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8 février 1924. 17 ans avant les nazis, l'Amérique gaze son premier criminel

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Le Pointpublié le 08/02/2012 à 00h03 par Frédéric Lewino et Gwendoline Dos Santos

C'est un meurtrier d'origine chinoise, Gee Jon, âgé de 29 ans, qui a l'honneur d'inaugurer la première chambre à gaz des États-Unis, au Nevada.



Gee Jon

Gee Jon, gazé dans la prison de Carson City, au Nevada

 

Vers 9 heures du matin ce 8 février 1924, le condamné à mort d'origine chinoise Gee Jon, 29 ans, est attaché de force sur le fauteuil placé au centre de la chambre à gaz. L'homme ne semble pas apprécier l'honneur d'être le premier tueur des États-Unis à étrenner une mort douce et humaine, alors qu'ils étaient jusqu'ici pendus. Après avoir vérifié une dernière fois ses liens, les gardiens se retirent de la petite pièce. Il bouclent à triple tour la porte. Une dizaine de témoins - des reporters, des médecins et des représentants de l'armée - prennent place derrière la seule fenêtre du bâtiment pour observer les derniers instants du condamné. Bernard de la Villardière ne pouvait pas laisser passer un tel événement crapoteux sans être présent...

À 9 h 40, quatre livres d'acide cyanhydrique liquide sont déversés sur le sol dans la chambre. Normalement, le poison aurait dû immédiatement se transformer en gaz, mais il fait trop froid, pas plus de 11 °C, par la faute d'un radiateur électrique tombé en panne. Le gaz a du mal à se répandre dans la pièce. Néanmoins, cinq secondes plus tard, Gee perd connaissance, sa tête s'affaisse, mais continue à osciller durant au moins dix minutes, de haut en bas. Les autorités sont rassurées, tout a l'air de gazer au poil. Sauf pour les témoins qui se plaignent de sentir une odeur d'amande amère, le gaz doit fuir quelque part. Aussi les fait-on reculer. À 10 heures, la chambre est ouverte et des ventilateurs sont mis en route pour dissiper les dernières bouffées du poison. Ce n'est qu'à 12 h 30 que les gardiens pénètrent précautionneusement dans la chambre pour emporter le corps à l'hôpital de la prison, où sept médecins constatent la mort, mais refusent de pratiquer une autopsie par crainte du gaz qui pourrait être contenu dans le corps du condamné.

Méthode efficace et humaine

Ce Gee Jon avait débarqué de Chine quelques années auparavant. Membre d'une société criminelle chinoise, il avait reçu l'ordre d'abattre un certain Tom Quong Kee à Mina, dans le Nevada. Contrat qu'il exécute avec une belle conscience professionnelle, épaulé par un jeune complice de 19 ans. Du bon boulot, sauf qu'il se fait arrêter. À cette époque, la guerre des Tong fait rage sur la côte ouest, et les autorités sont fort aise d'attraper pour une fois un tueur. Aussi, vite fait, bien fait, il est condamné à mort. La peine de son comparse est commuée en prison à vie en raison de son jeune âge.

Normalement, Gee Jon aurait dû être pendu, mais trois ans auparavant, jugeant la pendaison trop barbare et refusant la chaise électrique, trop cruelle, l'assemblée de l'État du Nevada avait adopté le "Human Death Bill". Celui-ci institue une mort par injection de gaz létal dans la cellule du condamné, sans l'avertir, et durant son sommeil. Aussi simple et indolore que de tuer un moustique avec une bombe... En théorie du moins, car, dans les faits, l'organisation de l'exécution se révèle plus compliquée que prévu. La prison de Carson City, qui avait commandé un insecticide produit par la California Cyanide Company et utilisé pour tuer les insectes ravageant les citronniers californiens, se voit opposer un refus de livraison. L'industriel ne veut pas être mêlé à cet assassinat officiel, ce qui oblige donc le directeur adjoint