, comme Ernst Röhm ou Gregor Strasser qui exigeait une révolution sociale autant que nationaliste). Après le lamentable échec du putsch de 1923 , son problème consiste à capter et conserver un maximum de voix en vue de conquérir électoralement le pouvoir. Le pragmatisme économique brutal de Hitler est mis en oeuvre grâce au pouvoir dictatorial qu'il s'est arrogé par la dissolution de fait de la République de Weimar en 1933-34. En quelques années, l'économie allemande est remise sur pied entre autre grâce à des emplois publics crées par l'État national-socialiste (autoroutes, travaux d'intérêt généraux, etc). Le réarmement n'interviendra que plus tard, après relance de l'économie.

D'après William L. Shirer , dans son livre sur le Troisième Reich, il diminue également de 5% tous les salaires dans le pays, permettant de dégager des ressources pour relancer l'économie. Ce qui semble  confirmer, toujours selon Shirer, la nature interventionniste, voire keynésienne de ses directives. Après la purge de Röhm et la liquidation des SA, Hitler refuse l'idée d'une révolution sociale. Il tient à garder de bons rapports avec ceux qui lui ont permis de prendre le pouvoir, c'est-à-dire les grands industriels, certains financiers et l'armée. On voit là également sa haine de toute idée marxiste. Ainsi, une de ses premières mesures à son arrivée au pouvoir sera la suppression de tous les syndicats . La politique économique et sociale doit encourager la propriété privée pour le plus grand nombre grâce à la main correctrice de l'État. Roosevelt a fait de même aux USA à la même époque avec son New Deal .

Dès mai 1933, Hitler fait dissoudre les syndicats , pour laisser la place au Deutsche Arbeitsfront (DAF), Front allemand du travail, organisation unitaire nazie, dirigée par Robert Ley . Le DAF permit aux patrons d'exiger davantage de leurs salariés, tout en garantissant à ceux-ci une sécurité de l'emploi et une sécurité sociale. Officiellement volontaire, l'adhésion au DAF est de fait obligatoire pour tout Allemand désirant travailler dans l'industrie et le commerce. Plusieurs sous-organisations dépendaient du DAF, dont Kraft durch Freude (la Force par la joie), chargée des loisirs des travailleurs. Entre 1934 et 1937, son ministre de l'Économie, Hjalmar Schacht , ancien directeur de la Reichsbank, a pour mission de soutenir l'intense effort de réarmement du Troisième Reich. Pour atteindre cet objectif, il met en place des montages financiers hasardeux, creusant le déficit de l'État. Par ailleurs une politique de grands travaux, portant notamment sur des autoroutes (déjà planifiées par les précédents gouvernements), est poursuivie, développant ainsi une politique keynésienne d'investissements de l'État. Le chômage baisse nettement, passant de 3,5 millions de chômeurs en 1930 à 200000 en 1938 . Cependant, Schacht considère que les investissements dans l'industrie militaire menacent à terme l'économie allemande et souhaite infléchir cette politique. Devant le refus de Hitler qui considère le réarmement comme une priorité absolue, Schacht quitte son poste.

Himmler Heinrich

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Heinrich Luitpold Himmler (7 octobre 1900, Munich - 23 mai 1945, Lüneburg) fut l'un des hommes les plus puissants du Troisième Reich. Il était le maître absolu de la SS (Reichsführer-SS) et le chef de toutes les polices allemandes (Chef der Deutschen Polizei), dont la Gestapo. Il est également considéré comme le Jahrhundertmörder (« meurtrier du siècle ») par certains auteurs allemands. Il s'est suicidé le 23 mai 1945 pour échapper au jugement.

Heinrich Himmler

Heinrich Himmler

 

Himmler porta la responsabilité la plus lourde dans la liquidation de l'opposition en Allemagne nazie et dans le régime de terreur qui régna dans les pays occupés. Les camps de concentration et les camps d'extermination dépendaient directement de son autorité, et il mit en œuvre la « Solution finale ». Heinrich Himmler, né à Munich le 7 octobre 1900 est le deuxième fils d'Anna Maria Heyderde et de Joseph Gebhard Himmler. Son père, professeur au lycée de Landshut, est un homme cultivé, nationaliste et conservateur sans être antisémite.

La famille est issue de la moyenne bourgeoisie catholique bavaroise et, le père, en nationaliste convaincu, enseigne à ses fils Gebhard Ludwig (né en 1898), Heinrich et Ernst Hermann (1905-1945) le respect de la patrie allemande. Gebhard et Ernst entreront également dans la SS, mais sans y tenir un rôle particulier. Le père d'Himmler est également le précepteur du prince héritier de Bavière, Heinrich de Wittelsbach, qui accepte d'être le parrain d'Heinrich.

Himmler effectue sa scolarité à Landshut, dans un établissement réputé, près de Munich. C'est un élève modèle. Petit, peu sportif et myope, il se révèle faible en gymnastique. Ses fréquentes absences scolaires dénotent une santé fragile. Pendant sa jeunesse, de 1911 à 1924, il tient un journal intime. Ce document trace le portrait d’un jeune homme bien intégré à son milieu et à la société, capable de gentillesse et de générosité : pendant les vacances de Noël (date inconnue), il fait la lecture à un aveugle ; il organise une manifestation de bienfaisance pour les orphelins et regrette les mauvais traitements infligés aux prisonniers français auxquels il a assisté en 1914.

En août 1914, Heinrich Himmler est enthousiaste à l'éclatement de la Première Guerre mondiale : comme son frère, Gebhard, il souhaite s’engager dans la Reichsmarine, où il n'est pas accepté à cause de sa myopie et de son jeune âge. Dans son journal, il décrit l'ambiance à Landshut lorsque la guerre est déclarée : « Les craintifs petits bourgeois de Landshut baissent la tête et ont peur d'être massacrés par les cosaques. Il n'y a d'ailleurs, en Basse-Bavière, pas beaucoup d'enthousiasme dans ceux qui sont restés. On dit que quand fut connu l'ordre de mobilisation générale dans la vieille ville tout le monde pleurnichait ; or je ne m'attendais pas à ça des gens de Basse-Bavière ! » Heinrich Himmler, journal intime, août 1914.

Himmler est frustré de ne pouvoir rejoindre une école d'officiers. Suite à l'intervention de son père, il obtient une dispense d'âge en juin 1917 et est incorporé au IIe régiment d’infanterie bavarois von der Tann. Après six mois de formation en tant qu'élève officier, il est transféré à Ratisbonne, puis à Freising du 15 juin au 15 septembre et enfin à Bayreuth du 15 septembre au 1er octobre 1918. Aspirant, il envoie une lettre à ses parents qu'il signe "Miles Heinrich" (le soldat Heinrich). À sa grande déception, il est démobilisé deux mois plus tard sans jamais avoir vu le front et rentre chez ses parents à Noël.

Après la guerre il fait partie, avec son frère Gebhard, des cercles militants de Munich (Völkischen Rechten Münchens). Toujours avec son frère, il intègre, en novembre 1919, la 14e compagnie de la Brigade de protection de Munich, unité de réserve de l'armée fort proche des Freikorps, ces unités non officielles chargées en Bavière par le gouvernement légal social-démocrate d'écraser la République des conseils de Munich, à tendance communiste, avec l'assentiment des alliés. L'année suivante, il étudie l'agronomie au lycée technique agricole de Munich, tout en étant stagiaire dans une ferme-école près d'Ingolstadt jusqu'en 1922.

Au cours de ses études, il s'affilie à de très nombreuses associations dont le cercle étudiant Burschenschaft Apollo, pour les activités duquel il obtient un certificat médical afin d'être dispensé de beuveries. Il s'inscrit également à une ligue de jeunes d'extrême droite, l'Artamanenbund dont le slogan est « le sang, le sol et le glaive ». D'après son journal intime, Himmler fait la connaissance, en 1920 ou 1921, de la fille du propriétaire de la ferme-école où il est stagiaire. De nature timide, il ne lui fait jamais part de ses sentiments. Par la suite, les relations avec les femmes semblent inexistantes. Toujours selon son journal, il est fort probable qu'il n'ait eu sa première expérience sexuelle que lors de son mariage à l'âge de vingt-huit ans.

En 1926, il rencontre une infirmière divorcée Margarete Siegroth (née Boden), de sept ans son aînée et protestante. "Marga", grande blonde aux yeux bleus, correspond à l'idéal de la femme aryenne. Ils se marient le 3 juillet 1928 ; de cette union naît une fille, Gudrun le 8 août 1929. En 1928, le couple investit la dot de "Marga" dans un élevage de poules à Waldtrudering, dans les faubourgs de Munich. Jusqu'à la fin des années 1920, Himmler continue de cultiver sa petite propriété rurale avec son épouse.

Hedwig PotthastIl affectionne sa fille qu'il surnomme Püppi ; il n'en fera pas autant avec le fils adoptif de Marga. Durant ses premières années de vie politique, il semble essayer de remplir son rôle de père et de mari le mieux possible. Les pages de son agenda démontrent qu'il avait des conversations téléphoniques quasi quotidiennes avec sa femme et sa fille.

Depuis que sa ferme a fait faillite en 1929, Himmler détient de plus en plus de responsabilités au sein du parti et délaisse son épouse : ils se séparent finalement en 1940 sans divorcer. Le Reichsführer entretient une relation avec une de ses secrétaires, Hedwig Potthast avec qui il aura deux enfants illégitimes : Helge (1942) et Nanette Dorothea (1944). Ils se sépareront finalement la même année. Sa vie, durant le début des années 1920, est assez floue. En 1921 ou 1922, Himmler sort diplômé ingénieur agronome, semble-t-il comme son frère Gebhard, et serait devenu vendeur ou laborantin dans une usine d'engrais de la banlieue munichoise.

Apparemment il aurait dirigé une exploitation avicole jusqu'à la fin des années 1920. Depuis 1918-1919, il entretient une amitié avec son ancien chef de corps francs, le capitaine nationaliste Ernst Röhm qui le convertit à ses idées. Début 1923, Himmler devient membre d'une association nationaliste, dont Ernst Röhm est l'un des dirigeants, la Reichsflagge. Suite à des conflits internes, le noyau des militants les plus radicaux, soit 300 personnes emmenées par Röhm, fonde un nouveau groupuscule extrémiste à l'existence éphémère, la Reichskriegsflagge.

Himmler adhère provisoirement au parti nazi en août 1923, amené par Röhm qui est alors en charge des SA. Lors du Putsch de la brasserie d'Adolf Hitler le 9 novembre 1923, on le voit arborer l'étendard à la tête de l'unité de la Reichskriegflagge qui avait essayé durant la nuit de prendre d'assaut le ministère bavarois de la Guerre situé sur la Ludwigstrasse à Munich. Suite au fiasco de l'entreprise, il n'est pas poursuivi en raison de son jeune âge et du fait de ses faibles responsabilités au sein du parti. Hitler étant incarcéré, Himmler rejoint momentanément le Bayrische Volkpartei. Au début de l'année 1924, il quitte probablement le parti nazi pour devenir propagandiste (Parteiredner) actif et efficace au sein du NSFB (Nationalsozialistische Freiheitsbewegung) de Erich Ludendorff. Dans le monde agricole bavarois, son diplôme et sa compétence inspirent respect et confiance.

Au même moment, Heinrich Himmler continue de fréquenter ses anciennes connaissances d'après-guerre au sein du Freikorps : l'organisation des officiers du peuple allemand (Deutschvölkischer Offizierbund) et celle de l'ancien drapeau impérial (Alt-Reichsflagge). Hitler, bénéficiant d'une libération anticipée (20 décembre 1924), en profite pour refonder le NSDAP au début de l'année suivante. De retour dans le parti en février 1925, Himmler rejoint les SA. Sa lente ascension est en marche : suite au succès qu'il a rencontré avec Ludendorff, il est dans un premier temps nommé propagandiste (Reichsredner), puis chef de la propagande, Gauleiter suppléant de Basse-Bavière, puis de Haute-Bavière (aux côtés de Gregor Strasser) et enfin Gauleiter du district de Haute-Bavière. En 1925, afin de disposer d'une unité disciplinée et totalement dévouée, Hitler fonde une sous-section au sein de la SA, la Schutzstaffel (SS) (escadrons de protection) qui constitue sa garde rapprochée. Himmler va tenir une place de premier choix au sein de cette nouvelle organisation. En 1926, il est nommé chef SS du district de Haute-Bavière (Gau-SS-Führer), il dirige un petit groupe de SS.

La même année, pendant que Ernst Röhm a émigré en Bolivie, il rencontre le Führer ; ce dernier devient son maître à penser et la fidélité de Himmler passe de Röhm à Hitler. L'année suivante, il est membre de l'État-major des SA. Son sérieux et sa loyauté l'amènent à être nommé adjoint du Reichsführer-SS (Stellvertreter Reichsführer-SS) Erhard Heiden en 1927. Patient, il continue à tenir des rôles secondaires au sein du parti et n'atteint que le grade de SA-Oberführer. Le cours des choses semble changer au cours de l'année 1928. En janvier, Hitler reprend à son compte la propagande, Himmler devient son adjoint. Sur une photographie datée de la même année, sur laquelle Hitler s'adresse aux dirigeants du NSDAP, Himmler est assis à la table d'honneur. Suite à la démission de Heiden de la tête de la SS, il est nommé le 6 janvier 1929 Reichsführer-SS.

À cette date, malgré son titre impressionnant, il ne dirige que 280 hommes avec lesquels il défile devant les dignitaires du parti à Berlin au printemps 1929. Au cours de l'année, on le voit passer en revue les troupes. C'est désormais un proche de Hitler qui le surnomme "Le fidèle Heinrich" (der treue Heinrich) mais il reste un subalterne de Röhm qui fait son retour en 1930. Le Führer lui ordonne de faire de la SS un corps d'élite de la SA, mais échappant au contrôle d'Ernst Röhm, qui devient encombrant à ses yeux. Longtemps considéré par les hauts dignitaires du parti comme un "brave petit homme" ayant "un bon cœur mais probablement inconstant", Heinrich Himmler commence à dévoiler sa véritable nature. En 1930 le Reichsführer-SS, qui vient d'être nommé préfet de police de Munich, est toujours subordonné à Ernst Röhm. Ce dernier est revenu à la hâte de Bolivie, pour aider Hitler à maîtriser totalement ses 3 millions de SA. Pour Himmler, la subordination de la SS à la SA est de plus en plus pesante.

Au printemps 1931, il rencontre Reinhard Heydrich tout juste limogé de la Reichsmarine. La confiance est immédiate et le Reichsführer-SS lui propose d'entrer dans la SS et compte tenu de son expérience dans les services de renseignements de la Marine à Kiel, il lui demande de créer un service de renseignement interne à la SS : le futur SD (Sicherheitsdienst). Bras droit d'Himmler, Heydrich est également l'éminence grise de la SS. Ils deviennent si puissants qu'ils irritent certains membres du parti en particulier Joseph Goebbels : « Je dépiste un complot de grande envergure : la SS (Himmler) entretient un bureau d'espionnage qui me surveille, ici, à Berlin. C'est lui qui est à l'origine de ces rumeurs démentielles [...]. Himmler me hait. Désormais je vais travailler à sa perte. Cette bête à cornes sournoise doit disparaître. Même Goering est d'accord avec moi sur ce sujet ». Joseph Goebbels, 30 juin 1931.

Le 25 janvier 1932, Himmler est nommé chef de la sécurité de la maison brune, le siège de la direction centrale du mouvement à Munich. En janvier 1933, Hitler est nommé chancelier. Les SS d'Himmler comptent à peine 52.000 membres comparés aux plusieurs millions de SA de Röhm. Cette différence numérique s'explique notamment par les critères de recrutement de la SS, beaucoup plus stricts que ceux de la SA : depuis le début des années 1930, Himmler exige des postulants de prouver leur appartenance au Aryen Herrenvolk (race aryenne) ; toujours afin de se démarquer de la SA, durant l'automne 1933, il fait concevoir un nouvel uniforme noir pour ses troupes, créé par Hugo Boss. Symboliquement, la séparation entre SS et SA est entamée.

Dès mars 1933, Himmler crée le premier camp de concentration, à Dachau, où il fait interner les opposants à la prise du pouvoir par les nazis. Avec Hermann Goering et le général Werner von Blomberg, Himmler est de ceux qui pensent que Röhm et ses SA constituent une menace pour la Wehrmacht et le parti nazi. Hitler, qui a besoin de l'appui de l'armée, des milieux conservateurs et des grands industriels est conscient des problèmes soulevés par la SA, pour qui la révolution reste à faire, mais il répugne à agir contre Röhm, un des rares membres du parti qu'il tutoie. Avec la complicité de Heydrich qui en est le véritable inspirateur, Himmler dévoile au Führer un pseudo « Putsch de Röhm ». Plusieurs dizaines de responsables de la SA, dont Röhm lui-même, mais aussi des opposants au sein du parti nazi ou à l'extérieur de celui-ci sont assassinés durant la Nuit des Longs Couteaux (du 30 juin au 1er juillet 1934). Le lendemain, la SS prend son indépendance vis-à-vis de la SA : il n'y a plus d'obstacle entre le Reichsführer-SS et son Führer.

Ayant acquis son indépendance, le Reichsführer-SS souhaite mettre la main sur le dernier outil de répression qui échappe encore à la SS, la Gestapo. Après de durs conflits avec Goering, celui-ci cède, en 1934, la direction de celle-ci à Himmler et Heydrich, secondés par Heinrich Müller. Après la nuit des longs couteaux, les unités SS-Totenkopfverbände sont chargées d'organiser le réseau de camps de concentration et après 1941 ceux d'extermination. À Dachau, puis dans les autres camps, elles imposent depuis 1933 une discipline effroyable aux prisonniers dont elles ont la garde. Himmler et surtout Heydrich sont aussi les principaux artisans du massacre d'environ six millions de personnes, essentiellement des Juifs, lors de la mise en place de la solution finale, qui se déroule en plusieurs étapes : Dès 1937, Himmler souhaite expulser les Juifs par le biais d'une émigration forcée, mais deux ans plus tard l'Allemagne entre en guerre, il y a un blocus autour des frontières du Reich.

En 1940, après la victoire contre la France, la bureaucratie SS pense expulser les Juifs à Madagascar, sans succès. En juillet 1941, c'est la mise en place du "programme Heinrich" préparé par Himmler lui-même. Dans le cadre de la préparation de la guerre contre l'Union soviétique, l'extermination des élites et l'asservissement de la population russe, ainsi que la déportation des Juifs en Sibérie sont planifiés. Au cours de l'hiver 1941-1942, la victoire se fait attendre et le massacre se radicalise. Les Einsatzgruppen, en activité depuis le début de l'Opération Barbarossa, massacrent près d'un million de Juifs, hommes, femmes et enfants.

Le 7 octobre 1939, Himmler est nommé chef du Commissariat du Reich pour l'unification de la patrie allemande. Son objectif est de déplacer 250 000 Allemands qui habitent en Pologne russifiée vers la zone annexée par le Reich. Pour lui, l'unification ne peut se faire sans l'élimination des opposants. « Alors que nous devions transférer des milliers, des centaines de milliers d'individus, il fallut réagir impitoyablement - écoutez ceci mais oubliez-le aussi vite - et fusiller des milliers de Polonais influents, afin d'éviter que plus tard ils ne se vengent sur nous (…). Il est certes beaucoup plus facile de monter en ligne avec une compagnie que de supprimer une population encombrante, de bas niveau culturel, ou de transférer des gens ou d'expulser des femmes criardes ou hystériques, ou de rapatrier nos frères de race germanique et de prendre soin d'eux. » Lettre de Heinrich Himmler aux officiers SS,.

En mars 1941, au début de la campagne de Russie, Himmler déclare au cours d'une conférence que les opérations à l'Est (le futur programme Heinrich) vont "détruire près de 30 millions de Slaves". En parallèle, il reçoit de la part de Hitler des pouvoirs étendus et indépendants des autres autorités : la directive n° 21 du 13 mars 1941. Dès lors, les "missions particulières" comme les appellent les SS, peuvent être exécutées sous les ordres de Himmler dans la zone des armées : la coopération entre la Wehrmacht et le SD est fixée. Le "programme Heinrich" est lancé officiellement le 21 juillet 1941 par Himmler et il concerne tous les SS qui participent à l'opération Barbarossa en Europe de l’Est. Ce programme regroupe les pensées fanatiques du Reichsführer-SS. "Heinrich" fait référence à Himmler lui-même mais surtout à son idole médiévale, Henri l'Oiseleur roi de Germanie et exterminateur des Saxons vers l'Est.

D'autre part, le programme suit également à la lettre le projet de Mein Kampf qui prévoit dès 1924 un "espace suffisant" ou un "espace vital" (Lebensraum) pour l'évolution du peuple allemand vers l'Est. Pour mener à bien leur plan, Himmler et Heydrich ont besoin de la coopération de l'administration allemande. Le 20 janvier 1942 se tient à Berlin la conférence de Wannsee, en l'absence d'Himmler. Le Reichsführer-SS impose la ligne de conduite générale et se décharge des fonctions d'exécutant qu'il confie à son adjoint Reinhard Heydrich. Cette conférence réunit les secrétaires d'État des principaux ministères. Le sujet à l'ordre du jour est la « Solution finale de la question juive européenne ». "Fonctionnaire de la mort", Heinrich Himmler est avant tout un bureaucrate soucieux du détail jusqu'à la manie. Il compense ses déficiences physiques par son obsession de la pureté raciale de ses hommes. À la différence des SA, Himmler choisit selon lui "l'élite en uniforme noir qui allait réincarner le vieil ordre des Chevaliers teutoniques". Comme la plupart des nazis, Himmler est influencé par deux théoriciens racialistes : Joseph Arthur de Gobineau et surtout Houston Stewart Chamberlain pour qui la "race nordique" est l'archétype humain idéal. Le théoricien du parti nazi, Alfred Rosenberg, reprend cette idée de "sang pur" et de l'attachement à la terre développé sous le couvert du Lebensraum.

En tant que Grand maître de ce nouvel ordre, il institue des critères rigoureux pour les nouvelles entrées dans la SS. L'une de ces unités, la garde spéciale du Führer, se compose jusqu'en 1937 de jeunes hommes, blonds, aux yeux bleus dont la taille requise est au minimum de 1m80. En 1931, Himmler légifère une règle de mariage spéciale pour les SS interdisant à un homme de prendre une femme si celle-ci ne peut justifier de la pureté de ses origines aryennes au cours des deux siècles précédents. Le dessein du Reichsführer-SS est clair : avec l'institution du mariage SS, il veut être le bâtisseur d'un vaste empire germano-nordique de l'Atlantique à l'Oural dans lequel le sort des "races inférieures" voisines appartient à la "race des Seigneurs".

Dans sa quête maniaque et obsessionnelle des origines germaniques, il entreprendra de nombreuses recherches archéologiques, pour concorder avec ses théories pangermanistes (en désaccord avec Hitler). Heinrich Himmler veut réécrire l'Histoire. Le 2 juillet 1936, dans la collégiale de Wewelsburg il célèbre le millième anniversaire de la mort de son héros le roi germanique Heinrich I., Henri l'Oiseleur. Il dépose une gerbe et des rameaux de chêne sur le tombeau du souverain et énonce un discours : « Ici où vivent depuis toujours ceux de notre sang, dans cette magnifique maison de Dieu, née d'un sûr sentiment germanique, sera un lieu de culte où les Allemands iront en pèlerinage (…) L'Homme après mille ans a repris avec une grandeur inouïe l'héritage humain et politique du roi Henri, notre Führer Adolf Hitler, nous le servions fidèlement de nos paroles, de nos pensées et nos actes, pour l'Allemagne et pour la Germanie. »  Discours de Heinrich Himmler, juillet 1936.

Dans cette même perspective de réécriture de l'Histoire, il déclare le 7 avril 1942 devant les officiers supérieurs et les chefs de service de la Schutzstaffel : « Tout ce que nous faisons doit être justifié par rapport à nos ancêtres. Si nous ne retrouvons pas cette attache morale, la plus profonde et la meilleure parce que la plus naturelle, nous ne serons pas capables à ce niveau de vaincre le christianisme et de constituer ce Reich germanique qui sera une bénédiction pour la terre entière. Depuis des millénaires, c'est le devoir de la race blonde que de dominer la terre et de toujours lui apporter bonheur et civilisation. »

De nombreuses expéditions sont lancées pour : trouver les preuves "irréfutables" de la race aryenne partout dans le monde, des expéditions sont financées en direction du Tibet, dans les Andes, au Moyen-Orient ; retrouver le Saint-Graal (recherché principalement aux alentours de Montségur (le mont sûr en occitan) ainsi qu'à Montserrat (le Mont Scié en catalan) en Catalogne, dans le Massif central et ses environs, supposé caché par les cathares avant leur disparition) ; étudier des rites païens pré-chrétiens de la race aryenne (cela concernait le culte des équinoxes, de la moisson, les différentes croyances de sorcellerie pratiquées). Himmler a également mis en application un vaste programme d'eugénisme, le programme Lebensborn (source de vie). Sous cette appellation se cache une entreprise de reproduction à grande échelle destinée exclusivement aux SS, qui sont censés représenter la pureté raciale aryenne. Certains historiens [réf. nécessaire] avancent que durant la guerre, plus de 400 000 enfants (de Pologne uniquement) furent déportés vers des instituts Lebensborn à partir de critères raciaux. La Norvège et la Belgique avaient également leurs Lebensborn.

Depuis l'hiver 1944-1945 Himmler, comme beaucoup de dignitaires nazis, sait que l'Allemagne a perdu la guerre. En outre, il continue à sacrifier des milliers d'Allemands en leur martelant que le Reich peut encore être victorieux. « Nos mauvais ennemis devront constater et comprendre qu'une intrusion en Allemagne, dût-elle réussir ici ou là, leur coûtera un prix qui équivaudra pour eux à un suicide national. »  Heinrich Himmler, dans un discours du début 1945.

Ses conseillers, par exemple Walter Schellenberg (le chef de contre-espionnage) et Felix Kersten (son médecin), lui proposent de destituer Hitler, ce qu'Himmler refuse de faire. En revanche, afin de donner une seconde chance au parti nazi durant la phase d'après-guerre, il décide de contacter les Anglais et les Américains par le biais du comte Folke Bernadotte. Ce dernier est le vice-président de la Croix-rouge suédoise et les deux hommes se rencontrent pour la première fois au sanatorium de Hohenlychen près de Berlin le 14 février. Bernadotte prend en note le projet de pacification prévu entre le Reich et les Alliés et proposé par Himmler. Le Reichsführer-SS y stipule que l'Allemagne se soumettrait à la Grande-Bretagne et aux États-Unis à condition qu'elle pût poursuivre la résistance contre le « bolchévisme ».

Himmler s'enfuit dans la propriété de son médecin Felix Kersten à Hartzwalde, au nord de Berlin. Les Suédois - probablement Bernadotte lui-même - demandent à Kersten d'intervenir pour éviter le sabotage des camps de concentration comme le voulait Hitler. Le 12 mars 1945, après de longues négociations, Himmler assure qu'on ne sabotera pas les camps de concentration et que la Croix-rouge suédoise sera autorisée à envoyer des vivres pour les prisonniers. Un membre du Congrès juif, Norbert Masur, est dépêché sur place et obtient la garantie que Himmler et ses SS ne molesteront plus aucun Juif. Le 28 avril, Adolf Hitler est mis au courant des trahisons d'Himmler. L'ancien Reichsführer-SS est déchu de ses fonctions et aussitôt remplacé par l'amiral Karl Dönitz à la tête de l'État. Après la mort d'Hitler, un nouveau et éphémère gouvernement nazi se forme sous la houlette de Doenitz appelé le gouvernement de Flensburg. Tentant de l'incorporer, Himmler est éjecté par l'amiral. Le maréchal Wilhelm Keitel capitule le 9 mai 1945 face aux Soviétiques. Commence alors pour Himmler une véritable chasse à l'homme.

Refoulé par la nouvelle direction nazie et pourchassé par les Alliés, Himmler erre plusieurs jours avec ses derniers fidèles autour de Flensburg près de la frontière danoise. Son projet est de fuir soit en Bavière soit en Autriche où il pourrait se cacher. Rasé et déguisé en sergent-major de la Geheime Feldpolizei, il porte un bandeau sur l'œil gauche, un uniforme déchiré et de faux papiers au nom de Heinrich Hitzinger. L'unité qu'il a rejointe est arrêtée près de Lüneburg par les hommes du sergent Arthur Britton, le 22 mai 1945. On raconte que ce qui alarma les Britanniques fut le fait que le pseudo Hitzinger présenta des papiers neufs et tous les documents nécessaires en pleine période de débâcle.

Son unité est envoyée dans le camp de prisonniers de Bramstedt près de Lüneburg. Un sous-officier britannique raconte la scène du 23 mai 1945 : « On ne savait pas que c'était Himmler, je savais seulement que c'était un prisonnier important. Quand il est entré dans la pièce, non pas la personne élégante que nous connaissons tous, mais en chemise de l'armée et en caleçon long, avec une couverture autour du corps, je l'ai aussitôt reconnu. Je lui ai adressé la parole en allemand, je lui ai indiqué un canapé libre et je lui ai dit : « Voilà votre lit, déshabillez-vous ». Il m'a regardé, puis il a regardé un interprète et il a dit « Il ne sait pas qui je suis ! » J'ai dit : « Si je sais, vous êtes Himmler et ceci est votre lit, déshabillez-vous ! » Il m'a regardé fixement, mais je lui ai rendu son regard, finalement il a baissé les yeux et s'est assis sur le lit et il a commencé à retirer ses caleçons. Le médecin et le colonel sont entrés, ils cherchaient du poison, nous le soupçonnions d'en dissimuler sur son corps. Le médecin a regardé entre ses orteils, partout sur son corps, sous ses bras, dans ses oreilles, derrière ses oreilles, dans ses cheveux et puis il est arrivé à sa bouche. Il a demandé à Himmler d'ouvrir la bouche, il a obéi et il arrivait à remuer la langue assez facilement. Mais le docteur n'était pas satisfait, il lui a demandé de se rapprocher de la lumière, il s'est approché et il a ouvert la bouche. Le docteur a essayé de lui mettre deux doigts dans la bouche pour mieux regarder. Alors Himmler a retiré la tête d'un seul coup, a mordu le docteur aux doigts et a cassé la capsule de poison qu'il contenait depuis des heures dans sa bouche. Le docteur a dit : « Il l'a fait, il est mort ». On a mis une couverture sur lui et on l'a laissé là. »  Témoignage du sergent-major Edwin Austin.

Comme beaucoup d'autres nazis, Himmler se suicide pour échapper à l'humiliation du Tribunal international de Nuremberg. Ses derniers mots sont : « Ich bin Heinrich Himmler » (« Je suis Heinrich Himmler »). En 2005, Martin Allen affirme que Himmler aurait été assassiné par les Alliés, thèse qui n'est partagée que par David Irving, négationniste notoire condamné à plusieurs reprises. Quelques mois après la publication de son livre, et suite à une enquête ouverte à la demande des responsables des archives britanniques, la police britannique a démontré que certains de ces nouveaux "documents" n'étaient en réalité que des faux. D'après la version officielle, le cadavre aurait été enterré secrètement dans une tombe anonyme quelque part dans la lande de Lüneburg.

Hoess Rudolf

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Rudolf Franz Ferdinand Hoess (né le 25 novembre 1900 à Baden-Baden et exécuté le 16 avril 1947 à Auschwitz pour crimes contre l'humanité) a été un officier SS et un rouage de premier ordre dans le génocide des Juifs de l'Europe occupée. 

Hoess Rudolf

Hoess Rudolf

 

En tant que premier commandant du camp de concentration et d'extermination d'Auschwitz-Birkenau, le plus vaste du système nazi, du 1er mai 1940 jusqu'au 1er décembre 1943, puis de nouveau en poste entre mai et septembre 1944, quand la déportation massive des Juifs hongrois portait la machine de mort à son plus haut rendement, il mit en œuvre l'élimination industrielle des déportés juifs en utilisant le Zyklon B dans un ensemble de chambres à gaz doublées de fours crématoires destinés à détruire les corps.

Il supervisa également les traitements inhumains et meurtriers infligés dans son camp aux résistants notamment polonais, aux Tziganes, aux prisonniers de guerre soviétiques, aux « asociaux » et aux victimes d'expériences pseudo-médicales. Responsable de la mort de près d'un million d'êtres humains (dont 90 % de Juifs), ses mémoires constituent un document historique d'une importance reconnue pour la connaissance de la Shoah, de l'univers concentrationnaire et de la mentalité des bourreaux. Fils d'une famille catholique de Baden-Baden, son père nourrit le souhait de voir son fils devenir prêtre et l'éleva dans ce but avec autorité ; Rudolf ira au Collège des Pères. Il voit l'arrivée de la guerre avec beaucoup d'enthousiasme et s'engage dans sa ville comme brancardier des blessés du front. A trois reprises, il tenta de s'infiltrer sur le front par le train, mais il est renvoyé chez lui en raison de son jeune âge. Après la mort de son père, Hoess s'engage en août 1916 dans l'armée, plus précisément dans la cavalerie chez les Dragons, grâce à sa rencontre du Capitaine Günther, qui l'estime beaucoup, alors qu'il n'a pas encore 16 ans.

Il est envoyé servir dans l'Empire ottoman, en Irak, puis en Palestine, et à 17 ans, il est déjà sous-officier décoré de la Croix de fer de 2e et 1re classes. En 1919, après la Première Guerre mondiale, il s'engage dans une troupe paramilitaire nommée Roßbach et part combattre dans les territoires allemands près de la Baltique, dans la Ruhr et en Haute-Silésie. Libéré de cette troupe, il s'inscrit au parti nazi comme SA en 1922. Ayant participé au meurtre du communiste Walter Kadow, il est condamné à 10 ans de prison, mais est libéré en 1928 grâce à une amnistie. C'est notamment ce séjour en prison qui conduira Himmler à le choisir pour diriger le camp d'Auschwitz-Birkenau. Cet emprisonnement fera de lui un expert dans la psychologie des prisonniers, c'est de lui que viendra l'idée de maquiller les chambres à gaz en douche pour que les gazages se fassent sans rebellion de la part des détenus.

À la suggestion de Heinrich Himmler, il demande à faire partie des SS en 1933 et est accepté l'année suivante. Le 1er décembre 1934, il devient membre du Totenkopfverbände (l'unité "tête de mort"). Il sert ainsi au camp de Dachau. Promu SS Hauptsturmführer en 1938, il est candidat pour être commandant au camp de Sachsenhausen. En 1940, devenu membre des Waffen-SS l'année précédente, il est nommé commandant du camp d'Auschwitz, où il reste jusqu'en 1943. Il y met en place un premier camp Auschwitz 1 puis un second Auschwitz 2 Birkenau qui sera celui de l'extermination massive des populations juives d'Europe. Jusqu'alors (dans d'autres camps notamment), les gazages étaient effectués avec des gaz d'échappement.

La particularité de l'extermination mise en place par Hoess a été d'utiliser le Zyklon B. Les tous premiers essais de gazages au Zyklon B (acide prussique dont l'utilisation normale était celle d'insecticide) ont lieu à Auschwitz 1, fin 1941. Au printemps 1942 les déportations en masse commencent et Hoess met en place deux lieux de gazage provisoires à Birkenau avant de faire construire au printemps 1943 quatre crématoires (on appelle crématoires des bâtiments qui comprenaient à la fois une salle de déshabillage, des chambres à gaz et les fours crématoires proprement dits). Hoess a donc, sur ordre de Himmler, organisé la Solution finale à Auschwitz en améliorant ses méthodes entre la fin 1941 et le printemps 1943 : le but en était le meurtre de masse d'un maximum de Juifs en un minimum de temps.

Du 1er décembre 1943 au 8 mai 1944, il est remplacé par Arthur Liebehenschel, dont il reprend les postes au Amstgruppe D du Wirtschaftverwaltungshauptamt des SS. Himmler le renvoie à Auschwitz pour mettre en place l'« Aktion Hoess », c'est-à-dire la machine de mort du camp d'Auschwitz II Birkenau qui visa des juifs de Hongrie. Capturé le 11 mars 1946 par la police militaire britannique, il témoigne pendant les procès de Nuremberg contre Ernst Kaltenbrunner, Oswald Pohl et la firme IG Farben. Il est transféré aux autorités polonaises le 25 mai 1946. Il est jugé par le Tribunal suprême de Pologne du 1er au 29 mars 1947. Condamné à mort le 2 avril 1947, son exécution par pendaison a lieu le 7 avril près du crématorium du camp d'Auschwitz 1 et de la maison qu'il a occupée avec sa famille durant toutes les années pendant lesquelles il a dirigé le camp.

Pendant son interrogatoire, cet homme ne se croyait en aucun cas coupable et répétait constamment qu'il avait obéi à des ordres. Pendant son emprisonnement, il rédigea une autobiographie publiée en 1958 sous le titre Rudolf Hoess - Le Commandant d'Auschwitz parle. Il s'y présente comme un homme élevé dans l'obéissance aux ordres. Il y exprime son antisémitisme et son dégoût pour les Tziganes comme des évidences. En 1952, l'écrivain français Robert Merle publia une biographie romancée de Hoess (Rudolf Lang dans le récit), la Mort est mon métier. Ses sources ont été l'autobiographie de Hoess et ses états de services au sein de l'armée allemande et du parti nazi. De plus, il s'est basé sur le résumé des entretiens de Hoess avec le psychologue américain Gustave Gilbert qui l'interrogea dans sa cellule au moment du procès de Nuremberg. L'auteur concentre son attention sur les raisons qui peuvent pousser un homme à exécuter des ordres menant au massacre des 2,5 millions de déportés qui lui furent imputés (c'était la propre estimation de Hoess). Plus de la moitié du récit est donc consacrée à l'éducation du jeune Hoess, à ses multiples frustrations et au mouvement qui le rapproche des SA, puis des SS.

La seconde moitié du roman est un véritable travail d'historien : Merle y décrit avec précision la mise en place de la Solution finale à Auschwitz de même que l'implacable organisation nazie qui, en segmentant les tâches jusqu'au moindre détail, interdit à Hoess toute maîtrise de ses actes et toute prise de distance, ne serait-ce que de conscience. En 1985, l'écrivain italien Primo Levi, lui-même ancien déporté à Auschwitz, rédige une préface à l'édition italienne de l'autobiographie de Hoess. Cette préface figure dans l'ouvrage de Levi L'asymétrie et la Vie. En 2006, dans son livre les Les Bienveillantes, Jonathan Littell évoque à de nombreuses reprises la rencontre entre Rudolf Hoess et son héros, Maximilien Aue. Par la voie narrative et par les thèmes abordés, les deux ouvrages furent directement associés. Mais à la différence de Robert Merle, Jonathan Littell nous présente Rudolf Hoess comme un fonctionnaire corrompu et sans intelligence.

Rosenberg Alfred

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Alfred Rosenberg (1893-1946) est un théoricien du parti nazi. Il est en outre responsable des massacres organisés dans les territoires à l'est de l'Allemagne pendant la Seconde Guerre mondiale.

Alfred Rosenberg

Alfred Rosenberg

 

D'une famille allemande des pays baltes, il est né le 12 janvier 1893 à Reval (aujourd'hui Tallinn) dans le gouvernement d'Estland, appartenant à l'Empire russe (actuelle Estonie), et y fit des études d'ingénieur-architecte. Établi à Munich en 1918 après la Révolution russe, il fréquente l'ordre de Thulé et se rallie aux doctrines raciales de Dietrich Eckart (1868-1923) qui le présente à Adolf Hitler. Il devint un des plus fervents partisans du national-socialisme. Dès 1920, il est ainsi rédacteur en chef du Völkischer Beobachter, organe du parti. Il participe au putsch manqué de Munich en 1923. Hitler, emprisonné, le désigne pour le remplacer à la tête du parti nazi. Il rend visite à Hitler en prison et aurait influencé certaines parties du livre Mein Kampf.

Devenu idéologue du parti national-socialiste, il diffuse l'antisémitisme par le biais des Protocoles des Sages de Sion. Il développe ses théories raciales et antichrétiennes dans le Mythe du vingtième siècle (1930). Pour lui, la « race » est le principe déterminant la science, l'art et la culture. Après la prise de pouvoir en 1933, il subit néanmoins l'inimitié personnelle de Hermann GoeringHeinrich Himmler et Joseph Goebbels, qui l'écartèrent de tous les postes ministériels, et doit se contenter d'un rôle secondaire aux Affaires étrangères du parti. De nouveaux déboires affectent sa carrière, d'abord en 1938 avec la nomination de Joachim von Ribbentrop au ministère des Affaires étrangères, puis en 1939 avec la signature du pacte germano-soviétique.

Il est chargé à partir de 1940 de la confiscation des œuvres d'art et des bibliothèques volées aux Juifs à travers l'Einsatzstab Reichsleiter Rosenberg. En 1941, il est nommé «Ministre du Reich pour les territoires occupés de l'Est» et supervise les Reichskommissariat. À ce titre, il est condamné à mort le 1er octobre 1946 après avoir été reconnu responsable des massacres organisés à l'est de l'Allemagne pour plan concerté ou complot, crimes contre la paix, crimes de guerre et crimes contre l'humanité lors du procès de Nuremberg. Il est pendu le 16 octobre 1946. Quand il lui a été demandé s'il avait quelque chose à déclarer avant son exécution, il a simplement répondu : « Nein ». Rosenberg est aussi connu pour son rejet du christianisme, et pour avoir joué un rôle important dans le développement du christianisme positif qu'il percevait comme une transition vers une nouvelle foi Nazie.


Abetz Otto

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Otto Abetz (né le 26 mai 1903 et décédé le 5 mai 1958) était l'ambassadeur de l'Allemagne à Paris (France) pendant la Seconde Guerre mondiale.

Otto Abetz (gauche) saluant le maréchal Pétain

Otto Abetz (gauche) saluant le maréchal Pétain

 

Otto Abetz (né le 26 mai 1903 et décédé le 5 mai 1958) était l'ambassadeur de l'Allemagne à Paris (France) pendant la Seconde Guerre mondiale. Otto Abetz est né à Schwetzingen (Bade-Wurtemberg). Tout d'abord enseignant, il rejoint le Parti nazi en 1931.En 1932, Abetz épouse Suzanne de Bruyker, une Française qui était secrétaire de Jean Luchaire.

De 1934 à 1939, il publie avec Fritz Bran une revue, les Cahiers franco-allemands, qui avait pour but de propager l'idéologie nazie dans le milieu des intellectuels français.Entré dans le service des affaires étrangères allemand en 1935, il représenta l'Allemagne en France en 1938 et en 1939, et fut initié à la Franc-maçonnerie (il fut membre de la loge Goethe de la GLF). Il fut expulsé de France lors de la déclaration de guerre de la France à l'Allemagne. Il travailla à mettre en place une politique de collaboration avec, notamment, son ami le journaliste Jean Luchaire, avec qui il organisa avant 1933 des congrès de jeunesses franco-allemandes prônant la réconciliation et qui sera fusillé lors de l'épuration.

Le 8 juillet 1940, à la suite de l'armistice entre la France et l'Allemagne, il fut de nouveau envoyé en France. Nommé ambassadeur de l'Allemagne en novembre 1940, il conserva ce poste jusqu'en 1944. En juillet 1949, le tribunal militaire de Paris le condamna, malgré la plaidoirie de Maître Floriot à 20 ans de travaux forcés pour crimes de guerre, en particulier pour son rôle dans l'organisation de la déportation des juifs de France vers les camps de la mort. Il fut libéré en avril 1954. Il trouva la mort en 1958 dans un accident de voiture. Selon certaines rumeurs, cet accident serait plutôt un acte de vengeance lié aux activités d'Abetz durant la Seconde Guerre mondiale.

 

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Heinrich Otto Abetz (26 March 1903 – 5 May 1958) was the German ambassador to Vichy France during World War II. Abetz was born in Schwetzingen on 26 March 1903. He was the son of an estate manager, who died when Otto was only 13. Abetz matriculated in Karlsruhe, where he became an art teacher at a girls' school. He would eventually join the Hitler Youth where he became a close friend of Joachim von Ribbentrop. He was also one of the founders of the Reichsbanner, which worked to reconcile National Socialists and Communists, and was associated with groups such as the Black Front. The latter associations were committed to pan Europeanism and a free federal continent.

Abetz cultivated a legacy of strengthening Franco-German relations. Interested in French culture at an early age, in his twenties he started a Franco-German cultural group for youths, along with Jean Luchaire, known as the Sohlberg Congress. The group brought together a hundred German and French youth of all profession, social classes, political leanings, and religious affiliation. The group held their first conference in the Black Forest, and were frequently convened around ski slopes, campfires, and in hostels. The group maintained relations with the media through Luchaire's connection to the Notre Temps, and Abetz started the Sohlberg Circle (Sohlbergkreis). In 1934 the Sohlberg Circle was reborn as the Franco-German Committee (Comité France-Allemagne), which included Pierre Drieu la Rochelle and Jacques Benoist-Mechin.

An ardent Francophile, Abetz married Luchaire's French secretary, Susanne de Bruyker, in 1932. At that time his politics were leftist, and he was known as a pacifist who bridged differences with fascists. Abetz did not join the Nazi Party until 1937, the year he applied for the German Foreign Service. From 1938, he was representing Germany in Paris. There, he joined masonic lodge Goethe in 1939. Abetz attended the Munich Conference in 1938. He was deported from France in June 1939 following allegations he had bribed two French newspaper editors to write pro-German articles; his expulsion created a scandal in France when it emerged that the wife of the French Foreign Minister Georges Bonnet was a close friend of the two editors, which led to much lurid speculation in the French press that Bonnet had received bribes from Abetz, though no firm evidence has ever emerged to support the rumors. He was present in Adolf Hitler's entourage at the fall of Warsaw, and served as a translator for the German Führer. He returned to France in June 1940 following the German occupation and was assigned by Joachim von Ribbentrop to the embassy in Paris.

Following Hitler's June 30 directive, Abetz was assigned by Ribbentrop the project of "safeguarding" all objects of art, public, private, and especially Jewish-owned. Abetz embarked on the job with enthusiasm and announced to the Wehrmacht that the embassy had been "charged with the seizure of French works of art... and with the listing and seizure of works owned by Jews." On 17 September 1940 Hitler allowed Einsatzstab Rosenberg into the game too and soon pushed Abetz out of the confiscation business. The Pétain government protested Abetz's undertakings in late October, but nothing could stop the German agencies. By the end of October so much material had accumulated at the Louvre that it was decided more space was needed.

In November 1940 Abetz was appointed to the German Embassy in Paris, in occupied France, at the age of 37 - a post he held until July 1944. He was also head of the French fifth columnists through Ribbentrop's special unit within the Foreign Service. Abetz was never accredited as Ambassador to France as there was never a peace treaty between Germany and France, but he acted with the full powers of an ambassador. He advised the German military administration in Paris and was responsible for dealings with Vichy France. In May 1941, he negotiated the Paris Protocols to expand German access to French military facilities.

Otto Abetz was one of the few German functionaries who admired and respected von Ribbentrop. His primary objective was to secure complete collaboration from the French, through negotiations with Laval and Admiral Darlan. Abetz's function eventually evolved into becoming the catalyst for society, the arts, industry, education, and above all, propaganda. He assembled a team of journalists and academics. In addition to running the German embassy in Paris, Abetz seized the Château de Chantilly in the countryside. he often entertained guests in both these places, living and working like a self-styled autocrat. One of the guests, the French fascist Louis-Ferdinand Céline, referred to him as "King Otto I", and France as "the Kingdom of Otto".

The Embassy was theoretically responsible for all political questions in occupied France, which included SD operations, and for advising the German police and military. Abetz advised the military, the Gestapo and the SD, who nevertheless did not heed his advice. As the official representative of the German Government with the honorary rank of SS-Standartenführer (Colonel), he sought to seize the initiative as much as possible. In 1940 he created the German Institute, to be headed by Karl Epting, which was intended to improve French-German relations by offering a taste of German culture to the French people. Thirty thousand people signed up for the Institute's German language courses, but far more popular were the concerts which featured Germany's best musicians, including Herbert von Karajan and the Berlin Philharmonic Orchestra.

Following the occupation of all of Vichy France on 11 November 1942, von Ribbentrop's influence was minimal as all of France was run by German military authorities, in conjunction with military police. An NSDAP Reichskommissariat of Belgien-Nordfrankreich held sway in several northern departments. Abetz was helpless to aid von Ribbentrop in Paris. Von Ribbentrop recalled him in November following the occupation of Vichy France. Abetz knew that he was in disfavour, although he did not understand why. He saw neither Hitler nor von Ribbentrop for a full year. He was consulted only once, on the formation of the French volunteer Waffen-SS unit Charlemagne. In his memoirs, Abetz assumed that he was considered "too francophile" and that his constant warnings about the loss of the French fleet and the loss of the French North Africa colonies were a thorn in the side of von Ribbentrop, particularly now that they had turned out to be correct. The scuttling of the French fleet in Toulon on 27 November had ensured that the French would not join the Axis.

He left France in September 1944 as the German armies withdrew. This despite claiming to Swedish ambassador Raoul Nordling on the seventh of the previous month that the Germans had neither killed political prisoners nor were making any plans to leave Paris. He was captured by Allied authorities in the Schwarzwald in October 1945. He was quoted in the France Soir following the announcement of his arrest stating that Adolf Hitler was not dead, which is found in the FBI files pertaining to Hitler's apparent escape to Argentina. In July 1949 a French court sentenced Abetz to twenty years' imprisonment for war crimes, particularly his role in arranging the deportation of French Jews to the death camps. He was released on 17 April 1954 from Loos prison. He died on 5 May 1958 in an auto accident near Langenfeld on the Cologne-Ruhr autobahn. There was speculation that the accident might have been arranged as revenge for Abetz' wartime activities, but this has never been proven. A grand nephew Eric Abetz is a member of the Australian Senate for the Liberal Party of Australia and grand nephew Peter Abetz is a member of the Western Australian Legislative Assembly for the Liberal Party.

Arrestation d'Otto Abetz

Barbie Klaus

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Klaus Barbie (Bad Godesberg, Allemagne, 25 octobre 1913 - Lyon, France, 25 septembre 1991) était le chef de la Gestapo de Lyon. Il fut surnommé « le boucher de Lyon ». Il a été condamné pour crime contre l'humanité, lors du « procès Barbie » en 1987. 

Klaus BarbieKlaus BarbieKlaus Barbie

Klaus Barbie

Né à Bad Godesberg le 25 octobre 1913, Klaus Barbie obtient son Abitur (baccalauréat) en 1933 et adhère aux Jeunesses hitlériennes (Hitlerjugend). En 1935, il est admis à la SS. La même année, il commence à travailler au service central du SD (ou Sicherheitsdienst), le service de sécurité du parti nazi qui deviendra service de renseignements du Reich par un décret du 11 novembre 1938 à Berlin.  Il reçoit ensuite une formation d'enquêteur au quartier général de la police de l'Alexanderplatz. Après quelques semaines à la brigade criminelle, il est affecté à la brigade des moeurs.  En 1936, il est muté à Düsseldorf.

L'année suivante, il passe par l'école du SD à Bernau avant d'être envoyé suivre un cours d'officier à Berlin-Charlottenburg. Les listes du NSDAP ayant été fermées en avril 1933, ce n'est qu'à leur réouverture en 1937 que Barbie devient membre du parti. Fin 1938, durant trois mois, il effectue son service militaire au 39e régiment d'infanterie, puis poursuit sa formation d'officier.  Le 20 avril 1940, il est nommé SS-Untersturmführer (sous-lieutenant SS). Quelques jours plus tard, il épouse Regine Willms qui a adhéré au parti nazi en 1937 et travaille dans une crèche de l'association des femmes nazies. En 1940, après l'invasion des Pays-Bas, Klaus Barbie y est envoyé au sein d'un détachement de la Sipo-SD (Sicherheitspolizei und Sicherheitsdienst, police de sécurité - État - et service de sécurité - parti nazi) à la section VI (Amt VI, Ausland-SD, renseignements à l'étranger) chargée de la préparation du débarquement en Grande-Bretagne.

Avant même que celui-ci ne soit annulé, Klaus Barbie est muté à la section IV (Amt IV, improprement appelée Gestapo, en fait formée des sections [Abteilungen] II et III de la Gestapo et de la section centrale [Zentralabteilung] III2 du SD Hauptamt). Dans ce cadre, d'abord à La Haye, puis à Amsterdam, il participe activement à la poursuite et à la rafle des juifs, des francs-maçons et des émigrés allemands. Il "travaille" avec tant de zèle qu'en octobre 1940, il est promu SS-Obersturmführer (lieutenant SS). Pour avoir été l'un des officiers les plus énergiques dans l'assaut du ghetto juif d'Amsterdam et pour avoir commandé des pelotons d'exécution, il est décoré de la croix de fer de seconde classe (Eisernes Kreuz II.Klasse) le 20 avril 1941.

Le 14 septembre 1944, le SS-Sturmbannführer (commandant SS) Wanninger recommande Klaus Barbie - déjà jugé dans un rapport de 1940 comme « discipliné, travailleur, honnête, amical, bon camarade, officier irréprochable » - pour une promotion au grade de SS-Hauptsturmführer (capitaine SS) en ces termes : « Klaus Barbie est connu au Quartier général comme un chef SS enthousiaste, qui sait ce qu’il veut. Il a un talent certain pour le travail de renseignement et pour la recherche des criminels. Sa plus grande réussite réside dans la destruction de nombreuses organisations ennemies. Le Reichsführer-SS Himmler a exprimé sa gratitude à Barbie dans une lettre personnelle qui le félicitait pour la qualité de son travail dans la recherche des criminels et la lutte contre la Résistance. Barbie est [un officier] sur lequel on peut compter aussi bien sur le plan psychologique que sur le plan idéologique. Depuis sa formation et son emploi au sein du SD, Barbie a mené une carrière assidue en tant que directeur d’un service supérieur et, s’il n’y a pas d’objection, il est recommandé qu’il soit promu SS-Hauptsturmführer. »

Selon Tom Bower, bien que cela ne soit pas mentionné sur ses états de service, Klaus Barbie aurait été envoyé en Russie, de l'été 1941 au printemps 1942, dans un commando spécial de la Sipo-SD, chargé de la lutte contre les partisans sur les arrières de l'armée allemande. Au printemps 1942, comme il est bien noté et qu'il parle français, Klaus Barbie est nommé chef de la sécurité à Gex, sous-préfecture de l'Ain en France, à proximité de la frontière suisse. En fait, une mission délicate l'attend : il doit enlever Alexander Foote, un agent secret travaillant pour l'URSS à Genève. Barbie réussit à soudoyer le chef d'un poste de la garde-frontière suisse et s'introduit à Genève, par le poste de Prévessin, douane proche de sa résidence privée, avec une voiture, mais Alexander Foote a disparu...

En juin 1942, Klaus Barbie est affecté au KDS (Kommando der Sipo-SD) de Dijon, puis, après l'invasion de la zone libre en France par les Allemands en novembre 1942, au KDS de Lyon (commandé par Rolf Müller, puis, début 1943, par Fritz Hollert et, à partir de l'été 43, par Werner Knab) où il prend le commandement de la section IV (lutte contre les résistants, les communistes, les juifs...). En février 1943, Klaus Barbie devient le chef de la Gestapo de la région lyonnaise (troisième officier, par ordre d'importance, au sein du KDS de Lyon). Sous ses ordres, sont torturés et exécutés de nombreux résistants, dont Jean Moulin. Il arrête aussi personnellement, à la demande de Ribbentrop, en août 1943, Albert Lebrun et André François-Poncet en Isère.

Surnommé « le boucher de Lyon », il donne l'ordre d'exécuter de nombreux otages et de déporter des milliers de Juifs à Drancy - étape intermédiaire avant Auschwitz. Parmi ses victimes, se trouvent les 86 personnes arrêtées le 9 février 1943 au siège de l'UGIF, situé 12, rue Sainte-Catherine à Lyon, mais aussi les 44 enfants d'Izieu raflés le 8 avril 1944. Le 11 août de la même année, Barbie réussit à faire partir directement de Lyon à Auschwitz le dernier convoi de déportés avec 650 personnes dont 308 Juifs. Lors de son procès, il sera en outre et entre autres accusé d'avoir fait fusiller 22 otages, dont des femmes et des enfants, en représailles d'un attentat sur deux policiers allemands en 1943, d'avoir torturé ou fait torturer au moins une vingtaine de personnes en 1943 et d'en avoir fait fusiller au moins une quarantaine la même année, d'avoir fait fusiller 70 Juifs à Bron et beaucoup d'autres parmi les 120 prisonniers de la prison Montluc exécutés à Saint-Genis-Laval en été 1944, où il est vrai que, selon Max Payot, un agent français de la Gestapo, Fritz Hollert, deuxième officier du KDS de Lyon, donc supérieur à Klaus Barbie, est présent.

Durant le premier semestre de l'année 1944, Barbie dirige également le commando de la Sipo-SD qui accompagne les troupes de répression des maquis, notamment dans l'Ain et le Jura : il torture, tue également ou fait tuer de nombreux villageois censés (voir discussion) soutenir les maquisards... Il est également très actif du côté savoyard de la frontière genevoise, lieu de passage de nombreux fuyards. Accompagné de son interprète Gottlieb Fuchs, auteur du livre "Le Renard, l'interprète de Klaus Barbie parle 30 ans après", (Ed. A.Michel, 1973,) il interroge et fait torturer à l'hôtel Pax d'Annemasse, en Haute-Savoie. Fuchs, mort avant le procès de Barbie, prétendait qu'il falsifiait des documents que devait signer Barbie, le soûlant avec la complicité des serveuses, pour sauver des résistants.

Devenu interprète en chef, il était un paysan lucernois engagé par la Croix-Rouge allemande (en fait la Gestapo) et racontait sa propre version de la mort de Jean Moulin. Il aurait vu le chef de la Résistance traîné par les cheveux, ensanglanté, sur les escaliers du lieu de torture de l'avenue Berthelot (actuellement Musée de la Résistance). Fuchs aurait été un agent des Services de renseignements suisses. Il a été torturé après avoir été découvert. Après la Libération de la France, Barbie parvient, blessé, à gagner la ville de Baden-Baden en Allemagne. Le 9 novembre 1944, il est promu SS-Hauptsturmführer. En poste à Halle, puis à Düsseldorf et à Essen, il termine la guerre à Wuppertal.

Recherché par les Alliés comme criminel de guerre, l'ancien patron de la Gestapo de Lyon, aidé par un réseau d'anciens SS, se fait discret et, sous un faux nom, s'invente une nouvelle vie. Trafiquant au marché noir, il tient même un cabaret dans l'agglomération munichoise sans être inquiété par la justice.  Arrêté par les Américains, puis par les Britanniques, il s'évade. À partir du printemps 1947, il est employé par les services secrets américains qui l'utilisent, avec d’autres nazis, dans la lutte anticommuniste. En effet, au début de la guerre froide, le CIC (Counter Intelligence Corps, US Army) est vivement intéressé par l'expérience que Klaus Barbie a acquise en France contre la résistance communiste, surtout afin d'obtenir des informations sur la pénétration communiste des services secrets français, sur les activités du Parti communiste français en France, dans l'armée française et la zone française en Allemagne ainsi que sur celles des services secrets français dans la zone américaine.

À partir de 1948, la France réclame l'extradition de Klaus Barbie. Le Counter Intelligence Corps donne trois raisons pour expliquer la protection qui lui est accordée : d'abord, que son aide est vraiment précieuse au moment de la guerre froide, ensuite, que ses prétendus crimes contre la Résistance étaient des actes de guerre et que les Français recherchent davantage la vengeance que la justice, enfin, qu'on ne peut plus faire confiance à une France submergée par les communistes qui veulent en fait interroger Barbie sur la pénétration américaine du parti communiste allemand et des services secrets français.

Poursuivi notamment dans le cadre des deux procès intentés à René Hardy, suspecté d'avoir trahi Jean Moulin, Klaus Barbie est condamné par la justice française, en 1952 et 1954, à la peine capitale par contumace.  En 1951, Barbie, accusé de vol par la police allemande, est exfiltré vers l’Argentine avec le concours des services secrets américains et de Krunoslav Draganović. Sous l'identité de « Klaus Altmann », il s’installe en Bolivie, obtient la nationalité bolivienne et dirige une entreprise d'exploitation du bois, puis, de 1966 à 1971, une compagnie maritime qui s'adonne au trafic d'armes au profit des dictatures militaires d’Amérique du Sud.

À partir de 1964, il collabore activement avec l'armée bolivienne et donne des conseils pour la recherche et la torture des opposants. De 1965 à 1967, jusqu'à la mort de Che Guevara dans la jungle bolivienne, il semble qu'il soit de nouveau au service de la CIA. En 1971, il soutient le coup d'État du colonel Hugo Banzer, mais, sa compagnie ayant fait faillite, il s'installe au Pérou. Cependant, l'arrivée de Beate Klarsfeld l'oblige à regagner la Bolivie.  En effet, dès 1961, une enquête de la police allemande détermine que Klaus Barbie s'est réfugié en Bolivie. En 1969, lorsque sa fille Ute demande un visa pour l'Allemagne, les autorités découvrent finalement que « Klaus Altmann » est Klaus Barbie. Toutefois, face aux difficultés administratives, l'affaire est sur le point d'être classée quand les protestations de Beate Klarsfeld viennent la relancer.

Néanmoins, Klaus Barbie, personnage important en Bolivie, est protégé par le régime Banzer jusqu'à sa chute en 1978, puis, après le coup d'État de 1980, par le nouveau régime dans lequel Barbie est nommé colonel honoraire des services de renseignements. Cependant, le gouvernement américain contraint le président bolivien à démissionner l'année suivante.  Après bien des péripéties et des atermoiements, après que le gouvernement français a accordé à la Bolivie une importante aide au développement, Barbie est expulsé vers la France en février 1983 pour avoir obtenu la nationalité bolivienne sous un faux nom.

Sa défense étant assurée par l'avocat Jacques Vergès, il est jugé et condamné à la prison (résidence particulière sous surveillance) à perpétuité pour crimes contre l'humanité. Le procès de Klaus Barbie a fait l'objet d'un enregistrement vidéo et a été diffusé par la suite à la télévision.  En 1991, à près de 78 ans, il meurt en prison à Lyon des suites d'un cancer. En 2008, le général français Paul Aussaresses révèle, dans un ouvrage intitulé Je n'ai pas tout dit. Ultimes révélations au service de la France, que, dans les années 1970, le gouvernement français versa une commission conséquente à Klaus Barbie dans le cadre d'une vente d'armes à la Bolivie.

 

Eisenhower Dwight David

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Dwight David Eisenhower (14 octobre 1890 - 28 mars 1969), surnommé « Ike », est le 34e président des États-Unis, durant deux mandats du 20 janvier 1953 au 20 janvier 1961. 

Eisenhower Dwight David

Eisenhower Dwight David

Durant la Seconde Guerre mondiale, il est général cinq étoiles de l'armée américaine, et commandant en chef des forces alliées en Europe. Il est membre du parti républicain. Il est chef d'État-Major général des Forces Armées des États-Unis de 1945 à 1948 et le commandant suprême des forces alliées en Europe du 2 avril 1951 au 30 mai 1952. En tant que président des États-Unis, il supervise le cessez-le-feu en Corée, lance la course à l'espace, développe le système des autoroutes inter États et fait du développement de l'armement nucléaire l'une de ses priorités dans le cadre de la guerre froide avec l'URSS.

Troisième des sept enfants de David Jacob Eisenhower et de Ida Elizabeth Eisenhower (née Stover), David Dwight Eisenhower est né le 14 octobre 1890 à Denison au sein d'une famille modeste, de tradition mennonite et anabaptiste. La mère de Dwight, Ida Eisenhower, faisait partie des témoin de Jéhovah. Il est baptisé David Dwight mais appelé couramment Dwight. L'ordre des deux prénoms est définitivement inversé lors de son incorporation à l'académie militaire de West Point.

Le nom de ses ancêtres s'écrivait à l'origine "Eisenhauer". C'est en 1741 que Hans Nicolas Eisenhauer avait émigré de Sarre pour s'installer en Amérique, dans la colonie britannique de Lancaster (Pennsylvanie). La famille Eisenhower s'installe à Abilene au Kansas en 1892. C’est lors de sa scolarité à Abilène que le jeune Dwight Eisenhower aurait reçu le surnom de « Ike » par son meilleur ami d'enfance. Son éducation est fondée sur les valeurs familiales chrétiennes. Néanmoins, sa mère fut une adepte des témoins de Jehovah à partir de 1895, tout comme son père, et la résidence des Eisenhower servit de lieu de réunion pendant plusieurs années.

À 19 ans, en 1909, il obtient son diplôme de fin d’études secondaires du lycée d'Abilène et commence à travailler dans une laiterie car ses parents n’ont pas les ressources financières nécessaires pour l’envoyer à l’université. Il tente l'examen à l'entrée à l'académie navale mais n'est pas admissible en raison de son âge. Il entre finalement à l'Université de Kansas City pour préparer une carrière militaire et réussit brillamment ses examens qui le font entrer d'office à l'académie militaire de West Point.

En 1911, Dwight Eisenhower, est admis à l’Académie militaire de West Point. Il en sort, quatre ans plus tard, 61e sur 164 avec le grade de Lieutenant, dans la moyenne de sa promotion et est affecté, à sa sortie d'école, au Fort Sam Houston de San Antonio au Texas. C'est là qu'il y rencontre Mamie Geneva Doud (1896–1979), qu'il épouse le 1er juillet 1916, et avec qui il a 2 fils, Doud Dwight Eisenhower (né le 24 septembre 1917 et décédé le 2 janvier 1921 des suites de la scarlatine) et John Sheldon David Doud Eisenhower (né le 3 août 1922).

En 1917, il est promu capitaine et sert comme instructeur dans plusieurs camps d'entrainement alors que le pays est engagé dans la Première Guerre mondiale. Malgré ses demandes, il n'obtient pas d'affectation en Europe et, en 1918, prend le commandement du "Tank Training Center" à Camp Colt en Pennsylvanie. Au Camp Meade, près de Washington, en 1920, promu au grade de major, il rejoint l’Infantry Tank School où il retrouve un officier du corps blindé : le colonel Georges S. Patton, par ailleurs grand joueur de bridge. Ensemble ils publient, comme de Gaulle, des articles préconisant l’utilisation des chars afin d’éviter une nouvelle guerre de tranchées. Ses idées ne sont pas appréciées par ses supérieurs et il est même menacé de passer en Cour martiale.

Il est ensuite affecté dans la zone du canal de Panama sous les ordres du général Fox Conner qui reconnaît sa valeur et l’inscrit, en 1925, à l’école de formation aux fonctions de commandement et d’état-major de Fort Leavenworth d’où il sort premier de sa promotion ce qui lui vaut des affectations importantes notamment auprès du général John Pershing et du général Douglas MacArthur. En 1927, il est membre de la commission des monuments de guerre américain et en 1928, sort diplômé de l'école de guerre américaine (War College). En 1929, il est détaché à Paris en France avant de rejoindre le secrétariat d'État à la guerre.

En 1933, chef d'état-major du général Douglas MacArthur, il accompagne ce dernier à Manille alors qu’il est conseiller militaire auprès du gouvernement philippin. Il est promu lieutenant-colonel en 1936. Eisenhower donnant les dernières instructions aux soldats du débarquement en Normandie : Full victory-nothing else (« la victoire complète et rien d'autre»). À la fin de l'année 1939, c'est sur sa demande, alors que la guerre a été déclenchée en Europe, que Dwight Eisenhower revient aux États-Unis et est affecté à Fort Lewis dans l'État de Washington. Promu au grade colonel, il devient chef d'état-major de la 3ème armée en juin 1941, affecté à Fort Houston au Texas. Chargé de l’entraînement des troupes, il se distingue particulièrement par sa stratégie pendant les manœuvres, qui ont lieu en septembre 1941 en Louisiane, et auxquelles participent plus de 400 000 hommes.

A l'issue de celles-ci, il est promu au grade de général de brigade. Il retourne à Washington quelques jours après l’attaque sur Pearl Harbor pour être affecté au département de la guerre sous les ordres du général Marshall. Il en devient l'assistant en février 1942 et prend la tête de la division Opération de l’état-major sous les ordres du général Patton. Promu général deux étoiles, il est nommé en juin 1942 commandant en chef des forces américaines en Europe. Il supervise alors l'ensemble des opérations militaires tant en Europe qu'en Afrique du Nord. Il commande le débarquement de novembre 1942 en Afrique du Nord, l’opération Torch, où confronté aux divergences entre Britanniques et Américains, il fait preuve de tout son talent de conciliateur et de négociateur pour rapprocher les vues plutôt que de les opposer. Cette opération est aussi, en dépit du manque de moyens matériels, un précieux enseignement pour les débarquements qui ont suivi. En février 1943, il est promu général 4 étoiles alors qu'il prépare la campagne de Tunisie contre les forces de l'Afrika Korps.

En 1943, Dwight Eisenhower est chargé de l’invasion de la Sicile (opération Husky) et de l’Italie. Lors de la conférence interalliée de Téhéran de novembre 1943, il a été décidé qu’un second front allié serait ouvert à l’Ouest. Les Américains fournissant la majorité des hommes et du matériel, le chef de l’opération serait donc américain. Le président Roosevelt ne pouvant se passer de son conseiller militaire, le général George Marshall, c’est tout naturellement qu’Eisenhower est choisi pour cette mission. Il quitte alors le théâtre des opérations méditerranéennes pour Londres.

À la tête du SHAEF (Supreme Headquarter Allied Expeditionary Force), Eisenhower planifie l’Opération Overlord et commande la plus importante force d’invasion de tous les temps. Souvent remis en cause par les Britanniques mais soutenu par Marshall, Eisenhower, par son calme, sa finesse psychologique répond parfaitement aux caractères forts que sont Montgomery, Patton et le général de Gaulle. Face à l’opiniâtreté du Général qui défend la souveraineté politique de la France, Eisenhower renonce à la mise en place de l’AMGOT et autorise même la 2e DB du général Leclerc à entrer dans Paris en août 1944. Moins d’un an plus tard, Eisenhower atteint le but fixé : obtenir la capitulation sans condition de l’Allemagne.

En mai et juin 1945, il est successivement promu général cinq étoiles et décoré par le général de Gaulle de la Croix de la Libération. Au lendemain de la guerre, Eisenhower succède à Marshall comme chef d’état-major de l’armée, poste qu’il quitte en 1948 pour devenir président de l’université Columbia. Il garde toutefois le contact avec l’état-major où il intervient en tant que conseiller. En 1950, le président Truman le nomme commandant suprême de l’OTAN.

Plus tard, Dwight David Eisenhower laissera des documents concernant la Seconde Guerre mondiale dans une fosse au cimetière américain de Colleville-sur-Mer. Elle ne sera ouverte, selon ses souhaits, qu'au matin du 6 juin 2044, date du 100e anniversaire du débarquement en Normandie. En 1948, le président Harry Truman propose à Dwight David Eisenhower d’être son colistier au titre de candidat à la vice-présidence mais il refuse.

Alors qu'il vient d'être nommé commandant en chef de l'OTAN (1950) et qu'il installe son quartier général à Paris, des émissaires du parti républicain viennent le solliciter pour être leur candidat à l'élection présidentielle de 1952. Il se laisse convaincre et entame une campagne électorale qui le conduit à travers quarante-cinq États. Ses discours cherchent à rassurer les Américains et sa stratégie consiste à ne jamais mentionner le nom de son adversaire, mais à attaquer le bilan de son prédécesseur. Sa plate-forme tourne autour de trois thèmes : mettre fin à la corruption qui règne à Washington, en terminer avec la guerre de Corée et faire face à la subversion communiste alors que le pays est en plein maccarthisme.

La campagne électorale ne se passe toutefois pas sans heurts. Le candidat républicain à la vice-présidence est Richard Nixon. Celui-ci est accusé de détournement de fonds à son profit ce qu'il nie. De son côté, Eisenhower reçoit le soutien du sénateur Joseph McCarthy, qui affirme que de nombreux postes gouvernementaux sont infiltrés par les communistes. En novembre 1952, Eisenhower est élu avec 55% des suffrages contre son rival démocrate, Adlai Stevenson. Son mandat débute le 20 janvier 1953.

Réélu en 1956 contre le même Adlai Stevenson, ses deux mandats sont marquées par la fin de la guerre de Corée, le début de contacts directs avec les dirigeants de l'URSS, concrétisé notamment par la visite de Khrouchtchev aux États-Unis en 1959, mais aussi par la poursuite d'une politique d'endiguement du communisme, la condamnation de l'expédition anglo-franco-israélienne en Égypte, l'arrivée de Fidel Castro à Cuba, la création de la NASA, la lutte contre la ségrégation raciale dans l'armée et à l'école ou encore la réduction de l'inflation. Il fut secondé durant ses mandats par des personnalités comme John Foster Dulles, son secrétaire d'État (équivalent de ministre des Affaires étrangères), et George Humphrey, son secrétaire au Trésor.

Sur le plan extérieur, Dwight David Eisenhower mène une politique de fermeté afin de faire reculer la zone d’influence soviétique. Eisenhower lance un programme de « dissuasion nucléaire » visant à augmenter l'arsenal des États-Unis. Dans le même temps, il lance le 8 décembre 1953 le programme Atoms for Peace visant à développer, nationalement et internationalement, les usages pacifiques de l'énergie atomique. Atoms for Peace mène aussi à la création de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA).

La mort de Staline le 5 mars 1953 modifie les relations Est-Ouest et l’heure est à la détente. Eisenhower et le gouvernement soviétique mettent fin à la guerre de Corée et Eisenhower refuse de s’engager militairement aux côtés de la France en Indochine. La conséquence en est l’indépendance du Cambodge, du Laos et la séparation du Viêtnam en deux parties qui entraîne, pour les États-Unis, une guerre longue et difficile. L’heure est plutôt aux actions clandestines orchestrées par la CIA telles que le renversement du gouvernement du Premier ministre d’Iran Mohammad Mossadegh en août 1953 (opération Ajax) et la prise du pouvoir par le Shah Mohammed Reza Pahlavi, celui du gouvernement de Jacobo Arbenz Guzman au Guatemala en juin 1954 (Opération PBSUCCESS) et la tentative échouée en Indonésie en 1958. En 1956, l’intervention soviétique à Budapest et la crise de Suez rappellent que la guerre froide est loin d’être terminée.

En 1957, le lancement par l’URSS du satellite Spoutnik surprend le monde occidental. Eisenhower renforce alors la politique de défense et accélère le développement des missiles intercontinentaux, définit la doctrine Eisenhower et engage le pays dans un programme spatial très ambitieux. L'année 1960 marque la rupture du dialogue avec Khrouchtchev en raison de l’affaire du U2 abattu sur le territoire soviétique. Par ailleurs, en 1957, il nomme son frère, le professeur Milton Stover Eisenhower (1899-1985), conseiller et ambassadeur spécial sur les affaires latino-américaines.

Sur le plan intérieur les mandats du président Eisenhower se caractérisent par une relative prospérité et la relance de l’économie de consommation après les années de guerre. C’est à lui que l’on doit les quelques 65 000 km d’autoroutes reliant les États entre eux qui ont un impact certain sur le mode de vie des Américains. On lui doit aussi certaines avancées dans le domaine social avec l’extension de l’assurance-maladie, la retraite à 62 ans pour les femmes et l’accroissement des droits syndicaux.

L’un des problèmes les plus irritants était causé par le Sénateur Joseph McCarthy et sa lutte contre les supposées infiltrations communistes au sein du gouvernement. Bien qu’il n’ait jamais pu obtenir la moindre inculpation, il était aux yeux de certains Américains un rempart auto-proclamé contre l’avancée communiste. Eisenhower ne chercha jamais à le confronter directement mais il réussit à obtenir une motion de censure à son encontre en 1954 en utilisant à son avantage un nouveau moyen d’expression : la télévision. Julius et Ethel Rosenberg, accusés d’espionnage au profit de l’URSS et exécutés le 19 juin 1953 furent, indirectement, les victimes de la vigilance anticommuniste.

Dans le domaine culturel, Eisenhower promulgue la loi créant le National Cultural Center à Washington, D.C. La Seconde Guerre mondiale et les impératifs de production ont permis aux minorités, les noirs en particulier, de faire évoluer leur rôle dans la société américaine. Les revendications égalitaires commencent à apparaître, en particulier dans le domaine de l’éducation. En mai 1954, une décision de la Cour suprême interdit la ségrégation dans les écoles publiques et, en octobre 1955 une étudiante noire est admise dans une université d’un État du sud, l’Alabama. Les grands mouvements populaires commencent en décembre 1955 à Montgomery, en Alabama et virent l’arrivée d’un organisateur charismatique, Martin Luther King. Le vote des droits civiques ne se fit pas sans difficulté, un sénateur utilisa même son droit de parole pour faire un discours de vingt-quatre heures et vingt-sept minutes (un record!) afin de retarder le vote du Sénat. Le président Eisenhower dut faire intervenir l’armée pour obliger certaines écoles à s’ouvrir aux élèves noirs.

La présidence d’Eisenhower marque un certain accroissement du pouvoir fédéral qui, par exemple, assoit son autorité sur les eaux territoriales. La création d’un ministère de l’Éducation, de la Santé et des Services sociaux permet de financer des projets fédéraux mais n’enlève que peu d’autorité aux États comme on peut le voir dans les difficultés du gouvernement à imposer la déségrégation dans les écoles.

Ne pouvant solliciter un troisième mandat, Eisenhower quitte la Maison-Blanche en janvier 1961. Il se retire dans sa ferme de Gettysburg en Pennsylvanie (devenu depuis le Eisenhower National Historic Site) où il se consacre à la rédaction de ses mémoires. En novembre 1968, il vit l'élection à la présidence de celui qui était son vice-président Richard M. Nixon (ce dernier avait échoué 8 ans plus tôt à lui succéder, battu en 1960 par John Kennedy) et il assistera deux mois plus tard au mariage entre son petit-fils David et Julie Nixon, fille du nouveau président élu.

Il passe la majeure partie de la dernière année de sa vie au Walter Reed Army Hospital de Washington, D.C. pour traiter ses problèmes cardiaques. Il y meurt le 28 mars 1969. Il reçoit des funérailles militaires et des funérailles d'État à Washington, D.C. en présence de dignitaires de 78 pays et de milliers d’anonymes, puis est enterré au centre Eisenhower aux côtés de son fils Doud Dwight.

Here is the warning given to the American people, and chillingly represents what is happening today. A short video of Eisenhowers speech and the Military Industrial "Congressional" Complex.

Seconde Guerre mondiale

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Conflit planétaire qui, de 1939 à 1945, opposa les puissances démocratiques alliées (Pologne, Grande-Bretagne et pays du Commonwealth, France, Danemark, Norvège, Pays-Bas, Belgique, Yougoslavie, Grèce, puis URSS, États-Unis, Chine, et la plupart des pays de l'Amérique latine) aux puissances totalitaires de l'Axe (Allemagne, Italie, Japon et leurs satellites, Hongrie, Slovaquie, etc.).

Seconde Guerre mondiale

La Seconde Guerre mondiale, qui coûta la vie de plus de 40 millions de personnes, a duré six ans, du 1er septembre 1939, date de l'agression allemande contre la Pologne, au 2 septembre 1945, jour où le Japon capitula. Circonscrite à l'origine à l'Europe, elle devient véritablement mondiale avec l'entrée dans la guerre, en 1941, de l'URSS, du Japon et des États-Unis.Le nombre des belligérants, la nature et la puissance des moyens mis en œuvre, le caractère idéologique du conflit donneront plus d'ampleur encore à cet affrontement qu'à celui de 1914-1918. On y distinguera deux immenses théâtres d'opérations. Le premier, centré sur l'Europe, va de l'Atlantique inclus à la Volga et de l'océan Arctique à l'Afrique équatoriale ; le second, axé sur le Japon, englobe le Pacifique, l'Inde, la Chine et le Sud-Est asiatique. En dehors de quelques États d'Amérique latine et de quelques îlots européens (Espagne, Portugal, Suède, Suisse), toutes les nations du monde et leurs dépendances entreront peu à peu dans la guerre. Si quelques « têtes » dominent particulièrement ce conflit (→ Churchill, Hitler, Roosevelt, Staline), ils le doivent évidemment à leur forte personnalité, mais aussi à l'importance des ressources humaines, économiques, scientifiques et techniques que leur pays mettra à leur disposition.

Les historiens s'accordent à discerner deux parties dans le déroulement de cette guerre. La première, qui s'étend jusqu'à la fin de 1942, est marquée par le flux conquérant des puissances de l'Axe (Allemagne, Italie, Japon). Un terme y sera mis dans le Pacifique par l'échec naval japonais de l'archipel des Midway, en Afrique par la bataille d'El-Alamein et le débarquement allié au Maroc et en Algérie, en URSS par le désastre de la Wehrmacht à Stalingrad. Dans une seconde partie, les Alliés reprennent l'initiative et la direction du conflit, puis, refoulant systématiquement le Japon dans le Pacifique et débarquant en Europe, contraindront d'abord l'Italie (1943), puis l'Allemagne et le Japon (1945) à la capitulation.

À l'issue de la Première Guerre mondiale, le traité de Versailles de 1919 a été considéré par l’Allemagne comme un diktat, qui la condamne à reconnaître sa responsabilité unilatérale dans le déclenchement de la guerre, à payer au titre de « réparations » pour les dommages causés aux personnes et aux biens (une somme qui implique des versements échelonnés jusqu'en 1988), à subir des amputations de territoires à l'est et une limitation de sa souveraineté à l'ouest (démilitarisation de la Rhénanie). Mais on ne peut imputer aux seuls excès du traité la responsabilité de cette nouvelle guerre. Sans doute, l'épuisement économique et démographique des vainqueurs de 1918, leurs divisions (et notamment la crainte de l'Angleterre de voir la France trop puissante), l'éclatement de l'Europe danubienne en de nouveaux États aux frontières contestables et contestées, l'impuissance d'une Société des Nations (SDN) imposée mais aussitôt refusée par les États-Unis, la crise économique mondiale de 1929, enfin, constitueront autant de facteurs accentuant la fragilité du nouvel équilibre international.

Hitler AdolfIl n'empêche que c'est d'abord à l'Allemagne d'Adolf Hitler qu'appartient la responsabilité fondamentale de ce conflit. Soulevé par la mystique du national-socialisme, Hitler est installé en 1933 au pouvoir par le président Hindenburg dans un pays rongé par le chômage et les conséquences économiques et sociales d'une inflation catastrophique. Son objectif est d'effacer le diktat de Versailles et d'assurer à l'Allemagne l'« espace vital » nécessaire à son expansion démographique : le réarmement va donc lui servir à la fois à préparer les conditions d'un changement politique et à remédier à la crise.

Quelques années plus tard commencera la folle aventure de ses coups de force, auxquels la faiblesse et les illusions de l'Angleterre et de la France ne répondront que par autant de renoncements. En particulier, leur absence de riposte à la réoccupation de la rive gauche du Rhin par la Wehrmacht – en violation du traité de Versailles –, le 7 mars 1936 retirait aux démocraties occidentales tout moyen de coercition à l'égard de l'Allemagne nazie.

Le rapprochement de Mussolini vers l'Allemagne nazie

En Italie, Mussolini a pris le pouvoir dès 1922, dans un pays qui s'estime lésé par les traités de 1919 et de 1920 : les accords avec l'Autriche-Hongrie et la Yougoslavie ne répondent pas aux promesses faites par les Alliés le 26 avril 1915 (traité de Londres), lorsqu'ils avaient détaché l'Italie de la Triplice. Pourtant, lors de la conférence de Stresa (avril 1935), Mussolini conclut avec la Grande-Bretagne et la France une entente qui stipule que les trois pays s'opposeront à toute modification des traités. Mais, contré par la Grande-Bretagne et la France lors de l'affaire éthiopienne (→ campagnes d'Éthiopie, octobre 1935), Mussolini se rapproche de Hitler et dénonce les accords de Stresa.

L'expansionnisme nippon

Au même moment s'affirmaient en Extrême-Orient les visées expansionnistes de l'empire japonais. Ayant imposé son protectorat à la Mandchourie, occupé la province chinoise de Jehol et quitté la SDN (1933), le Japon entre en 1937 en guerre avec la Chine ; il occupe rapidement Shanghai, Nankin et les principaux ports du Sud-Est (1939), refoulant à Chongqing Tchang Kaï-chek. L'extension de l'influence nippone dans le Pacifique ne provoque aucune réaction des États-Unis, alors entièrement absorbés par le redressement de leur économie et qui n'interviendront pratiquemen pas dans la crise internationale d'où sortira la Seconde Guerre mondiale.

Mais c'est dans la vieille Europe que les exigences démesurées du dictateur allemand, encouragé par la démission des démocraties occidentales, allumeront le conflit. Après s'être habilement assuré à l'automne de 1936 du soutien politique du Japon par la signature du → pacte Antikomintern, dirigé contre l'URSS, et de l'alliance de l'Italie fasciste par la constitution de l'Axe Berlin-Rome, Hitler annexe l'Autriche en mars 1938 (Anschluss). La guerre est évitée de justesse par les accords de Munich (septembre), qui, en acceptant l'incorporation au Reich du territoire des Sudètes, amorcent le démembrement de la Tchécoslovaquie. Dès mars 1939, ces accords sont violés par Hitler, dont les troupes entrent à Prague, tandis que Mussolini, un mois plus tard, annexe l'Albanie, puis signe avec Hitler le 22 mai 1939 le pacte d'Acier (→ traité de Berlin), qui enchaîne inconditionnellement l'Italie à l'Allemagne.

Cette fois, Paris et Londres décident enfin de résister. Aussi, quand Berlin somme brusquement Varsovie, le 25 mars 1939, de soumettre à un aménagement le statut de Dantzig et du corridor (→ Gdańsk), Londres prépare-t-il avec diligence un traité d'alliance avec la Pologne, et Paris confirme le sien. Les deux capitales étendent leurs garanties à la Roumanie et à la Grèce le 13 avril. Un accord semblable est conclu entre la Grande-Bretagne, la France et la Turquie, le 19 octobre, après la cession à Ankara du sandjak d'Alexandrette (aujourd'hui Iskenderun), détaché de la Syrie alors sous protectorat français.

Le pacte germano-soviétique

À l'approche de l'été de 1939, la seule inconnue qui demeure dans les données initiales d'un conflit désormais inéluctable est l'attitude de l'URSS. Sans doute la France et l'Angleterre espèrent-elles encore que l'inconnue de Moscou empêchera Berlin de se lancer dans une guerre générale. Le 11 août, une mission militaire franco-britannique est dépêchée en URSS pour tenter d'obtenir l'appui de l'Armée rouge contre les nouveaux appétits de l'Allemagne nazie. Aussi est-ce avec stupeur que Paris et Londres apprennent la signature dans la nuit du 23 au 24 août 1939 d'un pacte de non-agression entre l'Allemagne et l'URSS, dont la négociation avait été tenue rigoureusement secrète (→ pacte germano-soviétique).

Les grandes purges qui, de 1936 à 1938, avaient bouleversé le monde soviétique, décimé les cadres de l'État et du parti et décapité l'Armée rouge de son haut commandement avaient sans doute mis l'URSS hors d'état d'intervenir en Europe. En changeant son ministre des Affaires étrangères (Molotov remplace Litvinov), Staline prenait le parti d'éloigner la guerre de son pays au prix d'une aide politique, économique et militaire à l'Allemagne, mais aussi en échange de substantiels profits : l'annexion de la Pologne orientale, des pays Baltes et de la Bessarabie était prévue par une annexe secrète au pacte du 23 août.

L'invasion de la Pologne

Ayant chassé le spectre de toute menace à l'est, Hitler a désormais les mains libres pour réaliser le Grand Reich. Dès le 29 août 1939, il lance à la Pologne un ultimatum inacceptable et, à l'aube du 1er septembre, la Wehrmacht franchit sans déclaration de guerre la frontière germano-polonaise. Cette fois, Hitler ne peut ignorer qu'il va se heurter à la résistance des alliés occidentaux : le 25 août, la Grande-Bretagne avait garanti publiquement et inconditionnellement les frontières de la Pologne. Aussi, après l'échec des derniers appels à la paix du pape Pie XII et du président Roosevelt, Hitler refusant de retirer ses troupes de Pologne, la Grande-Bretagne (bientôt suivie par les dominions) et la France déclarent-elles le 3 septembre 1939 la guerre à l'Allemagne. Arguant de sa faiblesse militaire, l'Italie demeure provisoirement « non belligérante », tandis que les États-Unis proclament leur neutralité armée, confirmée le 3 octobre par la déclaration de neutralité des républiques latino-américaines.

Presque aussi timoré que ses homologues alliés, l'état-major allemand s'est vu imposer par Hitler l'audacieuse doctrine de la guerre éclair menée par le couple char-avion, expérimentée de 1936 à 1939 lors de la guerre civile d'Espagne et des invasions de l'Autriche et de la Tchécoslovaquie. La Pologne disposait aux ordres du maréchal Rydz-Śmigłi d'une vingtaine de divisions et de 10 brigades de cavalerie soutenues par 447 avions et 280 chars anciens. La Wehrmacht attaque concentriquement, à partir de la Prusse-Orientale, de la Silésie et de la Slovaquie avec 63 divisions, dont 7 Panzer, soit environ 2 000 blindés et près de 2 000 avions. Surprise en cours de mobilisation, mal déployée, l'armée polonaise, bousculée et rapidement tronçonnée, résiste jusqu'au 27 septembre. Dix jours avant, elle a reçu le coup de grâce : alors que Varsovie venait d'être investie, les forces soviétiques, conformément aux accords du 23 août, franchissaient la frontière orientale polonaise et marchaient à la rencontre de la Wehrmacht.

Conquise en vingt-six jours, la Pologne est, le 28 septembre à Moscou, l'objet d'un quatrième partage. Il fixe la ligne du Bug comme frontière germano-soviétique, en échange de quoi l'URSS obtient de s'installer dans les États baltes, y compris en Lituanie. Quant à l'Allemagne, elle annexe Memel, Dantzig et son corridor (→ Gdańsk), la Posnanie et la Silésie polonaise. Les régions de Varsovie et de Cracovie, où est concentrée la population, forment un Gouvernement général placé sous administration allemande : le terme même de Pologne a disparu. Pour en savoir plus, voir l'article campagnes de Pologne.

« Drôle de guerre » à l'ouest

Sur le front français, les opérations sont très limitées durant l'hiver 1939-1940. Sur mer, elles sont marquées par le torpillage du cuirassé anglais Royal Oak dans la rade de Scapa Flow (14 octobre) et le sabordage du cuirassé allemand Graf von Spee devant Montevideo (17 décembre) ; la Kriegsmarine (marine de guerre) ne dispose alors que de 22 sous-marins de haute mer, et la guerre sous-marine n'en est qu'à ses débuts. Les gouvernements alliés se sont organisés pour la guerre. À Londres, Churchill prend la tête de l'amirauté, et Eden devient ministre des dominions ; à Paris, Daladier, déjà président du Conseil et ministre de la Défense nationale, s'approprie les Affaires étrangères et dissout les organisations communistes qui, à l'image de Moscou, condamnent la guerre. Il obtient les pleins pouvoirs du Parlement, tandis que le général Gamelin est reconnu généralissime du front occidental.

La stratégie demeure défensive à l'abri de la ligne Maginot et se cantonne dans un blocus dont les Alliés attendent la décision ou au moins le temps nécessaire pour réduire le retard de leurs armements. Les forces allemandes sont supérieures à celles des Alliés dans tous les domaines, sauf la Marine : 127 divisions terrestres contre un peu plus d'une centaine ; 5 200 avions contre 1 200 pour la France et 1 700 pour la Royal Air Force ; 3 croiseurs et 3 cuirassés contre 3 croiseurs et 10 cuirassés britanniques, et une vingtaine de croiseurs lourds et 3 cuirassés à la France. Le nombre des sous-marins allemands n'est pas supérieur à celui des Français : 120 contre 130.

Une offre de paix de Hitler (6 octobre) est repoussée, comme la médiation du roi Léopold III de Belgique, et de la reine Wilhelmine des Pays-Bas. Au printemps de 1940, un voyage d'information en Europe du secrétaire d'État adjoint américain Sumner Welles, révèle l'impossibilité d'un compromis.

Campagne de Finlande (30 novembre 1939-12 mars 1940)

Au même moment, les états-majors alliés envisagent, pour parfaire le blocus, des actions aériennes périphériques sur les pétroles roumains comme sur les mines de fer scandinaves. Ces projets prennent corps au moment où l'URSS attaque la Finlande (30 novembre), ce qui lui vaut d'être exclue de la Société des Nations (SDN). La résistance de l'armée finnoise étonne le monde jusqu'en février 1940, date où les Russes finissent par forcer la ligne Mannerheim, qui barre l'isthme de Carélie. Par le traité de Moscou du 12 mars 1940, l'URSS annexe la Carélie finlandaise et s'empare de la presqu'île de Hanko (Hangö en suédois).

Occupation du Danemark, campagne de Norvège (avril-mai 1940)

Le 16 février 1940, le cargo allemand Altmark est arraisonné dans les eaux norvégiennes par un destroyer anglais, et, le 8 avril, les Alliés annoncent le minage des eaux territoriales de la Norvège pour empêcher le Reich de se ravitailler par Narvik en minerai de fer suédois. Dès le lendemain, Hitler devance ces projets en occupant le Danemark et en envahissant la Norvège. Les Alliés répondent en débarquant au nord et au sud de Narvik du 13 au 20 avril. La flotte anglaise attaque ce port avec succès, mais la supériorité de la Luftwaffe (armée de l'air) contraint les Alliés à concentrer dans cette seule région leur action terrestre : la prise de Narvik le 28 mai par les Français de Béthouart ne sera qu'un succès éphémère, précédant de peu le rembarquement des troupes alliées imposé par l'offensive allemande sur la France.

Par cette nouvelle victoire, Hitler s'assure aussi bien les portes de la Baltique que la côte norvégienne et contrôle ainsi les débouchés vers l'ouest de l'économie suédoise. Dès le 9 avril, un gouvernement Quisling, aux ordres des Allemands, a été installé à Oslo, forçant le roi de Norvège Haakon VII à gagner l'Angleterre (juin). Au Danemark, le roi Christian X décide de demeurer avec son peuple, mais l'Islande, où débarquent les troupes anglaises (10 mai 1940), puis américaines (7 juillet 1941), proclame son désir de dénoncer son union avec le Danemark.

Guerre éclair aux Pays-Bas, en Belgique et en France

La guerre éclair en Europe et l'avance des troupes de l'Axe vers Stalingrad et le CaucaseLa guerre éclair en Europe et l'avance des troupes de l'Axe vers Stalingrad et le Caucase. Le remplacement de Daladier par Reynaud à la tête du gouvernement français le 22 mars 1940 accentue l'engagement de la France dans la guerre : le 28, elle signe avec l'Angleterre une déclaration où les deux nations s'interdisent de conclure toute paix séparée.

La débâcle

Le 10 mai, la Wehrmacht envahit les Pays-Bas, la Belgique et le Luxembourg. Entre le 10 et le 12 mai, le front français est percé sur la Meuse ; le 14, tandis que l'armée néerlandaise dépose les armes, les Allemands percent de nouveau le front français près de Sedan (→ percée de Sedan) et, par la brèche ainsi ouverte entre Sedan et Namur, les divisions allemandes foncent en direction de l'Oise et de la Somme. Le 27, remontant vers le nord, les Allemands atteignent Calais et encerclent les forces franco-britanniques, qui sont mises hors de combat ; le 28, tandis que les franco-britanniques évacuent Dunkerque dans des conditions dramatiques, l'armée belge, à son tour, capitule. L'avance allemande a jeté sur les routes civils et militaires en un exode qui désorganise les communications et rend impossibles les manœuvres de rétablissement du commandement allié.

Cet enchaînement de catastrophes pose au gouvernement français de redoutables problèmes politiques, au moment où, le 10 juin, l'Italie lui déclare la guerre. Le 11, au Conseil suprême interallié de Briare, le général Weygand (successeur de Gamelin et soutenu par Pétain), que Paul Reynaud a appelé le 18 mai dans son gouvernement, évoque à mots couverts la possibilité d'un armistice, tandis que l'amiral Darlan s'engage, vis-à-vis de Churchill, à ce que la flotte française ne tombe jamais aux mains de l'Allemagne.

L'armistice

L'avance de la Wehrmacht se poursuit, et Reynaud, qui préconisait la continuation de la lutte en Afrique du Nord, démissionne le 16 juin. Appelé par le président Lebrun, Pétain lui succède comme chef du gouvernement et demande aussitôt l'armistice : il est signé le 22 juin à Rethondes avec l'Allemagne et le 24 à Rome avec l'Italie. La défaite française est à l'époque une énorme surprise, d'autant que les forces en présence n’étaient pas disproportionnées. Elle s'explique, entre autres, par l'incapacité du commandement, qui s'est cantonné dans la conception d'une guerre défensive et qui n'a su ni prévoir ni parer une attaque utilisant massivement les forces combinées de l'aviation et des blindés (les Français n'avaient que 3 divisions blindées à opposer aux 12 Panzerdivisionen allemandes).

Les clauses de l'armistice, qui, jusqu'à sa libération en 1944, vont peser sur la France, sont particulièrement sévères. Son gouvernement perd en effet le contrôle des trois cinquièmes du territoire national – soit toute la région nord-est du pays, Paris, la Bretagne et une bande côtière allant jusqu'à la frontière espagnole – qui seront occupés par l'Allemagne. Il est convenu que les deux millions de prisonniers le resteront jusqu'à la paix, et que la France paiera l'entretien des troupes d'occupation allemandes. Elle conserve toutefois son Empire colonial, sa marine (à peu près intacte), une armée de 100 000 hommes et une zone non occupée où, le 2 juillet, Pétain installe à Vichy son gouvernement (→ gouvernement de Vichy).

L'appel du 18 juin 1940

Le jour même où le vieux maréchal demande l'armistice, le 17 juin, le général de Gaulle, membre depuis le 5 juin du gouvernement de Paul Reynaud, rallie Londres et proclame le lendemain son refus de l'armistice et son appel à continuer la lutte aux côtés de l'Angleterre (→ appel du 18 juin). Tandis qu'ainsi naît la France libre, Pétain reçoit le 10 juillet de l'Assemblée nationale le pouvoir constituant et se proclame chef de l'État. Son autorité s'étend sur l'ensemble de l'Empire sauf l'Afrique-Équatoriale française, les établissements de l'Inde, Tahiti et la Nouvelle-Calédonie, qui, au cours de l'été, se rallient au général de Gaulle (→ État français).

L'Angleterre seule

La soudaineté inattendue de l'effondrement français ne pouvait manquer de bouleverser les rapports franco-anglais. Malgré les assurances réitérées de Darlan, Churchill, dans sa crainte de voir les bâtiments de la marine française utilisés par l'Allemagne, n'hésite pas à attaquer, le 3 juillet, ceux de Mers el-Kébir (où 1 300 marins trouvent la mort) et, le 8 juillet, le cuirassé Richelieu à Dakar, provoquant ainsi la rupture des relations diplomatiques entre Vichy et Londres. Ce manque de confiance et de sang-froid s'explique par l'isolement subit de la Grande-Bretagne, désormais seule en guerre contre une Allemagne qui apparaît invincible.

Hitler, pourtant, espérait encore amener son adversaire à composition, et, le 19 juillet, il lui fait au Reichstag une ostentatoire offre de paix. C'était compter sans la résolution de Churchill, Premier ministre depuis le 10 mai, et du peuple britannique, qui ont accueilli à Londres – ainsi promue capitale de la résistance au nazisme – les gouvernements tchèque, norvégien, néerlandais, belge et polonais. De Gaulle, qui a échoué dans sa tentative de ralliement de Dakar à la France libre (23 septembre), constitue également à Londres, le 27 octobre, un Conseil de défense de l'Empire français.

La bataille d'Angleterre

C'est alors que commence la fameuse bataille d'Angleterre, dont le succès eût sans doute consacré pour de longues années la victoire allemande. Occupant toutes les côtes de Narvik (Norvège) à Hendaye, Hitler se trouve dans une position exceptionnelle pour conquérir l'Angleterre. L'offensive aérienne déclenchée le 10 août par la Luftwaffe sur la Grande-Bretagne se heurte toutefois à une telle réaction de la Royal Air Force qu'à la mi-octobre Hitler renonce à l'opération et par là même au débarquement qui devait la suivre.

Pour les Anglais, la menace la plus immédiate se trouve ainsi écartée. Au cours de l'automne, sans renier de Gaulle ni le mouvement de la France libre, Churchill reprend secrètement contact avec Vichy. Les accords Chevalier-Halifax établissent un modus vivendi entre les deux pays : Pétain renonce à reconquérir les territoires français ralliés à de Gaulle et renouvelle ses assurances sur la flotte, mais Churchill s'engage en contrepartie à ne plus rien tenter contre les autres possessions françaises et à ne pas s'opposer aux relations maritimes entre celles-ci et la métropole.

L'effort de guerre britannique

En cette période dramatique, la chance de l'Angleterre est d'avoir à sa tête Winston Churchill, qui incarnera, durant ces six années, la résistance au nazisme. Excentrique, autoritaire, d'un courage indomptable, il est le chef incontesté de la stratégie comme de l'effort de guerre britannique, auquel le Commonwealth est directement associé (les Premiers ministres des dominions font partie du cabinet de guerre britannique).

Dans l'immédiat, c'est de soldats que la Grande-Bretagne a le plus besoin. En dehors de ceux qu'elle a rembarqués à Dunkerque, Churchill ne dispose que de 30 000 à 40 000 hommes en Afrique. Aussi l'apport des dominions, dont les armées sont en 1940 quasi inexistantes, sera-t-il essentiel. Malgré la tiédeur des Canadiens français, le Premier ministre Mackenzie King parviendra à mobiliser au Canada tous les hommes de 21 à 24 ans. L'Australie et la Nouvelle-Zélande fourniront 5 divisions, qui arriveront juste à temps en Égypte à la fin de 1940. L'Afrique du Sud est, elle aussi, en guerre, mais il est entendu que ses troupes ne serviront pas hors d'Afrique. En Inde, les partis nationalistes (→ Congrès et Ligue musulmane) cherchent à monnayer leur appui contre un statut de dominion et donc l'indépendance. Le refus de Churchill, attaché à l'Empire colonial britannique, freinera l'emploi de cet immense réservoir d'hommes. Huit divisions indiennes seront envoyées en Égypte à partir de février 1941, mais l'Angleterre devra laisser des troupes en Inde pour y maintenir l'ordre.

C'est évidemment à la Grande-Bretagne elle-même qu'il revient de fournir le plus gros effort. Plus mal préparée encore que la France (en 1938, 7 % seulement de son revenu sont consacrés au réarmement), elle ne réquisitionne sa flotte marchande qu'en janvier 1940, et, cinq mois plus tard, a encore un million de chômeurs. Un an après, 40 % de la population active (dont les femmes de 20 à 30 ans) sont mobilisés dans l'armée ou l'industrie. La production monte aussitôt (626 chars par mois en 1941, 717 en 1942), mais plafonne rapidement (2 000 avions par mois contre 2 300 prévus en 1942). Les résultats atteints resteront considérables jusqu'à la fin de la guerre grâce à l'esprit civique des Anglais, à une inflation jugulée au prix d'une baisse du niveau de vie de 14 % par rapport à 1938 et d'un gros effort de justice sociale : le plan Beveridge de 1942 pour l'assurance nationale sera, après 1945, le modèle des systèmes de sécurité sociale.

Dès la fin de l'été de 1940, le président Roosevelt, en avance sur l'opinion publique américaine, oriente sa politique vers un appui de la Grande-Bretagne. Passés le 2 septembre de l'état de neutralité à celui de non-belligérance, les États-Unis prêtent 50 destroyers aux Anglais en échange de la location de leurs bases de Terre-Neuve, des Antilles et de Guyane. Le 16 septembre, ils adoptent le service militaire obligatoire. La loi du prêt-bail du 11 mars 1941 ouvre à l'Angleterre un crédit financier illimité.

La guerre en Afrique et au Moyen-Orient

Après l'élimination militaire de la France, c'est en Libye que se situe le seul front terrestre de la guerre. En septembre 1940, les forces italiennes – 200 000 hommes aux ordres de Graziani – attaquent la petite armée britannique d'Égypte (36 000 hommes commandés par Wavell). Après leur éphémère succès de Sidi-Barrani, les Italiens sont refoulés au-delà de Benghazi par une vigoureuse contre-attaque de Wavell (décembre 1940-février 1941). C'est alors que Hitler, inquiet de la défaillance italienne, envoie en Libye Rommel et deux divisions blindées (Afrikakorps) qui, en avril 1941, reconquièrent la Cyrénaïque et assiègent Tobrouk, dont la garnison restera investie jusqu'au 27 novembre. Ce succès allemand ne compensera pourtant pas la perte par les Italiens de leur Empire d'Afrique orientale, totalement conquis par les Britanniques : le 10 avril 1941, ceux-ci occupent Addis-Abeba en Éthiopie, où rentrera le négus Hailé Sélassié, tandis que le duc d'Aoste, vice-roi d'Éthiopie, devra capituler le 19 mai à Amba Alagi.

Au même moment éclate en Iraq un soulèvement dirigé contre la Grande-Bretagne par Rachid Ali. Pour l'appuyer, le Führer exige de Vichy, au cours de son entrevue avec Darlan le 12 mai 1941, l'usage, pour la Luftwaffe, des aérodromes français du Levant. Mais les Anglais étouffent la révolte et, avec le concours d'un contingent des forces françaises libres du général Catroux, attaquent le 8 juin les troupes françaises de Syrie aux ordres du général Dentz, fidèle au maréchal Pétain. Celles-ci résisteront énergiquement durant un mois, puis cesseront le combat et négocieront avec les Britanniques à Saint-Jean-d'Acre un armistice et leur rapatriement en France (14 juillet 1941).

L'instauration du nouvel ordre européen

Ayant les mains libres à l'ouest, Hitler peut entamer la construction de la nouvelle Europe destinée à remplacer l'édifice périmé mis en place par le traité de Versailles. Pour accentuer l'isolement de l'Angleterre, il tente vainement d'entraîner dans la guerre l'Espagne de Franco. Mais le Caudillo, qu'il voit à Hendaye le 23 octobre 1940, fait la sourde oreille. À son retour, le 24, Hitler rencontre Pétain à Montoire, où est évoquée en présence de Laval la possibilité d'une collaboration entre la France de Vichy et le IIIe Reich. Cette entrevue n'apporte aucun changement au dur régime de l'Occupation et notamment au fardeau que représente pour la France l'indemnité de 400 millions de francs par jour qui permet au Reich d'« acheter l'économie française avec l'argent des Français ». La Belgique et la Hollande connaissent le régime de l'administration allemande directe ; les vrais « collaborateurs » du type norvégien de Quisling se font rares.

C'est en Europe centrale et orientale que s'ébauche la nouvelle Europe, qui se présente d'abord comme un compromis germano-soviétique. Dans le cadre du pacte du 23 août 1939, l'URSS annexe en août 1940 les pays Baltes, la Bessarabie et la Bucovine roumaines. Il n'y a plus d'État polonais. La Slovaquie « indépendante » de Monseigneur Tiso est dominée par l'Allemagne, qui contrôle directement le protectorat de Bohême et de Moravie. Le 29 août 1940, Hitler rend à Vienne une sentence arbitrale qui achève de dépouiller la Roumanie en donnant à la Bulgarie la Dobroudja méridionale, à la Hongrie les deux tiers de la Transylvanie et en faisant occuper par la Wehrmacht ce qui restait de ce malheureux pays.

Ce nouvel ordre est consacré par la signature à Berlin le 27 septembre 1940 du pacte tripartite – Allemagne, Italie, Japon – dirigé contre la Grande-Bretagne et les États-Unis et auquel les États satellites du Reich sont invités à adhérer, recevant en retour le « bienfait » de la protection et de l'occupation allemandes. Deux principes guident l'administration de l'Europe conquise : elle doit nourrir l'effort de guerre, en fournissant hommes et produits ; elle doit préparer l'avènement d'un nouvel ordre européen. Dans cette « Nouvelle Europe », dominée par l'Allemagne, la position de chaque peuple sera déterminée par sa place sur l'échelle des races établie par la doctrine hitlérienne : les peuples de langue germanique seront associés au Reich, les Latins maintenus dans une position subordonnée, les Slaves déportés ou anéantis, afin de permettre l'expansion allemande vers l'est, de même que les Juifs. Les difficultés de l'arbitrage entre ces deux impératifs expliquent la diversité des formes de l'Occupation nazie.

Quatre types principaux d'administration des territoires soumis se dégagent :

 

  • La Pologne occidentale, l'Alsace, la Moselle, la Slovénie, le Luxembourg sont annexés et germanisés. Une partie des populations non germaniques est expulsée, la mise en valeur des terres devenues vacantes est confiée à des colons allemands. L'administration échoit à des fonctionnaires venus du Reich. La loi du Reich et l'usage de la langue allemande sont imposés.
  • Le reste de la Pologne et les territoires pris sur l'URSS sont administrés directement par l'État allemand : soumis à un pillage en règle, ils seront le cadre d'une exploitation sans pitié des populations locales. Les déclarations de Himmler aux chefs SS en 1943 illustrent l'esprit de cette occupation : « Peu m'importe que 10 000 femmes russes meurent pour creuser un fossé antichar si le fossé est creusé. ».
  • Le nord de la France, la Norvège, les Pays-Bas, la Belgique sont également placés sous administration allemande, soit pour préparer leur annexion, soit parce que les nazis n'ont pu y recruter de collaborateurs locaux qui les satisfassent. L'exploitation y est cependant moins brutale, même si les opposants et les Juifs sont impitoyablement pourchassés.
  • Plusieurs pays, dont la France de Pétain, la Serbie de Nedić, la Slovaquie de Tiso, conservent une administration nationale. Leur situation n'est cependant pas très éloignée de la précédente, à cette différence que l'existence d'un gouvernement propre légitime leur exploitation. Le sort des alliés de l'Allemagne – Hongrie, Roumanie, Bulgarie, voire Italie – se rapprochera de plus en plus de celui de ces pays, au fil des difficultés rencontrées par l'Axe.


De l'alliance à la guerre germano-soviétique

Le pacte germano-soviétique de 1939 fut suivi de l'accord commercial du 11 février 1940, qui, pour Berlin, atténua de façon importante les effets du blocus britannique. Les Allemands obtiennent de payer en 27 mois ce qu'ils reçoivent en 18 : cuivre, nickel, tungstène, céréales, coton et produits pétroliers ; l'URSS accorde une réduction de tarif de 50 % aux marchandises transitant par le Transsibérien. Tandis que les services de propagande nazis et soviétiques continuaient à converger contre l'impérialisme anglais, de sérieuses divergences se manifestaient lors de la venue en novembre 1940 de Molotov à Berlin. En offrant à Moscou l'Iran et l'Inde, Hitler tente de diriger vers l'Orient la politique soviétique, mais Staline entend affirmer sa position en Europe et exige la révision du régime des détroits turcs des Dardanelles et des détroits danois. Ces prétentions confirment Hitler dans sa volonté d'abattre l'URSS : il prescrit à son état-major d'accélérer le plan Barbarossa d'attaque contre la Russie, lequel, confié au général Paulus, est adopté le 5 décembre 1940. L'attaque est fixée au printemps suivant, mais la décision en reste secrète, et, jusqu'au dernier jour, des trains soviétiques alimenteront largement l'économie allemande.

Pendant ce temps, la diplomatie de Berlin s'efforce d'isoler l'URSS : des avantages économiques sont concédés à la Finlande, un pacte d'amitié est négocié avec la Turquie (il sera signé le 18 juin 1941), et c'est sans doute pour tenter un compromis avec Londres que Rudolf Hess s'envole pour l'Écosse le 10 mai 1941. Le déclenchement de l'agression contre l'URSS exige que l'Allemagne ait préalablement éliminé toute difficulté pouvant surgir des Balkans. Or, Mussolini, refusant le rôle de parent pauvre de la nouvelle Europe, avait décidé, sans en avertir Hitler, de conquérir la Grèce. Le 28 octobre 1940, les troupes italiennes passent à l'attaque, mais les forces grecques, refoulant leurs agresseurs, occupent bientôt le tiers de l'Albanie ; les Anglais décident alors d'appuyer la Grèce, où ils débarquent des troupes en mars 1941. Parallèlement, des éléments antiallemands commencent à s'agiter à Belgrade.

Hitler décide alors d'intervenir : huit jours après qu'un coup d'État chassant le régent Paul de Yougoslavie a porté au pouvoir le roi Pierre II, la Wehrmacht envahit brutalement le 6 avril 1941 la Yougoslavie et la Grèce. Dès le 17, les forces yougoslaves doivent capituler, et, le 27 avril, les Allemands entrent à Athènes, chassant de Grèce les unités britanniques ; celles-ci rembarquent au début de mai en direction de l'Égypte, où se réfugie le roi Georges II. Du 20 au 30 mai, les parachutistes allemands du général Student conquièrent la Crète.

Ce nouveau succès de la guerre éclair, auquel se sont associées la Bulgarie et la Hongrie, entraîne l'éclatement de la Yougoslavie. La Slovénie est partagée entre l'Allemagne et l'Italie, qui crée une Croatie « indépendante » dont un prince italien est proclamé roi. La Bulgarie reçoit la majeure partie de la Macédoine et de la Thrace, tandis que le Monténégro reconstitué est soumis à l'Italie. Le retard apporté par ces opérations au déclenchement de l'attaque allemande contre l'URSS sera lourd de conséquences.

L'invasion de l'Union soviétique

Quelques heures après le franchissement de la frontière soviétique par la Wehrmacht, l'ambassadeur de Staline à Berlin est informé de l'ouverture des hostilités, tandis que Hitler proclame par radio sa « volonté » d'assurer la sécurité de l'Europe… et de « sauver le monde ». Appuyées par 2 000 avions et secondées par 50 divisions « alliées » (finlandaises, roumaines, italiennes, hongroises), 145 divisions allemandes, dont 19 blindées (3 300 chars), articulées du nord au sud dans les trois groupes d'armées de Leeb, Bock et Rundstedt, se lancent à l'assaut de l'URSS. L'Armée rouge compte 140 divisions, dont 24 de cavalerie à cheval et 40 brigades blindées réparties en quatre grands fronts aux ordres de Vorochilov, Timochenko, Boudennyï et Meretskov.

Malgré les avertissements des Américains et des Anglais, et les multiples violations aériennes du territoire russe par la Luftwaffe, il semble bien que Staline se soit laissé surprendre. Tandis que Leeb conquiert les Pays baltes et marche sur Leningrad, investie le 8 septembre, Bock gagne la grande bataille pour Smolensk (8 juillet-5 août). Mais, contre l'avis de son état-major, qui voulait centrer tout son effort sur l'axe Smolensk-Moscou, Hitler envoie Rundstedt conquérir l'Ukraine. Ses troupes sont à la fin d'août sur la ligne Jitomir-Ouman-Odessa et livrent avec les groupements blindés Kleist et Guderian une nouvelle bataille d'encerclement du 13 au 26 septembre autour de Kiev. Ce n'est qu'au début d'octobre, après la prise de Viazma et d'Orel, que les chars allemands de Guderian sont rameutés sur Toula et Moscou. Le 1er novembre, les avant-gardes allemandes atteignent Mojaïsk, à 90 km de Moscou. Le 5 décembre, elles sont à 22 km au nord de la capitale, dont Hitler et le monde entier attendent la chute avant Noël.

Mais, le 6 décembre, une brutale contre-offensive soviétique dirigée par Joukov dégage Toula, reconquiert Kline et Kalinine, sauve Moscou et bloque définitivement la Wehrmacht, à bout de souffle et incapable de tenir tête aux rigueurs d'un hiver où le thermomètre descend jusqu'à −50 °C. Ce premier et retentissant échec de la guerre éclair entraîne dans la Wehrmacht une grave crise. Le Führer chasse plusieurs chefs de l'armée (Brauchitsch, Rundstedt et Guderian) et assume désormais directement le commandement des forces terrestres. Alors que Hitler se lançait dans une aventure qui scellera sa perte, Staline bénéficiait aussitôt de l'assistance des alliés occidentaux. Le 10 juillet 1941, Churchill s'engage à ne conclure avec l'Allemagne aucun armistice ni paix séparée. Roosevelt décide en septembre de faire bénéficier l'URSS de la loi du prêt-bail : elle recevra de 1942 à 1945 du matériel de guerre américain dont la valeur s'élèvera à 11 milliards de dollars.

En juillet 1941, les troupes américaines relèvent les Britanniques en Islande, et, le 14 août, Churchill et Roosevelt se rencontrent en mer ; ils proclament la charte de l'Atlantique, affirmant leur unité de vues sur les principes qui doivent guider le rétablissement d'une paix fondée sur le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. Ces principes seront réaffirmés le 1er janvier 1942 par la déclaration des Nations unies signée à Washington par les États-Unis, la Grande-Bretagne, l'URSS et vingt-trois pays en guerre avec l'Axe.

Japon et États-Unis : la rupture et l'entrée en guerre

Si les États-Unis s'engagent ainsi sur le théâtre occidental, leur vigilance est attirée plus encore en Extrême-Orient par l'attitude du Japon. En 1940, pour interdire les fournitures d'armes à Tchang Kaï-chek, Tokyo, profitant de la défaite française, avait imposé en juin la fermeture du chemin de fer du Yunnan et obtenu de l'Angleterre en juillet celle de la nouvelle route de Birmanie. Au moment de la signature du pacte tripartite avec l'Allemagne et l'Italie (septembre), le prince Konoe annonce un « ordre nouveau » en Extrême-Orient, qui, pour lui, comprend la Mandchourie, la Chine, l'Inde, le Sud-Est asiatique (y compris l'Australie) et le Pacifique. La pression du Japon s'accroît sur l'Indochine française, qui doit accepter la présence de ses troupes, d'abord au Tonkin (juillet 1940), puis, après l'arbitrage imposé par Tokyo au conflit franco-thaïlandais, en Cochinchine (juillet 1941).

À cette attitude, Roosevelt répond d'abord par des mesures économiques, mettant l'embargo sur les expéditions américaines à destination du Japon (notamment le pétrole), puis bloque le 26 juillet 1941 les avoirs japonais aux États-Unis. Cependant, le Japon hésite encore à se lancer dans la guerre : au mois de mars, le ministre Matsuoka entreprend un voyage en Europe, où, après s'être arrêté à Rome et à Berlin, il signe, le 13 avril, à Moscou, un pacte d'amitié avec l'URSS. Mais, après l'échec de nouvelles négociations nippo-américaines (Hull-Nomura), le cabinet Konoe démissionne le 16 octobre 1941 et est remplacé par celui du général Tojo Hideki, qui personnifie le parti militaire, résolu à s'assurer par la force les richesses (pétrole, étain, caoutchouc) du Sud-Est asiatique.

Le 7 décembre 1941, la flotte combinée japonaise de l'amiral Yamamoto surprend et détruit en deux heures l'escadre américaine de Pearl Harbor (Hawaii). Le 8, le Japon déclare la guerre aux États-Unis, à la Grande-Bretagne et à ses dominions ; le 11, Berlin et Rome sont en guerre avec les États-Unis : le conflit est alors devenu mondial, à la seule et essentielle réserve près de la neutralité maintenue jusqu'en 1945 entre l'URSS et le Japon. Son principal adversaire étant provisoirement maîtrisé, l'état-major nippon, qui, seul, détient le pouvoir à Tokyo, lance aussitôt ses forces à l'attaque. Le 10 décembre 1941, elles torpillent deux grands bâtiments de la flotte britannique d'Extrême-Orient, le Prince of Wales et le Repulse ; à Noël, elles ont occupé la Thaïlande, Hongkong, débarqué aux Philippines, conquis Guam.

La vague déferle ensuite sur Bornéo, la Malaisie, les Célèbes, la Nouvelle-Bretagne et la Nouvelle-Guinée ; Singapour capitule le 15 février 1942. En mars, l'Indonésie et la Birmanie sont complètement conquises, puis c'est le tour des Philippines avec les capitulations de Bataan (9 avril) et de Corregidor (7 mai). Au début de l'été, une ultime avance pousse les Japonais aux îles Aléoutiennes (juin), dans les îles Salomon (Guadalcanal, 4 juillet) et en Nouvelle-Guinée (juillet-août). Leurs avions, qui ont bombardé l'Australie (février) et Ceylan (5 avril), attaquent maintenant l'Alaska et l'île canadienne de Vancouver (20 juin). Ainsi, le rêve des impérialistes nippons semble réalisé : en huit mois, Tokyo s'est rendu maître de la moitié du Pacifique et contrôle plus de 90 % de la production mondiale du caoutchouc, 75 % de celle de l'étain et une immense réserve de pétrole.

Dès le printemps de 1942, toutefois, la réaction des États-Unis se fait sentir, infligeant à la marée japonaise ses premiers coups d'arrêt par les deux victoires de la flotte américaine du Pacifique, commandée par l'amiral Nimitz dans la mer de Corail (4-8 mai) et aux îles Midway (4-5 juin). Mais c'est aux Salomon que l'état-major américain a décidé de constituer la base de sa contre-offensive : celle-ci débutera le 7 août par un débarquement de vive force à Guadalcanal, qui amorce le retournement de la situation stratégique en Extrême-Orient. À la fin de 1942, au moment où l'Allemagne, l'Italie et le Japon ont atteint le zénith de leur puissance expansive, leurs forces subissent en Russie, en Afrique et dans le Pacifique des coups d'arrêt que l'avenir révélera décisifs. La victoire de l'armée soviétique devant Moscou est suivie dans les deux camps par une période de relative accalmie, mise à profit par l'URSS pour réorganiser ses armées et transférer de nombreuses usines de guerre en direction de l'Oural, en Sibérie et au Turkestan.

Le 5 avril 1942, Hitler fixe à la Wehrmacht les objectifs de sa prochaine offensive, qui visera la Volga, le Caucase et son pétrole. Retardée par une action de l'Armée rouge au sud de Kharkov (mai), elle débouche le 28 juin en direction de Voronej, pivot à la boucle du Donets, tandis que capitule Sébastopol après un siège de 250 jours. Le front russe est percé sur 500 km, et, après la chute de Rostov (23 juillet), les Allemands se lancent vers le Caucase, entrent à Maïkop, plantent le drapeau à croix gammée au sommet de l'Elbrous (21 août) ; ils sont bloqués dans la région du Terek à 120 km de la Caspienne, mais à 600 km de Bakou. Au même moment, la VIe armée (→ Paulus) franchit le Don à Kalatch, atteint la Volga (20 août) et conquiert du 1er au 15 septembre une grande partie de la ville de Stalingrad. Alors que Hitler croit tenir la victoire, débouche le 19 novembre la contre-offensive soviétique qui, encerclant l'armée de Paulus, la contraint à capituler le 2 février 1943.

Cette première grande défaite allemande a un énorme retentissement : toute une armée a été détruite après avoir perdu 250 000 hommes à cause de l'entêtement du Führer, ce qui a pour effet de dresser contre lui nombre de chefs militaires. L'Armée rouge a pris l'initiative des opérations ; elle ne l'abandonnera plus jusqu'à Berlin. En Libye, l'année 1942 marque également la dernière avance africaine des forces de l'Axe. Après son offensive de janvier, qui l'avait porté à proximité de Tobrouk (10 février), Rommel déclenche le 27 mai une nouvelle attaque. Elle est d'abord retardée par la résistance de Bir Hakeim, tenu du 27 mai au 11 juin par les Français libres du général Kœnig qui permet aux Britanniques de se replier vers l'Égypte. Mais, après avoir pris Tobrouk le 21 juin, l'Afrikakorps de Rommel franchit la frontière égyptienne et contraint la VIIIe armée britannique à se replier au début de juillet sur la position d'El-Alamein, à 130 km d'Alexandrie, qui marque le point extrême de l'avance allemande en direction du canal de Suez.

Après avoir vainement tenté de rompre le front adverse, Rommel est surpris le 23 octobre par une brutale contre-offensive de Montgomery (nommé en août à la tête de la VIIIe armée), et doit à son tour rompre le combat le 2 novembre. Six jours plus tard, les Américains débarquent au Maroc. Six mois après, la Wehrmacht sera chassée d'Afrique. D'autre part, la guerre sous-marine a pris un développement considérable. Dans l'Atlantique, l'année a été désastreuse pour les Alliés : 3 millions de tonnes de navires coulés de janvier à juillet, 700 000 en novembre. Mais là aussi la situation tend à se renverser : en octobre 1942, les pertes des sous-marins allemands atteignent en nombre celui des submersibles construits, et, grâce à l'effort prodigieux des chantiers américains, le tonnage allié construit dépassera, au début de 1943, celui qui est coulé par les sous-marins de l'Axe. Dans le Pacifique, les sous-marins américains détruisent en 1942 un million de tonnes de navires nippons, chiffre à peine inférieur à celui des prises de guerre et constructions neuves du Japon.

L'effort de guerre allemand

Dans l'ensemble, l'Allemagne réussira à financer par ses propres ressources la moitié de son imposant effort de guerre. L'autre moitié sera fournie par les territoires occupés et singulièrement (40 %) par la France. Anarchique jusqu'à la mort de Fritz Todt (février 1942), la production allemande d'armement, placée sous la haute autorité de Göring, directeur du plan, est pour l'ensemble des années 1941 et 1942 nettement inférieure à celle de la Grande-Bretagne pour les avions (24 000 contre 31 000) et à peine supérieure pour les chars (14 500 contre 13 400). Le successeur de Todt, Albert Speer, sait planifier cette production sans trop diminuer jusqu'à la fin de 1943 la consommation allemande. Un effort considérable est accompli dans la fabrication de carburants et huiles synthétiques (3,8 millions de tonnes en 1943), mais, dès 1942, c'est le problème de la main-d'œuvre, confié au Gauleiter Fritz Sauckel, qui devient primordial.

Le problème de la main-d'œuvre

En 1943, 11 millions d'hommes servent dans la Wehrmacht, dont les pertes (tués, blessés, disparus et prisonniers) sont alors de 4 millions. Pour y remédier, les Allemands enrôlent à titre d'auxiliaires (dits « Hilfswillige ») de nombreux Russes, si bien que, compte tenu de leurs « alliés », les effectifs sur le front est comprennent 25 % d'étrangers. La main-d'œuvre civile comprend 30 millions de personnes, dont 8 dans l'industrie. En 1944, Sauckel aura ramené dans le Reich, au titre du Service du travail obligatoire (STO), 6,3 millions d'ouvriers étrangers (dont 723 000 Français). Leur travail s'ajoute à celui de plus de 2 millions de prisonniers de guerre et aussi à celui des déportés des camps de concentration.

Aussi Speer réussit-il à faire passer la fabrication des chars de 9 400 en 1942 à 19 800 en 1943 et à 27 300 en 1944, et celle des avions de 13 700 en 1942 à 22 000 en 1943 et à 36 000 en 1944. Ces résultats sont obtenus alors que les bombardements aériens de la Royal Air Force et de l'US Air Force atteignent des proportions écrasantes : 48 000 tonnes de bombes en 1942, 207 000 t en 1943, 915 000 t en 1944. Cet effort de guerre se poursuivra jusqu'à la fin avec une étonnante efficacité : 7 200 avions sont encore construits dans les quatre premiers mois de 1945, ce qui porte la production totale allemande de 1939 à 1945 à environ 100 000 avions, chiffre un peu supérieur à la production anglaise (88 000 avions). Il permettra notamment l'engagement, à la fin de 1944, de nouvelles armes, tels les avions à réaction « Me 262 » (produits à 1 200 exemplaires) et les fusées de type V1 et V2, mises au point au centre de recherche de Peenemünde sous la direction de Wernher von Braun.

L'effort de guerre soviétique

La direction de la guerre en Union soviétique est confiée à un organisme nouveau, le Comité d'État pour la défense, présidé par Staline, qui étend son autorité sur tous les organismes de l'État et du parti. Il dirige la production et l'économie, mais aussi les forces armées, avec le concours de la Stavka (l'état-major), que commande de 1937 à novembre 1942 un militaire de grande classe, le maréchal Chapochnikov, auquel succédera le maréchal Vassilevski. L'intelligence de Staline le conduit à mettre l'accent sur le patriotisme et les traditions militaires russes (restauration des ordres de Souvorov, d'Alexandre Nevski) ; les insignes de grades des officiers réapparaissent, l'Internationale cesse d'être l'hymne national, et le Komintern est supprimé (15 mai 1943).

Du fait de l'invasion allemande, la production industrielle globale baisse en septembre 1941 de plus de 50 %. La situation s'aggrave encore en 1942, où la production du charbon baisse de 142 à 75 millions de tonnes, celle de la fonte de 18 à 5, celle de l'acier de 13,8 à 4,8… Mais, au même moment, les Soviétiques évacuent 1 300 entreprises de grandes dimensions, ainsi que 10 millions de personnes (dont 2 de la région de Moscou), qui vont s'installer dans l'Oural, en Sibérie occidentale et en Asie centrale, où de nouvelles usines sortent de terre. À la fin de 1942, la situation est redressée : la production de matériel de guerre dépasse celle de 1941, et les livraisons anglo-américaines, qui ont débuté dès octobre 1941, arrivent alors par Arkhangelsk, par l'Iran et par Vladivostok (elles comprennent notamment 22 000 avions, 12 184 chars, 2,6 millions de tonnes d'essence, 4,5 millions de tonnes de vivres).

Cependant, l'URSS manque de main-d'œuvre : 27 millions de travailleurs en 1945 contre 30 millions en 1940 (9,5 millions contre 11 dans l'industrie). Tous les congés sont supprimés et on s'efforce de moderniser et rationaliser la production (3 700 heures de travail pour fabriquer un char « T 34 » en 1943 contre 8 000 en 1941 ; 12 500 pour un avion de chasse contre 20 000). Aussi, en 1942, l'URSS peut-elle produire 25 400 avions, 24 600 chars et près de 30 000 canons de campagne (contre 15 400, 9 300 et 12 000 en Allemagne) ; en 1944, ces chiffres s'élèvent à 40 000 avions, 29 000 chars et 122 000 canons pour une armée de plus de 400 divisions qui, en 1945, engage 6,5 millions d'hommes sur un front de 2 400 km, soutenus par 13 000 chars, 108 000 canons et 15 000 avions (production globale 1941-1945 : 142 800 avions, 102 500 blindés, 490 000 canons). Les investissements soviétiques, concernant surtout l'industrie lourde, passent de 48,2 milliards de roubles de 1941 à 1943, à 73,7 de 1943 à 1945, date à laquelle les productions de houille, de fonte et d'acier seront remontées à environ 150, 9 et 12 millions de tonnes.

L'effort de guerre américain

En 1939, l'armée américaine compte 190 000 hommes, dont 50 000 outre-mer avec 330 chars. L'industrie d'armement n'occupe que 2 % de la main-d'œuvre, et il y a 7 millions de chômeurs. Six ans après, les États-Unis ont près de 11 millions de soldats ou de marins, dont près de la moitié combattent à plusieurs milliers de kilomètres : 2,7 millions en Extrême-Orient, 2,3 millions en Europe. Doublant leur production, ils auront fourni plus de la moitié des armes de la coalition contre l'Axe, livrant, de 1940 à 1945, 96 000 chars, 61 000 canons, 2 300 000 camions, 21 millions de tonnes de munitions, 296 000 avions. La standardisation des constructions navales, la création en 1941 de 140 nouveaux chantiers ont permis la construction de plus de 5 000 navires, dont 2 700 « Liberty ships ».

Au moment de l'institution du service militaire obligatoire (septembre 1940), l'US Army compte 23 divisions ; en 1943, il y en a 91 (dont 3 aéroportées et 16 blindées), recrutées et instruites avec l'aide d'un service de sélection ajustant l'offre à la demande par l'emploi de tests psychotechniques. En 1945, l'US Navy compte 3,3 millions d'hommes ; l'US Air Force, 2,3 millions d'hommes avec environ 100 000 avions. Dans le cadre de la loi du prêt-bail de mars 1941, les États-Unis doivent en outre fournir ses Alliés, qui reçoivent à ce titre 16 % de la production de guerre américaine. Les principaux bénéficiaires sont la Grande-Bretagne, qui reçoit 1 000 chars et 5 200 avions en 1941, 4 400 chars et près de 7 000 avions en 1942. La part de l'URSS est également considérable (14 795 avions et 7 000 chars). À partir de 1943, l'armée française d'Afrique du Nord reçoit aussi son lot, pour une valeur de 3 milliards de dollars, soit 8 % du prêt-bail (1 400 avions, 5 000 blindés, 3 000 canons, etc.).

Pour soutenir cet effort, l'économie américaine doit sacrifier au dirigisme. Elle le fait d'une manière très pragmatique : chaque problème est confié à une Agency, organisme nouveau créé à cet effet sous le seul signe de l'efficacité et dirigé par un industriel ou un technicien habillé ou non en général. L'orientation et le contrôle de ces organismes relèvent, à l'échelon du président, d'un Office of War Mobilization, dirigé par Donald Wilson. Mais, dès le début de 1944, les Américains préparent la reconversion de leur économie de guerre pour le temps de paix. L’effort de guerre passe par le recours aux chômeurs puis aux femmes : ainsi, la population active américaine comprendra 36 % de femmes en 1945, alors qu'elle n'en comptait que 25 % en 1941. Les besoins en main-d'œuvre sont aussi couverts en faisant appel aux Noirs, jusqu'alors surtout employés dans l'agriculture : le nombre de Noirs travaillant dans l'industrie double au cours de la guerre. Comme dans le cas des femmes, leur participation à l'effort de guerre les conduira à remettre en cause leur infériorité sociale.

L'émergence de la Résistance

En Europe, l'occupation allemande s'est faite d'autant plus lourde que la Gestapo a étendu partout son appareil de terreur – et notamment le système concentrationnaire – qui reçoit désormais mission de fournir au Reich une main-d'œuvre dont il a un impérieux besoin. Aussi, un peu partout, à mesure que le contrôle politique, policier et économique se resserre, les populations des territoires occupés passent-elles de l'attentisme à la résistance. À Prague, le « protecteur du Reich » Heydrich, chef SS aussi connu comme le « boucher de Prague », est assassiné le 27 mai par des résistants tchécoslovaques. En Serbie, le combat contre l'Allemagne se double rapidement d'une guerre civile entre Partisans communistes de Tito et les nationalistes de l'armée régulière, les Tchetniks), commandés par le général Draža Mihailović.

En France, où les Allemands ont imposé le rappel de Laval le 18 avril 1942, l'odieux système des otages, l'occupation totale de la France à partir du 11 novembre 1942 et l'instauration (février 1943) d'un Service du travail obligatoire (STO), au profit du Reich, contribueront à renforcer le courant antiallemand. Le fait qui domine la seconde partie de la guerre est la reprise de l'initiative par les adversaires de l'Axe, qui adoptent partout une attitude résolument offensive. Mais la coordination de leurs actions n'interviendra que très progressivement. L'URSS attend avant tout de ses alliés anglo-saxons l'ouverture d'un second front en Europe qui allège la pression de la Wehrmacht sur le front russe. C'est ce que Molotov dit à Churchill en signant à Londres le 26 mai 1942 un traité d'alliance anglo-soviétique, et surtout à Roosevelt, qui le reçoit le surlendemain à Washington. Mais, tandis que Staline est tendu vers un unique objectif, les États-Unis et la Grande-Bretagne sont engagés, souvent conjointement, dans le monde entier sur de multiples théâtres d'opération où ils entendent d'abord mener une stratégie commune.

La direction de guerre anglo-américaine

C'est en 1942 que la direction anglo-américaine s'organise par la volonté commune de Churchill et de Roosevelt, qui établissent entre eux un contact quasi permanent. Leur instrument est le Comité mixte anglo-américain des chefs d'état-major (Combined Chiefs of Staff), créé à Washington dès Noël 1941, où Londres est représenté par sir John Dill, mais où domine la forte personnalité du général américain George Marshall. Les ressources des deux pays sont mises en commun : en janvier 1942 est constitué le Combined Shipping Adjustment Board, qui gère le pool de leurs navires marchands et pétroliers (95 millions de tonnes en 1944), indispensable à la conduite d'opérations qui se déroulent à des milliers de kilomètres de leurs territoires. Si la priorité finale est reconnue au théâtre européen, Churchill s'oppose à toute tentative prématurée en France (en 1942, seuls deux raids expérimentaux sont lancés, l'un en février à Bruneval, l'autre en août à Dieppe). Conscient de l'importance de la Méditerranée, il convainc Roosevelt de s'y assurer d'abord des bases solides en débarquant en Afrique du Nord (opération Torch).

Le débarquement anglo-américain en Afrique du Nord

Le 8 novembre 1942, les Anglo-Américains débarquent à Casablanca, Oran, Alger. Du 9 au 12 novembre, les Allemands débarquent à Tunis, d'où ils prendront liaison avec les forces germano-italiennes refoulées d'Égypte par Montgomery suite à sa victoire d'El-Alamein (2 novembre). Décidée en juillet 1942, l'opération Torch est la première entreprise américaine sur le théâtre occidental. Déclenchée le 8 novembre aux ordres du général Eisenhower, elle fut précédée de multiples contacts avec des éléments français se réclamant du général Giraud (récemment évadé d'Allemagne), et bénéficia de la présence fortuite à Alger de l'amiral Darlan, successeur désigné de Pétain. L'autorité de Darlan comptera aussi bien pour faire cesser le 11 novembre les résistances locales (Casablanca, Oran) des troupes françaises aux Américains que pour leur prescrire, le 13, de reprendre en Tunisie le combat contre les Allemands qui venaient d'y débarquer.

Le 22, Darlan, devenu, à la stupeur des gaullistes l'interlocuteur des Américains, signe avec le général Clark un accord organisant la rentrée en guerre de tous les territoires français d'Afrique, et notamment de ceux d'Afrique-Occidentale. La riposte allemande est brutale : dès le 11 novembre 1942, la Wehrmacht envahit la zone non occupée de la France, tandis que les Italiens se saisissent de Nice et de la Corse ; le 27, l'armée française d'armistice est dissoute, et la flotte de Toulon se saborde suivant les engagements pris en juin 1940 pour ne pas tomber aux mains du Reich. Le 23 janvier 1943, les Britanniques sont à Tripoli en Libye, où les rejoint la colonne française du général Leclerc, venue du Tchad ; le 4 février, ils entrent en Tunisie et passent aux ordres d'Eisenhower, dont les forces franco-anglo-américaines, qui ont débouché d'Algérie, en décembre, menacent Tunis. Sous les attaques conjuguées des deux groupements alliés, les forces germano-italiennes d'Afrique doivent capituler le 13 mai 1943 au cap Bon, abandonnant 250 000 prisonniers.

À la conférence de Casablanca (ou d'Anfa), du 14 au 27 janvier 1943, Roosevelt et Churchill tirent ensemble les conséquences de leur succès. Affirmant leur volonté d'exiger une capitulation sans condition de l'Italie, de l'Allemagne et du Japon, ils établissent leur plan pour 1943 : débarquement en Sicile, attaque aérienne systématique du potentiel économique allemand pour préparer l'ouverture du second front, laquelle est ajournée à 1944. Roosevelt et Churchill tentent aussi, au cours de leur rencontre à Anfa, de rapprocher de Gaulle de Giraud, qui a pris à Alger la succession de Darlan, assassiné le 24 décembre. Le 3 juin 1943, les deux généraux installent à Alger, sous leur coprésidence, un Comité français de libération nationale (CFLN), unique pouvoir politique représentant désormais la France en guerre. Après avoir dirigé la libération de la Corse par les troupes françaises, Giraud abandonne le 27 septembre sa coprésidence, et de Gaulle devient le seul maître à Alger.

L'élimination de l'Italie (juillet 1943-juin 1944)

Dès le 10 juillet 1943, Eisenhower lance ses forces sur la Sicile, qu'elles conquièrent en un mois (→ débarquement de Sicile). Cette victoire accélère la désagrégation du régime fasciste italien : dans la nuit du 24 au 25 juillet, Mussolini est destitué au cours d'une dramatique réunion du Grand Conseil fasciste et arrêté sur ordre du roi, qui confie le pouvoir au maréchal Badoglio. Tout en cherchant à rassurer les Allemands (qui ont des troupes en Italie), ce dernier prend en août des contacts secrets avec les Alliés et signe le 3 septembre à Syracuse un armistice impliquant la capitulation sans condition de toutes les forces italiennes. Les Alliés ne l'annoncent que le 8, alors qu'ils ont déjà débarqué le 3 en Calabre et s'apprêtent à le faire le 9 à Salerne. Hitler réagit aussitôt : le 12 septembre, il fait libérer Mussolini, qui fonde la république sociale italienne ou république de Salo pour continuer la lutte aux côtés du Reich, auquel le gouvernement de Badoglio, réfugié à Brindisi, déclare la guerre le 13 octobre.

Au même moment, les Allemands réussissent à se retrancher au sud de Rome sur une forte position, la ligne Gustav, à laquelle se heurtent les forces anglo-américaines du général Alexander, rejointes en décembre 1943 par le corps expéditionnaire français du général Juin. Alors commence une très rude campagne, marquée notamment par la violente bataille de Cassino : c'est seulement le 11 mai 1944 que les Français de Juin réussiront la percée de la ligne Gustav et permettront l'entrée des Alliés à Rome, le 4 juin 1944.

La Wehrmacht refoulée de la Volga au Dniestr (1943-1944)

Si, en 1943, les alliés anglo-saxons ont obtenu des résultats décisifs en Afrique et en Italie, ils n'y ont immobilisé qu'une très faible partie de la Wehrmacht. Les trois quarts du potentiel militaire allemand s'appliquent encore au front soviétique, où, au cours de la même année, la victoire va aussi définitivement changer de camp. Au nord, la prise de Schlüsselburg par les Russes (12 janvier) dégage Leningrad ; celles de Viazma et de Rjev (mars) refoulent la Wehrmacht à 250 km de Moscou, mais c'est au Sud qu'ont lieu les actions décisives. Au lendemain du désastre de Stalingrad (février 1943), les Allemands, chassés du Caucase comme de la boucle du Don, doivent abandonner Rostov, Koursk et Kharkov (qui est reconquis en mars par Manstein). Le 5 juillet 1943, l'échec de la double offensive blindée allemande (Manstein-Kluge) sur le saillant de Koursk signifie la perte désormais irréversible de l'initiative par la Wehrmacht sur le front de l'Est.

Le 12, l'offensive soviétique de Rokossovski sur Orel est la première d'une série de coups de boutoir sur Kharkov, Briansk et Smolensk qui mènent à la fin de septembre l'Armée rouge sur le Dniepr : il sera largement franchi en novembre, malgré la réaction de Manstein à Jitomir. Refusant tout répit à Hitler, Staline déclenche dès le 18 décembre 1943 la campagne d'hiver : au Nord, la Wehrmacht est refoulée de 200 km sur Narva et Pskov (janvier 1944) ; au Sud, Vatoutine, Koniev, Malinovski et Tolboukhine portent leurs forces sur le Boug (février) et le Dniestr (mars), tandis que Joukov entre en Galicie polonaise, atteint Tchernovtsy et Kovel et menace Lvov. Le 15 avril, après la prise d'Odessa et de Ternopol, le front se stabilise : l'Ukraine est totalement libérée, les Russes sont à la porte des Balkans ; Sébastopol tombe le 9 mai ; seuls les pays Baltes et la Russie blanche (actuelle Biélorussie) sont encore aux mains de la Wehrmacht.

L'URSS et ses Alliés : conférence de Téhéran (novembre 1943)

Sur le plan diplomatique, où elle connaît une intense activité, l'année 1943 est dominée par le problème du second front, que Staline, qui se refuse à considérer comme tel l'étroit champ de bataille italien, ne cesse de poser aux Alliés. De nombreuses réunions se tiennent à Washington en mars et en mai, à Québec en août, où Roosevelt, Churchill et le Canadien Mackenzie King se concertent avec T. V. Soong, ministre de Tchang Kaï-chek, sur la lutte contre le Japon. En octobre, pour dissiper la méfiance existant entre les Alliés et l'URSS, qui se soupçonnent mutuellement de prendre des contacts secrets avec Berlin, le secrétraire d'État américain Cordell Hull, le ministre des Affaires étrangères britannique Eden et le Soviétique Molotov préparent à Moscou une rencontre des « trois Grands », Roosevelt, Churchill et Staline.

Après que les deux premiers ont conféré avec Tchang Kaï-chek au Caire, la conférence a lieu le 28 novembre 1943 à Téhéran. Il y est confirmé que le second front serait réalisé, non comme le souhaitait Churchill dans les Balkans, mais en France. Les trois conviennent publiquement qu'ils garantiront l'intégrité de l'Iran et secrètement que l'Allemagne serait démembrée et que les frontières de la Pologne seraient reportées à l'Ouest jusqu'à l'Oder et à l'Est jusqu'à la ligne Curzon. Staline promet d'attaquer le Japon dès que cela lui sera possible. Les problèmes de l'après-guerre sont aussi évoqués, et les bases jetées d'une « Organisation des Nations unies » où le maintien de la paix relèvera essentiellement des trois Grands et de la Chine : leurs représentants se réuniront à Dumbarton Oaks d'août à octobre 1944 (→ plan de Dumbarton Oaks). Seul contre Roosevelt et Staline, qui, comme lui, ont reconnu le Comité français de libération nationale (CFLN) de de Gaulle le 26 août 1943, Churchill a affirmé sa volonté de voir la France se reconstituer après la guerre.

Le reflux japonais en Extrême-Orient (1943-1944)

Alors qu'en Afrique comme en URSS la retraite des forces de l'Axe revêt un caractère spectaculaire, le renversement de la situation en Extrême-Orient connaît un rythme plus lent. L'immensité des distances, le caractère spécial des forces aéronavales et amphibies qu'il leur faut constituer exigent des Américains près d'un an après leur attaque de Guadalcanal (août 1942) pour qu'ils puissent développer à fond le poids de leur puissance offensive. L'hiver de 1942 est dominé par la dure conquête de Guadalcanal, qui ne s'achève que le 8 février 1943, et par la défense victorieuse des Australiens en Nouvelle-Guinée, qui écarte de leur pays la menace d'une invasion nippone. Les îles Aléoutiennes sont reconquises dans l'été 1943, mais c'est des bases de Nouvelle-Calédonie et des Nouvelles-Hébrides que le commandement américain lance deux offensives décisives en direction des Philippines. L'une, essentiellement aéronavale, sera conduite par l'amiral Nimitz sur les îles Gilbert et Mariannes, l'autre, à dominante amphibie, sur la Nouvelle-Guinée et les Moluques, sera dirigée par le général MacArthur, commandant des forces alliées dans le sud-ouest du Pacifique.

La campagne s'ouvre par une série d'actions limitées sur les îles Salomon (Bougainville) et Gilbert, de juin à décembre 1943. En 1944, Nimitz lance ses forces à l'assaut des Marshall (janvier), des Carolines (8 février) et des Mariannes, où la conquête de Saipan et de Guam (juin-août), à 2 300 km de Tokyo, permet à l'US Air Force de prendre sous ses feux la capitale nippone ; l'événement, durement ressenti au Japon, provoque la démission du cabinet Tojo (18 juillet). En même temps, les divisions de MacArthur atteignent la côte nord-ouest de la Nouvelle-Guinée et débarquent aux Moluques (septembre). Finalement, les deux grandes offensives américaines convergent sur l'île de Leyte (Philippines), où la flotte japonaise subit, du 24 au 26 octobre 1944, un véritable désastre dont elle ne se relèvera pas (→ bataille de Leyte).

Face à l'ampleur de l'offensive américaine, l'état-major japonais décide de consolider sa position en Chine. Depuis la conquête de la Birmanie en 1942, Tchang Kaï-chek, qui maintient 300 000 hommes dans le Shanxi pour y surveiller les forces communistes de Mao Zedong, n'a d'autre contact avec ses alliés occidentaux qu'une liaison aérienne par l'Inde. Si, en 1943, les Japonais ont échoué dans leur raid sur Chongqing, ils lancent en mai 1944 une offensive sur la Chine du Sud pour ravitailler leurs forces de Birmanie et de Malaisie, avec lesquelles la liaison par mer est devenue trop précaire. La prise de Changsha au Hunan le 18 juin 1944 leur permet de relier Hankou à Canton, d'éliminer les bases aériennes américaines installées dans cette région et d'établir ainsi une grande ligne de communication terrestre de la Mandchourie au Tonkin et pratiquement jusqu'à Singapour.

En Birmanie, toutefois, l'action qu'ils tentent au printemps 1944 contre la voie ferrée indienne de Calcutta à Ledo se heurte à l'offensive des forces de l'amiral Mountbatten, commandant suprême allié dans le Sud-Est asiatique. Parties de Ledo, les unités du général américain Stilwell font au cours de l'été 1944 près de Bhamo, en haute Birmanie, leur jonction avec les forces chinoises. La construction d'une route (dite « route Stilwell »), raccordée au secteur nord de la route de Birmanie, rétablit la liaison terrestre avec la Chine. Tandis que les Britanniques prennent Akyab (janvier 1945), Américains et Chinois, descendant l'Irrawaddy, chassent de Birmanie les Japonais ; ceux-ci, pour garantir leur retraite, s'assureront par leur coup de force du 9 mars 1945 le contrôle total de l'Indochine française. Le 3 mai, les Alliés entrent à Rangoon.

Prélude au second front

C'est en 1943, aux conférences de Washington (mai) et de Québec (août), que Roosevelt et Churchill décident que le débarquement en France serait réalisé en 1944 par deux opérations, l'une, principale (Overlord), prévue pour mai en Normandie, l'autre, secondaire (Anvil ou Dragoon), en Provence, 70 jours après. Ce programme, confirmé à Staline lors de la conférence de Téhéran, débute par l'installation à Londres, à Noël 1943, du général Eisenhower, nommé commandant suprême des forces d'invasion en Europe. Sa mission, précisée le 12 février 1944, est de « pénétrer sur le continent […], puis de viser le cœur de l'Allemagne […] et la destruction de ses forces armées ». Le 11 janvier a commencé la préparation aérienne d'Overlord, destinée à détruire en profondeur tout le système de défense allemand. La victoire alliée dans la guerre sous-marine de l'Atlantique permet de concentrer en Angleterre de 3,5 millions d'hommes (75 divisions) et de 20 millions de tonnes de matériel.

L'opération, qui mettra en jeu 4 500 navires et 13 000 avions, est d'une ampleur encore inconnue dans l'histoire. Elle s'appliquera à une Europe très éprouvée par l'occupation allemande, mais où les mouvements de Résistance ont acquis partout une force importante, notamment en Yougoslavie, où Tito commande une véritable armée, et en France, où les maquis passent à l'action militaire (→ plateau des Glières, février 1944). Sur le plan politique, la certitude de la défaite allemande rassemble les éléments les plus divers qui entendent participer à la libération de leur pays et à la construction d'une nouvelle Europe. Leur action est cependant limitée par la brutalité de la répression allemande. Cette répression, orchestrée par Himmler, vise la liquidation physique des Juifs et des résistants dans les sinistres camps de la mort. Elle s'exerce aussi par des actions « spéciales » de représailles destinées à répandre la terreur comme à Lidice (après l'assassinat de Heydrich à Prague en 1942), à Varsovie (où le ghetto est sauvagement détruit en avril 1943) ou à Oradour-sur-Glane (plus de 600 Français massacrés le 10 juin 1944).

Seul le besoin considérable de main-d'œuvre, exigé par l'immense effort de guerre soutenu jusqu'au bout par le Reich, freine cette entreprise de destruction humaine. En Allemagne même, la population est durement éprouvée par les pertes de la Wehrmacht en Russie (2 millions d'hommes en 1943) et par les bombardements quasi quotidiens de l'aviation alliée sur Berlin, la Ruhr et les grandes villes (Hambourg). Courageusement, certains hommes tentent autour de Carl-Friedrich Goerdeler de mettre fin au cauchemar en supprimant Hitler. Leur mouvement aboutira au putsch du 20 juillet 1944, dont l'échec déclenchera de cruelles représailles.

Libération de l'Europe occidentale (juin 1944-février 1945)

Le 6 juin 1944 à l'aube, les forces alliées débarquent en Normandie, où elles surprennent les défenses allemandes du mur de l'Atlantique, que commande Rommel. La bataille pour les plages est gagnée dès le 11. Du 14 au 30 juin, les Américains reconquièrent le Cotentin. Le 31 juillet, ils rompent le front allemand à Avranches et exploitent aussitôt leur succès en fonçant sur Rennes et surtout vers Argentan et la Seine, atteinte le 19 août à Mantes. Paris, qui s'est soulevé le 19 août, accueille les 24 et 25 la 2e DB du général Leclerc. Harcelée par l'action de la Résistance (notamment en Bretagne et dans le Vercors), la retraite de la Wehrmacht s'est partout précipitée. Les Britanniques de Montgomery, entrés à Amiens le 31 août, libèrent Bruxelles le 3 septembre et Anvers le 4. Le 15, les Américains de Bradley, qui ont dépassé Liège (le 8), Luxembourg (le 10) et franchi la Moselle au sud de Metz, libèrent Nancy. Le 12, ils ont pris liaison près de Châtillon-sur-Seine avec les forces franco-américaines (de Lattre de Tassigny et Patch) débarquées en Provence le 15 août. Celles-ci, après avoir pris Toulon le 27 et Marseille le 28, ont libéré Lyon dès le 3 septembre et Dijon le 11.

Prenant place à l'aile droite des forces d'Eisenhower venant de Normandie, elles s'engagent alors en direction de l'Alsace. À la fin de septembre, après l'échec de leur opération aéroportée d'Arnhem (→ bataille d'Arnhem), les Alliés tiennent le Rhin inférieur, bordent la frontière allemande de Belgique et du Luxembourg et parviennent le 21 octobre à s'emparer d'Aix-la-Chapelle. Mais ils sont arrêtés en Alsace et en Lorraine. À l'issue de violents combats, le général américain Patton récupère Metz et de Lattre Mulhouse le 20 novembre, la 2e DB du général Leclerc reprend Strasbourg le 23. L'automne 1944 est marqué par le raidissement de la défense allemande. Hitler met encore sa confiance dans les armes nouvelles « V1 » et « V2 » qui pilonnent l'Angleterre, tandis que la Luftwaffe engage les premiers avions à réaction. Le 16 décembre, Rundstedt lance dans les Ardennes une puissante offensive de blindés qui, accompagnée d'une attaque entre la Sarre et la Rhin, menace gravement la cohésion du front allié.

Celle-ci n'est rétablie que le 16 janvier 1945 par deux contre-attaques au nord et au sud de la poche des Ardennes après la liquidation par de Lattre de la poche de Colmar, le 9 février, l'Alsace est totalement libérée. À cette date, la Wehrmacht est partout refoulée sur la ligne Siegfried.

L'Armée rouge aux portes de l'Allemagne

En liaison avec le débarquement de Normandie, l'offensive soviétique d'été débouche le 23 juin 1944 en Russie blanche sur 300 km entre Vitebsk et Bobrouïsk. Après la bataille pour Minsk (3-11 juillet), les Russes pénètrent en Pologne, prennent Lublin le 24 juillet, Lwów (Lvov), Przemysl, Dvinsk (aujourd'hui Daougavpils) et Brest-Litovsk le 28. Le 30, ils atteignent à Mitau (aujourd'hui Lelgava) la frontière de Prusse-Orientale. Mais le front se stabilise en Pologne, et l'Armée rouge, qui borde la Vistule, assiste sans intervenir à l'insurrection déclenchée à Varsovie le 1er août par le général polonais Bór-Komorowski : elle se termine par les sanglantes représailles des Allemands après la capitulation de la ville (2 octobre). Au nord, les Russes reconquièrent les pays Baltes, et la Finlande demande et obtient le 19 septembre un armistice avec les Alliés.

Sur les fronts Sud, Malinovski et Tolboukhine conquièrent la Roumanie, où le roi Michel Ier demande l'armistice (23 août) et déclare la guerre à l'Allemagne ; après un conflit d'un jour avec l'URSS, la Bulgarie en fait autant le 7 septembre. Par la Transylvanie, Malinovski pénètre en Hongrie (octobre) et marche sur Budapest, où les Allemands, qui ont arrêté leur ex-allié Horthy, concentrent leur résistance (décembre). Tolboukhine a pris contact avec les forces yougoslaves de Tito et entre avec elles à Belgrade le 20 octobre, puis converge, lui aussi, sur la Hongrie, et atteint le 7 décembre 1944 les rives du lac Balaton. En janvier 1945, les Russes reportent leur effort sur la Pologne : les forces de Joukov entrent à Varsovie le 17 janvier ; celles de

La Conférence de Yalta

La Conférence de Yalta

Problèmes politiques : la conférence de Yalta (février 1945)

En quelques mois, la Wehrmacht a donc dû évacuer presque toutes ses conquêtes à l'Est et à l'Ouest et se trouve enserrée entre les deux grands fronts. Au Sud, elle a dû aussi se replier en Italie sur la ligne gothique (août 1944), au nord de Florence, et abandonner la Grèce, où les Anglais, débarquant en octobre 1944, trouvent un pays affamé et déchiré entre les fractions rivales de la résistance.

Dans une situation économique souvent désastreuse pour l'ensemble des pays impliqués surgissent en Europe libérée d'épineux problèmes politiques. En Belgique, dès le retour de Londres à Bruxelles du gouvernement Pierlot (8 septembre 1944) se pose la « question royale ». L'attitude de Léopold III pendant la guerre étant très critiquée, son frère, le prince Charles, est proclamé régent par le Parlement. Par ailleurs, une union douanière est conclue entre la Belgique, les Pays-Bas et le Luxembourg (Benelux).

La tardive reconnaissance du GPRF

En France, le Comité français de libération nationale (CFLN) s'est proclamé le 3 juin Gouvernement provisoire de la République française (GPRF). De Gaulle s'est installé à Paris dès le 31 août et a inclus dans son gouvernement des personnalités de la Résistance (Bidault aux Affaires étrangères). Mais la méfiance de Roosevelt fait retarder sa reconnaissance par les États-Unis, la Grande-Bretagne et l'URSS jusqu'au 23 octobre 1944. Le 11 novembre, la France est admise à la Commission consultative européenne de Londres, et, le 10 décembre, Bidault et Molotov signent à Moscou un traité d'alliance franco-soviétique.

Le problème le plus grave qui divise les trois Grands est celui de la Pologne. Depuis la découverte par les Allemands, en avril 1943, dans la forêt de Katyn, près de Smolensk, des restes de 4 500 officiers polonais, exécutés en 1940 par les Soviétiques (→ massacre de Katyn), l'URSS, qui refuse d'endosser cette responsabilité, a rompu toute relation avec le gouvernement polonais de Londres (25 avril 1943). Or l'Angleterre et les États-Unis ne reconnaissent que ce dernier – dirigé alors par Mikołajczyk – de qui relèvent les troupes polonaises du général Anders, qui se battent aux côtés des Anglo-Américains. Mais un Comité de libération, soutenu par l'URSS, s'est installé à Lublin à la fin de juillet 1944. Le 5 janvier 1945, il est reconnu par Staline comme gouvernement de la Pologne et s'installe à Varsovie dès l'entrée de l'Armée rouge dans la capitale (18 janvier).

De Gaulle CharlesLe problème polonais est l'un des principaux abordés par la conférence qui réunit à Yalta (Crimée), du 4 au 11 février 1945, Staline, Churchill et Roosevelt. Churchill est très méfiant à l'égard de Staline, et Roosevelt (réélu pour la quatrième fois en novembre 1944 président des États-Unis) s'intéresse surtout à la victoire contre le Japon et à l'Organisation des Nations unies – de plus, il est très malade, comme l'est aussi son premier conseiller Harry Lloyd Hopkins (1890-1946). Et pourtant, c'est à Yalta que sont prises les décisions qui conditionneront pour de longues années l'avenir du monde. En Extrême-Orient, Roosevelt obtient par un accord secret l'engagement de Staline d'entrer en guerre contre le Japon, trois mois après la défaite allemande, moyennant la cession à l'URSS de la moitié de Sakhaline, des îles Kouriles, de Port-Arthur et du chemin de fer de Dairen.

En Europe, les trois Grands proclament leur volonté d'« aider les peuples libres à former des gouvernements provisoires largement représentatifs de tous les éléments démocratiques qui s'engageront à établir par des élections libres des gouvernements correspondant à la volonté des peuples ». Il est admis que les frontières de la Pologne incluront le sud de la Prusse-Orientale (moins Königsberg, annexé par l'URSS.[→ Kaliningrad]) et suivront à l'est la ligne Curzon et à l'ouest les cours de l'Oder et de la Neisse. Il est prévu que le gouvernement polonais de Lublin ne sera reconnu par Londres et Washington qu'après s'être élargi. En Allemagne, ce sont les trois Grands qui détiendront l'« autorité suprême » sous la forme d'un Conseil de contrôle, auquel la France sera invitée à participer. La répartition des zones d'occupation des armées (convenue à Québec en septembre 1944) est confirmée, mais une zone prise sur celle des Anglais et des Américains sera confiée à la France.

L'organisation de la paix sera le fait d'une conférence des Nations unies convoquée à San Francisco le 25 avril 1945 (→ conférences de San Francisco). Mais les décisions de son Conseil de sécurité exigeront un vote affirmatif de chacun de ses cinq membres permanents (Chine, États-Unis, France, Grande-Bretagne, URSS). C'est l'origine du droit de veto, qui limitera beaucoup son efficacité.

La capitulation de l'Allemagne

Au lendemain des accords de Yalta (4-11 février 1945) commence la dernière bataille, qui, à l'est comme à l'ouest, se livre en territoire allemand.
 

  • À l'ouest, Eisenhower dispose de 93 divisions – 60 américaines, 14 britanniques, 5 canadiennes et 14 françaises (dont 4 bouclent les poches allemandes de Dunkerque, Lorient et Royan) – et de 4 brigades alliées (belge, hollandaise, polonaise et tchèque).
  • À l'est, l'Armée rouge est répartie en huit fronts : quatre d'entre eux joueront un rôle capital, celui de Malinovski, axé sur Vienne, celui de Rokossovski, sur la Poméranie, ceux de Joukov et de Koniev, sur Berlin. Ce dernier, qui a franchi l'Odra les 11 et 24 février, fait sa jonction avec Joukov en basse Silésie, tandis que Malinovski, entré à Budapest le 13 février, pénètre en mars en Autriche.
  • Au même moment, à l'ouest, les Alliés percent la ligne Siegfried et foncent sur le Rhin, qu'ils franchissent à Remagen (7 mars), à Oppenheim et près de Wesel (23-24 mars). Le 25 mars, la totalité de la rive gauche du Rhin est aux mains des forces d'Eisenhower.
  • La Hollande est isolée par les Britanniques, qui arrivent le 19 avril sur l'Elbe. Le 1er avril, les Américains ont encerclé la Ruhr (où 18 divisions capitulent) et marchent aussitôt sur l'Elbe en direction de Magdebourg et de Leipzig, tandis que Patton, entré à Francfort le 29 mars, pénètre en Thuringe et s'arrête sur ordre le 18 avril à Plzeň (90 km de Prague).
  • Au sud, du 19 au 29 avril, les Américains atteignent Nuremberg, Ratisbonne et Munich ; le Français de Lattre pénètre en Forêt-Noire et au Wurtemberg, atteint Ulm (24 avril) et s'engage en Autriche ; le 4 mai, la division Leclerc prend Berchtesgaden.


Le suicide de Hitler

Le 13 avril, les Russes sont entrés à Vienne et, remontant le Danube, prennent liaison avec les Américains en aval de Linz. Du 16 au 20 avril, Joukov et Koniev rompent le front allemand de l'Oder et atteignent Berlin, conquis le 2 mai par l'Armée rouge. Le 30 avril, Hitler s'est suicidé après avoir désigné l'amiral Dönitz pour lui succéder. Des contacts s'établissent entre l'Armée rouge et les forces anglo-américaines, notamment à Torgau (Hodges-Koniev, le 25 avril) et près de Wismar (Dempsey-Rokossovski, le 3 mai). Malinovski et Koniev font leur jonction à Prague du 6 au 9 mai.

L'élimination de Mussolini

En Italie, le groupe d'armées Alexander débouche le 9 avril de la ligne gothique en direction du Pô. Ses troupes prennent liaison le 29 près de Turin avec l'armée française des Alpes, le 1er mai près de Trieste avec les forces yougoslaves de Tito et le 4 mai avec celles d'Eisenhower qui ont franchi le Brenner. Le 29 avril, le commandement allemand a signé à Caserte la capitulation de ses armées en Italie, en Autriche, en Styrie et en Carinthie. La veille, Mussolini a été exécuté par des partisans près du lac de Côme.

La reddition de la Wehrmacht

Le 4 mai, les troupes allemandes des Pays-Bas et du nord de l'Allemagne ont capitulé à Lüneburg entre les mains de Montgomery ; le 7 mai, l'amiral Dönitz mandate le général Jodl pour signer à Reims la reddition inconditionnelle de l'ensemble de la Wehrmacht aux armées alliées et soviétiques. Elle est confirmée le lendemain à Berlin par le maréchal Keitel en présence des généraux Joukov, Tedder, Spaatz et de Lattre. Le 22 mai, les Alliés font prisonniers tous les membres du gouvernement fantôme de Dönitz à Flensburg : l'Allemagne vaincue a ainsi perdu toute existence politique.

La défaite et la capitulation du Japon

Après le désastre subi en octobre 1944 par la marine japonaise près de l'île de Leyte (Philippines), les Américains mettent deux mois à en chasser les troupes nippones. Ils doivent désormais faire face aux kamikazes, les avions-suicides. En janvier 1945, MacArthur attaque Luzon – la plus grande des Philippines – et entre à Manille après trois semaines de combats, le 25 février. Sans s'attarder à la conquête de Mindanao, il entame aussitôt la bataille pour les avancées du Japon. Le 19 février, l'amiral Nimitz débarque à Iwo Jima, et, le 1er avril, à Okinawa, où, à 600 km du Japon, une furieuse bataille s'engage pour la conquête de l'île, achevée le 21 juin.

Le Japon acculé

Le 5 avril, la dénonciation par Staline du traité de neutralité nippo-soviétique du 13 avril 1941 provoque à Tokyo la démission du cabinet du général Koiso. Son successeur, l'amiral Suzuki, tente vainement d'obtenir une médiation soviétique. Mais, le 26 juillet, les États-Unis, la Grande-Bretagne et la Chine exigent, par un ultimatum, une capitulation sans condition qui est repoussée par Suzuki. Le Japon, dont les troupes sont chassées de Birmanie et se replient en Chine, est dans une situation désespérée : sa flotte n'existe plus, et le pays est soumis depuis juillet à une violente offensive aérienne alliée qui ne rencontre plus aucune opposition. C'est alors que, voulant précipiter la fin de la guerre, le président Harry S. Truman, qui a succédé à Roosevelt, décédé le 12 avril, décide d'employer contre le Japon la bombe atomique expérimentée en grand secret par les États-Unis le 16 juillet 1945. Le 6 août, une première bombe détruit Hiroshima, et une deuxième Nagasaki le 9.

La capitulation du Japon

Entre-temps, le 8 août, l'URSS a déclaré la guerre au Japon, et, le 14, signe à Moscou un traité d'alliance avec la Chine. Les troupes soviétiques aux ordres du maréchal Vassilevski entrent aussitôt en Corée (9 août) et en Mandchourie, où elles prennent Moukden (aujourd'hui Shenyang) le 15. Dès le 10, le gouvernement japonais fait savoir qu'il accepte les termes de l'ultimatum du 26 juillet, et, le 14, capitule sans condition. Le 16, l'empereur japonais donne à toutes ses forces l'ordre de cesser le combat. Dix jours plus tard, les Américains débarquent au Japon. Le 2 septembre, l'acte solennel de capitulation est signé en rade de Tokyo, devant le général MacArthur, sur le cuirassé américain Missouri (le général Leclerc y représente la France).

Dernière réunion des trois Grands : Potsdam, 17 juillet – 2 août 1945

Si la vigueur de la résistance allemande a maintenu jusqu'à la capitulation du IIIe Reich l'unité d'action de ses vainqueurs, leurs relations, depuis Yalta (février 1945), n'ont cessé de se détériorer. Sans se soucier des engagements qu'il avait signés, Staline entend profiter aussitôt de sa victoire en installant des gouvernements communistes dans tous les pays libérés par l'Armée rouge, qui doivent devenir des États vassaux de l'URSS. Ainsi que l'écrit Churchill en mai 1945, « un rideau de fer s'est abattu derrière le front soviétique ». Si les Américains, puis les Anglais parviennent à se faire admettre à Berlin le 3 juillet, leurs troupes se sont repliées dans les limites des zones d'occupation et, suivies d'une immense foule de réfugiés allemands, ont évacué à cette date la ligne de l'Elbe, la Saxe, le Mecklembourg et la Thuringe, tandis que les Soviétiques s'avancent jusqu'à Erfurt et Eisenach, à 150 km du Rhin.

Mais c'est encore le problème polonais qui cristallise la crise entre les vainqueurs. En juin 1945, Staline, qui a invité à Moscou seize représentants des tendances non communistes de la résistance polonaise, les fait arrêter et condamner par un tribunal militaire soviétique. Cette fois, la réaction américaine est d'autant plus vive que l'attitude du président Truman vis-à-vis de Staline est beaucoup plus réservée que celle de Roosevelt. Pour sortir de l'impasse, une ultime conférence des trois Grands est réunie le 17 juillet à Potsdam avec Staline, Truman et Churchill, qui, battu aux élections générales anglaises, cède la place le 26 juillet à Clement Attlee, nouveau chef travailliste du cabinet britannique. Un compromis est adopté pour la Pologne : les Anglais et les Américains reconnaissent le gouvernement provisoire (et prosoviétique) de Varsovie, et les trois fixent provisoirement la frontière ouest du pays à la ligne de l'Oder et de la Neisse occidentale.

La conférence statue ensuite sur des questions moins épineuses telles que la démilitarisation et la dénazification de l'Allemagne, le jugement des criminels de guerre, les réparations, la répartition des zones d'occupation en Autriche, l'évacuation de l'Iran, la révision de la convention de Montreux sur les Détroits, le maintien du statut international de Tanger et l'indépendance de la Corée. En prévision de la défaite du Japon, des lignes de démarcation militaires sont fixées entre ses vainqueurs : en Corée, le 38e parallèle entre Soviétiques et Américains ; en Indochine, le 16e entre Chinois et Britanniques. La préparation des traités de paix est confiée au Conseil des ministres des Affaires étrangères d'URSS, des États-Unis, de Grande-Bretagne, de France et de Chine, qui siégeront à Londres et à Paris. Dès le lendemain (3 août) de la publication de ces accords, la France, qui n'a pas participé à la conférence, exprime ses réserves sur le fait de n'avoir pas été consultée sur le sort de l'Allemagne.

Une drôle de paix

Si l'été de 1945 marque la fin de la guerre, il est difficile de dire qu'il inaugure réellement la paix.  Dans le monde entier, les séquelles de cette immense conflagration engendrent en effet d'inextricables conflits entre le monde occidental et le monde soviétique : à Berlin, isolé en zone soviétique mais occupé par quatre puissances ; dans les Balkans, « satellisés » par l'URSS, sauf la Grèce, en proie à la guerre civile ; en Iran ; dans la Chine victorieuse, mais qui, dès octobre 1945, entre aussi dans une guerre civile ; dans la Corée et l'Indochine divisées…

En même temps, la ruine de l'Europe incite les peuples colonisés d'Asie, d'Afrique et du Moyen-Orient, où la Ligue arabe s'est constituée le 22 mars 1945, à secouer au plus vite le joug des « métropoles » pour prendre en main leur destin ; conscients de l'affaiblissement des puissances coloniales et encouragés par l'hostilité au système colonial des deux nouvelles puissances dominantes (États-Unis et URSS), les leaders des mouvements de libération, issus des élites occidentalisées, réclament l'application du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, proclamé par l'article 1er de la Charte des Nations unies en 1945. Alors que la question de l'Allemagne n'est pas près de son règlement, plusieurs traités de paix seront néanmoins signés à Paris en 1947, avec la Finlande, l'Italie, la Hongrie, la Roumanie et la Bulgarie.

Quant au Japon, il est démilitarisé, doté d'une Constitution démocratique, occupé et contrôlé étroitement par les États-Unis ; il signera avec eux (mais pas avec l'URSS) le traité de San Francisco en 1951 (→ conférences de San Francisco). Si la Première Guerre mondiale a été qualifiée de guerre totale, notamment en raison de mobilisation sans précédent de tous les acteurs de la société, la Seconde Guerre mondiale a été une guerre d'anéantissement, dans laquelle les victimes civiles se comptent autant que les morts au combat.

Les « personnes déplacées »

La guerre a provoqué des déplacements de population très importants. Ils furent tantôt « spontanés », tel l'exode des personnes fuyant la Wehrmacht en 1940-1941 ou l'Armée rouge en 1944-1945 ; tantôt ils furent organisés, surtout par le Reich, tels le retour en Allemagne des ressortissants des colonies allemandes des pays Baltes ou d'Europe centrale, les implantations de colons allemands en Pologne et dans les Ardennes, de colons néerlandais en Ukraine – sans oublier les 7 millions de travailleurs étrangers transférés de force en Allemagne. Toutefois, le mouvement le plus important fut celui d'environ 12 millions d'Allemands qui, en 1945 – par peur de tomber sous l'autorité soviétique – gagnèrent les zones occupées par les Anglais, les Américains ou les Français. On estime à environ 30 millions le nombre de personnes ainsi « déplacées » du fait de la guerre.

Des coûts humains sans précédent

AuschwitzLes évaluations, toujours approximatives, du total des pertes de la Seconde Guerre mondiale varient entre 40 et 50 millions de morts (10 millions de morts et 20 millions de blessés lors de la Première). Mais, alors que ceux de 1914-1918 (où 68 millions d'hommes furent mobilisés) étaient en grande majorité des militaires, les morts de 1939-1945 comportent à peu près autant de civils que de soldats (92 millions d'hommes mobilisés). Cette proportion de victimes civiles est due aux caractères particuliers du conflit : généralisation des bombardements aériens bien sûr, mais surtout liquidation physique (chambre à gaz, massacres, etc.) par les Allemands de plusieurs millions de Juif

Pétain Philippe

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Henri Philippe Benoni Omer Joseph Pétain, couramment nommé Philippe Pétain, né le 24 avril 1856 à Cauchy-à-la-Tour (Pas-de-Calais) et mort le 23 juillet 1951 en internement à Port-Joinville (L'Île-d'Yeu), est un militaire et homme politique français, fait maréchal de France en 1918. En tant que chef militaire, le maréchal Pétain est généralement présenté comme le « vainqueur de Verdun » et comme le chef de l’armée qui jugula la crise du moral et des mutineries de 1917.

Philippe Pétain

Philippe Pétain

Comme dernier chef de gouvernement de la Troisième République, son nom est associé à l’armistice du 22 juin 1940 retirant la France défaite de la guerre contre Hitler. Comme fondateur et chef de l'État du régime de Vichy, il a dirigé la France pendant l'Occupation, du 11 juillet 1940 au 20 août 1944. Il a engagé la Révolution nationale et la collaboration avec l’Allemagne nazie. À 84 ans, en juillet 1940, Philippe Pétain est le chef d'État le plus âgé de l'Histoire de France. Jugé à la Libération pour intelligence avec l'ennemi et haute trahison par la Haute Cour de Justice, il est, par arrêt du 15  août 1945, frappé d'indignité nationale et condamné à la confiscation de ses biens et à la peine de mort. Il est gracié par le général de Gaulle, chef du Gouvernement provisoire de la République, sa peine est commuée en prison à perpétuité. Ayant reçu une éducation catholique, il sert la messe comme enfant de chœur durant sa jeunesse.

Impressionné par les récits de son grand-oncle, l'abbé Lefèvre, qui a servi dans la Grande Armée de Napoléon, et très marqué par la guerre de 1870 alors qu’il a 14 ans, il décide d’être soldat. À partir de 1876, il est élève à l’École spéciale militaire de Saint-Cyr, promotion Plewna avec le vicomte Charles de Foucauld, le futur bienheureux et Antoine Manca de Vallombrosa le futur aventurier. Il y entre parmi les derniers (403e sur 412) et en sort en milieu de classement (229e sur 336). Il est affecté à différentes garnisons, mais ne participe à aucune des campagnes coloniales. Lors de l’affaire Dreyfus, le capitaine Pétain ne participe pas à la souscription au fameux « monument Henry », souscription nationale ouverte par le journal antisémite, La Libre Parole, d'Édouard Drumont, au profit de la veuve de l'auteur du faux document, le colonel Henry, responsable de la condamnation inique du capitaine Dreyfus. Ultérieurement, Pétain confiera n’avoir pas cru en la culpabilité de Dreyfus, mais accusera ce dernier de s’être mal défendu, et dira avoir considéré comme normal de le sacrifier à la réputation de l’Armée.

Dans l’ensemble, le militaire Pétain s’occupe fort peu de la vie politique de l’époque, et reste très discret sur ses opinions personnelles. Au contraire de beaucoup de militaires, il ne s’engage à aucun moment, pas plus lors de l’affaire des fiches (1904) que de celle de la séparation des Églises et de l'État en 1905. En 1900, chef de bataillon, il est nommé instructeur à l’École normale de tir du camp de Châlons-sur-Marne, il s’oppose à la doctrine officielle de l'époque qui veut que l'intensité du tir prime la précision et qui privilégie les charges de cavaleries et les attaques à la baïonnette. Il préconise au contraire l'utilisation des canons pour les préparations et les barrages d'artillerie, afin de permettre la progression de l'infanterie, laquelle doit pouvoir tirer précisément sur des cibles individuelles. Le directeur de l'école signale la « puissance de dialectique [...] et l'ardeur [...] » « avec lesquelles il défend des thèses aussi aventurées ». En 1901, il occupe un poste de professeur adjoint à l’École supérieure de guerre de Paris où il se distingue par des idées tactiques originales. Il y retourne de 1904 à 1907 puis de 1908 à 1911 en tant que titulaire de la chaire de tactique de l’infanterie. Il s’élève alors violemment contre le dogme de la défensive prescrit par l’instruction de 1867, « l’offensive seule pouvant conduire à la victoire ». Mais il critique aussi le code d’instruction militaire de 1901 prônant la charge en grandes unités, baïonnette au canon. Les milliers de morts d’août et septembre 1914 lui donneront raison.

Le 20 octobre 1912, il est le premier chef d’unité de celui qui deviendra le général de Gaulle, alors sous-lieutenant. En septembre 1913, amené à commenter la tactique du général Gallet, qui avait fait charger à la baïonnette des nids de mitrailleuses, il dit : « le général vient de nous montrer toutes les erreurs à ne pas commettre ». Ce qui lui vaut l’hostilité de la hiérarchie. Humiliés par la défaite de 1870, les états-majors se montrent volontiers bravaches et revanchards. On y prône l'offensive à outrance. Pétain, lui, préconise la manœuvre, la puissance matérielle, le mouvement, l’initiative : « le feu tue ». Ainsi il déclara à un élève officier : « Accomplissez votre mission coûte que coûte. Faites-vous tuer s'il le faut, mais si vous pouvez remplir votre devoir tout en restant en vie, j'aime mieux cela. »  À 58 ans, en juillet 1914, le colonel Philippe Pétain s’apprêtait à prendre sa retraite après une carrière relativement médiocre, le ministre de la Guerre ayant refusé sa nomination au grade de général. Dès le début de la Première Guerre mondiale, le 3 août 1914, à la tête de la 4e brigade d’infanterie, il se distingue en Belgique. Il est promu général de brigade le 31 août 1914 et commande la 6e division d'infanterie à la tête de laquelle il participe à la bataille de la Marne, puis devient général de division le 14 septembre. Nommé le 20 octobre général commandant de corps d'armée, il prend le commandement du 33e corps et réalise des actions d’éclat tout en se montrant soucieux d’épargner la vie de ses hommes, dont il gagne le cœur.

En juin 1915, il commande la 2e armée. En février 1916, c’est lui qui commande les troupes françaises à la bataille de Verdun, et son charisme n’est pas étranger à l’issue victorieuse du combat, même si la ténacité de ses troupes, comme, par exemple, celle du commandant Raynal au fort de Vaux, en a été le facteur décisif. On notera cependant que sa vision stratégique de la bataille lui a permis de comprendre que le meilleur soldat du monde, s’il n’est pas ravitaillé, évacué en cas de blessure, ou relevé après de durs combats, sera finalement vaincu. Pétain met en place une noria continue de troupes, d’ambulances, de camions de munitions et de ravitaillement sur ce qui va devenir la « voie sacrée ». Comprenant la valeur de l’aviation dans les combats, il crée en mars 1916 la première division de chasse aérienne pour dégager le ciel au-dessus de Verdun. Il réaffirme cette vision dans une instruction de décembre 1917 : « L’aviation doit assurer une protection aérienne de la zone d’action des chars contre l’observation et les bombardements des avions ennemis [...] » Désormais, aux yeux de tous, il est le « vainqueur de Verdun », même si cette appellation sera surtout exploitée plus tard, sous le régime de Vichy.

En 1917, le général Nivelle prend la tête des armées françaises, alors que Joffre n’était que le chef du front du Nord-Est. Le général Pétain est nommé chef d'État-Major général, poste spécialement créé pour lui. Il s’oppose à Nivelle qui est peu économe du sang de ses hommes, et dont l’attitude contraste avec le pragmatisme de Pétain. Cela aboutit à la bataille du Chemin des Dames, à la mi-avril 1917 : 100 000 hommes sont mis hors de combat du côté français en une semaine. Bien que les Français, à défaut de percer, aient tenu, le mécontentement gronde, provoquant des mutineries dans de nombreuses unités. Nivelle est renvoyé et Pétain se trouve être l’homme providentiel pour lui succéder et ramener la confiance des troupes en améliorant les conditions de vie des soldats, en mettant fin aux offensives mal préparées et en faisant condamner les mutins, dont seule une minorité est fusillée malgré les exigences des hommes politiques. En octobre 1917, il reprend le Chemin des Dames aux Allemands, par des offensives plus limitées, ne gaspillant pas la vie des soldats et toutes victorieuses. Certains ont dénié à Pétain le titre mythique de « vainqueur de Verdun » et considèrent cette réputation comme due principalement à sa gestion du moral des combattants, grâce à ses mesures « humaines » et à sa volonté d’éviter les offensives inutiles, plus qu’à ses qualités militaires.

Parmi eux, ont figuré Joffre, Foch et Clemenceau, qui ont reproché à Pétain son pessimisme. Au début de 1918, il est à l’origine du retour de Foch, qui avait été renvoyé avec Nivelle. Il est désormais à l’origine de la coordination de toutes les troupes alliées, dont Foch est le chef suprême. En août 1918 la médaille militaire lui est attribuée : « Soldat dans l’âme, n’a cessé de donner des preuves éclatantes du plus pur esprit du devoir et de haute abnégation. Vient de s’acquérir des titres impérissables à la reconnaissance nationale en brisant la ruée allemande et en la refoulant victorieusement. »  En octobre 1918, il prépare une grande offensive qui aurait mené les troupes franco-américaines jusqu’en Allemagne. Prévue à partir du 13 novembre, elle n’a pas lieu puisque, contre son avis, Foch et Clemenceau ont accepté l’armistice demandé par les Allemands. Après l’armistice, Pétain est élevé à la dignité de maréchal de France le 19 novembre 1918. Il reçoit à Metz son bâton de maréchal le 8 décembre 1918.

En 1919, Pétain est élu membre de l’Académie des sciences morales et politiques. Le 14 septembre 1920, âgé de 64 ans, il épouse Eugénie Hardon, âgée de 42 ans, dont il n’eut pas de descendance. Général en chef de l’Armée française (il le reste jusqu’au 9 février 1931), il estime en 1919 à 6 875 le nombre de chars nécessaire à la défense du territoire. Soit 3 075 chars en régiment de première ligne, 3 000 chars en réserve à la disposition du commandant en chef et 800 chars pour le remplacement des unités endommagées. Il écrit: « C’est lourd, mais l’avenir est au maximum d’hommes sous la cuirasse. » De 1919 à 1929, avec l'aide du général Buat, son chef d'État-Major, il s'oppose à la construction de fortifications défensives, préconisant au contraire la constitution d'un puissant corps de bataille mécanisé capable de porter le combat le plus loin possible sur le territoire ennemi dès les premiers jours de la guerre. En juin 1922, il obtient la démission du maréchal Joffre de la présidence de la Commission d'étude de l'organisation de la défense du territoire créée quinze jours plus tôt. En 1925-1926, des troupes françaises sous le commandement de Pétain, en campagne avec une armée espagnole (450 000 hommes au total), dans laquelle se trouve aussi Franco, mènent une campagne contre les forces d’Abd el-Krim, chef de la très jeune République du Rif, au Maroc ; les forces franco-espagnoles sont victorieuses, en partie grâce à l'emploi par les Espagnols d'armes chimiques sur les populations civiles. Abd el-Krim se plaignit à la Société des Nations de l'utilisation par l'aviation française de gaz moutarde sur les douars et les villages.

Lors de la séance du Conseil supérieur de guerre du 15 décembre 1925, il s’oppose à la construction d’une ligne défensive continue, mais pour des môles défensifs sur les voies d’invasion. Puis lors de la séance du 19 mars 1926, contre l’avis de Foch, qui estime que Pétain donne à tort aux chars une importance capitale, il préconise et obtient l’étude de trois prototypes de chars (léger, moyen et lourd). Le 20 juin 1929, il est élu à l’unanimité membre de l’Académie française, au 18e fauteuil, où il succède au maréchal Foch. Il finira par s'incliner et accepter la construction de la ligne Maginot, lorsque André Maginot, alors ministre de la Guerre, déclarera, lors du débat parlementaire du 28 décembre 1929 : « ce n'est pas Pétain qui commande, mais le ministre de la Guerre ».

Le 22 janvier 1931, il est reçu à l'Académie française par Paul Valéry, dont le discours de réception — qui retrace sa biographie — rappelle et développe une phrase sur laquelle insistait Pétain : « le feu tue », et comporte des considérations sur la façon dont « la mitrailleuse a modifié durablement les conditions du combat à terre » et les règles de la stratégie. Le discours rappelle aussi les désaccords, dans le respect mutuel, entre Pétain et Joffre. Le discours de réception du maréchal Pétain est un hommage au maréchal Foch auquel il succède. Le 9 février 1931, il est remplacé par le général Weygand au poste de commandant suprême de l’Armée, et nommé inspecteur général de la défense aérienne du territoire. À ce titre, il écrit le 2 décembre 1931 à Pierre Laval, alors président du Conseil, pour lui demander la création d’une force aérienne puissante de défense et d’attaque, indépendante de l’Armée de terre et de la Marine. Il préconise pour cela de prélever 250 millions de francs sur les crédits alloués à la construction de la ligne Maginot.

Le 9 février 1934, il est nommé ministre de la Guerre dans le gouvernement Doumergue, fonction qu’il occupe jusqu’au renversement du cabinet le 8 novembre 1934. Il va aussitôt mettre toute son énergie et son prestige pour infléchir la politique de réduction du budget de l’Armée. Partisan des chars de combat, il décide dès le 26 mars de l’adoption du char B1 dont il avait fait faire les prototypes pendant son commandement. Le même jour, il décide aussi de l’adoption du char D2 et de l’étude d’un char léger. Soucieux de la formation des officiers supérieurs, il ordonne que tous les postulants à l’École supérieure de guerre effectuent des stages préalables dans des unités de chars et d’aviation. Le 31 mai 1934, convoqué devant la commission des finances, il exprime ses vues sur la fortification et renouvelle ses réserves sur l’efficacité de la ligne Maginot. Il explique ce qu’est pour lui la fortification : le béton est un moyen pour économiser les effectifs, mais l’essentiel reste une armée puissante sans laquelle elle n’est qu’une fausse sécurité. Le but de la fortification est de permettre le regroupement des troupes pour l’offensive ou la contre-offensive. Il aura cette phrase : « la ligne Maginot ne met pas à l’abri d’une pénétration de l’ennemi, si l’armée n’est pas dotée de réserves motorisées aptes à intervenir rapidement. » Il soutient néanmoins le principe de cette ligne. Cependant, selon Robert Aron les conceptions stratégiques qu'il défend à cette époque sont conformes à son expérience de la Grande Guerre ainsi : «  [...] Entre les deux guerres, les conceptions stratégiques qu’il va défendre et imposer à l’Armée française sont encore strictement conformes à son expérience du début de l’autre conflit : il ne croit pas au rôle offensif des tanks ni aux divisions blindées. Il préconise l’édification de la ligne Maginot, derrière laquelle nos combattants de 1939 vont se croire à l’abri et attendrons paisiblement l’offensive allemande, qui se déclenchera ailleurs. ».

Le 15 juin 1934, il obtient le vote d’un crédit supplémentaire de 1,275 milliard de francs pour la modernisation de l’armement. Le 27 octobre 1934, il convainc Louis Germain-Martin, ministre des Finances, de signer le « plan Pétain pour 1935 », qui prévoit la construction de 60 chars lourds, 300 chars moyens et 900 chars légers. La chute du Gouvernement, et le remplacement du maréchal Pétain par le général Maurin, partisan de chars lourds et lents, retarderont la mise en œuvre de ce plan de plusieurs mois. Au moment où il quitte le ministère, Pétain jouit d’une très grande popularité, notamment dans les milieux d’extrême droite. En témoigne en 1935, la célèbre campagne lancée par Gustave Hervé intitulée « C’est Pétain qu’il nous faut ». Sa courte expérience ministérielle le brouille avec le parlementarisme et le conduit à refuser toutes les sollicitations ultérieures. Il participe par la suite au Conseil supérieur de guerre, où il soutient la politique de guerre offensive promu par le colonel de Gaulle, qui fut un temps son « porte-plume », préconisant la concentration de chars dans des divisions blindées. Il écrit dans la Revue des deux mondes du 15 février 1935 : « Il est indispensable que la France possède une couverture rapide, puissante, à base d’avions et de chars [...] ».

Et lors d'une conférence à l’École de Guerre en avril 1935 : « Les unités mécanisées sont capables de donner aux opérations un rythme et une amplitude inconnus jusqu’ici […] L’avion, en portant la destruction jusqu’aux centres vitaux les plus éloignés fait éclater le cadre de la bataille [...] On peut se demander si l’avion ne dictera pas sa loi dans les conflits de l’avenir [...] ». Ainsi que dans la préface d'un ouvrage du général Sikorsky : « Les possibilités des chars sont tellement vastes qu’on peut dire que le char sera peut-être demain l’arme principale. » Le 6 avril 1935, il dit, devant le président Lebrun, dans un discours à l’École supérieure de Guerre : «  Il est nécessaire de tenir le plus grand compte des perspectives ouvertes par l’engin blindé et par l’aviation. L’automobile, grâce à la chenille et à la cuirasse, met la vitesse au service de la puissance [...] La victoire appartiendra à celui qui saura le premier exploiter au maximum les propriétés des engins modernes et combiner leur action. »

À l’instigation des grands chefs militaires (Foch, Joffre), les gouvernements de la fin des années 1920 vont affecter d’importants efforts budgétaires à la construction de lignes de défense. Cette stratégie est symbolisée par la coûteuse, et de surcroît incomplète ligne Maginot qui fut arrêtée à la frontière belge. Winston Churchill, dans son ouvrage sur la Seconde Guerre mondiale, émet l'avis que l'idée de la ligne Maginot aurait pu être d'une très grande utilité si elle avait été correctement appliquée et qu'elle paraissait justifiée compte tenu, en particulier, du rapport numérique entre les populations de la France et de l'Allemagne. Il juge « extraordinaire qu'elle n'ait été prolongée au moins le long de la Meuse » mais indique : « [...] Mais le maréchal Pétain s'était opposé à cette extension [...]. Il soutenait avec force que l'on devait exclure l'hypothèse d'une invasion par les Ardennes en raison de la nature du terrain. En conséquence, on écarta cette éventualité. » Après le succès de la guerre-éclair menée par les Allemands,

Pétain ne pouvait plus ignorer que la débâcle de 1940 était due aux « grands chefs militaires », dont les autorités gouvernementales n’avaient fait que suivre les orientations stratégiques quand il tenta de faire juger les « responsables » de la défaite, en imputant celle-ci exclusivement aux politiques. Pétain n’avait pas manqué non plus, depuis plusieurs années, d’annoncer comme perdue d’avance une nouvelle guerre contre l’Allemagne, si la France n’effectuait pas le même effort de réarmement mais ce manque de conviction peut également être vu comme ayant empêché la préparation nécessaire de l’Armée française à une guerre qui était pourtant inéluctable. Le 2 mars 1939, Pétain est nommé ambassadeur de France en Espagne. Le 20 mars 1939, il présente ses lettres de créance au général Franco, chef de l’État espagnol, résidant alors à Burgos. Au nom du rapprochement diplomatique de la France avec l’Espagne, il lui incombe de superviser, dans le cadre des accords Bérard-Jordana, le rapatriement à Madrid des réserves d’or de la Banque d’Espagne et des toiles du musée du Prado que l’ancienne République espagnole avait transférées à l’abri en France durant la guerre civile.


Gouvernement Pétain

Le 17 mai 1940, Pétain est nommé vice-président du Conseil dans le gouvernement de Paul Reynaud. Franco lui avait conseillé de ne pas accepter d’apporter sa caution à ce gouvernement. Le 14 juin 1940, Paris est occupé par l’Armée allemande. Le Gouvernement, le président de la République et les Assemblées sont alors réfugiés à Bordeaux. Dès son arrivée au Gouvernement et alors que la bataille de France est irrémédiablement perdue, Pétain se fait un des avocats les plus constants de l’armistice auprès du président du Conseil Paul Reynaud. Ainsi, il met plusieurs fois sa démission dans la balance et déclare qu’il n’est aucunement question pour lui de quitter la France pour poursuivre la lutte. Le 16 juin 1940, Paul Reynaud présente la démission du Gouvernement et suggère, suivi en cela par les présidents du Sénat et de la Chambre des députés, de confier la présidence du Conseil au maréchal Pétain, choix aussitôt approuvé par le président de la République Albert Lebrun. Pétain est alors vu par beaucoup comme l’homme providentiel.

Charles Maurras saluera son arrivée comme une « divine surprise ». Le 17 juin 1940, suivant le conseil énoncé le 12 juin par le général Maxime Weygand, chef d’État-Major des Armées, Pétain annonce son intention de demander l’armistice qui est signé le 22 juin 1940 dans la clairière de Rethondes, après avoir été approuvé par le Conseil des ministres et le président de la République. Son discours radiodiffusé, où il déclare, alors que les négociations ont à peine commencé : « C’est le cœur serré que je vous dis aujourd'hui qu’il faut cesser le combat », a un effet désastreux sur le moral des troupes et précipite de fait l’effondrement des armées françaises. Du 17 juin à l’entrée en vigueur de l’armistice le 25, les Allemands font ainsi plus de prisonniers que depuis le début de l’offensive le 10 mai. Dans le même discours, Pétain anticipe la création de son propre régime en déclarant qu’il fait « don de sa personne à la France ». Le 20 juin 1940, dans un nouveau discours, il annonce les tractations en vue de l'armistice. Il en détaille les motifs, ainsi que les leçons que, selon lui, il faudra en tirer. Il y fustige « l'esprit de jouissance » : « [...] Depuis la victoire [de 1918], l'esprit de jouissance l'a emporté sur l'esprit de sacrifice. On a revendiqué plus qu'on a servi. On a voulu épargner l'effort ; on rencontre aujourd'hui le malheur. » Le 25 juin 1940, Pétain annonce les conditions « sévères » de l'armistice et décrit les territoires qui seront sous contrôle allemand. La démobilisation fait partie de ces conditions. Il annonce : « C'est vers l'avenir que désormais nous devons tourner nos efforts. Un ordre nouveau commence [...] ». Les causes de la défaite sont à rechercher selon lui dans l'esprit de relâchement « Notre défaite est venue de nos relâchements. L'esprit de jouissance détruit ce que l'esprit de sacrifice a édifié [...] ».

Le 29 juin 1940, le Gouvernement s’installe à Vichy, en zone non occupée par l’Armée allemande. C’est Pierre Laval qui, résidant à Châteldon, à une trentaine de kilomètres de la cité thermale, avait insisté pour que le Gouvernement s’établisse à Vichy. Cela évitait de chercher refuge à Lyon ou à Toulouse, vieux fiefs du radical-socialisme. De plus, cette ville présentait les avantages d’un réseau téléphonique extrêmement performant et d’une multitude d’hôtels qui furent réquisitionnés pour abriter les différents ministères et les ambassades. Le 10 juillet 1940, une loi, dite « constitutionnelle », votée par les deux Chambres (569 voix pour, 80 contre et 17 abstentions) réunies en Assemblée nationale au casino de Vichy donne tous les pouvoirs au maréchal Pétain, sans contrôle de l’Assemblée, avec pour mission la promulgation d’une nouvelle Constitution. Celle-ci ne verra jamais le jour. De sorte que l’État français allait rester durant toute sa durée un État provisoire. La constitutionnalité de cette réforme fut contestée pour plusieurs motifs dont le fait que la Constitution ne peut pas être modifiée sous la menace directe d’un ennemi. Mais surtout, la confusion de tous les pouvoirs (constituant, législatif, exécutif et judiciaire) entre les mêmes mains était contraire aux fondements même des lois constitutionnelles de 1875, basées sur une séparation des pouvoirs. Il en résulta un régime anti-démocratique, sans constitution et sans contrôle parlementaire ayant tous les aspects d’une dictature.

Dès le 11 juillet 1940, par trois « actes constitutionnels », Pétain s’autoproclame chef de l’État français et s’arroge tous les pouvoirs. Laval lui dit un jour : « Connaissez-vous, Monsieur le Maréchal, l'étendue de vos pouvoirs ? [...] Ils sont plus grands que ceux de Louis XIV, parce que Louis XIV devait remettre ses édits au Parlement, tandis que vous n'avez pas besoin de soumettre vos actes constitutionnels au Parlement, parce qu'il n'est plus là. », Pétain répondit : « C'est vrai. » Aux traditionnels attributs régaliens (droit de grâce, nominations et révocations des ministres et des hauts fonctionnaires), Pétain ajoute en effet des droits tout à fait inédits, même du temps de la monarchie absolue. Il peut ainsi rédiger et promulguer seul une nouvelle Constitution, il peut désigner son successeur (qui est le vice-président du Conseil), il « a la plénitude du pouvoir gouvernemental, il nomme et révoque les ministres et secrétaires d'État, qui ne sont responsables que devant lui [...] » et il « exerce le pouvoir législatif, en conseil des ministres [...] ». Les lois, adoptées de sa seule autorité, sont promulguées sur la formule : « Nous, maréchal de France, le Conseil des ministres entendu, décidons... » Par prudence, par contre, Pétain évite de s’attribuer le droit de déclarer la guerre seul : il doit pour cela consulter les éventuelles assemblées.

Jusqu’en avril 1942, Pétain reste par ailleurs à la fois chef de l’État et chef du gouvernement en titre, Pierre Laval, Pierre-Étienne Flandin et l'amiral François Darlan n’étant que vice-présidents du Conseil. Il gouverne de manière autoritaire. Ainsi, le 13 décembre 1940, il évince brusquement Pierre Laval du pouvoir, non par désaveu de la politique de collaboration avec l’Allemagne nazie menée par ce dernier, mais par irritation devant sa manière trop indépendante de la conduire. Il est remplacé par Flandin. Parallèlement, Pétain signe la révocation de nombreux maires, préfets et hauts fonctionnaires républicains, dont le préfet d'Eure-et-Loir Jean Moulin. Le maréchal supprime précocement tous les contre-pouvoirs institutionnels à son autorité, et tout ce qui rappelle trop le régime républicain désormais honni. Le mot même de République disparaît. Les libertés publiques sont suspendues, tout comme les partis politiques, à l’exception de ceux des collaborationnistes parisiens, qui subsistent en zone nord. Les centrales syndicales sont dissoutes, les unions départementales subsistantes unifiées dans une organisation corporatiste du travail. La Franc-Maçonnerie est mise hors-la-loi. Toutes les assemblées élues sont mises en sommeil ou supprimées, les Chambres aussi bien que les conseils généraux.

Des milliers de municipalités sont destituées et remplacées par des « Délégations spéciales » nommées par décret du pouvoir central, et dont la présidence revient à des personnalités présentant les garanties exigées du maréchal. Des juridictions d’exception sont mises en place. Dès le 2 août 1940, Vichy fait ainsi condamner à mort par contumace Charles de Gaulle (même si Pétain précise qu'il veillera à ce que la sentence ne soit pas appliquée) puis ses compagnons, qui sont déchus de la nationalité française avec ceux qui les rejoignent. Des procès iniques sont intentés à diverses personnalités républicaines, ainsi à Pierre Mendès France, condamné en juin 1941 à Clermont-Ferrand pour une prétendue « désertion » (l'affaire du Massilia, bateau-piège), avec Jean Zay et quelques autres. À l’automne 1941, grâce à des lois ouvertement antidatées, Vichy envoie à la guillotine plusieurs prisonniers communistes, dont le député Jean Catelas, en représailles à des attentats anti-allemands.

Pétain décrète par ailleurs l’arrestation, dès 1940, de Léon Blum, Georges Mandel, Édouard Daladier, Paul Reynaud et du général Gamelin. Mais le procès de Riom, qui devait lui servir à faire le procès du Front populaire et de la IIIe République, et à les rendre seuls responsables de la défaite, tourne en avril 1942 à la confusion des accusateurs. Léon Blum notamment sait rappeler la responsabilité propre du haut commandement militaire dans la réduction des crédits militaires en 1934 et dans la stratégie défensive désastreuse fondée sur la ligne Maginot. Le procès est suspendu, et les accusés restent internés avant d’être livrés l’an suivant aux Allemands. Jouant le plus possible sur la réputation du « vainqueur de Verdun », le régime exploite le prestige du maréchal et diffuse un culte de la personnalité omniprésent : les photos du maréchal figurent dans les vitrines de tous les magasins, sur les murs des cités, dans toutes les administrations, ainsi qu’aux murs des classes dans tous les locaux scolaires et dans ceux des organisations de jeunesse. On le retrouve jusque sur les calendriers des PTT. Le visage du chef de l’État apparaît aussi sur les timbres et les pièces de monnaie, tandis que les bustes de Marianne sont retirés des mairies. La Saint-Philippe, chaque 3 mai, est célébrée à l’instar d’une fête nationale. Un hymne à sa gloire, le célèbre Maréchal, nous voilà !, est interprété à dans de nombreuses cérémonies parallèlement à la Marseillaise, et doit être appris à tous les enfants des écoles par les instituteurs. À qui douterait, des affiches péremptoires proclament : « Êtes-vous plus Français que lui ? » ou encore « Connaissez-vous mieux que lui les problèmes de l’heure ? ».

Pétain exige aussi un serment de fidélité des fonctionnaires à sa propre personne. L'acte constitutionnel no 7 du 27 janvier 1941 oblige déjà les secrétaires d'État, les hauts dignitaires, et les hauts fonctionnaires à jurer fidélité au chef de l'État. Après son discours du 12 août 1941 (discours dit du « vent mauvais », où il déplore les contestations croissantes de son autorité et de son gouvernement), Philippe Pétain étend le nombre de fonctionnaires devant lui prêter serment. Les actes constitutionnels no 8 et no 9 du 14 août 1941 concernent respectivement les militaires et les magistrats. Le serment est prêté par tous les juges à l’exception d’un seul, Paul Didier, qui fut aussitôt révoqué et interné au camp de Châteaubriant. Puis c'est l’ensemble des fonctionnaires qui doit jurer fidélité au chef de l'État par l’acte constitutionnel no 10 du 4 octobre 1941. Il concernera donc jusqu'aux policiers et aux postiers. Toute une littérature, relayée par la presse sous contrôle et par maints discours officiels ou particuliers, trouve des accents quasi-idolâtres pour exalter le maréchal comme un sauveur messianique, pour célébrer son « sacrifice », pour le comparer à Jeanne d'Arc ou à Vercingétorix, pour vanter l’allant et la robustesse physique du vieillard, ou encore la beauté de ses célèbres yeux bleus. Un chêne pluricentenaire reçoit son nom en forêt de Tronçais. De nombreuses rues sont débaptisées et prennent son nom sur ordre. Le serment prêté par les titulaires de la Francisque prévoit : « Je fais don de ma personne au maréchal Pétain comme il a fait don de la sienne à la France. »

La popularité du maréchal ne repose cependant nullement sur le seul appareil de propagande. L’intéressé sait l’entretenir par de nombreux voyages à travers toute la zone sud, surtout en 1940-1942, où des foules considérables viennent l’acclamer. Il reçoit de nombreux présents de partout ainsi qu'un abondant courrier quotidien, dont des milliers de lettres et de dessins des enfants des écoles. Pétain entretient aussi le contact avec la population par un certain nombre de réceptions à Vichy, ou surtout par ses fréquents discours à la radio. Il sait employer dans ses propos une rhétorique sobre et claire, ainsi qu’une série de formules percutantes, pour faire mieux accepter son autorité absolue et ses idées réactionnaires : « La terre, elle, ne ment pas », « Je hais ces mensonges qui vous ont fait tant de mal » (août 1940), « Je vous ai parlé jusqu’ici le langage d’un père, je vous parle à présent le langage d’un chef. Suivez-moi, gardez confiance en la France éternelle » (novembre 1940).

Par ailleurs, de nombreux évêques et hommes d’Église mettent leur autorité morale au service d’un culte ardent du maréchal, salué comme l’homme providentiel. Le 19 novembre 1940, le primat des Gaules, le cardinal Gerlier, proclame ainsi, à la Primatiale Saint-Jean de Lyon, en présence du maréchal : « Car Pétain, c'est la France et la France, aujourd'hui, c'est Pétain ! ». L’Assemblée des cardinaux et archevêques de France, en 1941, assure le chef de l’État de sa « vénération », dans une résolution sans équivalent au XXe siècle. Mais de nombreux Français de tous bords et de toutes croyances communient pareillement dans la confiance au maréchal. Tous les courants politiques sont ainsi représentés dans son gouvernement à Vichy, de la droite le plus réactionnaire à la gauche la plus radicale.

Les collaborationnistes, en général, sont hostiles à Vichy et à la Révolution nationale, qu’ils jugent trop réactionnaires et pas engagés assez loin dans l’appui à l’Allemagne nazie. Cependant, à la suite de Philippe Burrin et Jean-Pierre Azéma, l’historiographie récente insiste davantage sur les passerelles qui existent entre les hommes de Vichy et ceux de Paris. Un ultra-collaborationniste comme le futur chef de la Milice française, Joseph Darnand, est ainsi toute l’Occupation un inconditionnel fervent du « Maréchal ». Le chef fasciste français Jacques Doriot proclame quant à lui jusqu’à fin 1941 qu’il est « un homme du Maréchal ». Son rival Marcel Déat a essayé en 1940 de convertir Pétain à son projet de parti unique et de régime totalitaire, s’attirant de ce dernier une fin de non-recevoir (« un parti ne peut pas être unique ») ; déçu, Déat quitte définitivement Vichy et agonit désormais Pétain d’attaques dans son journal L’Œuvre, à tel point que le maréchal, en 1944, se débrouille pour ne jamais contresigner sa nomination comme ministre. D’autres entourent Pétain de leur vénération sans bornes, tels Gaston Bruneton, chargé de l’action sociale auprès des travailleurs (volontaires et forcés) Français en Allemagne en étroite collaboration avec le DAF (Front allemand du travail), ou encore se voient confier des fonctions importantes par Vichy. Ainsi le journaliste pro-hitlérien Fernand de Brinon, qui représente le gouvernement Pétain en zone nord de 1941 à 1944.

Instaurant un régime contre-révolutionnaire et autoritaire, le régime de Vichy veut réaliser une « Révolution nationale », à fortes consonances xénophobes et antisémites, qui rompt avec la tradition républicaine et, instaure un ordre nouveau fondé sur l’autorité, la hiérarchie, le corporatisme, l’inégalité entre les citoyens. Sa devise « Travail, Famille, Patrie » remplace l’ancien triptyque « Liberté, Égalité, Fraternité ». Dès l’été 1940, un discours du maréchal Pétain prévient que le nouveau régime « ne reposera plus sur l’idée d’égalité entre les hommes ». La Révolution nationale est la priorité de Pétain dont il fait son affaire personnelle, et qu'il encourage par ses discours et ses interventions en Conseil des ministres. Cependant, dès août 1941, il avoue à la radio « la faiblesse des échos qu’ont rencontré » ses projets, parmi la masse de la population. À partir du retour au pouvoir de Laval en avril 1942, la Révolution nationale n’est plus à l’ordre du jour. Comme l’a montré l’historiographie récente depuis Henri Michel, Robert Paxton ou Jean-Pierre Azéma, c’est le désir de pouvoir enfin « redresser » la France à sa façon qui a poussé largement Pétain, en juin 1940, à retirer le pays de la guerre par l’armistice. C’est également lui, qui le pousse à accepter l’entente avec le vainqueur : la Révolution nationale ne peut prospérer que dans une France défaite. Car pour les pétainistes, une victoire alliée signifierait le retour des Juifs, des Francs-Maçons, des républicains et des communistes.

Selon ces historiens, Pétain néglige aussi le péril et la contradiction, qu’il y a à entreprendre ses réformes sous le regard de l’occupant. Cette illusion est d’ailleurs dénoncée dès l’époque par la France libre du général de Gaulle, mais également par nombre de résistants, dont certains avaient pu au départ être tentés par le programme de Pétain, mais qui estiment dangereux de se tromper sur les priorités et vain d'entreprendre des réformes tant que les Allemands ne sont pas chassés du pays. En août 1943, François Valentin, le chef de la Légion française des combattants, nommé à ce poste par Pétain lui-même, rejoint Londres, enregistre et fait diffuser à la BBC un message retentissant dans lequel il y fait son autocritique et dénonce la faute grave du maréchal et de ses fidèles : « On ne reconstruit pas sa maison pendant qu’elle flambe ! ».

Mais si les historiens ont déterminé les intentions de Pétain, ce n'était pas toujours le cas des personnes vivant à l'époque, et si Pétain conduisit par exemple une politique antisémite, ceux qui l'admiraient n'avaient pas forcément de telles idées. Enfin, les « vichysto-résistants » souvent séduits par la Révolution nationale mais hostiles à la collaboration et à l'Occupant furent nombreux. « Grande revanche des minorités », le régime de Pétain entreprend de régler les vieux comptes des anciens vaincus avec la Révolution française, la IIIe République, le Front populaire, le marxisme ou la laïcité. Ce faisant, Pétain aggrave sensiblement les discordes nationales déjà avivées dans les années 1930, et couvre de son autorité un bon nombre de mesures d’exclusion. Dès la troisième semaine de juillet 1940, ainsi, des mesures sont prises pour écarter des fonctionnaires juifs, et une commission fondée pour réviser et annuler des milliers de naturalisations accordées depuis 1927.

En octobre 1940 et sans aucune demande particulière de la part des Allemands, des lois d’exclusion contre les francs-maçons et les Juifs sont promulguées. Ces textes discriminatoires, adoptés à la hâte en octobre 1940 sont durcis le 2 juin 1941 : ils excluent ainsi les Français de « race juive » (déterminée par la religion des grands-parents) de la plupart des fonctions et activités publiques. Des quotas sont fixés pour l’admission des Juifs au Barreau, dans le monde universitaire ou médical. Lors du statut du 2 juin, la liste des métiers interdits s’allonge démesurément. Selon le témoignage du ministre des Affaires étrangères Paul Baudouin, Pétain a personnellement participé à la rédaction du statut des Juifs et insisté pour qu’ils soient par exemple davantage exclus du milieu médical et de l'enseignement. Dans le même temps par une loi du 29 mars 1941, promulguée par le maréchal, est créé un « Commissariat général aux questions juives ». Auprès du maréchal se pressent des hommes de tous bords, mêlant de façon baroque, au sein de sa « dictature pluraliste », des technocrates modernistes et des révolutionnaires déçus du marxisme aussi bien que des maurrassiens et des réactionnaires. Pétain cependant manifeste personnellement des orientations proches de L’Action française (seul journal qu’il lise quotidiennement) et cite surtout en exemple à ses proches les régimes conservateurs et cléricaux de Salazar et de Franco, qu’il connaît personnellement depuis 1939.

Parallèlement au développement d’un pouvoir centralisé, le maréchal se consacre au « relèvement de la France » : rapatriement des réfugiés, démobilisation, ravitaillement, maintien de l’ordre. Mais loin de se limiter à gérer les affaires courantes et à assurer la survie matérielle des populations, son régime est le seul en Europe à développer un programme de réformes intérieures, indépendant des demandes allemandes. Certaines mesures prises à cette époque ont survécu, comme la création d’un ministère de la Reconstruction, l’unification du permis de construire, la naissance de l’IGN en juillet 1940, l’étatisation des polices municipales en vue de faciliter le contrôle des populations, ou encore une politique familiale, déjà amorcée par la IIIe République finissante et prolongée sous la IVe République. D’autres dispositions sont adoptées : campagne contre l’alcoolisme, interdiction de fumer dans les salles de spectacle, inscription de la fête des Mères au calendrier, pénalisation de l'homosexualité (seulement abrogée en 1981). D’autres encore portent la marque des projets réactionnaires du chef de l’État. De nombreux étrangers supposés « en surnombre dans l’économie française » sont incorporés de force dans des Groupes de travailleurs étrangers (GTE). Les Écoles normales, bastion de l’enseignement laïc et républicain, sont supprimées. Les lois des 11 et 27 octobre 1940 contre l’emploi des femmes en renvoient des milliers au foyer de gré ou de force. Le divorce est rendu nettement plus difficile, et le nombre de poursuites judiciaires et de condamnations pour avortement explose littéralement par rapport à l’entre-deux-guerres. En 1943, Pétain refuse de gracier une avorteuse condamnée à mort, qui est guillotinée. Autre rupture avec la IIIe République, les rapports étroits noués avec les Églises : Pétain, personnellement peu croyant, voit comme Maurras en la religion un facteur d’ordre, et ne manque pas d’assister à chaque messe dominicale à l’église Saint-Louis de Vichy.

Dans l’optique de la « restauration » de la France, le régime de Vichy crée très tôt, sous la direction du général de La Porte du Theil, un fidèle très proche du maréchal Pétain, des camps de formation qui deviendront plus tard les Chantiers de la jeunesse française. L’idée est de réunir toute une classe d’âge (en remplacement du service militaire désormais supprimé), et, à travers une vie au grand air, par des méthodes proches du scoutisme, leur inculquer les valeurs morales du nouveau régime (culte de la hiérarchie, rejet de la ville industrielle corruptrice), ainsi que la vénération à l’égard du chef de l’État. D’autres moyens de contrôle sont également mis en place dans le domaine économique, comme les Comités professionnels d’organisation et de répartition, ayant un pouvoir de juridiction sur leurs membres ou un pouvoir de répartition des matières premières, pouvoir capital en ces temps de restrictions généralisées.

À destination des ouvriers, Pétain prononce le 1er mai 1941 un important discours à Saint-Étienne, où il expose sa volonté de mettre fin à la lutte des classes en prohibant à la fois le capitalisme libéral et la révolution marxiste. Il énonce les principes de la future Charte du travail, promulguée en octobre 1941. Celle-ci interdit à la fois les grèves et le lock-out, instaure le système du syndicat unique et le corporatisme, mais met aussi en place des comités sociaux (préfiguration des comités d'entreprise) et prévoit la notion de salaire minimum. La Charte séduit de nombreux syndicalistes et théoriciens de tous bords (René Belin, Hubert Lagardelle). Mais elle peine à entrer en application, et ne tarde pas à se briser sur l’hostilité de la classe ouvrière au régime et à ces idées, l’aggravation des pénuries, l’instauration du Service du travail obligatoire (STO) en septembre 1942, et enfin sur la lutte menée contre elle par les syndicats clandestins de la Résistance intérieure française.

Véritables enfants chéris de Vichy, les paysans passent cependant longtemps pour les vrais bénéficiaires du régime de Pétain. Lui-même propriétaire terrien en sa résidence de Villeneuve-Loubet, le maréchal affirme que « la terre, elle, ne ment pas », et encourage le retour à la Terre - politique soldée sur un échec, moins de 1 500 personnes en quatre ans tentant de suivre ses conseils. La Corporation paysanne est fondée par une loi du 2 décembre 1940. Une partie des membres se détache du régime fin 1943 et lui font aussi servir de base à la création d'un syndicalisme paysan clandestin fin 1943, la Confédération générale de l'agriculture (CGA) qui voit le jour officiellement le 12 octobre 1944, lors de la dissolution de la Corporation paysanne par les autorités et qui se prolongera sous la forme de la FNSEA en 1946.

Développant fréquemment et complaisamment la vision doloriste d’une France « décadente » qui expie maintenant ses « fautes » antérieures, Pétain entretient les Français dans une mentalité de vaincu : « Je ne cesse de me rappeler tous les jours que nous avons été vaincus » (à une délégation, mai 1942), et manifeste un souci particulier pour les soldats prisonniers, images mêmes de la défaite et de la souffrance : « Je pense à eux parce qu’ils souffrent [...] », (Noël 1941). Selon son chef de cabinet, du Moulin de Labarthète, le tiers du temps de travail quotidien du maréchal était consacré aux prisonniers. De ces derniers, Vichy rêvait de faire les propagateurs de la Révolution Nationale à leur retour. Le période consécutive à l’armistice voit aussi la création de la « Légion française des combattants » (LFC), à laquelle sont ensuite agrégés les « Amis de la Légion » et les « Cadets de la Légion ».

Fondée par le très antisémite Xavier Vallat le 29 août 1940, elle est présidée par le maréchal Pétain en personne. Pour Vichy, elle doit servir de fer de lance de la Révolution nationale et du régime. À côté des parades, des cérémonies et de la propagande, les Légionnaires actifs doivent surveiller la population, et dénoncer les déviants et les fautifs de « mauvais esprit ». Au sein de cette légion se constitue un Service d’ordre légionnaire (SOL) qui s’engage immédiatement dans la voie du collaborationnisme. Cet organisme est commandé par Joseph Darnand, héros de la Première Guerre mondiale et de la campagne de 1940, et fervent partisan de Pétain (sollicité en 1941 de joindre la Résistance, il refuse, selon le témoignage de Claude Bourdet, parce que « le Maréchal » ne comprendrait pas). Ce même organisme devient en janvier 1943 la « Milice française ». À la fin de la guerre, alors que Vichy est devenu un régime fantoche aux ordres des Allemands, la Milice qui compte au maximum 30 000 hommes, dont beaucoup d’aventuriers et de droit-communs, participe activement à la lutte contre la Résistance, avec les encouragements publics du maréchal Pétain comme de Pierre Laval, son président officiel. Haïe de la population, la Milice perpètre régulièrement délations, tortures, rafles, exécutions sommaires, qui se mêlent à d’innombrables vols, viols, voies de faits sur la voie publics ou contre des fonctionnaires. Pétain attend le 6 août 1944 pour les désavouer dans une note à Darnand, trop tardivement pour que ce dernier soit dupe. « Pendant quatre ans », rappellera Darnand dans sa réponse caustique au maréchal, « vous m’avez encouragé au nom du bien de la France, et maintenant que les Américains sont aux portes de Paris, vous commencez à me dire que je vais être la tache de l’Histoire de France. On aurait pu s’y prendre avant ! »

Sur le plan de la politique extérieure, Pétain a retiré d’emblée le pays du conflit mondial en cours, et affecte de croire que ce dernier ne concerne plus du tout la France. S’il refuse jusqu’au bout toute rentrée dans la guerre aux côtés d’un des deux camps, il ne refuse pourtant pas le combat contre les alliés chaque fois qu'il en a l'occasion et annonce dès octobre 1940, son intention de reprendre par la force les territoires sous autorité de la France libre. Il pratique donc une « neutralité dissymétrique » qui bénéficie aux Allemands. Il choisit en effet de s’entendre avec le vainqueur et imagine que la France, avec son Empire colonial, sa flotte et sa bonne volonté à coopérer, peut obtenir une bonne place dans une Europe durablement allemande. Ceci démontre une naïveté certaine de la part de Pétain : en effet, dans l’idéologie nazie, la France était l’ennemie irréductible de l’Allemagne, elle devait être écrasée et ne pouvait en aucun cas bénéficier d’une quelconque place privilégiée à ses côtés. Le calcul de Vichy était donc dès l’origine voué à l’échec.

Il est bien établi, depuis les travaux d'Eberhard Jäckel et surtout de Robert Paxton, que Pétain a activement recherché et poursuivi cette collaboration avec l’Allemagne nazie. Elle ne lui a pas été imposée. Moins intéressé par la politique extérieure que par la Révolution nationale, sa vraie priorité, Pétain laisse Darlan et Laval mettre en œuvre les volets concrets de la collaboration d’État. Mais l’une est en réalité le revers de l’autre, selon les constats concordants de l’historiographie contemporaine : les réformes vichystes n’ont pu se mettre en place qu’en profitant du retrait de la France de la guerre, et elles ne sauraient survivre à une victoire alliée. Par ailleurs, le « mythe Pétain » est indispensable pour faire accepter à bien des Français la collaboration. Le prestige du vainqueur de Verdun, son pouvoir légal sinon légitime, brouillent en effet dans les consciences en désarroi la perception des devoirs et des priorités. Après avoir affecté pendant trois mois de rester neutre dans le conflit en cours entre l’Axe et le Royaume-Uni, Pétain engage personnellement et officiellement, par son discours radiodiffusé du 30 octobre 1940, le régime de Vichy dans la collaboration, suite à l’entrevue de Montoire du 24 octobre 1940, durant laquelle il rencontra Hitler.

Cette « poignée de main de Montoire », sera par la suite largement diffusée aux actualités cinématographiques, et exploitée par la propagande allemande. Certes, l’armistice avait permis, en un premier temps, de limiter l’occupation allemande à la moitié nord et ouest du territoire. Mais l’autonomie de la zone sud est toute relative, car Pétain, avec ou sans discussion préliminaire, plie le plus souvent devant les exigences des autorités allemandes, quand son gouvernement ne va pas spontanément au devant de celles-ci. Cette collaboration d’État entraîne plusieurs conséquences. Le maréchal, alors que son prestige reste immense, s’interdit de protester, au moins publiquement, contre les exactions de l’occupant et de ses auxiliaires français ou contre l’annexion de fait, contraire à la convention d’armistice, de l’Alsace et de la Moselle. Aux parlementaires des trois départements, qu’il reçoit le 4 septembre 1942 alors que commence l’incorporation massive et illégale des malgré-nous dans la Wehrmacht, il ne conseille que la résignation. La veille, il avait fait remettre par Laval une protestation officielle, qui resta sans suite. Lors de l’exécution en octobre 1941 des otages français à Châteaubriant, qui soulève l’indignation générale, Pétain a des velléités secrètes de se constituer lui-même comme otage à la Ligne de démarcation, mais son ministre Pierre Pucheu l’en dissuade vite au nom de la politique de collaboration, et le maréchal ne fait finalement de discours que pour blâmer les auteurs d’attentats et appeler les Français à les dénoncer.

Au printemps 1944 encore, il ne condamne jamais les déportations, les rafles et les massacres quasi-quotidiens, se taisant par exemple sur le massacre d'Ascq. Par contre, il ne manque pas de dénoncer « les crimes terroristes » de la Résistance ou les bombardements alliés sur les objectifs civils. Il encourage les membres de la Légion des volontaires français (LVF) qui combattent en URSS sous l’uniforme allemand, leur garantissant dans un message public qu’ils détiennent « une part de notre honneur militaire ». En 1941, Darlan, dauphin désigné du maréchal, frôle la cobelligérance avec l’Allemagne de Hitler lorsqu’il fait mettre les aérodromes de Syrie et de Liban à la disposition de l’aviation allemande. En avril 1942, sous la pression allemande, mais aussi parce qu’il est déçu des maigres résultats de Darlan, Pétain accepte le retour au pouvoir de Pierre Laval, désormais doté du titre de « chef du gouvernement ».

Contrairement aux légendes d’après-guerre, il n’existe pas de différence en politique extérieure entre un « Vichy de Pétain » et un « Vichy de Laval », comme l’ont cru André Siegfried, Robert Aron ou Jacques Isorni, et comme l’a démenti toute l’historiographie contemporaine depuis Robert Paxton. S’il n’a aucune affection personnelle pour Laval, le maréchal couvre sa politique de son autorité et de son charisme, et approuve ses orientations en Conseil des ministres. En juin 1942, devant une délégation de visiteurs à Vichy, Pétain tient des propos largement répercutés, assurant qu’il est « main dans la main » avec Laval, que les ordres de ce dernier sont « comme les [siens] » et que tous lui doivent obéissance « comme à [lui-même] ». Lors du procès de Pétain, Laval déclarera sans ambiguïté qu’il n’agissait qu’après en avoir déféré au maréchal : tous ses actes avaient été approuvés préalablement par le chef de l’État.

Le 22 juin 1942, Laval prononce un discours retentissant dans lequel il déclare qu’il « souhaite la victoire de l’Allemagne. » Pétain, à qui il a consenti à montrer préalablement le texte à la demande de ses conseillers effarés, n’a pas élevé d’objection. Du moment que selon le maréchal, un civil n’a pas à faire de pronostic militaire, il s’est contenté de lui faire changer un « Je crois » initial en un « Je souhaite » encore plus mal ressenti des Français. Lorsque Laval informe, fin juin 1942, le Conseil des ministres de la prochaine mise en œuvre de la rafle du Vélodrome d'Hiver, le procès-verbal conservé, montre Pétain approuvant comme « juste » la livraison de milliers de Juifs étrangers aux nazis. Puis le 26 août 1942, la zone sud devint le seul territoire de toute l’Europe d’où des Juifs, souvent internés par Vichy depuis 1940 dans les très durs camps de Gurs, Noé, Rivesaltes), furent envoyés à la mort alors même qu’aucun soldat allemand n’était présent.

Personnellement antisémite, Pétain s’est opposé en mai 1942 à l’introduction en zone Sud du port obligatoire de l’étoile jaune, mais il n’a pas protesté contre son introduction en zone nord, et en zone sud son gouvernement fait apposer le tampon « Juif » sur les papiers d’identité à partir de fin 1942. En août 1943, comme les Allemands pressent Vichy de retirer en bloc la nationalité française aux Juifs, ce qui aurait favorisé leur déportation, le nonce le fait prévenir discrètement que « le pape s’inquiète pour l’âme du Maréchal », ce qui impressionne le vieil homme et contribue à l’échec du projet. En tout, 76 000 Juifs parmi lesquels 11 000 enfants, non réclamés au départ par les Allemands, ont été déportés de France sous l’Occupation, à 80 % après avoir été arrêtés par la police du maréchal. Un tiers avait la nationalité française. Seuls 3 % survivront aux déportations dans les camps de concentration. À ce sujet, l'historien André Kaspi écrit : « Tant que la zone libre n'est pas occupée, on y respire mieux [pour les Juifs] que dans la zone Nord. Qui le nierait ? Surtout pas ceux qui ont vécu cette triste période.

De là cette conclusion : Vichy a sacrifié les Juifs étrangers pour mieux protéger les Juifs français, mais sans Pétain, les Juifs de France auraient subi le même sort que ceux de Belgique, des Pays-Bas ou de Pologne. Pendant deux ans, ils ont d'une certaine manière bénéficié de l'existence de l'État français. » En août 1942, un télégramme signé Pétain félicite Hitler d’avoir fait échec à la tentative de débarquement allié à Dieppe. Le 4 septembre 1942, Pétain promulgue la première loi fondant le Service du travail obligatoire. Complété par celle du 16 février 1943, le STO permet en une dizaine de mois le départ forcé de plus de 600 000 travailleurs en Allemagne. Ce sont les seuls de toute l’Europe à avoir été requis non par ordonnance allemande, mais par les lois et les autorités de leur propre pays. Lorsque les Alliés débarquent en Afrique du Nord le 8 novembre 1942, au Maroc, à Oran et dans le port d'Alger, Pétain donne officiellement l’ordre de les combattre, en déclarant : « La France et son honneur sont en jeu. Nous sommes attaqués. Nous nous défendons. C'est l'ordre que je donne. » L'existence même de Vichy est alors en cause : si les forces de Vichy ne résistent pas à l'invasion alliée, les Allemands envahiront inéluctablement la France non occupée et le reste de l'Afrique du Nord. Pendant quelques jours, les Alliés doivent donc faire face à une authentique résistance de la part de l'Armée de Vichy, obéissant aux ordres de ses chefs.

En réaction à ce débarquement, le 11 novembre, violant la convention d’armistice, les Allemands envahissent la zone sud. Pétain refuse à plusieurs proches conseillers de gagner l’Afrique du Nord, d’ordonner à la flotte de Toulon d’appareiller, de replacer la France dans le camp des Alliés. Pour justifier sa décision, il va en privé jusqu’à invoquer que son médecin lui a déconseillé de prendre l’avion… Il veut surtout pouvoir continuer à « servir d'écran entre le peuple de France et l'occupant ». Il proteste contre cette invasion par une déclaration plusieurs fois diffusée sur les ondes. En fait, soulignent Robert Paxton et R. Franck, il reste fidèle à son choix de 1940 associant étroitement retrait de la guerre, collaboration et Révolution nationale. Sa décision déçoit d’innombrables Français qui croyaient encore en un hypothétique « double-jeu » secret du maréchal et s’imaginaient qu’il souhaitait en secret préparer la reprise de la lutte et la revanche contre l’ennemi. Nombre d’entre eux se détachent du régime de Vichy tout en conservant généralement leur respect pour la personne du maréchal Pétain, et vont parfois gonfler les rangs clandestins des « vichysto-résistants » inspirés notamment par les généraux Giraud et de Lattre de Tassigny. La dissidence de la plus grande partie de l’Empire, la fin de la « zone libre » le sabordage de la Flotte Française à Toulon, le 27 novembre 1942, la dissolution de l’Armée d’armistice font perdre à Vichy ses derniers atouts face aux Allemands. En maintenant sa politique de collaboration, Pétain perd beaucoup de la popularité dont il jouissait depuis 1940 et la Résistance s’intensifie malgré le durcissement de la répression.

Pétain fait officiellement déchoir de la nationalité française et condamner à mort ses anciens fidèles Darlan et Giraud, qui sont passés au camp allié en Afrique du Nord. Il ne proteste à aucun moment lorsque fin 1942, puis à nouveau à l’automne 1943, une vague d’arrestations frappe son propre entourage et écarte de lui un nombre important de conseillers et de fidèles dont Weygand, Lucien Romier ou Paul de La Porte du Theil, emmené en Allemagne. Il consent des délégations croissantes de pouvoirs à Pierre Laval, redevenu son dauphin, qui place ses fidèles à tous les postes-clés et qui obtient de lui, à partir du 26 novembre 1942, de signer seuls les lois et les décrets. Fin 1943, voyant le sort de l’Axe scellé, Pétain tente de jouer en France le rôle du maréchal Badoglio en Italie, lequel en septembre 1943, après avoir longtemps servi le fascisme, a fait passer le pays du côté allié. Pétain espère ainsi qu’un nouveau gouvernement moins compromis aux yeux des Américains, doté d’une nouvelle constitution, pourra au « jour J » écarter de Gaulle du jeu et négocier avec les libérateurs l’impunité de Vichy et la ratification de ses actes.

Le 12 novembre 1943, alors que Pétain s'apprête à prononcer le lendemain un discours radiodiffusé par lequel il annoncerait à la nation une révision constitutionnelle stipulant qu'il revient à l'Assemblée nationale de désigner son successeur, ce qui aurait remis en cause le statut officiel de dauphin de Laval, les Allemands par l'intermédiaire du consul général Krugg von Nidda, bloquent ce projet. Après six semaines de « grève du pouvoir », Pétain se soumet. Il accroît encore les pouvoirs de Laval tout en acceptant la fascisation progressive de son régime par l’entrée au gouvernement de Joseph Darnand, Philippe Henriot et Marcel Déat. Dans les derniers mois de l’Occupation, Pétain affecte désormais d’être un simple « prisonnier » des Allemands, tout en continuant à couvrir en fait de son autorité et de son silence la collaboration qui se poursuit jusqu’au bout, ainsi que les atrocités de l’ennemi et de la Milice française. En août 1944, il songe à se livrer au maquis d’Auvergne du colonel Gaspard, et tente de déléguer l’amiral Auphan auprès de De Gaulle pour lui transmettre régulièrement le pouvoir sous réserve que le nouveau gouvernement reconnaisse la légitimité de Vichy et de ses actes. « Aucune réponse ne fut donnée à ce monument de candeur ».

 

Cecil von Renthe-FinkLe 17 août 1944, les Allemands, en la personne de Cecil von Renthe-Fink, ministre délégué, demandent à Pétain de se laisser transférer en zone nord. Celui-ci refuse et demande une formulation écrite de cette demande. Von Renthe-Fink renouvelle sa requête par deux fois le 18, puis revient le 19, à 11 h 30, accompagné du général von Neubroon qui lui indique qu'il a des « ordres formels de Berlin ».

Le texte écrit est soumis à Pétain : « Le gouvernement du Reich donne instruction d’opérer le transfert du chef de l’État, même contre sa volonté. » Devant le refus renouvelé du maréchal, les Allemands menacent de faire intervenir la Wehrmacht pour bombarder Vichy.

Après avoir pris à témoin le ministre de Suisse, Walter Stucki, du chantage dont il est l’objet, Pétain se soumet, et « [...] lorsque à 19 h 30 Renthe-Fink entre dans le bureau du Maréchal avec le général von Neubronn, le chef de l’État est en train de surveiller le confection de ses valises et de ranger ses papiers. » Le lendemain, 20 août 1944, il est emmené contre son gré par l'Armée allemande à Belfort puis, le 8 septembre, à Sigmaringen en Allemagne, où s’étaient réfugiés les dignitaires de son régime. Plutôt que de démissionner, il entretient, dans une lettre aux Français la fiction selon laquelle « je suis et demeure moralement votre chef. »

À Sigmaringen, Pétain refuse d’exercer encore ses fonctions et de participer aux activités de la commission gouvernementale présidée par Fernand de Brinon. Il se cloître dans ses appartements, tout en préparant sa défense. Le 23 avril 1945, après avoir obtenu des Allemands qu'ils le conduisent en Suisse, et des Suisses qu'ils l'acceptent sur leur territoire, Pétain demande à regagner la France. Par l'intermédiaire de l'ambassadeur Karl Burckhardt, le Gouvernement suisse transmet cette requête au général de Gaulle. Le Gouvernement provisoire de la République décide de ne pas s'y opposer. Le 24 avril, les autorités suisses lui font rejoindre la frontière puis il est remis aux autorités françaises le 26 avril. Le général Kœnig est chargé de le prendre en charge à Vallorbe. Le maréchal est ensuite interné au fort de Montrouge.


Procès Pétain

Le procès du maréchal Pétain débute le 23 juillet 1945 devant la Haute Cour de justice créée le 18 novembre 1944. Le tribunal est présidé par Paul Mongibeaux, premier président de la Cour de cassation, assisté du premier président de la chambre criminelle à la Cour de cassation Donat-Guigne, et Picard, premier président de la Cour d'appel. Le jury de vingt-quatre personnes est constitué de douze parlementaires et de douze non-parlementaires issus de la Résistance. Ce jury est choisi dans deux listes, la première étant celle de cinquante parlementaires n'ayant pas voté les pleins pouvoirs à Pétain, la deuxième étant composée de personnalités de la Résistance ou proches d'elle. La défense use de son droit de récusation pour quelques noms sortant du tirage au sort.

Défendu par Jacques Isorni, Jean Lemaire et le bâtonnier Fernand Payen, Philippe Pétain déclare le premier jour qu’il avait toujours été un allié caché du général de Gaulle et qu’il n’était responsable que devant la France et les Français qui l’avaient désigné et non devant la Haute Cour de justice. Dans ces conditions, il ne répondra pas aux questions qui lui seront posées. Viennent déposer de nombreuses personnalités en tant que témoins soit à charge : Édouard Daladier, Paul Reynaud, Léon Blum, Pierre Laval, soit à décharge : le général Weygand, le pasteur Boegner. Le procès s’achève le 15 août 1945 à l’aube. La cour déclare Pétain coupable, notamment, d’intelligence avec l’ennemi et de haute trahison. Elle le condamne à mort, à la dégradation nationale à la confiscation de ses biens, assortissant toutefois ces condamnations du vœu de non-exécution de la sentence de mort, en raison de son grand âge. La condamnation a été voté à une voix de majorité.

Le verdict de la Haute Cour de justice frappe d'indignité nationale Philippe Pétain, ce qui implique « la perte du rang dans les forces armées et du droit à porter des décorations », de facto il est déchu de son titre (de sa « dignité ») de maréchal de France. À la fin du procès, il se dépouille de son uniforme  avant d'être incarcéré. La mention du titre sur l'acte de décès est une liberté prise par un agent de l'état-civil qui n'engage aucune institution officielle. Il convient donc, comme le font les historiens d'aujourd'hui, de le nommer simplement « Philippe Pétain », en particulier pour la période qui suit sa condamnation du 15 août 1945. On rencontre aussi la dénomination « ex-maréchal Pétain ».

Cependant la décision judiciaire qui le frappe d'indignité nationale interprétée stricto sensu comme « lui retirant son rang dans les forces armées et son droit à porter ses décorations », le titre de maréchal de France étant une distinction, et non un grade, décernée, non pas par un décret, mais par une loi votée au Parlement, peut permettre de considérer que cette décision de justice ne peut annuler une mesure législative. Accomplissant le vœu de la Haute Cour de justice, le général de Gaulle, chef du Gouvernement provisoire de la République, commue la sentence de mort en peine de réclusion à perpétuité le 17 août 1945. Compte tenu de la peine de dégradation nationale (article 21 de l'ordonnance du 26 décembre 1944), le maréchal Pétain est exclu automatiquement de l'Académie française (l'ordonnance prévoit l'exclusion de l'Institut). Toutefois, celle-ci s’abstient d’élire un remplaçant de son vivant au 18e fauteuil, égard auquel a également eu droit Charles Maurras (tandis qu’Abel Bonnard et Abel Hermant sont remplacés dès 1946).

Philippe Pétain est emprisonné au fort du Portalet, dans les Pyrénées, du 15 août au 16 novembre 1945, puis transféré au fort de la Citadelle sur L'Île-d'Yeu (Vendée). Son épouse installée à son tour dans l’île, bénéficie d’un droit de visite quotidien. La santé du maréchal Pétain décline à partir du début de l’année 1951, les moments de lucidité devenant de plus en plus rares. Eu égard à cette situation, le Conseil supérieur de la magistrature, présidé par Vincent Auriol, président de la République, en vue d’adoucir une fin prévisible, autorise le 8 juin 1951 « l’élargissement » du prisonnier et son assignation à résidence « dans un établissement hospitalier ou tout autre lieu pouvant avoir ce caractère ». Le transfert dans une maison privée de Port-Joinville a lieu le 29 juin 1951, où Philippe Pétain meurt le 23 juillet 1951. Il est inhumé le surlendemain dans le cimetière marin de l’île d’Yeu.

Payen FernandAu procès Pétain, l’avocat Jacques Isorni avec ses confrères Jean Lemaire et le bâtonnier Fernand Payen lance la légende du « détournement de vieillard » : Pétain aurait été abusé par Pierre Laval qui aurait profité de son grand âge. Sous la IVe République, le RPF gaulliste emploie la fameuse phrase de Charles de Gaulle dans ses mémoires : « la vieillesse est un naufrage », « la tragédie est que le Maréchal est mort en 1925 et que personne ne s’en est aperçu ». L’historien Éric Roussel, entre autres, a montré que ce jugement gaullien n’explique en rien les choix du chef de l’État français, et qu’il n’a en réalité qu’une finalité électorale : pour rallier le plus possible de voix contre le « régime des partis » honni, les gaullistes doivent rallier les ex-pétainistes sans se déjuger de leur action dans la Résistance, d’où cette excuse commode de Pétain par l’âge de l’intéressé.

En réalité, comme le montrent Marc Ferro, Jean-Pierre Azéma ou François Bédarida, les choix de Pétain étaient parfaitement cohérents et bénéficiaient d’appuis dans les milieux les plus divers de la société. Yves Durand souligne qu’il bâtissait son régime comme s’il avait du temps devant lui, sans se soucier de la possibilité de sa disparition prochaine. Quant aux fameuses « absences du Maréchal » rapportées par Jean-Raymond Tournoux, Marc Ferro ou Jean-Paul Brunet (il se mettait à disserter soudain sur le menu du jour ou le temps dehors face à des visiteurs), il s’agissait surtout d’une tactique pour éluder les questions gênantes en jouant du respect qu’inspirait sa qualité d’octogénaire.

Le journaliste Robert Aron, a beaucoup contribué à lancer la légende parallèle de « l’épée et du bouclier » : Pétain aurait tenté de résister pied à pied aux demandes allemandes, et secrètement cherché à aider les Alliés, pendant que de Gaulle préparait la revanche ; d’autre part, il y aurait un « Vichy de Pétain » opposé au « Vichy de Laval ». Cheval de bataille des apologistes de la mémoire de Pétain, ces distinctions ont volé en éclat à partir de la parution de la France de Vichy de Robert Paxton en 1973. Archives allemandes puis françaises à l’appui, les historiens actuels démontrent, à sa suite, que la collaboration a été recherchée par Pétain, alors que Hitler n’y croyait pas et n’a jamais voulu traiter la France en partenaire. Si la collaboration n’est pas allée aussi loin qu’elle aurait pu, c’est bien en raison des réticences d’Hitler, et non grâce à une quelconque résistance de Pétain aux demandes de l’occupant. Ainsi, la collaboration répondait aux choix fondamentaux et intangibles de Pétain comme de Laval, que le maréchal a nommé et laissé agir en aidant son gouvernement de son charisme. Quant au fameux « double-jeu » du maréchal, il n’a jamais existé. Les quelques sondages informels qu’il a autorisés avec Londres, fin 1940, n’ont eu aucune suite et ne pèsent rien au regard de son maintien constant de la collaboration d’État jusq

Procés Pétain

Münch Hans

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Hans Wilhelm Münch (14 May 1911 – 2001) was a German citizen and Nazi Party member who, during World War II, worked as a SS physician at the Auschwitz concentration camp in Nazi occupied Poland from 1943 to 1945. He was the only person acquitted of war crimes at the 1947 Auschwitz trials in Kraków. Later on, he returned to Germany and worked as a practising physician in Roßhaupten in Bavaria. After graduating from a gymnasium, 

Hans MünchHans Münch

Hans Münch

 

Hans Münch studied medicine at Tübingen and Munich universities and became engaged in the political section of the Reichsstudentenführung (Reich’s leadership of university students). In 1934, he joined the NSDStB.- Nationalsozialistischer Deutscher Studentenbund (National Socialist German Students' League) and the NSKK - Nationalsozialistisches Kraftfahrerkorps (National Socialist Motor Corps). In May 1937, he joined the NSDAP. He received his doctor's degree and married a physician in 1939.

When World War II began, he replaced country doctors in their practices in the Bavarian countryside as they had been inducted into the army; Münch's attempt to enlist in the Wehrmacht was rejected as his work as a doctor was considered too important. In June 1943, he was recruited as a scientist by the Waffen-SS and was sent to the Hygiene Institute of the Waffen-SS in Raisko, about 4 km (2.5 mi) from the main camp at Auschwitz. Münch worked alongside the infamous Josef Mengele, who was the same age and also came from Bavaria. Münch continued the bacteriological research he was known for before the war, as well as making occasional inspections of the camps and the prisoners. In summer 1944, he was promoted to SS-Untersturmführer (second lieutenant).

Along with other doctors, Münch was expected to participate in the "selections" at the ramp of Auschwitz-Birkenau, to decide which of the incoming Jewish men, women and children could work, which would be experimented on, and which would be put to death in the gas chambers. He found this abhorrent and refused to take part; this was confirmed by witnesses' testimony at his trial. The book on SS physicians of Auschwitz by Robert Jay Lifton (1986) mentions Münch as the only physician whose commitment to the Hippocratic oath proved stronger than that to the SS. While Münch did conduct human experiments, these were often elaborate farces intended to protect inmates, as experiment subjects who were no longer useful were usually killed. According to a testimony of inmate Dr Louis Micheels, Münch's last act before the camp was abandoned was to provide him with a revolver to assist his escape.

After the evacuation of Auschwitz in 1945, Münch spent three months at the Dachau concentration camp near Munich. After the war in 1945, Münch was arrested in a US internment camp after being identified as an Auschwitz physician. He was delivered as a prisoner to Poland in 1946 to stand trial in Kraków. He was specifically accused of injecting inmates with malaria-infected blood, and with a serum that caused rheumatism; however, many former prisoners testified in support of Münch in their witness speeches. The court acquitted him on 22 December 1947, "not only because he did not commit any crime of harm against the camp prisoners, but because he had a benevolent attitude toward them and helped them, while he had to carry the responsibility. He did this independently from the nationality, race-and-religious origin and political conviction of the prisoners." The court's acquittal was based, amongst other things, on his strict refusal to participate in the selections. Of the 41 Auschwitz staff tried in Kraków, only Münch was acquitted. He was called the 'Good Man of Auschwitz', who had saved prisoners from death in the gas chambers.

He took over a country doctor's practice in Roßhaupten in Ostallgäu, Bavaria. In 1964, Münch testified in the first Auschwitz Trial in Frankfurt on Main and in the following trials, he was called on for his expert opinion. In West Germany, Münch took part in discussion meetings and commemoration ceremonies. He was appreciated for having saved many Auschwitz prisoners at the risk of his own life. In 1995, on the 50th anniversary of the liberation of Auschwitz, he made a journey back to the concentration camp. Münch was invited by Eva Mozes Kor, a survivor of Josef Mengele's experiments on twins. Münch and Kor signed public declarations regarding what had happened there and declaring that such a thing should never be allowed to happen again.

Münch has also commented on Holocaust denial. In an interview made by German filmmaker Bernhard Frankfurter, Frankfurter asks about the negationist claim that Auschwitz was a hoax, to which Münch wearily responds : "When someone says that Auschwitz is a lie, that it is a hoax, I feel hesitation to say much to him. I say, the facts are so firmly determined, that one cannot have any doubt at all, and I stop talking to that person because there is no use. One knows that anyone who clings to such things, which are published somewhere, is a malevolent person who has some personal interest to want to bury in silence things that cannot be buried in silence." —Exchange between Münch and Frankfurter.

During his final years, Münch lived in the Allgäu region, by Forggen Lake, with a view on the Neuschwanstein Castle. He died at 90 in 2001. In 1998, journalist Bruno Schirra published an interview with Münch, conducted a year earlier, in Der Spiegel. Schirra and Münch had watched the film Schindler's List, and the interview was conducted directly after the viewing. "Yes, sure I'm a perpetrator. I have saved a lot of people by killing some other people. [...] I was assessed as humane but not sentenced as a war criminal. I could make experiments with human beings, otherwise only possible with rabbits. This was very important scientific work. [...] There were ideal working conditions, excellent laboratory equipment, and an elite of academics of worldwide reputation. [...] The malaria experiments were quite harmless. I made a test: Is this man immune or not? [...] In the Hygiene-Institute I was king. [...] Perhaps they wouldn't be sent to the gas chambers, but they would have died miserably due to epidemics." —Dr. Hans Münch, Der Spiegel, 40/1998, Page 90ff

A few days later, Dirk Münch, Münch's son, publicly expressed his lack of comprehension of this interview. He explained that his father had been suffering from poor concentration for two years. He criticised the fact that Schindler's List had been watched directly before the interview, saying that this would have been very exhausting due to the film's three-hour length and his father's advanced age. Dirk Münch stated that, after the film, his father had even confused the female house cat Minka with the male cat Peter. The Bavarian Justice Ministry initiated proceedings of criminal prosecution as a reaction to the interview. The Zentrale Stelle der Landesjustizverwaltungen zur Aufklärung nationalsozialistischer Verbrechen (the central authority of the judicial administrations of the German Länder for the clarification of National Socialist crimes) opened preliminary proceedings. The Simon Wiesenthal Center demanded the Bavarian government immediately arrest Dr. Münch. The authorities looked through Stasi-files from the secret police of East Germany (GDR) and demanded Der Spiegel hand over the tape recordings of the Münch interview in order to determine to what extent the public prosecutor should act. The assumptions of possible participations in National Socialist crimes were based on three indications:
 

  • participation in the duty at the selection ramp,
  • participation in selections directly within the concentration camp
  • participation in experiments with human material leading to the death of the test persons.


The criminal proceedings against Dr. Münch were dropped in January 2000 due to "progressed dementia". One year later, Dr. Münch died. Dr Münch appeared in the documentary film Die letzten Tage, which was released in 1999 in the U.S. as The Last Days and in Germany in March 2000. As a contemporary witness, he met and talked with camp survivor Renée Firestone, whose sister had died in Auschwitz during experiments with humans. A film review pointed out that the American version of the film made no clear indication that Dr. Münch suffered from Alzheimer's disease at this time. Only the credits of the film provided this information and then only in French. In 1998, Münch made derogative statements about Roma and Sinti in the French radio France-Inter, where he said that the gas chambers would have been the only solution for them. Münch was accused of "incitement of racial hatred". He did not take part in the court hearing. A medical expert opinion had certified him "psychologically disturbed". The acquittal was based on this expert opinion. The Agence France-Presse (AFP) reported on May 7, 2001, that the Paris appeal court had annulled the acquittal from June 2000.

In May 2001, Münch was convicted in Paris for "incitement of racial hatred" and "belittlement of crimes against humanity". The prosecutor demanded not the imprisonment of Münch but his release on licence. Münch was found guilty, but due to his old age and his mental health, the Paris appeal court decided that the 89-year old Münch should not serve out the sentence. As in the previous proceedings, Münch did not attend the court hearings. In September 2001, the French Radio rebroadcast the 1998 interview with Münch. Lawyers Without Borders, the International League against Racism and Anti-Semitism and the Union of Jewish Students in France lodged complaints. In 2002, all of the accused responsible staff members of the public-law broadcasting institution Radio France were acquitted of the accusation of assistance in incitement to race hatred. The reasoning of the court decision reads that all radio listeners would have understand that Münch's statements about Sinti and Roma and about NS-extermination camps were taken from the Nazi-propaganda.

The Foundation "Remembrance, Responsibility and Future" (Stiftung Erinnerung, Verantwortung und Zukunft) has Dr. Hans Münch in its listings as a participant in malaria experiments on Auschwitz inmates; however, he is not listed for the malaria experiments in the Dachau concentration camp, which had taken place until 5 April 1945 under the direction of physician Claus Schilling. In 2002 and 2003, the Fritz Bauer-Institute in Frankfurt on Main focused on the analysis of the first Frankfurt Auschwitz Trial and its effects on the socio-political-judicial-historical levels in the Federal Republic of Germany. There was an explicit invitation to participate in the series of public meetings and discussion events on perpetrators' and victims' biographies in the Nazi regime. On 4 November 2002, Prof. Dr. Helgard gave the lecture "SS-Ärzte in Auschwitz und im Ersten Frankfurter Auschwitz-Prozess" (SS-physicians in Auschwitz and in the first Frankfurt Auschwitz Trial).

"In the concentration camp of Auschwitz, the SS-physicians became the technicians of mass murder. The self-presentation of the SS-physicians will be examined focused on the case of the camp physician Dr. Eduard Wirths, who wrote a justification note after 1945 and who committed suicide in British arrest as well as focused on the case of Dr. Münch, against whom criminal proceedings were initiated by the public prosecutor of Frankfurt due to participation in NS-crimes after an interview with Bruno Shirra published in Der Spiegel in 1998. Münch, who was acquitted as the only one from 40 members of the Auschwitz SS-staff by the highest Polish court in Kraków, became the important 'neutral' witness of the reality in Auschwitz during the first Auschwitz Trial in Frankfurt on Main and gained the status of an expert in later trials. The justifications document of Eduard Wirths had been contributed during the proceedings, too. The special focus of the examinations was, which ideas of humane behaviour and of fairness had been developed in the statements of the SS-physicians on the one hand, and in the judgement reasonings of the first Auschwitz Trial in Frankfurt on Main on the other hand."

Within the context of Holocaust research, Helgard Kramer reports about details in a study from 2005: Dr. Hans Münch was heard in the first Frankfurt Auschwitz Trial and even called as an expert on 2 and 5 March 1964. Until the year 2000, the public prosecutor of Frankfurt-on-Main had only knowledge about the judgement of the Kraków proceedings but not about the protocols and the witness hearings. Dr. Münch had stated that he had been forced into the Waffen-SS and that he had come to Birkenau at the end of 1944. During the discussion of the second hearing he corrected himself, stating that he had already arrived in 1943. The documents of the witness hearing provided the answer of Dr. Münch to the precise questions of the prosecutor during the main hearing of 1947 : "The camp doctor demanded me to participate in the selections and officially I could not refuse it, because this would have meant insubordination. But I had found a way to avoid these things as a physician."

Dr. Münch was questioned about the medical experiments he had effected in Block 10. The questioning was stopped, when he demanded an expert colleague as interrogator. Professor Jan Sehn had prepared the Kraków Trial of 1947 as examining magistrate. He ordered Dr. Münch with the medical treatment of another inmate. He also sent the whole stock of files of the Hygiene Institute of the Waffen-SS in Raisko into his cell for "arranging". Then the files were kept by the Kraków journalist Mieczysław Kieta, who later on engaged himself with the most efforts for the exculpation of Dr. Münch. Kieta worked within the command range of the SS-Hygienics Institute as a laboratory assistant under the supervision of Münch. Several concentration camp inmates have certified the fairness of Dr. Münch. Three of them are often quoted. The Hungarian medical science professor Geza Mansfeld was regarded as the most important among them. He praised Dr. Münch, as he had prevented his selection for the gas chambers and who had given him drugs because Prof. Mansfeld suffered from a stomach ulcer. In return Dr. Münch obtained a training in Serology, Bacteriology and Chemistry. Mansfeld was one of the international famous "capacities" in these fields and he was meant to provide his knowledge to the Hygienics Institute for free.

Lucas Franz

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Dr. Franz Bernhard Lucas (né le 15 septembre 1911 à Osnabrück , en Allemagne, décédé le 7 Décembre 1994 à Elmshorn , Allemagne) était un médecin allemand et SS Obersturmführer qui à servi au camp de concentration d'Auschwitz durant la même période de temps que Josef  Mengele.

Dr. Franz Lucas bei seiner erkennungsdienstlichen Behandlung Anfang der 1960er Jahre

Dr. Franz Lucas bei seiner erkennungsdienstlichen Behandlung Anfang der 1960er Jahre

Lucas a toujours exprimé sa réticence à effectuer des sélections sur la rampe d'Auschwitz et il est réputé pour avoir de la compassion envers les détenus des camps de concentration.

En 1964, Lucasse présente volontairement et accompagné d'un entourage de 16 personnalités ouest-allemande des avocats et un juge à la première audience du procès Auschwitz pour crimes de guerre à  Francfort (1963-1964).

Ils avaient fait une enquête et un voyage en Pologne pour vérifier la véracité des témoignages au procès des 21 membres du personnel de l'ancien camp de concentration d'Auschwitz. Selon Lucas "Il était de mon devoir de venir. Et c'est le devoir de tous ceux qui ont l'occasion de venir ici pour voir ou le racisme peut mener."


Bismarck Otto von

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Otto Eduard Leopold von Bismarck-Schönhausen, comte de Bismarck, puis prince de Bismarck-Schönhausen et duc de Lauenburg (1er avril 1815 — 30 juillet 1898), fut ministre-président de Prusse de 1862 à 1890. 

Otto von Bismarck

Otto von Bismarck

Il unifie l'Allemagne par une série de guerres et devient le premier chancelier (1871 - 1890) de l'Empire allemand. Homme politique conservateur, aristocrate protestant et monarchiste, Bismarck combat à l'intérieur les catholiques, une partie des libéraux et le mouvement social-démocrate montant des années 1880 en interdisant plusieurs organisations ; il institue une retraite obligatoire et une assurance santé et accident pour les travailleurs avec pour but recherché de calmer la classe ouvrière et de la dissuader de rejoindre le mouvement socialiste.

À l'extérieur, il mène, après la proclamation de l'Empire allemand, une realpolitik attachée au maintien de la paix européenne pour maintenir à l'abri la nouvelle puissance allemande. Otto von Bismarck est né le 1er Avril 1815 à Schönhausen (bien qu'habitant à Kniephof en Poméranie). Son père, Ferdinand von Bismarck, est officier militaire et propriétaire terrien prussien et sa mère Wilhelmine Menckence, est la fille d'un homme politique. Son grand-père paternel est un disciple de Jean-Jacques Rousseau.

Après avoir reçu sur l'insistance de sa mère une instruction secondaire classique et non par précepteur comme cela se fait à l'époque, il étudie le droit à Göttingen et Berlin, où il fait preuve de peu d'assiduité ; il n’en sait pas moins se cultiver lui-même : Alexandre de Hohenlohe reste stupéfait devant le nombre de livres qu’il a lu dans sa jeunesse et les citations qu’il est capable de faire dans la langue originale : Bismarck cite en particulier Byron et Shakespeare et parle évidemment couramment français, langue de l'aristocratie européenne. Il est ensuite nommé à la préfecture d'Aix-la-Chapelle, où il connait diverses aventures.

À la mort de sa mère en 1839, seul, il se dévoue à la gestion du domaine familial, mais s'ennuie. Il trouve un poste d'intendant des digues, où il fait preuve d'un rare engagement. En 1843 il rencontre Marie von Thadden, mariée à un de ses amis, avec laquelle il entretient une amitié intense et sous l'influence de laquelle il devient luthérien piétiste mais celle-ci meurt en 1846. Par amour pour Marie et à sa demande, Bismarck épouse sa meilleure amie Johanna von Puttkamer en 1847. De leur longue et heureuse union naquirent trois enfants. Toutefois Johanna s'intéresse peu aux mondanités et à la politique, qui accapare de plus en plus son mari, et c'est la sœur de Bismarck, Malwina, qui finit par jouer le rôle de conseillère.

Délégué à l'assemblée des États Provinciaux de Prusse, il se heurte de plein fouet aux mouvements nationalistes et révolutionnaires qui embrasent l'Europe. Ils atteignent la Prusse le 18 mars 1848, et le 19 le roi Frédéric-Guillaume IV, après hésitation, refuse de réprimer le mouvement et se joint aux révolutionnaires pour qu'ils forment un gouvernement libéral. Bismarck l'apprend, sa réaction est si violente qu'il va jusqu'à obtenir une entrevue avec Augusta de Saxe-Weimar-Eisenach, la reine mère, afin d'assurer la Régence et pour mettre par l'intrigue le jeune neveu du roi, futur Frédéric III d'Allemagne sur le trône. Augusta refuse, il en résulte une inimitié réciproque qui dure jusqu'à la mort de celle-ci. A la suite de cet épisode où Bismarck s'est mis en porte-à-faux avec le pouvoir, il est écarté de la politique temporairement. Déjà il fait preuve de cet attachement à la Prusse, mais pas à la monarchie absolue, qui dirige toute sa politique.

Heureux de la défaite des mouvements révolutionnaires de 1848, il est élu au Parlement prussien en 1849. Désigné pour représenter la Prusse à Francfort, élu à la chambre basse de Prusse en 1849, Bismarck se persuade peu à peu qu'une nation allemande unifiée derrière la Prusse est un objectif important (c'était à l'époque une opinion libérale et nationaliste). Il s'agit de la réalisation de la vision d'une Kleindeutschland (petite Allemagne) à majorité protestante dominée par la Prusse, par opposition à l'idée de Grossdeutschland, à majorité catholique avec l’Autriche, qui serait alors devenue par sa présence la puissance dominatrice, avec le même rôle que celui qu’elle tient dans la Confédération. Il s'oppose à la politique étrangère prussienne exécutée par le ministre Radowitz, qui vise à créer l'Union, une Confédération germanique sans l'Autriche, car il pense que la Prusse va perdre de sa puissance. Il est même un farouche défenseur de l’Autriche, et applaudit « la reculade d’Olmutz » en 1850 par laquelle l’Autriche ordonne la démission de Radowitz et rétablit la Confédération. Il est ensuite nommé ambassadeur à Francfort dans le cadre de la Confédération, et chargé de rétablir les bonnes relations avec l’Autriche. Mais c’est impossible et Bismarck s'applique alors à réduire l'influence de cet Empire. Il sait qu’il n’y a pas de place en Allemagne pour deux grandes puissances et se rallie à la solution Petite Allemagne.

Il s'éloigne progressivement des ultra-conservateurs tels que son mentor Leopold Von Gerlach et cherche l’alliance française à partir de 1856 pour empêcher la France de se rapprocher de la Russie et pour menacer l'Autriche. Le rapprochement avec Napoléon III hérisse les conservateurs qui considèrent l'empereur français comme un arriviste, celui-ci soutenant de surcroit les mouvements révolutionnaires à travers l'Europe. Bismarck devient ambassadeur de Prusse en Autriche, puis en Russie, en 1859 puis à Paris en 1862, où il rencontre de nombreuses fois Napoléon III. Le 26 juin 1862, invité à un déjeuner par ce dernier, l'empereur lors de la promenade dans le parc lui suggère une alliance, entre la France et la Prusse, il se dérobe et écrit dans ses mémoires : « Avant-hier, chez l'empereur, je me suis trouvé dans la situation de Joseph avec la femme de Putiphar. Il avait sur la langue les propositions les plus impudiques ; si je l'avais un peu encouragé dans cette voie, il se serait exprimé plus nettement. C'est un fervent champion de l'unité allemande, réalisée à l'exclusion de l'Autriche.»

Le Parlement et le roi Guillaume de Prusse se méfient de lui comme de la France. En 1862, le roi Guillaume de Prusse lui confie les postes de Premier ministre et de Ministre des Affaires étrangères de Prusse, à la suite du conflit entre le Parlement, de plus en plus libéral, et le roi, déclenché par une réorganisation de l'armée. Pendant quatre ans, après dissolution, Bismarck gouverne en ignorant l'absence de vote du budget au mépris de la constitution de 1850, jusqu'à ce qu'une chambre plus conciliante soit élue. Bismarck réussit à unifier l'Allemagne en menant une série de guerres. Pour que ces guerres ne dégénèrent pas, Bismarck développe une politique de rapprochement avec la Russie, qu'il juge indestructible du fait de sa grandeur, la France du Second Empire et l'Angleterre. À l’intérieur il doit lutter dans un premier temps contre l’assemblée hostile à sa politique étrangère, mais aussi contre son souverain, qu’il domine. Il résume sa pensée dans cette phrase : "Nous serons plus forts si et seulement si nous agissons ensemble". Ainsi, il veut unifier l'Allemagne pour la rendre plus forte. Lors de la guerre de Crimée, Bismarck a été alarmé par l'isolement de la Prusse alors que l' Autriche, la France et le Royaume-Uni s' allient contre la Russie. Il analyse toutefois avec justesse que c'est l'Autriche qui a affaibli sa position : en se coupant de son alliance traditionnelle avec la Russie, l'Autriche s'expose aux revendications italiennes et allemandes sans pouvoir invoquer l'aide de la Russie, permettant les attaques de la France et de la Prusse. La stratégie autrichienne a détruit la triple-alliance légitimiste construite et maintenue désespérément par Metternich.

En premier lieu, en coopération avec l'Autriche, le Schleswig et le Holstein (voir Schleswig-Holstein) sont pris au Danemark, c'est la guerre des Duchés. Un traité de paix est conclu à Vienne le 30 octobre 1864. Dès 1865, il fait pression sur l'Autriche afin de laisser la Prusse s'occuper de ces terres du Nord. Puis, en 1866, prétextant la dénonciation du traité d'attribution des duchés, Bismarck provoque la Guerre austro-prussienne. La Prusse attaque l'Autriche et l'emporte rapidement à la bataille de Sadowa, annexant Hanovre, Hesse-Cassel, Nassau et Francfort à la Prusse et créant la Confédération d'Allemagne du Nord. Le 26 juillet, quelques jours après la victoire prussienne à la bataille de Sadowa, l'empereur Napoléon III confie à l'ambassadeur de Prusse à Paris qu'il ne voit aucune objection à l'annexion du Hanovre et de la Hesse « jusqu'au chiffre de quatre millions d'habitants ». Mis au courant, Edmond Drouyn de Lhuys, le ministre français des Affaires étrangères, confie à ses proches : « Maintenant, il ne nous reste plus qu'à pleurer. »

Après avoir provoqué la France par la dépêche d'Ems, document diplomatique trafiqué, la guerre franco-prussienne est déclenchée en 1870 et les États de l'Allemagne du Sud, considérant la France comme l'agresseur, soutiennent militairement la Confédération d'Allemagne du Nord. La France subit une défaite humiliante et Guillaume Ier se fait acclamer Empereur d'Allemagne à Versailles en 1871. Le traité de paix signé permet à l'Allemagne d'annexer l'Alsace (hors Belfort) et la Moselle, qui deviennent terre d'empire (Reichsland) d'Alsace-Lorraine, bien commun à l'ensemble des États allemands. Cependant l'annexion, à laquelle Bismarck s'est personnellement opposé pour ne pas s'aliéner la France définitivement, provoque une grande réaction patriotique française, qui fait prédire à Bismarck la Première Guerre mondiale. Bismarck est donc le principal artisan, avec Helmuth Karl Bernhard von Moltke et Albrecht von Roon de la création de l'Empire allemand de 1871, dirigé par la Prusse et excluant l'Autriche.

Acclamé comme un héros national, rendu populaire par ses victoires sur les puissances étrangères, Bismarck devient le premier Reichskanzler (chancelier impérial) du nouvel empire. Dans sa politique extérieure, il se consacre alors à maintenir la paix entre les grands empires (France, Autriche, Allemagne et Russie). Il est particulièrement habile à manœuvrer pour empêcher tout rapprochement entre ses ennemis. À cet effet il tente de recréer l'alliance avec l'Autriche et la Russie. Les contemporains de l'époque se moquent de ces alliances à répétitions, et de sa « politique de cabinet ». Ses systèmes d'alliances sont nommés Systèmes bismarckiens. Profitant de la crise diplomatique opposant le Portugal, le Royaume-Uni et la France pour le contrôle des deltas du Congo et du Niger, Bismarck convoque la Conférence de Berlin (14 novembre 1884), se pose en médiateur de la crise, et affirme un peu plus le rôle central de l’Allemagne dans le concert des nations. Cette conférence présente un ordre du jour plus large que la question congolaise : on y parle principalement de la liberté de navigation et de commerce ainsi que des modalités d'installation sur les côtes. Au final, la conférence établit une liberté de commerce élargie dans les bassins du Congo et du Niger. La France se voit aussi attribuer le Haut-Niger dont le Royaume-Uni contrôle le delta. Du côté allemand, on espère que les concessions territoriales faites à la France atténueront le ressentiment né de la perte de l’Alsace-Lorraine à la suite de la guerre franco-allemande de 1870.

Intérieurement, Bismarck est confronté à la montée en puissance de deux nouveaux partis : le Parti du centre catholique (Zentrum) et le Parti social-démocrate (SPD), sans oublier les Lorrains et les Alsaciens protestataires. Le Kulturkampf — campagne de mesures législatives contre les catholiques, que Bismarck estime trop loyaux au pape, et la minorité polonaise catholique qui démarre en 1872 — est un énorme échec. Il combat les sociaux-démocrates sur deux plans : le parti et ses organisations sont interdits, alors que les classes ouvrières sont calmées par une législation très progressiste garantissant la retraite et une assurance contre maladies et accidents. Il met en place une politique économique protectionniste, fonde le Mark en 1873, réorganise l’armée d’Empire et la justice d’Empire.

La chance de Bismarck tourne brusquement. « Le moment vint, écrit Alexandre de Hohenlohe, où « rien ne voulait plus réussir à l’homme d’État vieillissant » ; il est caractéristique que Jacques Bainville, qui nous présente Bismarck comme l’homme d’État n’ayant connu que des succès, s’abstient de nous parler de lui après 1880. Dans ces années pourtant, Guillaume 1er, affaibli, le laisse gouverner à sa guise, et sa place de chancelier n’est plus menacée ; elle pourrait l’être sous le règne de son successeur à qui son mariage avec une princesse anglaise a entretenu des idées libérales ; mais le futur Frédéric III n’est pas si hostile qu’on le dit ; n’écrit-il pas en 1886 à Bismarck ces lignes caractéristiques : « Étant donnée l’importance de la tâche qui peut être dévolue au prince [le futur Guillaume II], je considère comme nécessaire qu’il étudie avant tout la situation intérieure de son pays et la connaisse à fond, avant de s’occuper en quoi que ce soit de politique avec sa tendance à juger rapidement et même avec précipitation. » « Il y a encore des lacunes dans ses connaissances. Il manque, pour le moment, d’une base solide et il est absolument nécessaire que ses connaissances soient développées et complétées. Ce but serait atteint si on lui donnait un « instructeur civil » et si, en même temps, ou plus tard, on l’occupait dans un des ministères administratifs. » « Mais étant données la maturité insuffisante et l’inexpérience de mon fils aîné, unies à sa tendance à la présomption et à une trop grande estime de soi, je considère véritablement comme dangereux de le mettre, dès à présent, en contact avec les questions extérieures. » La lettre, écrite à Portofino, date du 28 septembre 1886 et on imagine mal que le futur Frédéric III se serait ainsi confié à un homme qu’il aurait haï.

Frédéric III meurt après quatre-vingt-dix-neuf jours de règne et c’est Guillaume II qui lui succède, impatient de gouverner lui-même. Les jours de Bismarck à la chancellerie sont donc comptés bien qu’il ne s’en rende pas compte ; il aurait voulu, a-t-on dit, que son fils lui succédât. Vrai ou faux, le bruit arrive aux oreilles de l’empereur qui confia au prince Chlodwig de Hohenlohe au cours d’une chasse : « Il s’agit de la question suivante : dynastie Hohenzollern ou dynastie Bismarck ». L'occasion est donnée par les élections de 1890 où le centre catholique et les sociaux-démocrates réalisent tous deux une percée ; Bismarck doit se retirer sur les instances du Kaiser Guillaume II, monté sur le trône en 1888. Cette retraite libère une politique étrangère plus agressive, défaisant la realpolitik de Bismarck en poussant la France à nouer des liens plus étroits avec la Russie et le Royaume-Uni. Bismarck passe les dernières années de sa vie à écrire ses mémoires, et à s’opposer à la politique de Guillaume II, qui tente une réconciliation, que Bismarck repousse. Il s'éteint en 1898 à Friedrichsruh. Sa mort est toutefois troublée par une tentative de récupération par la propagande de Guillaume II. Bismarck est l’homme de l'unification, doté d'une analyse remarquable du problème que pose cette dernière et soucieux de préserver la puissance nouvellement acquise, mais la guerre de 1870 donne à l'Empire un ennemi obstiné, la France, ce qui limite les options des successeurs de Bismarck quand celui-ci a toujours cherché à en créer et conserver le maximum, impliquant autant que possible la Prusse en dernier dans chaque conflit.

Verschuer Otmar von

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Otmar (Reinhold Ralph Ernst) baron von Verschuer (1896 - 1969) est un médecin allemand eugéniste qui a été l'un des théoriciens majeurs des politiques racistes du Troisième Reich pendant la période nazie.

Otmar von Verschuer

Otmar von Verschuer

De 1927 à 1935, il est l’assistant du renommé Eugen Fischer directeur de l'Institut d'anthropologie, d'hérédité humaine et d'eugénisme Kaiser-Wilhelm de Berlin où il dirige le département de génétique humaine. En 1935, Otmar von Verschuer deviendra Directeur de l'Institut de biologie de l'hérédité et d'hygiène raciale de l'université de Francfort. En 1942, il prend la place d’Eugen Fischer, partant en retraite, à l'Institut Kaiser-Wilhelm de Berlin en 1942, où il sera rejoint par Fritz Lenz, autre inspirateur de la politique eugéniste nazi d’Adolf Hitler. Pendant la Seconde Guerre mondiale, il inspira et fit financer les « Expériences médicales nazies » menées par son assistant, le Docteur Josef Mengele. Divers organes, des membres, du sang provenant de déportés préalablement infectés par la typhoïde, furent prélevés par Josef Mengele puis envoyés à Otmar Von Verschuer et à d’autres membres de l’Institut Kaiser Wilhelm.

Après la défaite nazie, il fut peu inquiété par la « dénazification ». Otmar Von Verschuer détruisit sa correspondance avec Josef Mengele et prétendit, à son procès, tout ignorer d’Auschwitz et des méthodes de son disciple. Il fit aussi jouer ses relations et son prestige parmi la communauté scientifique alliée notamment auprès de Franz Josef Kallmann et Léo Alexander, l’expert médical en chef du Tribunal, tout deux futures collègues de Von Verschuer à la ASHG (Société américaine de génétique humaine) soutenue par Rockfeller.

Il fut condamné à une amende de 600 DM en tant que Mitläufer (compagnon de route du parti nazi) par le tribunal de Francfort. En 1956, pour son soixantième anniversaire, il devient membre de la Eugenics Society américaine et de l’ASHG, regroupant des généticiens parmi les plus éminents qui lui ont dédié une brochure éditée par le Vatican. Jusqu’en 1968, Otmar Von Verschuer dirigea par la suite l'Institut de génétique humaine de l'université de Münster, et fut considéré et honoré dans le monde entier.

Pendant sa carrière, il s’attacha à l’étude des prédispositions héréditaires de maladies et de la criminalité, et il défendit la thèse totalement dépassée de l’existence du plasma germinatif. Eugéniste, il se réjouit de l’arrivé d’Hitler au pouvoir et voit en lui « Le chef de l'ethno-empire est le premier homme d'Etat qui ait fait des données de la biologie héréditaire et de l'eugénique un principe directeur dans la conduite de l'Etat. » En 1935 il déclarait être « responsable d’assurer que les soins des gènes et de la race, dans lesquels l’Allemagne était un leader mondial, aient une base si forte qu’ils puissent résister à toute attaque de l’extérieur. »

En 1937, lors d’une conférence, il distinguait « la politique démographique quantitative et l’hygiène sociale pratique » visant « la limitation de la reproduction de ceux qui sont héréditairement malades et de peu de valeur » et enfin la « politique raciale au sens restreint » qui avait pour but « le maintien de la spécificité raciale du peuple » en particulier « la lutte contre l’intrusion d’éléments raciaux étrangers. »

Mengele Josef

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Josef Mengele (16 mars 1911 à Guntzbourg en Allemagne - 7 février 1979 à Bertioga au Brésil) était un médecin nazi allemand actif notamment au camp de concentration d'Auschwitz, où il a participé à la sélection des déportés voués à un gazage immédiat et s'est livré sur de nombreux prisonniers à des expériences à prétention scientifique constituant des crimes de guerre. Après la guerre, il ne fut jamais capturé et vécut 35 ans en Amérique latine sous divers pseudonymes, dont celui de Wolfgang Gerhard sous lequel il fut inhumé en 1979 au Brésil.

Richard Baer, Dr. Josef Mengele and Rudolf Hoess

Richard Baer, Dr. Josef Mengele and Rudolf Hoess

Son pseudonyme était « Beppo » ; il est aussi connu sous le surnom d'« ange de la mort ». Josef Mengele nait à Günzburg, cité médiévale située au bord du Danube. Il est le deuxième enfant et l'aîné des trois fils de Karl Mengele (1881-1959) et de sa femme Walburga (1946), de riches industriels bavarois. Ses frères se nomment Karl (1912-1949) et Alois (1914-1974). En janvier 1930, il quitte sa ville natale pour rejoindre Munich où il décroche un doctorat de philosophie. Les troubles qui secouent alors la capitale bavaroise ne le laissent pas indifférent et ses origines, son éducation et son caractère le poussent à militer dans les rangs de la droite nationaliste. Dès 1931, il est membre des Casques d'acier et soutient activement Hindenburg. Il est entraîné par ses amis étudiants à un meeting du NSDAP où il est conquis par l'éloquence d'Adolf Hitler.

En octobre 1933, il s'inscrit à la SA, puis part pour Francfort, où il étudie la médecine. Il obtient son doctorat en 1938, année où il devient également membre du parti nazi ; il entre ensuite dans la SS. Peu de temps après, il est nommé à l'Institut de Biologie Héréditaire et d'Hygiène Raciale de Francfort, où il travaille comme assistant d'Otmar von Verschuer, qui lui communique sa passion pour l'étude des jumeaux. Avec le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, il est envoyé à l'inspection sanitaire de la Waffen-SS, un poste tranquille qui ne lui déplaît pas, mais est bientôt muté à la division Wiking, partiellement composée de volontaires scandinaves.

Une promotion le nomme médecin-chef des bataillons de réserve de l'infanterie S.S. pour le front de l'est. Plus tard, il fait jouer ses relations au sein de la hiérarchie SS et parvient à se faire muter dans l'administration des camps de concentration. En mai 1943, il est affecté au camp d'Auschwitz-Birkenau, où il débute sous les ordres du Dr Klein. La qualité de son travail sera vite reconnue par ses supérieurs et quelques mois plus tard, il devient médecin-chef du camp. La principale tâche de Mengele est la sélection des déportés qui arrivent dans les convois. Ceux qui peuvent travailler sont gardés en vie : ils serviront de main d'œuvre pour satisfaire les besoins sans cesse croissants de l'industrie de guerre. Les autres (dont les femmes, les enfants et les vieillards) sont immédiatement dirigés vers les chambre à gaz et exterminés. Le travail de Mengele ne se limite cependant pas à la sélection.

Chercheur passionné, il est en effet en mesure de satisfaire sa curiosité avec les centaines de milliers de cobayes sur lesquels il a le droit de vie ou de mort. Il consacre ainsi ses rares instants de loisir à participer à toutes les expériences médicales dont Auschwitz est le théâtre. Mengele s'intéresse particulièrement aux jumeaux et à l'hérédité. Les jumeaux, ainsi que les nains, sont ainsi sélectionnés et reçoivent un traitement spécial, meilleur que celui infligé aux autres prisonniers, avant d'être transférés dans une baraque d'expérimentation spécialement aménagée dans le camp des tziganes. À la tête de ce laboratoire, le Dr Epstein, pédiatre de renommée mondiale et professeur juif de la faculté de Prague, prisonnier depuis quatre ans, son assistant le Dr Bendel, juif également et médecin de la faculté de Paris, et Dina, artiste-peintre originaire de Prague, qui exécute tous les dessins et croquis nécessaires aux recherches. Celles-ci portent sur trois axes.

Le plus important aux yeux de Mengele est le secret de la gémellité. Il s'intéresse aussi aux causes biologiques et pathologiques du nanisme et du gigantisme, espérant y trouver une prédisposition héréditaire des « races inférieures ». Enfin, une maladie rare apparue chez les enfants tziganes lui offre un troisième champ d'investigations : le noma facès ou gangrène sèche du visage. Mengele espère prouver que cette maladie est spécifique aux tziganes et est le résultat de leur « hérédité syphilitique ».

Les prisonniers sélectionnés subissent des examens médicaux in vivo, qui ne suffisent pas à Mengele pour étayer ses hypothèses. Mengele veut aller plus loin en étudiant l'anatomie des organes internes et comparant les organes sains avec des organes malades ou fonctionnant anormalement. Pour cela, des cadavres sont nécessaires. Pour mener à bien les dissections, Mengele recherche un spécialiste. Ce sera Miklos Nyiszli, déporté juif de Hongrie et diplômé de médecine de l'université Frédéric-Guillaume de Breslau, en Allemagne. Des dizaines de jumeaux, nains, malformés de toutes sortes, seront ainsi abattus, parfois de la main même de Mengele, et disséqués par Nyiszli pour satisfaire la curiosité scientifique de celui qui reçut le surnom d'« ange de la mort ». En juin 1944, Rome tombe aux mains des Alliés, le débarquement en Normandie ouvre un nouveau front à l'ouest et quelques semaines plus tard, les troupes de l'armée rouge lancent une offensive massive. Le Dr Mengele doit comprendre que la fin du IIIe Reich est proche. Son influence sur l'administration du camp est suffisante pour faire libérer Wilma, sa jeune maîtresse juive, qu'il envoie à Varsovie. En janvier 1945, peu avant la prise par les troupes russes de Cracovie, à une soixantaine de kilomètres d'Auschwitz, Mengele quitte la camp et rejoint sa Bavière natale. Sa famille l'y accueille en soldat qui a fait son devoir.

Peu sont ceux qui lui réclament des détails sur ses années de services et pendant près de cinq ans, il vit confortablement. Cependant, les témoins aux procès des criminels de guerre commencent à citer son nom. Ses anciens collègues, son chauffeur SS, révèlent des détails toujours plus accablants. Les Américains, qui contrôlent la zone de Günsburg et qui jusque là avaient ignoré le personnage, commencent à s'y intéresser. Mengele estime qu'il est temps de disparaître. L'organisation d'émigration des anciens SS le confie à une filière d'évasion vers l'Italie. Au début de l'année 1951, Mengele franchit clandestinement le col de Reschen et gagne Merano.

De multiples détours le conduisent en Espagne d'où il s'embarque pour l'Amérique latine. Il arrive à Buenos Aires en 1952 où il ouvre quelques mois plus tard un cabinet médical dans un quartier résidentiel. Mengele n'a pas de permis de travail mais ce n'est pas un problème : il a d'excellentes relations avec la police du dictateur Peron, dont la carrière a été favorisée par le IIIe Reich, et compte de nombreux amis dans l'influente colonie nazie. En 1954, sûr de sa retraite, il expédie une demande de divorce à Fribourg-en-Brisgau, son dernier lieu de résidence avec sa femme. Une erreur qui permettra au justicier juif Simon Wiesenthal de retrouver sa trace en 1959. Insouciant, Mengele fréquente allègrement les cercles mondains de Buenos Aires et épouse en seconde noces la femme de son frère Karl, mort pendant la guerre. Mais le 16 septembre 1955, le régime de Peron s'effondre. Leur protecteur disparu, la plupart des nazis réfugiés en Argentine émigrent alors au Paraguay voisin. Mengele en fait partie mais la situation se stabilisant en Argentine, il revient s'y installer. Aucune poursuite n'étant entreprise contre lui dix ans après la capitulation nazie, il prend la direction de la succursale argentine de l'entreprise familiale sous sa véritable identité.

Au début de l'année 1959, le père de Mengele meurt. Mengele n'hésite pas à rentrer à Günsburg pour assister aux obsèques. Personne ne songe alors à le dénoncer. Mais depuis quelques mois a commencé en Allemagne le grand procès d'Auschwitz et bientôt son nom est cité parmi les principaux accusés. Le 5 juillet 1959, le procureur de Fribourg-en-Brisgau lance un mandat d'arrêt contre lui. Une demande d'extradition est formulée mais les Argentins prétendent ne pas connaître son adresse. Simon Wiesenthal prend alors l'affaire en main et demande à un de ses informateurs à Buenos Aires de découvrir l'adresse exacte de Mengele, ce qui est fait le 30 décembre 1959. Deux demandes d'extraditions se heurteront à un refus poli : le passé de Mengele est jugé comme relevant du délit politique, ce qui sur un continent où les coups d'état se succèdent, ne constitue pas un motif légitime pour une extradition. Mengele a de toute manière pris les devants. Alerté dès le début des procédures engagées contre lui, il s'est rendu au Paraguay dont il a acquis la nationalité le 27 novembre 1959.

Le témoignage de deux de ses amis, le baron Alexandre von Eckstein et l'homme d'affaire Werner Jung lui ont permis de prouver qu'il réside dans le pays depuis plus de cinq ans, condition préalable à l'obtention de la nationalité. Muni de ce sauf-conduit rassurant, Mengele rentre à Buenos Aires et attend la suite des événements. Mais la passivité des Argentins pousse les agents israéliens, qui ont récemment retrouvé et enlevé Adolf Eichmann, à agir. Ils resserrent la surveillance autour de sa villa et se préparent à l'enlever aussi. Mais Mengele leur échappe. Il est brièvement aperçu à Bariloche, station de villégiature a proximité de la frontière chilienne, avant de disparaître de nouveau. Entre-temps, l'Argentine s'est décidée à lancer un mandat d'arrêt contre lui, et la piste de Mengele se perd dans la forêt brésilienne. Pendant plus d'un an, il restera introuvable.

En avril 1961, un informateur, ancien membre des SS dont il s'est vite désolidarisé, alerte Wiesenthal : Mengele a été repéré en Égypte où il se prépare à gagner la Crète ou une des îles voisines. Les services israéliens s'activent mais Mengele parvient à nouveau à s'échapper. Convaincu que l'Amérique latine est le seul endroit où il sera en sécurité, Mengele est de retour au Paraguay en 1962. Sa femme et son fils sont restés en Europe, où ce dernier poursuit ses études. Simon Wiesenthal les localise sans peine mais l'enquête révèle que Mengele n'est pas sur place, même de façon épisodique. Mengele est en effet en Asuncion, la capitale du Paraguay, véritable refuge pour anciens nazis.

En juillet 1962, le Paraguay reçoit à son tour une demande d'extradition. Craignant que sa nouvelle nationalité ne le protège pas suffisamment, Mengele se retire dans un province reculée près de la frontière. La veille de noël 1963, Rolf Mengele, le fils du Dr Mengele, prévient ses camarades qu'il doit se rendre en Italie pour rencontrer un proche parent qui vit depuis de nombreuses années en Amérique du sud. Lorsque Wiesenthal, prévenu trop tard, arrive à l'hôtel milanais où le jeune homme est descendu, il apprend que la note a été réglée par le Dr Gregor Gregory, une des nombreuses identités dont use Mengele.

En août 1966, à Hohenau, petite station de villégiature prisée des paraguayens, six hommes font irruption dans l'hôtel Tirol à la recherche du Dr Fritz Fisher. Lorsqu'ils arrivent dans la chambre de celui-ci, elle est vide, l'homme s'est échappé par les toits et ses poursuivants israéliens ont encore raté leur cible. Mengele finit sa vie dans un deux-pièces cuisine de la banlieue de Sao Paulo, complètement reclus, sans aucune relation sociale de peur d'être reconnu, vivant chichement des subsides envoyés par sa famille ou d'anciens nazis. Malgré tous les efforts internationaux pour le trouver, Mengele ne fut jamais pris et après 34 ans de fuite, il meurt noyé au Brésil en 1979, foudroyé par une attaque cardiaque durant une baignade à Bertioga.

Sa tombe fut localisée en 1985 par un effort combiné des autorités américaines, allemandes et sud-américaines. Après exhumation, il fut identifié en 1992 par des tests génétiques sur ses os (mâchoire) réalisés par les légistes de UNICAMP (Université de Campinas), et Clyde Snow a confirmé l'identité de Mengele. De l'aveu même des services israéliens, Mengele ne constitue pas le pire des criminels nazis. D'autres médecins, tels Carl Clauberg ou Horst Schumann, lui sont bien supérieurs en ce domaine. De la même manière, son rang dans la SS était modeste et ses recherches n'ont jamais attiré l'attention d'Himmler, le puissant maître de la SS pourtant friand de ce type d'expérimentations. Cependant il a des centaines de victimes à son actif ; rien que pour ses "expériences" sur les jumeaux, il fait 111 victimes. C'est surtout sa traque à travers tous les continents et le fait qu'il n'ait jamais été pris, parfois de très peu, qui ont contribué à faire de lui l'incarnation de la barbarie nazie restée impunie.

Gerstein Kurt

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Kurt Gerstein (11 août 1905 à Munster, Allemagne - 25 juillet 1945 à Paris, France) est un ingénieur des mines allemand, militant chrétien anti-nazi, mais membre du parti. Il a été affecté pendant la Seconde Guerre mondiale à l'Institut d'Hygiène de la SS, département « hygiène de l'eau », à Berlin. Il a été le témoin, en août 1942, d'un gazage homicide dans le camp d'extermination de Belzec, en Pologne. Il a contacté un diplomate suédois et des personnalités religieuses afin qu'ils alertent les dirigeants politiques et le pape Pie XII sur l'extermination des Juifs d'Europe, mais sans succès. En 1945, il en a fourni un récit qui forme le cœur de son « rapport » aux Alliés. 

Gerstein KurtGerstein Kurt

Kurt Gerstein naît dans une famille originaire de Basse-Saxe. Il grandit à Hagen. Son père, Louis, est juge, sa mère élève leurs sept enfants (Kurt est le sixième). Les relations de Kurt avec ses proches sont difficiles, la famille, très conventionnelle, ayant de la peine à intégrer l'originalité de l'enfant : le père, autoritaire, fier de l'Allemagne de Guillaume II et n'arrivant pas à « digérer » l'humiliation du traité de Versailles, cherchera toujours à faire entrer ce fils quelque peu rebelle dans le moule de la société allemande. Il écrira ainsi à Kurt, le 5 octobre 1944 : « Tu dois obéir aux ordres de tes supérieurs. C'est celui qui donne les ordres qui porte la responsabilité. Il ne peut y avoir de désobéissance ». Ses frères et sœurs n'arrivent pas à suivre son esprit « aventureux ». Un ami d'enfance confirmera que c'était « l'enfant terrible de la famille ».

Chez les Gerstein, on tient à prouver son origine aryenne, on souffre des préjugés antisémites, courants à l'époque, mais le juge Louis Gerstein n'hésite pas à avertir des avocats juifs de Hagen des premières mesures antijuives prises par les nazis en 1933 et à leur dire qu'il les regrette3. À l'école, les sanctions répétées n'arrivent pas non plus à discipliner cet élève moyen, mais original et intelligent : il abîme le matériel scolaire, proteste au tableau contre un devoir de latin trop important à son goût, puis, un jour, alors que son professeur de grec le fait revenir à l'école après les cours, Kurt Gerstein loue un fiacre pour s'y rendre, et dépasse un enseignant totalement ahuri qui allait à pied vers l'école. Il obtient finalement son baccalauréat à 20 ans.

En 1925, Kurt entre à l'université de Marbourg, où il rejoint les rangs d'une société d'étudiants, la Teutonia. Il le fait à la demande de son père, mais réprouve l'absence de sens moral et de sérieux des étudiants ; sa condition physique affaiblie par un fort diabète l'empêche de livrer tous les duels exigés pour devenir membre à part entière et il n'en sera qu'un « demi-membre ». Le nationalisme ardent qui distingue la Teutonia ne semble en revanche pas le déranger. D'ailleurs, Kurt Gerstein restera très longtemps un nationaliste allemand. Après un an et demi à Marbourg, Kurt Gerstein poursuit ses études à Aix-la-Chapelle, puis Berlin-Charlottenburg. Il en sort, en 1931, avec un diplôme d'ingénieur des mines.

Parallèlement à ses études polytechniques, Kurt Gerstein vit une intense activité religieuse. Une brochure qu'il publie à compte d'auteur, Um Ehre und Reinheit (De l'honneur et de la pureté) en donne un aperçu. Pour Kurt, Dieu est celui qui dirige tout, à qui il faut se soumettre sans discussion et surtout à qui il faudra « rendre des comptes ». Dans ses écrits, Kurt Gerstein insiste beaucoup sur cette question des comptes à rendre, y compris dans une lettre à son père écrite le 5 mars 1944 depuis l'hôpital militaire de Helsinki. Si Kurt était un enfant difficile, il reconnaîtra une fois adulte que « l'autorité et la confiance sont les deux fondements de l'éducation ». Outre l'autorité, la pureté est un leitmotiv des réflexions de Kurt, un idéal à atteindre. Il décrit une adolescence passée dans un « sentiment de culpabilité et une nostalgie de la pureté ».

Pour compenser les errements de ses camarades de la Teutonia, il se met à lire la Bible et trouve une certaine sérénité auprès de l'Église évangélique. Il prend rapidement des responsabilités au sein de l'Église, en particulier dans les cercles bibliques (groupes d'études bibliques pour les jeunes). L'Église protestante allemande prône un fort nationalisme et une soumission à l'autorité, parfois mâtinés d'antisémitisme. Divisés en vingt-huit Églises, certaines luthériennes, d'autres calvinistes, les protestants allemands, bien qu'au nombre de quarante millions de fidèles, sont mal armés pour résister aux assauts du nazisme. La grande majorité suivra l'idéologie au pouvoir, ce seront les « chrétiens allemands », fervents défenseurs notamment des théories racistes.

Une minorité s'opposera au pouvoir, ce sera l'« Église confessante » : mais il faut bien admettre que ce qui dérange le plus les « confessants » ne sont pas les dérives racistes du NSDAP, mais ses assauts contre le christianisme qu'il cherche à remplacer par le culte de l'homme germanique. Le meneur de l'Église confessante est le pasteur Martin Niemöller avec lequel Kurt Gerstein entretiendra une relation d'amitié à travers les ans. Au début au moins, Hitler apparaît comme une option séduisante aux hauts responsables de l'Église confessante qui ne se distinguent donc pas de la majorité des protestants sur ce point : ainsi, le 1er mai 1933 transformé en Jour de la communauté nationale est, pour le pasteur Niemöller, « un jour plein de joie, un jour qui éveille des espérances », tandis que le superintendant Otto Dibelius, autre figure de proue des confessants, dit, à propos de la victoire électorale des nazis : « Il n'y en aura que peu d'entre nous à ne pas se réjouir du fond du cœur de ce grand tournant. »

Au sein de l'Église protestante, puis confessante, Kurt Gerstein s'occupe des jeunes. Il partage leurs doutes, anime des réunions de prière, des camps, fait du sport et des randonnées avec eux. Sa personnalité charismatique aura une grande influence sur les participants. Kurt rejoint les cercles bibliques (Bund deutscher Bibelkreise) en 1928 et sera l'un de leurs principaux animateurs jusqu'à leur dissolution, en 1934. Il gagne le surnom affectueux de « Vati » par lequel les jeunes lui marquent leur affection et leur respect. Les mouvements de jeunes protestants refusent le matérialisme et préfèrent se battre pour « renouveler le peuple ».

Finalement, par glissement, l'identification entre le Roi sauveur et le Führer fait son chemin dans les rangs de l'Église allemande. Ainsi que l'explique Saül Friedländer, « il est probable que les influences combinées de l'éducation autoritaire, de la tradition nationaliste et de l'atmosphère au sein du protestantisme allemand aient contribué à la décision de Kurt Gerstein d'adhérer au parti national-socialiste le 2 mai 1933 ». Il a alors 27 ans.

De façon apparemment antithétique avec son militantisme évangélique, Kurt Gerstein rejoint les rangs du parti d'Adolf Hitler quatre mois à peine après l'arrivée de celui-ci au pouvoir. Son pasteur, à Hagen, s'entretient avec lui de cette contradiction et attire l'attention de Gerstein sur la nature sanguinaire des nazis, mais il n'arrive pas à convaincre son paroissien de rester hors de la vie politique nationale. Kurt Gerstein ne s'arrête d'ailleurs pas à son inscription au parti puisque, en octobre 1933, il fait son entrée dans la SA. L'entrée du chrétien convaincu Gerstein dans les rangs nazis est ambiguë, mais l'action du nazi Gerstein l'est finalement tout autant. On le verra pendant la guerre, mais, dès le début, la nouvelle recrue Gerstein donne du fil à retordre à ses supérieurs.

En effet, bien que membre du parti, Kurt s'opposera toujours aux efforts nazis pour mettre l'Église sous influence. En particulier, sur la question des jeunes, l'Église (les Cercles bibliques (en allemand, « Bund Deutscher Bibelkreise », BK), créés en 1930 et dirigés par K. Gerstein) et les Jeunesses hitlériennes (dirigées par Baldur von Schirach) se livrent une lutte sans merci qui se conclura par la dissolution des Cercles bibliques (en février 1934) et l'intégration de leurs membres aux Jeunesses hitlériennes. Le 19 décembre 1933, l'évêque du Reich annonce officiellement que les huit cent mille Jeunes Protestants rejoignent « spontanément » les Jeunesses hitlériennes. Deux jours plus tard, Kurt Gerstein envoie des télégrammes de protestation virulente à Baldur von Schirach et à l'évêque du Reich : il reproche au chef des JH « l'annihilation du protestantisme allemand » et l'avertit qu'il ne peut « pas savoir ce que cela signifie pour le peuple et l'Etat allemands ». À l'évêque Müller, Gerstein écrit : « Abandon de l'œuvre de jeunesse évangélique par l'évêque du Reich. [...] coup de poignard absolument inattendu de ce côté. L'Église meurt de la main de l'évêque. Avec honte et tristesse pour une telle Église du Christ ».

Dans son discours prononcé lors de la dissolution effective des cercles bibliques, Kurt Gerstein s'adresse à ceux de Hagen ; il dresse une analogie entre la flotte allemande qui a préféré se saborder plutôt que d'entrer dans les ports britanniques après le traité de Versailles, « quelque chose d'admirable et d'unique ». Il relève la pureté de l'étendard que les Cercles bibliques ont porté pour Jésus-Christ et pour l'Allemagne. On retrouve ici le nationalisme allemand de Gerstein et sa conviction que l'Allemagne ne peut se passer du christianisme. Il estime que les jeunes chrétiens n'ont pas été vaincus par la Jeunesse hitlérienne, bien que le combat ait été inégal dès lors qu'avait été jeté dans la bagarre le nom du Führer « vers lequel nous portons nos regards avec une gratitude émue et dont nous acceptons l'ordre sans la moindre réserve. [...] Nous abandonnons la lutte puisque l'autorité de l'État totalitaire nous a fait savoir que nous avions à nous rallier ».

Ayant malgré tout perdu la bataille pour le contrôle de la jeunesse protestante allemande, Kurt Gerstein emploie désormais son énergie à défendre « l'Église confessante ». Il s'offusque devant la violation des rares promesses faites par le pouvoir, et écrit, le 18 mars 1934 à un ami : « Témoigner devient pour moi une nécessité à laquelle je puis de moins en moins échapper. Les conditions nous sont peu favorables. [...] Mais il y a assez de travail. Nous voulons le faire. »

Kurt Gerstein va dépenser d'importantes sommes pour imprimer des milliers de brochures qu'il remplit de sa vision de l'Église, de la société, de la morale. Mais il ne s'arrête pas à ce travail de propagande. Le 30 janvier 1935, il se rend à la représentation de la pièce anti-chrétienne Wittekind, inspirée de l'histoire de Widukind de Saxe, d'Edmund Kiss à Hagen. Le spectacle a été mis sur pied par les Jeunesses hitlériennes et, si la première s'est déroulée sans incident, la deuxième représentation a été chahutée par un groupe de jeunes catholiques au point que la police a dû expulser une trentaine de personnes de la salle. Le maire de Hagen a appelé à un peu de dignité, mais la représentation suivante a de nouveau été troublée par un spectateur du premier rang arborant l'insigne du parti et venu accompagné de deux SA en uniforme ; au moment d'une réplique blasphématoire, ledit spectateur s'est levé, crie que « c'est incroyable ! Nous ne laisserons pas insulter publiquement notre foi sans protester » et se fait battre par des nazis : une blessure à l'œil, quelques dents en moins. Ce spectateur isolé venu protester bruyamment de sa désapprobation était Kurt Gerstein.

Les contradictions internes entre une foi chrétienne ardente et une adhésion aux principes nazis vont conduire Kurt Gerstein à multiplier les actes provocateurs, « les incidents avec la Hitler-Jugend et avec la Gestapo elle-même sont constamment à l'ordre du jour » ; après la perquisition de la Gestapo dans un camp de vacances qu'il anime, Kurt Gerstein n'hésite pas à écrire au bureau de Dortmund : « Puisque vous vous intéressez si activement aux questions de la jeunesse, vous pourriez peut-être, en tant que police secrète d'État, veiller à assurer le respect de jure et de facto du droit souvent confirmé par le Führer de croire et de pratiquer sa religion, droit qui appartient également à la jeunesse. C'est alors que, dans le cadre du grand idéal d'une Allemagne nationale-socialiste, la paix et l'unité reviendront au sein de la jeunesse [...]. Mais vous ne pourrez atteindre ce but par des mesures ne provoquant que l'amertume, du genre de celles que vous avez prises, Heil Hitler... ». Une nouvelle fois, Kurt Gerstein mêle l'approbation des idéaux nazis avec une ferme protestation devant leur non-respect par les organes du pouvoir, sans craindre apparemment de représailles.

Cependant, ses amis constatent qu'il devient de plus en plus fébrile, qu'il se disperse dans des activités multiples, et frôle le surmenage. Pendant ces années, Kurt Gerstein cède régulièrement à l'ironie et au persiflage – ce qui lui vaudra d'ailleurs sa première arrestation, le 26 septembre 1936, puis son exclusion du parti nazi le 15 octobre 1936 pour « activités contre le parti et l'État ». La cause en est une nouvelle provocation : chargé d'organiser à Sarrebruck le premier congrès des mineurs allemands après le retour de la Sarre dans le giron allemand, Kurt Gerstein joint aux cartons d'invitation deux papiers sur lesquels il avait écrit : « Compartiment pour voyageurs accompagnés de chiens enragés. » et « Compartiment pour voyageurs atteints de maladie contagieuse. » La police découvrit en outre à son domicile plus de mille lettres destinées à des hauts fonctionnaires du gouvernement ou de la justice, et contenant des brochures interdites de l'Église confessante ; les brochures avaient des titres tout à fait explicites : Déchristianisation de la jeunesse, Un mot au sujet de la situation de l'Église, Commentaire au procès-verbal de gendarmerie (Penzberg/Obb) sur le refus de pavoiser les églises le 1er mai 1936, Sermon prononcé le 3 mai 1936 par le pasteur Humburg (Wuppertal). La police trouva aussi 7 000 enveloppes vides mais pré-adressées à d'autres hauts fonctionnaires de la justice. Lors de son interrogatoire, Kurt Gerstein a justifié son action par le fait qu'il avait constaté auprès des collègues de son père qui visitaient la maison familiale que « la magistrature allemande n'était pas informée, comme il aurait été souhaitable dans cette profession, de l'ampleur de la lutte contre l'Église ».

Diffuser de tels pamphlets viole la loi nationale-socialiste sur « la défense de l'uniforme et du parti » promulguée le 20 décembre 1934. Les interventions de hauts dignitaires de l'Église confessante et de Louis Gerstein n'éviteront pas à Kurt six semaines de détention à Sarrebruck et l'exclusion du parti NSDAP, prononcée le 15 octobre 1936 par le tribunal du Gau de Sarre-Palatinat qui reconnaît pourtant comme circonstance atténuante le fait que Kurt Gerstein « aurait agi par conviction religieuse, ce qui semble plausible ».

En effet, il obtient son diplôme d'ingénieur des mines en 1931. Durant quelques années, il travaille sans faire de vagues, progressant dans la hiérarchie de l'industrie minière. En 1935, il est employé aux Mines de la Sarre, une exploitation d'État (les Sarrois ont voté massivement pour un retour dans le giron de l'Allemagne). C'est là que les fils professionnel et politique de la vie de Kurt Gerstein se rejoignent, puisque c'est dans le cadre de l'organisation d'un congrès des mineurs de la Sarre qu'il provoque son arrestation, puis son exclusion du parti à l'automne 1936 (voir ci-dessus). Si l'exclusion du parti au pouvoir est en soi un coup dur, surtout pour Louis Gerstein qui est un nazi convaincu, elle a également des conséquences importantes et directes sur la vie professionnelle de Kurt : sans carte du parti, impossible de travailler pour l'État. Or, la grande majorité des mines appartient à l'État et l'ingénieur des mines Gerstein, jeune fiancé à la fille d'un pasteur, Elfriede Bensch, se retrouve privé de toute perspective d'emploi dans sa spécialité.

D'intenses efforts sont déployés par la famille Gerstein (le père et certains frères) pour que Kurt soit réintégré dans le parti – seule solution pour retrouver un emploi rémunéré. Apparemment poussé et contraint par ses proches, Kurt Gerstein écrit une lettre au tribunal régional du parti le 28 novembre 1936 où il plaide pour son retour et assure de sa loyauté en mettant en avant notamment qu'il a « lutté des années durant contre les attaques judéo-bolchéviques menaçant la force populaire allemande, [...] contre les entreprises scandaleuses judéo-galiciennes Fromms Act et Prim Eros qui distribuaient, par l'intermédiaire de la ligue communiste pour la protection de la mère, des millions d'échantillons gratuits de préservatifs parmi les tout jeunes adolescents. » En conséquence de quoi, il poursuit : « Je n'essaie pas d'échapper à ma peine, car je reconnais pleinement l'avoir méritée. Je demande cependant qu'on m'épargne la sanction la plus sévère, celle de l'exclusion ». Il comparaît début janvier devant le tribunal régional du parti à Bochum, puis s'adresse fin janvier au Tribunal suprême de la NSDAP à Munich, toujours pour faire annuler son exclusion.

Mais la réponse positive tant attendue tarde à venir, et Kurt Gerstein s'installe à Tübingen. Il y débute des études de théologie mais se tourne rapidement vers la médecine tropicale, qu'il étudie à l'Institut des missions protestantes.

Peu motivé par ses études et sans source de revenus, Kurt Gerstein s'évade dans les activités religieuses et la diffusion de brochures qu'il a lui-même écrites. Il y disserte surtout sur les problèmes moraux des jeunes hommes dans l'Allemagne des années 1930. Il s'efforce de démontrer que nationalisme et christianisme peuvent faire bon ménage, mais que les « chrétiens allemands » sont dans l'erreur. Il organise même des conférences où il sensibilise la jeunesse aux défis de l'époque, mais sans franchir la ligne rouge. Malgré cette prudence nouvelle, il est à nouveau arrêté le 14 juillet 1938, car « son comportement nuisait aux intérêts du peuple et de l'État » ; en réalité, Kurt Gerstein est accusé d'être impliqué dans un complot monarchiste. L'enquête démontrera pourtant que s'il était au courant du projet, il n'y a pas participé activement : entre-temps, il aura passé six semaines au camp de concentration de Welzheim, une expérience traumatisante qui le marque pour le restant de ses jours et affaiblit son organisme (problèmes cardiaques, tension nerveuse). Cet épisode pénible n'aura pourtant pas eu que des côtés négatifs, puisqu'au cours de l'enquête, Kurt Gerstein croise un agent de la Gestapo qui est sensible à ses thèses, Ernst Zerrer, et œuvre à sa libération somme toute rapide qui a lieu le 28 août 1938.

À sa sortie du camp, après avoir obtenu un non-lieu sur l'accusation de haute trahison, Kurt Gerstein est totalement démuni financièrement, d'autant plus qu'il a dépensé d'importantes sommes de son capital personnel dans la production et la diffusion de ses brochures. Louis Gerstein, bien qu'en opposition avec son fils sur le plan des idées et de la philosophie de vie, ne ménage pas ses efforts pour assurer un emploi à Kurt, et pour obtenir sa réintégration au parti nazi : le 9 septembre 1938, il plaide une nouvelle fois la cause de son fils auprès du tribunal du parti, expliquant l'urgence d'une réintégration : « Il [...] est incapable de subvenir [...] à ses besoins et à ceux de sa famille [...] Mon fils a donc de gros soucis, le plus dur étant l'incertitude en ce qui concerne son avenir. »

Pour se refaire une santé morale, Kurt Gerstein et sa jeune épouse entreprennent une croisière à Rhodes en octobre 1938. Il profite d'une escale en Italie pour écrire à un parent émigré aux États-Unis et lui faire part de ses intentions d'émigrer outre-Atlantique. La vie en Allemagne est désormais devenue dangereuse pour lui : l'Église confessante a été décapitée, 804 paroissiens ou cadres ont été arrêtés pour la seule année 1937, le pasteur Niemöller est en camp (il n'en ressortira pas avant de nombreuses années), et toute incartade enverrait indubitablement Kurt Gerstein derrière les barreaux sans nouvelle possibilité de libération au vu de ses lourds antécédents. Si la lettre au cousin d'Amérique est pleine de désespoir, la missive qu'il envoie pratiquement simultanément à son père (qui s'affaire toujours à obtenir la réintégration de Kurt dans le parti) est au contraire une profession de foi dans l'avenir radieux de l'Allemagne nazie.

Enfin, après une attente interminable pour toute la famille Gerstein, le tribunal du parti nazi transforme l'exclusion de Kurt Gerstein en congédiement, le 10 juin 1939. La réintégration pleine et entière n'a pas été obtenue, mais être congédié n'est pas une cause d'empêchement au travail : l'objectif principal a donc été atteint. Avec le soutien d'un ami de la famille, grand industriel, Kurt Gerstein trouve presque immédiatement un emploi à Merkers (Thuringe), dans une mine de potasse exploitée par la société (privée) Wintershall ; il y restera en poste jusqu'en octobre 1940. Il se porte volontaire pour la Wehrmacht en octobre 1939 et la Luftwaffe en juillet 1940 (sans suite) puis en décembre pour la Waffen-SS. Durant toute cette année, il a assidûment fréquenté les cercles nazis et collaboré avec la Jeunesse hitlérienne, « à des échelons assez élevés » comme il le précise à un ami. En octobre, il quitte Wintershall pour rejoindre la fabrique de pompes pour locomotives de son grand-père, à Dusseldorf où il restera jusqu'au 5 mars 1941.

En février 1941, sa famille reçoit l'urne funéraire de Berthe Ebeling, une parente, malade mentale, prétendument morte naturellement en clinique psychiatrique. Kurt Gerstein réagit violemment, clamant qu'elle a été assassinée à Hadamar, dans le cadre du programme Aktion T4, vaste entreprise d'euthanasie entrepris par les autorités contre les « aliénés » (malades mentaux, handicapés, etc.). Sa décision est prise, il va plonger au cœur du pouvoir, là où de tels programmes sont supervisés, afin de comprendre ce qui s'y passe.

À ses amis protestants ahuris par un tel retournement chez leur « Vati » qui avait toujours prôné la résistance, il justifie son entrisme par son désir « de savoir ce que font ces gens [...], d'en contrôler la direction [...] et de clamer [leurs crimes] à tout le peuple » ; eux le perçoivent comme une folie ou une trahison, et il perdra plusieurs amis à cette occasion. Il reçoit la réponse, positive, à sa demande en mars. Dans son rapport, Kurt Gerstein explique cette surprenante décision (au vu de ses précédents déboires avec la justice nazie) par « l'aide de deux références d'agents de la Gestapo ». L'un d'eux, Ernst Zener, a, par la suite, nié le fait et suggéré plutôt l'action discrète d'une très haute personnalité. Celle-ci semble bien être Walter Schellenberg, général et chef du SD, contacté par Gerstein père par l'entremise d'un ami commun. Quoi qu'il en soit, Kurt Gerstein l'activiste confessant est désormais admis dans la SS et il y restera jusqu'à la fin de la guerre.

Du 10 mars au 2 juin 1941, Kurt Gerstein suit l'instruction à l'école du régiment « Germanie » à Hambourg-Langenhorn, puis à Arnheim avec une quarantaine d'autres médecins. En raison de son double statut d'ingénieur diplômé et de sa formation médicale, il est affecté à l'institut d'Hygiène, à l'état-major de Berlin, dans le département « Hygiène de l'eau » dirigé par le docteur Krantz.

L'institut d'Hygiène de la Waffen-SS est notamment chargé de la supervision sanitaire des camps de concentration et, sous couvert de désinfection, de la confection des gaz toxiques ; Kurt Gerstein écrit au sujet de son affectation dans ce haut lieu du pouvoir nazi : « Un hasard extraordinaire ressemblant étrangement au destin me mit en situation de jeter un coup d'œil exactement là où, de toutes les fibres de mon cœur, je voulais voir clair. Parmi les milliers de postes possibles, on m'avait confié juste celui qui s'approchait le plus de cette sorte de chose. Si j'y pense, compte tenu de mon passé, cela me semble incroyable. Vraiment, le SD et plus encore le RSHA (office central de sécurité du Reich) ont magnifiquement dormi. Ils ont rendu le bouc jardinier ». Pour Pierre Joffroy, Kurt Gerstein est un « archange qui a réclamé un strapontin à l'enfer - et qui l'a obtenu. »

À la suite d'un stage à l'école des désinfecteurs, à Oranienburg, il est en effet affecté à la prévention des épidémies, essentiellement le typhus, dans la troupe et les camps, par le traitement de l'eau et la désinfection. Il met au point un système novateur de désinfection de l'eau qui lui vaut les félicitations de ses supérieurs et une promotion : il est nommé, en novembre, sous-lieutenant et chef du département « Hygiène technique » (ensemble des moyens de désinfection). Il voyage beaucoup dans divers pays d'Europe, dont la France, où sont fabriqués les équipements (appareils, véhicules) utilisés dans ces buts. Il visite aussi les casernes et les camps de prisonniers qui doivent être équipés de ce nouveau système de désinfection, ou nécessitent des campagnes de désinfection active contre la vermine.

En novembre 1941, il est reconnu par l'un des magistrats qui avaient prononcé son exclusion du parti nazi quelques années plus tôt ; le juge n'était manifestement pas informé de la réintégration de Kurt Gerstein, et s'offusque de le voir porter l'uniforme SS à l'enterrement de son frère Alfred Gerstein. Le magistrat dénonce le passé tumultueux de Kurt Gerstein aux services de Heinrich Himmler, et le SD en informe le chef de l'institut d'Hygiène, Joachim Mrugowsky. Kurt Gerstein est à nouveau sous surveillance de la Gestapo, interdit d'uniforme et de port d'arme, et son pouvoir à donner des ordres est restreint ; mais il n'est pas licencié car ses connaissances professionnelles sont précieuses à l'institut d'Hygiène et son chef Mrugowsky l'a pris sous sa protection à la suite d'échanges de bons procédés, une technique louvoyante dans laquelle Kurt Gerstein excelle. Sa mutation, pourtant exigée par le parti, est également refusée.

Kurt Gerstein poursuit ses activités souterraines anti-nazies et en faveur de détenus des camps : par exemple, lorsqu'il inspecte les camps dans le cadre de ses activités de désinfection, il « oublie » souvent de la nourriture ou des cigarettes dans les quartiers réservés aux prisonniers. Parallèlement, il fait engager à l'institut d'Hygiène plusieurs personnes qui lui sont totalement loyales, dont Horst Dickten, dont il avait été le tuteur.

C'est début juin 1942 qu'a lieu, d'après le témoignage de Kurt Gerstein, une soudaine mission ultra-secrète confiée par le Sturmbannführer Günther, chef de la section évacuations du bureau des affaires juives dirigé par Eichmann au RSHA : convoyer et tester du cyanure de potassium (d'acide prussique, dans son « rapport »), dans le camp d'extermination de Belzec, en Pologne occupée. L'objectif était de remplacer le procédé de mise à mort à l'oxyde de carbone par le Zyklon B. L'inspection donna lieu à un incident regrettable. Le moteur diesel tomba en panne et l'opération de gazage s'éternisant, Christian Wirth, le commandant du camp, demanda à Gerstein que le nouveau procédé proposé pour Belzec ne soit pas retenu à Berlin, ce à quoi Gerstein consentit et en conséquence il fit enterrer les 100 kg de zyklon apportés sur place. Dans le train du retour, le 20 août, il se confie à un inconnu, secrétaire du consulat de Suède à Berlin, le baron Göran von Otter, lui faisant le récit de l'extermination d'un groupe de déportés. Le rapport que fit ce dernier de cette rencontre resta dans les tiroirs bien que, « à cette époque, des rumeurs circulaient déjà sur l'extermination ». À Berlin, Kurt Gerstein se rend ensuite à la nonciature du pape, mais se fait éconduire. Il ne s'en « remettra jamais tout à fait ». Il continuera cependant à vouloir alerter diverses autorités religieuses locales ainsi que les États neutres, en pure perte. Sa dernière tentative fut, par ses contacts néerlandais, de faire passer son récit aux Britanniques. Mais, en réponse, on le pria « de ne plus fournir d'atrocités inventées ».

Pressentant la fin du régime proche, Kurt Gerstein quitte Berlin en mars 1945 sous le prétexte d'un déplacement professionnel. Il arrive le 26 mars à Tübingen où il passe quelques jours avec sa femme et ses trois enfants. Ainsi que l'explique Elfriede Gerstein dans une lettre datant de 1965, son mari pensait que les Américains étaient plus près de Tübingen qu'ils ne l'étaient en réalité. Coupé malgré tout de Berlin par la ligne de front, il ne peut regagner la capitale. Ne voulant pas mettre sa famille en danger, il quitte Tübingen et ne reverra plus sa femme et ses enfants : il lui est désormais impossible de revenir à Tübingen car la ville est tombée aux mains des Alliés. Il trouve alors refuge à Urach chez des amis médecins où il vit jusqu'à ce que la rumeur annonce l'arrivée dans la bourgade d'un détachement SS : désormais considéré comme déserteur (n'ayant plus donné signe de vie à ses supérieurs depuis près d'un mois), tomber sur des SS en déroute aurait été le pire qui puisse arriver à Kurt Gerstein. Il ne lui reste plus qu'une solution, se rendre aux Alliés, et plus précisément aux Français qui sont dans la région.

C'est ainsi que, le 22 avril 1945, Kurt Gerstein se livre au commandement français établi dans la ville de Reutlingen et fait état de son passé anti-nazi. À Rottweil, où il est tenu prisonnier sur parole jusqu'au 26 mai, il rédige un texte en témoignage de son opposition au régime hitlérien et dénonçant les crimes nazis : « Mon activité au SSFHA était a priori une pure activité d'agent au service de l'Église confessante » écrit-il à son épouse le 26 mai. Il quitte Rottweil pour être mis à la disposition de l'ORCG (Organe de recherche des crimes de guerre). Cet avenir proche lui inspire confiance : « on s'intéresse très fortement à mon cas et [...] je dois comparaître devant la Cour internationale de justice en qualité d'un des principaux témoins contre les criminels de guerre » confie-il à sa femme ce même jour. À Paris, il est soumis à des interrogatoires. Le 26 juin, devant le commandant Beckhardt, officier de l'ORCG, il se présente comme « chef de la résistance protestante, en liaison avec la résistance hollandaise [...], avec la résistance de Suède [...] et la résistance de Suisse ». Il expose qu'il « reconnaissait le projet d'utilisation du cyanure et était décidé à 1. essayer d'en faire disparaître ; 2. de faire savoir aux ouvriers qui le fabriquaient que ce produit était destiné à tuer des êtres humains ». Le lieutenant-colonel Mantout, chef de l'ORCG, qui avait assisté à l'interrogatoire, rapportera plus tard qu'il avait vu en Gerstein « un mystique traumatisé et désespéré de n'avoir pas été pris au sérieux, ni par les Allemands, ni par les Alliés ».

Oranienburg-Sachsenhausen

Les 13 et 19 juillet, Kurt Gerstein résume ainsi sa carrière au juge d'instruction : « Au début, je n'avais aucun emploi défini. [...] Mais, plus tard, je demandais à m'occuper plus spécialement des appareils de désinfection et des questions d'eau potable [...] En gros, je remplis ces fonctions jusqu'au mois d'avril 1945 [...] remplissant de temps à autre quelques missions auprès des firmes qui fabriquaient les différents appareils utilisés dans le service [...] et examiner et contrôler les installations sanitaires d'Oranienburg (deux fois), Droegen (deux fois), RavensbruckBelzecTreblinka et Maidaneck, et enfin Heinkelwerk. »

Après avoir été soupçonné d'être celui qui a mis au point la chambre à gaz homicide, son récit de la mission dont il avait été chargé laissant apparaître « trop d'invraisemblances » aux yeux des officiers français, il est inculpé de participation directe ou indirecte à l'assassinat de nombreux déportés [...] en fournissant deux cent soixante kilogrammes de cyanure destinés à asphyxier les victimes dans les chambres à gaz. À la prison du Cherche-Midi, où il reste incarcéré dans l'attente de passer devant la justice militaire, il est placé en isolement cellulaire le 20 juillet. Dans une lettre inachevée, il demande à un ami hollandais de témoigner en sa faveur. Il est trouvé pendu dans la journée du 25 juillet.

Le témoignage de Kurt Gerstein est constitué de deux séries de documents :
 

  • le « rapport » spontané qu'il rédige durant le mois suivant sa constitution en prisonnier dans un « français hésitant », selon les termes de Léon Poliakov ;
  • les interrogatoires menés à Paris, principalement celui du 19 juillet. Les explications de Gerstein peuvent être scindées en deux parties : la mission jusqu'au camp de Belzec et le séjour à Belzec (ainsi que la visite de Treblinka et Maidanek).


L'interrogatoire du 19 juillet est la source principale pour la première partie ; le rapport, celle pour la seconde.

Les extraits reprennent tel quel le texte du rapport de Kurt Gerstein, dans la version éditée par Pierre Joffroy en annexe à son ouvrage L'espion de Dieu. La passion de Kurt Gerstein ; on y trouve des fautes de syntaxe, d'orthographe et de style, ainsi que des incohérences typographiques, mais c'est ainsi que Kurt Gerstein s'est exprimé au moment de sa détention par les Alliés.

Mémoiresde guerre

Première partie

Début juin 1942, le Sturmbannführer (commandant) Günther apparaît dans son bureau pour lui donner l'ordre de prendre livraison, à Kollin, près de Prague, de deux cent soixante kilogrammes de cyanure de potassium (cent kilogrammes d'acide prussique selon le « rapport ») et le transporter en un lieu connu du seul chauffeur de la voiture (le camion, dans le « rapport »), lui-même de l'Office central de sécurité. Il précise aussi que c'est lui-même qui fixa la quantité de produit à prendre de manière à « utiliser à fond la capacité de transport de la voiture » et choisit l'usine de Kollin. On lui souligne que cette mission se fera sous le sceau du secret d'État. Kurt Gerstein dit avoir été choisi « au hasard d'une désignation provenant d'un chef quelconque » du département de chimie auquel Günther se serait adressé, et « parce qu'on le considérait comme un spécialiste de l'utilisation du cyanure pour la désinfection », qui est placé, dit-il, dans les locaux « de manière à ce que le liquide se rendit volatil ». Pour ce qui est de la procédure d'utilisation homicide du cyanure de potassium, Kurt Gerstein affirme que « Günther n'en avait pas la moindre idée. Il supposait que je devais en avoir une. Mais, en réalité, je n'en avais pas... ». En plus du convoyage, il aurait été « chargé de prendre toutes dispositions utiles pour [...] remplacer comme moyen d'extermination le moteur Diesel à échappement toxique par l'emploi du cyanure ».

À Kollin, ils prennent livraison de quarante-cinq bouteilles d'acier contenant le cyanure ainsi qu'un passager, le docteur Pfannenstiel « ayant encore de la place à la voiture ». Du chauffeur, il reçoit « en cours de route [...] des instructions [pour se] rendre à Lublin, auprès du Gruppenführer (général de division) SS Globocnek qui commandait les quatre camps d'extermination ». Attendu, il est reçu en audience le 17 août. Le général lui révèle qu'il venait, l'avant-veille, de recevoir la visite d'Hitler et Himmler, venus lui demander une accélération du processus. Il lui précise : « cette chose est des plus secrètes qu'il y a. Quiconque en parle sera fusillé. Hier, deux parleurs sont morts. [...] Il y a trois installations

 

1. Belzec [...], maximum par jour 15 000 personnes ;
2. Sobibor [...], 20 000 pers. p. jour ;
3. Treblinka [...], 25 000 par jour ;
4. Maidannek, vu en préparation. »

 

Il lui donne l'ordre de se rendre à Belzec, précisant qu'il irait également « car nul ne pouvait être reçu au camp sans être présenté par le général en personne ». L'une des bouteilles de cyanure fut, en cours de route, « vidée par mes soins avec toutes les précautions voulues, car c'était dangereux. [...] Les quarante-quatre bouteilles restantes n'ont pas été portées au camp de Belzec mais furent dissimulées par le chauffeur et moi-même à douze cents mètres environ du camp ». Cela fut possible car « le chauffeur a eu peur en cours de route et, alors que nous avions chargé le poison, il n'a pas mieux demandé que de me voir débarrasser la voiture de ce qui, pour lui, constituait un danger ». À Belzec, ce 18 août, il justifie ainsi la non-livraison : « J'ai indiqué au commandant du camp le danger que présentait le cyanure en lui faisant connaître que je ne pouvais prendre la responsabilité d'emploi du cyanure que j'avais apporté. Le commandant était un homme peu cultivé et s'est contenté de mes explications, disant par ailleurs être satisfait du système d'extermination en usage. »

Majdanek

Au commandant Mattei qui exprimait son incrédulité : « Vous avez [...] reçu à Berlin une mission [...] si importante que vous deviez l'accomplir comme un secret d'État ; vous avez visité trois camps, vous avez été reçu en audience par un général qui, étant donné le but de votre mission, a cru devoir vous rapporter les propos mêmes des deux grands chefs nazis. Comment pouvez-vous persister à nous faire croire :

 

1. que vous n'avez pas rempli le but même de votre mission ;
2. que vous n'avez rendu compte à personne de celle-ci ;
3. que personne ne vous a non plus rien demandé à ce sujet »

 

Kurt Gerstein répond « le Hauptmenn politzei Wirth [le véritable commandant du camp, présent le lendemain de l'arrivée de Gerstein] avait une telle position personnelle auprès de Hitler et Himmler qu'il put me dire de ne plus m'occuper de cette affaire. » Le 20 août, il est emmené à Majdanek et Treblinka « par le Hauptmann Wirth et le professeur docteur Pfannenstiel pour [examiner] sur place les possibilités de remplacer le système d'extermination employé (moteur Diesel à dégagement toxique) par le cyanure ».

Seconde partie

Selon son rapport, Kurt Gerstein arrive le 17 août 1942 à Belzec. L'Hauptsturmführer (capitaine) Obermeyer de Pirmasens, à qui le général Globocnek le présente, lui fait visiter les lieux. Il note la présence, ainsi que dans toute la région, d'une odeur pestilentielle (venant des fosses où sont jetés les corps des suppliciés). Le lendemain, il assiste à l'arrivée d'un premier convoi de déportés, « 45 wagons, contenant 6 700 personnes, 1 450 déjà morts à leur arrivée ». On fait se déshabiller les cinq mille deux cent cinquante survivants (7 × 750). Un petit garçon juif de 4 ans leur distribue des ficelles pour relier les chaussures. Les femmes vont se faire couper les cheveux, lesquels sont mis dans des sacs. « Guidés d'une jeune fille extraordinairement belle, [...] totalement nus, les hommes, les femmes, les jeunes filles, les enfants, les bébés [...] se dirigent vers les chambres de la mort [...]. La majorité [d'entre eux] sait tout. L'odeur [de puanteur] leur indique le sort [...]. La plupart sans mot dire » entrent dans les chambres, « Les hommes nus sont debout au pied des autres, 700-800 à 25 mètres carrés, à 45 m cube ! [...] ». Les portes se referment. Mais le moteur Diesel ne démarre pas. Gerstein et Pfannenstiel attendent et observent, Wirth fulmine. À la lucarne de la porte en bois, Gerstein, montre à la main, note : « 50 minutes, 70 minutes, le diesel ne marche pas ! Les hommes attendent dans leur chambre à gaz. [...] Après deux heures 49 minutes – la montre a tout régistré – le diesel commence. Jusqu'à ce moment, les hommes dans les quatre chambres déjà remplis vivent, vivent, 4 fois 750 personnes à quatre fois 45 mètres cube » ! De nouveau 25 minutes passent : « beaucoup, c'est vrai, sont morts [...] Après 28 minutes, encore peu survivent ; après 32 minutes, enfin - tout est mort ! - De l'autre côté, des travailleurs juifs ouvrent les portes de bois [...]. Comme des colonnes de Basalte les morts sont encore debout, étant pas la moindre place de tomber ou de s'incliner [...]. On jête les corps bleus, humides de soudre [...]. Des dentistes arrachent par moyens de martels les dents d'or [...]. Les corps nus furent jetés dans les grandes fossées de 100 × 20 × 12 mètres environ, situés auprès des chambres de la mort. Après quelques jours, les corps se gonflaient et le tout s'élevait de 2-3 mètres par moyen de gaz, qui se formait dans les cadavres. Après quelques jours, le gonflement fini, les corps tombaient ensemble. Autre jour, les fossées furent remplies de nouveau et couvertes de 10 cm de sable ». Le lendemain, 20 août, il visite Treblinka : « 8 chambres à gaz et vrais montagnes de vêtements et de linge, 34-40 m environ d'altitude ». Kurt Gerstein déclare avoir également visité Maidanek (« vu en préparation »).

Kurt Gerstein ajoute que, au début de 1944, Günther lui demanda de grandes quantités d'acide prussique « pour un destin obscur. L'acide devait être fournie à Berlin. » Kurt Gerstein soupçonne, vu les quantités astronomiques commandées, qu'il s'agira de tuer une bonne partie du peuple allemand, les travailleurs étrangers ou les prisonniers de guerre, et il repense à la phrase de Goebbels : « “fermer les portes derrière eux, si le nacisme ne réussirait jamais”. [...] J'ai sur moi les notes de 2 175 kg, mais en véritée il s'agit de cca 8 500 kg, assez pour tuer 8 millions d'hommes. » Il fait envoyer l'acide loyalement comme désiré. Mais, aussitôt après son arrivée, il le fait employer à la désinfection [...]. « J'ai fait écrire à mon nom les notes pour - comme je l'ai dit - discretion, en véritée pour être quelquement libre dans les dispositions et pour mieux faire disparaître l'acide toxique. » Jouant sur l'autorité de la SS, il ne paie pas lesdites factures à la Degesch qui fournit l'acide.

L'interrogatoire se termine ainsi : « Dans les trois camps que j'ai visités, il est mort le jour de ma visite environ trente cinq mille juifs [...]. Sans être très précis, je puis indiquer que le système d'extermination a dû commencer au mois d'avril 1942. Je pense que l'extermination a duré toute la guerre puisque je n'ai jamais entendu dire qu'elle ait cessé. » Le service qui, à l'intérieur du RSHA, s'en occupait « s'appelait le Einsatz Reinhardtz ». Kurt Gerstein clôt son « rapport » avec la phrase : « Je suis prêt de prêter serment que toutes mes déclarations sont totalement vrais. »

Juste après la fin des hostilités, à l'été 1945, les interrogateurs français de Kurt Gerstein sont restés dubitatifs devant les monstruosités qu'ils entendaient. En 1950, la chambre de dénazification de Tübingen refuse de laver l'honneur de Kurt Gerstein. Les juges reconnaissent bien qu'en « mettant de hautes personnalités de l'Église évangélique et des membres de la résistance hollandaise au courant de ces exterminations [...] et en rendant inutilisables deux livraisons d'acide prussique, Gerstein a fait acte de résistance et a ainsi couru de grands risques ». Ils poursuivent cependant : « Au vu de l'horreur des crimes commis, cette attitude [...] ne saurait l'exonérer complètement de sa coresponsabilité. [...] Kurt Gerstein aurait dû se refuser de toutes ses forces à devenir l'intermédiaire d'une extermination organisée. La Chambre est d'avis qu'il n'a pas fait tout ce qui était en son pouvoir en ce sens, et qu'il aurait pu trouver d'autres moyens encore de se tenir à l'écart de cette action. Il n'est ni compréhensible ni excusable qu'un chrétien convaincu comme il l'était [...] ait consenti [...] à passer des commandes à l'entreprise Degesch (Deutsche Gesellschaft für Schädlingsbekämpfung, l'entreprise qui fournissait le gaz Zyklon B aux services d'hygiène dirigés par Gerstein) ». La conclusion des juges allemands, cinq ans après la fin de la guerre, est la suivante: « Qu'à lui seul il n'ait pu empêcher les exterminations ni sauver la vie, même d'un petit nombre, voilà ce qu'il aurait dû comprendre clairement, après ce qu'il avait vu à Belzec. La Chambre a donc accordé à Gerstein des circonstances atténuantes et ne l'a pas compté au nombre des criminels principaux, mais parmi les « Belastete ».

Cinq années passent encore, et le « cas Gerstein » est à nouveau devant les juges, cette fois au tribunal de Francfort qui juge en appel l'ex-directeur de la Degesch, Gerhard Peters. Le tribunal a mené une étude comparative de trois versions du rapport de Gerstein (une en français et deux en allemand), et interrogé de nombreux témoins, y compris des SS en poste à Auschwitz ou des connaissances auxquelles Gerstein s'était confié : il s'agissait de déterminer ce qu'il était advenu des quantités importantes de ce poison qui avait été livré au nom personnel de Kurt Gerstein. Au terme des auditions et du travail d'analyse sur les textes, travail que Saul Friedländer considère comme l'enquête la plus méthodique faite à ce sujet, le tribunal conclut notamment :

« Selon ces témoignages, Gerstein représentait le type d'homme qui, en vertu de ses convictions les plus profondes, désavouait, voire haïssait intérieurement le régime nazi, mais y participait pour y combattre de l'intérieur et éviter pis encore. Gerstein, cependant, n'était qu'Obersturmführer SS et ne représentait dans ce formidable engrenage qu'un rouage relativement secondaire dont le rôle était limité à un domaine bien déterminé. En dépit des efforts les plus grands et des intentions les meilleures, il n'eut pas suffisamment d'importance ni d'influence pour stopper cette machine, ou, plus précisément encore, pour agir sur ce qui sortait du cadre de son domaine. La machine était plus forte que lui. Il finit par s'en rendre compte et en souffrait manifestement beaucoup.

En résumé, le tribunal constate que :

 

  • le Zyklon B commandé par Gerstein a été livré à des fins de mise à mort ;
  • Gerstein n'a pas commandé le Zyklon B de sa propre initiative, mais sur l'ordre des SS ;
  • certes, Gerstein s'est efforcé d'employer le Zyklon B à d'autres fins qu'à des mises à mort, mais on ne peut exclure la possibilité qu'il n'y soit pas entièrement parvenu. »

 

Malgré cela, il faut encore attendre cinq ans pour que le jugement de la Chambre de dénazification de Tübingen soit remis en cause et Kurt Gerstein réhabilité. Cela se fait non dans un tribunal, mais par décision du ministre-président de Bade-Wurtemberg, Kurt Kiesinger. Le ministre déclare le 20 janvier 1965 que « Gerstein a lutté contre le national-socialisme dans la mesure de ses forces et en a souffert en conséquence ».

Cette décision suffit à réhabiliter la mémoire de Kurt Gerstein, et ouvre à sa veuve la possibilité de toucher une rente. Mais rien n'est dit sur ce que lui reprochait le tribunal de Tübingen, à savoir l'inutilité de ses efforts, opposant ainsi les « bons Allemands » innocents car n'ayant rien fait du tout, à un « chrétien nazi » coupable de ne pas en avoir fait assez : c'est dans ce paradoxe que Saül Friedländer voit toute l'ambiguïté de Kurt Gerstein et, plus largement, des personnalités fortes qui ont au cours de l'Histoire cherché à combattre de l'intérieur un régime totalitaire. Inutiles car non couronnés d'un succès absolu, les efforts déployés par ces opposants internes se transforment, après la fin du régime criminel, en culpabilité.

Dans Le Bréviaire de la Haine, paru en 1951, Léon Poliakov est le premier historien à publier et à valider le témoignage de Kurt Gerstein. Il note : « Il prit la téméraire décision d'entrer dans la SS afin de tenter de saboter de l'intérieur l'œuvre de l'extermination [...] Il tenta d'alerter le monde et réussit effectivement à contacter un diplomate suédois, le baron von Otter. Il croyait (aux dires de Von Otter) que « aussitôt que les larges masses de la population allemande apprendraient le fait de cette extermination, qui leur serait confirmé par des étrangers non prévenus, le peuple allemand ne tolèrerait plus un seul jour les nazis ». Il tenta aussi de se faire recevoir par le nonce du pape à Berlin, mais il fut éconduit. Le gouvernement suédois semble avoir fait preuve de la même prudence puisqu'une note sur cette affaire ne fut communiquée au gouvernement britannique qu'après la fin des hostilités. »

Les travaux de Saul Friedländer sur la personnalité de Kurt Gerstein, présentée dans une biographie parue en 1967, Kurt Gerstein ou l'ambiguïté du Bien, l'amèneront également à conforter la véracité du récit. L'auteur n'hésite pourtant pas à souligner les aspects ambigus du personnage, en particulier en ce qui concerne les motivations profondes qui le poussent à entrer au parti nazi puis dans la SS, et son idée de lutter pour le bien en étant au cœur du mal. Sa conclusion est pourtant que l'ambiguïté de Kurt Gerstein est en tout premier lieu due à son isolement : si des dizaines ou des centaines d'autres Allemands avaient décidé eux aussi de saboter le système de l'intérieur, Kurt Gerstein aurait été vu avec eux comme un héros et le combat de sa vie ne se serait pas transformé en sacrifice inutile qui devint culpabilité aux yeux de ses interrogateurs et des juges chargés de le réhabiliter après la guerre. Dans son ouvrage de référence sur la Shoah paru ultérieurement, L'Allemagne nazie et les Juifs, 1939-1945, Friedländer reprend le témoignage de Gerstein sur le gazage auquel il a assisté à Belzec le 20 août 1942 ainsi que sur sa tentative d'alerter un diplomate suédois sans émettre de doute quant à sa véracité. Dans ce même ouvrage, il écrit que « Gerstein était exceptionnel et seul en son genre en tant que membre moralement tourmenté mais aussi traître du système d'extermination ».

Raul Hilberg confirme pour sa part le rôle de Gerstein dans l'achat de Zyklon B destiné à Auschwitz, ainsi que son arrivée en août 1942 à Belzec où il assiste à un gazage au monoxyde de carbone qu'il chronomètre et qui dure plus de trois heures en raison d'une défaillance du moteur Diesel. Il tient aussi pour véridique le fait que Gerstein ait dévoilé « le pot-aux-roses » au diplomate suédois, le baron von Otter, lors d'un voyage en train dans l'express Varsovie-Berlin à la fin de l'été 1942. À propos de Gertsein, Uwe Dietrich Adam souligne que : « Les indications de Gerstein quant au nombre de victimes à tuer à Belzec sont tellement invraisemblables qu’un profane peut s’en rendre compte immédiatement. [...] [Le négationniste] Robert Faurisson se fonde sur cette erreur absurde pour mettre en doute globalement le témoignage de Gerstein. Mais une erreur de ce type renforce au contraire la crédibilité et la bonne foi du récit. »

En effet, le rapport Gerstein, en particulier les différences – souvent minimes – existant entre ses diverses versions disponibles et certaines erreurs de chiffre évidentes, vont être instrumentalisées par les négationnistes qui chercheront à remettre en cause toute la réalité des chambres à gaz en partant de mètres cubes mal évalués par Gerstein. Tout en ergotant sur des détails de forme, ils passent sous silence les très nombreux témoignages confirmant le fond du récit de Kurt Gerstein, ne serait-ce que celui du médecin nazi Pfannenstiel qui accompagnait Gerstein à Belzec, et qui a déposé à deux reprises devant la justice allemande après la guerre.

En 1985, Henri Roques soutient une thèse en Lettres à l'université de Nantes intitulée Les confessions de Kurt Gerstein. Étude comparative des différentes versions, à tendance négationniste. Son jury se composant de personnalités professant des idées similaires, la thèse est acceptée dans un premier temps, avec la mention « très bien ». Cependant, cette reconnaissance universitaire d'idées négationnistes provoque un scandale conduisant à l'annulation de la thèse, et à la mise à la retraite d'office de Pierre Zind, l'un des membres du jury. La thèse est ensuite analysée et sévèrement démentie par plusieurs historiens dont Pierre Bridonneau ou Pierre Vidal-Naquet, qui écrit notamment : « Il ne pose pas la vraie, la seule question : y a-t-il, oui ou non, des témoignages et des documents qui attestent que Kurt Gerstein a effectivement assisté à un gazage à Belzec ? Or, ces témoignages, directs ou indirects, existent et sont parfaitement probants. [...] Gerstein [...] n'était certes pas le témoin idéal dont rêvent les présidents de cour d'assises, mais son récit est amplement vérifié. Une fois encore, le révisionnisme apparaît comme une entreprise de déréalisation du discours et sa littérature est un pastiche, un pastiche de l'Histoire. »

Ce tableau peint par Henri Matisse en 1898 avait été découvert en 1948 par la gendarmerie nationale dans une cache aménagée par Kurt Gerstein près de Tübingen (alors en zone française d’occupation). L'œuvre avait été confisquée à son propriétaire juif et était sans doute arrivée entre les mains de Gerstein par l'intermédiaire de Hans Lange, un de ses amis d'enfance qui était marchand de tableaux à Berlin et était un des principaux liquidateurs des collections juives spoliées en Allemagne. Perdu dans les méandres de l'administration, le tableau est finalement identifié à la suite de l'exposition « A qui appartenaient ces tableaux » organisée à l’initiative du ministère de la Culture et de la Communication et du ministère des Affaires étrangères, successivement au Musée d’Israël à Jérusalem et au Musée d'art et d'histoire du judaïsme à Paris. Il est restitué le 27 novembre 2008, par Christine Albanel, ministre française de la Culture, aux héritiers de son propriétaire précédent, Harry Fuld Junior.

McCarthy Joseph

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Joseph Raymond McCarthy, né le 14 novembre 1908 à Grand Chute dans le Wisconsin, décédé le 2 mai 1957 à Bethesda dans le Maryland, était un homme politique des États-Unis d’Amérique, affilié à l'origine au Parti démocrate, puis au Parti républicain. 

Joseph McCarthy

Joseph McCarthy

McCarthy a occupé le poste de sénateur de l'État du Wisconsin de 1947 à 1957. En dix ans de carrière au Sénat des États-Unis, McCarthy et son équipe sont devenus célèbres pour leurs diatribes contre le gouvernement fédéral des États-Unis, et pour leur campagne contre tous ceux qu'ils soupçonnaient d'être ou de sympathiser avec les communistes. Cette période comprise entre 1950 et 1954, connue sous le nom de « Terreur Rouge » (Red Scare), a aussi pris le nom de maccarthysme.

Pendant cette période, tous ceux qui étaient soupçonnés de sympathies communistes devinrent l'objet d'enquêtes, collectivement nommées la « Chasse aux Sorcières ». Des gens des médias, du cinéma, du gouvernement et de l'armée furent accusés d'être des espions à la solde des Soviétiques. Bien que les enquêtes de McCarthy n'aient jamais conduit à des inculpations pour espionnage, des informations récemment rendues publiques indiquent que certaines des personnes qu'il soupçonnait auraient effectivement pu être coupables, notamment les époux Rosenberg, bien qu'ils aient toujours clamé leur innocence. Ces derniers travaillaient comme techniciens pour le nucléaire américain et ont été soupçonnés d'espionnage : ils furent condamnés à mort en 1953.

Le terme de maccarthisme est depuis devenu synonyme d'activités gouvernementales visant à réduire l'expression d'opinions politiques ou sociales gauchisantes, en limitant les droits civils sous prétexte de sécurité nationale. McCarthy est né dans une ferme de la ville de Grand Chute, dans le Wisconsin. Sa grand-mère paternelle était d'origine allemande, et ses trois autres grands-parents d'origine irlandaise. McCarthy abandonna ses études au lycée afin d'aider ses parents à l’exploitation familiale, pour les reprendre plus tard et obtenir son diplôme en une année, le seul de l'histoire de son lycée à avoir accompli pareille performance. McCarthy se lança simultanément dans des études d'ingénieur et de Droit, obtenant un diplôme dans cette seconde spécialité à l'université de Marquette, à Milwaukee entre 1930 et 1935, et fut admis à l'association du barreau en 1935. Tout en travaillant dans un cabinet d'avocats à Shawano, il se lança dans une campagne électorale infructueuse afin d'obtenir le poste de District Attorney sous l'étiquette démocrate en 1935. En 1939, il devint le plus jeune juge de l'histoire du Wisconsin.

En 1942, McCarthy démissionna de son poste de juge pour s'engager comme simple soldat dans les US Marines, et fut plus tard promu au grade de lieutenant. Il servit comme officier de renseignements pour une escadrille de bombardement basée dans les Îles Salomon et à Bougainville. Il participa à 11 missions comme photographe et mitrailleur de queue, obtenant une Distinguished Flying Cross en 1952 ; l'attribution de cette médaille a été plus tard soumise à enquête et fut contestée. McCarthy fut cité par l'amiral Chester Nimitz pour avoir pris l'air blessé, alors que cette blessure (un pied cassé) n'était pas une blessure de guerre. Encore en service en 1944, il fit campagne pour la nomination républicaine du Wisconsin, pour se faire battre largement par le sénateur en poste, Alexander Wiley. Démissionnant de l'armée en 1945 et réélu sans concurrent à ses fonctions judiciaires, il commença une campagne électorale systématique pour l'élection sénatoriale de 1946. McCarthy obtint de peu la nomination républicaine, mais battit facilement son concurrent démocrate, Howard MacMurray.

Les trois premières années de McCarthy au Sénat se passèrent sans incident particulier. Il était perçu comme une personne chaleureuse et amicale. Il se fit critiquer pour avoir pris la défense d'un groupe de soldats SS condamnés à mort lors d’un procès pour leur rôle dans le massacre de prisonniers de guerre américains à Malmedy et à d'autres endroits en Belgique au cours de la bataille des Ardennes en 1944. Leurs condamnations à mort furent commuées en réclusion à perpétuité grâce à McCarthy, qui contesta que l'instruction et que le procès se soient déroulés en bonne et due forme. Il relaya notamment des accusations selon lesquelles les accusés auraient été torturés durant les interrogatoires précédant le procès. De nombreuses personnes accusèrent McCarthy d'être tombé sous l'influence de néonazis.

McCarthy, en homme ambitieux et avide de popularité, fit des tournées de discours, intervenant devant de nombreuses organisations sur des sujets très divers. L'une de ses plus remarquables campagnes proposait des lois immobilières et s'opposait au rationnement du sucre. Durant la présidence de Harry Truman, son profil national s'améliora de façon spectaculaire après un discours, le 9 février 1950, devant le Club des Femmes Républicaines de Wheeling, en Virginie-Occidentale. Les paroles prononcées par McCarthy ne furent pas enregistrées de façon fiable, la présence des médias étant minimale, et sont donc sujettes à débat. Il est généralement admis qu'il exhiba une feuille de papier qu'il prétendit être une liste de communistes notoires travaillant au Département d'État. McCarthy aurait notamment déclaré : « Je tiens là une liste de 205 personnes dont le Secrétaire d'État sait qu'ils sont affiliés au Parti Communiste et qui sont néanmoins en poste et façonnent la politique du Département d'État. »

McCarthy déclara par ailleurs qu'il faisait allusion à 57 « communistes notoires », le nombre de 205 faisait référence au nombre de personnes travaillant au Département d'État et qui pour une raison ou une autre n'auraient pas dû être en poste. Ce chiffre finit par acquérir une certaine importance lorsqu'il fut utilisé comme point de départ à une accusation de parjure contre McCarthy. Il existait en effet une liste du Département d'État des employés problématiques, pour des raisons de loyauté, mais aussi pour ivrognerie ou incompétence. Le discours de McCarthy, dans un pays inquiet de l'agressivité de l'Union soviétique en Europe, et en plein procès Alger Hiss, fit l'effet d'une traînée de poudre. La population prit les accusations de McCarthy comme une explication de la chute de la Chine aux mains de Mao Zedong, et du développement de l'arme nucléaire soviétique l'année précédente.

La réaction des médias étonna McCarthy lui-même, l'amenant à réviser ses accusations et ses chiffres dans les jours qui suivirent, un mouvement qui allait devenir sa marque de fabrique. À Salt Lake City, quelques jours plus tard, il mentionna un chiffre de 57, puis au Sénat, le 20 février, le chiffre de 81 ; il donna un discours marathon détaillant chacun des cas, les preuves étant pour la plupart ténues ou inexistantes, mais l'effet du discours fut néanmoins considérable. Le Sénat convoqua le Comité Tydings pour examiner l'accusation, qui se révéla sans fondement. Trois jours après que le Comité eut écarté ces accusations, le FBI arrêtait Julius Rosenberg pour espionnage et pour sa participation dans les fuites du Projet Manhattan afin d'accélérer l'acquisition de l'arme nucléaire par l'Union Soviétique.

Pour McCarthy, il fut facile de reformuler ses accusations et de continuer à les affirmer devant la presse et au Sénat. L'utilisation habile des médias permit à McCarthy de faire couvrir largement ses nouvelles accusations, tout en laissant sous silence les anciennes qui se faisaient invalider. McCarthy se lança aussi dans la destruction politique de ses contradicteurs, une tactique couronnée par sa campagne de 1950 contre Millard Tydings, quatre fois réélu, une victoire qui intimida les critiques. McCarthy avait fait distribuer une photographie de Tydings en compagnie d'un communiste célèbre, ce qui mit un terme à la carrière de Tydings dans ce qui allait devenir « l'élection la plus sale de l'histoire de la politique américaine ». Entre 1950 et 1953, McCarthy continua ses accusations selon lesquelles le gouvernement n'agissait pas contre l'infiltration communiste dans ses rangs, tout en gagnant un vaste soutien populaire et des sources de revenus importantes. Ses finances furent l'objet d'une enquête sénatoriale en 1952, dont le rapport signalait des irrégularités et des comportements contestables, mais rien qui justifiât une action en justice. Le 19 septembre 1953, il épousa Jean Kerr, une chercheuse de son équipe.

Après le triomphe électoral de 1952, puissamment aidé par ses accusations, le Parti Républicain le nomma président du « Sous-comité sénatorial d'enquête permanent ». Néanmoins, son manque de fiabilité et sa façon de se soustraire aux questions précises ne lui firent jamais gagner la confiance du Parti (particulièrement du président Dwight Eisenhower, qui aurait déclaré « je n'irai pas faire un concours de qui pisse le plus loin avec cette espèce de putois »). L'une des têtes de Turc favorites de McCarthy fut le général George C. Marshall, que McCarthy traitait de menteur et de traître, de concert avec le sénateur William Jenner, de l'Indiana. Eisenhower écrivit un discours dans lequel il incluait une défense enflammée du général Marshall, et que les sbires de McCarthy parvinrent à lui faire retirer. Harry Truman eut un ressentiment à l'égard de Eisenhower, le traitant de couard qui devait toute sa carrière à MarshallTruman considérait Marshall comme l'un des plus grands héros de l'histoire des États-Unis.

À la différence de la « Commission parlementaire aux activités non américaines » et du « Sous-comité interne de sécurité du Sénat », le comité de McCarthy se concentrait sur les institutions gouvernementales. Il commença par une enquête sur la bureaucratie à Voice of America, et obligea au retrait de littérature prétendument pro-communiste de la bibliothèque du Département d'État. Entre temps, McCarthy continuait de porter des accusations sur des influences communistes au sein du gouvernement, exaspérant Eisenhower ; ce dernier rechignait à se confronter publiquement à McCarthy en raison de sa popularité sans cesse croissante, mais il le considérait comme dangereux et hors de tout contrôle, et entreprit de le faire démettre de son poste par des manœuvres de couloir.

Un certain nombre de personnes démissionnèrent tôt de leur poste au comité, notamment Robert F. Kennedy, qui en vint littéralement aux mains avec le conseiller en chef de McCarthy, Roy Cohn. Ces démissions entraînèrent la nomination de Matthews comme directeur exécutif. Ce dernier était un ancien membre de plusieurs organisations de « front communiste », et se vantait d'avoir été membre de plus d'organisations de ce genre qu'aucun autre Américain ; cependant, après être tombé dans la disgrâce des groupes radicaux des années 1930, il se transforma en un fervent anticommuniste. Matthews était ministre du culte méthodiste et se faisait souvent appeler « docteur Matthews », bien qu'il n'en eût pas le titre. Il démissionna plus tard, après sa description des sympathies communistes dans le clergé protestant, avec son papier titré « Les Rouges dans nos églises », qui avait fait scandale parmi les sénateurs. Pendant cette période critique, McCarthy maintint son contrôle sur le sous-comité, dictant ses choix dans l'embauche des employés ; ceci suscita plusieurs démissions supplémentaires.

En 1947, peu d'employés du gouvernement américain savaient que les preuves de l'espionnage soviétique massif au sein du gouvernement étaient récoltées par deux organisations : le FBI menait une enquête de contre-espionnage et le Signal Intelligence Service de l'armée américaine, à Arlington Hall, décryptait les communications soviétiques. Les deux services travaillaient sur le même sujet en ignorant les activités de l'autre. Aussi, lorsque McCarthy accusa le gouvernement Truman de protéger des agents soviétiques en connaissance de cause, ses accusations parurent vraisemblables à de larges franges du public américain. McCarthy et le maccarthisme étaient en partie un problème de politique électorale : il cherchait à faire voir le président Truman et le Parti démocrate comme des faibles, voire des traîtres à la solde des communistes. Ses accusations tombèrent à plat à propos de Truman, lequel, ignorant les décryptages du Projet Venona qui confirmaient l'interrogatoire de Elizabeth Bentley, considérait McCarthy comme « le meilleur atout du Kremlin » pour sa capacité à diviser le pays.

Dwight Eisenhower, candidat à la présidence de 1952, désapprouvait les tactiques de McCarthy, mais fut néanmoins contraint de faire une partie de sa tournée électorale avec lui, dans le Wisconsin. Il comptait y faire un commentaire dénonçant le programme de McCarthy, mais finit par couper cette partie de son discours, sur le conseil d'un de ses collègues conservateurs. Il fut par la suite vivement critiqué pendant sa campagne pour avoir cédé à la pression de son parti en abandonnant ses convictions personnelles. Après qu'il fut élu président, il fit clairement savoir à son entourage qu'il n'approuvait pas McCarthy, et prit des mesures actives pour obtenir l'arrêt de ses activités. La chute de McCarthy est due en partie à son attaque frontale contre le président Eisenhower. D'un côté, ce dernier, qui détestait McCarthy, travaillait en sous-main à le faire démettre et à limiter son influence ; mais de l'autre, la façon dont Eisenhower évitait la confrontation frontale pourrait avoir prolongé le pouvoir de McCarthy en démontrant que des figures aussi éminentes qu'Eisenhower n'osaient pas le critiquer directement.

À l'automne 1953, le comité McCarthy se lança dans son enquête au sein de l'Armée des États-Unis. Il cherchait, sans succès, à démasquer un réseau d'espionnage dans le Army Signal Corps. Le comité en était venu à concentrer son attention sur un dentiste new-yorkais du nom de Irving Peress, qui avait été incorporé comme capitaine dans l'armée, et qui avait refusé de répondre à des questions concernant l'appartenance à des « organisations subversives » sur les formulaires du Département de la Défense, et qui avait été recommandé à la démobilisation par le Chirurgien général de l’armée en avril 1953. Malgré ceci, il demanda et reçut une promotion au rang de major en octobre de la même année. Roy Cohn informa le conseiller de l’armée John G. Adams de ces faits en décembre 1953 et Adams promit d’ouvrir une enquête.

Comme aucune action n’avait été ouverte contre Peress le mois suivant, McCarthy le fit comparaître devant le Comité le 30 janvier 1954. Peress s’appuya vingt fois sur le Cinquième Amendement quand il fut interrogé sur son appartenance au Parti communiste, sur sa participation à une école d’entraînement communiste et sur ses efforts pour enrôler du personnel militaire dans le Parti communiste. Deux jours plus tard, McCarthy envoya une lettre au Secrétaire de l’armée Robert Ten Broeck Stevens résumant le témoignage de Peress et demandant qu’il soit appelé à comparaître devant la cour martiale, et que l’armée retrouve qui avait promu Peress, sachant qu’il était un communiste. Le jour même, Peress demanda sa démobilisation, qu’il obtint du brigadier général Ralph W. Zwicker.

En revenant sur cette question, McCarthy s'attira la fureur des médias à propos de son traitement du général Ralph W. Zwicker. Entre autres choses, McCarthy comparait l'intelligence de Zwicker à celle d'un enfant de cinq ans, et déclarait que Zwicker n'était pas apte à porter l'uniforme de général. Charles Potter fut l'un des quelques sénateurs républicains à rompre une lance contre McCarthy ; il écrivit une philippique sur la question, Day of Shame (Jour de Honte), décrivant McCarthy comme une brute terrorisant ses concitoyens. Le traitement de Zwicker, héros de guerre décoré, l'avait particulièrement indigné. Au début de l’année 1954, l’armée accusa McCarthy et son conseiller en chef Roy Cohn d’exercer des pressions pour un traitement de faveur de G. David Schine, ami et ancien adjoint de Cohn. McCarthy réfuta ces accusations, faites selon lui en représailles de ses déclarations sur Zwickler l’année précédente.

Une des attaques les plus virulentes contre les méthodes de McCarthy fut un épisode de la série documentaire See It Now animée par Edward R. Murrow (cet épisode fut le thème du film Good Night, and Good Luck. de George Clooney, sorti en 2005), qui fut diffusé le 9 mars 1954. L’émission consistait en des extraits de discours de McCarthy, où celui-ci accusait le Parti Démocrate de « vingt ans de trahison » (1933-1953), il faisait la même accusation pour les administrations de Franklin Roosevelt et Harry Truman) et insultait des témoins, incluant un général de l’armée.

Le reportage de Murrow couplé à l’affaire de David Schine la même année, déclencha une lourde perte de popularité de McCarthy car il s’agissait de la première remise en cause publique de ses agissements par des personnalités respectables. Pour contrer cette mauvaise publicité, McCarthy fit une apparition dans See It Now trois semaines plus tard en émettant diverses attaques personnelles contre Murrow. Cette réponse fut mal accueillie par le public et fit décroître d’autant plus sa popularité. En décembre 1954, McCarthy est censuré par le Sénat américain, par 67 voix contre 22, et est définitivement écarté de la politique. Trois ans plus tard, il meurt de problèmes cardio-vasculaires.

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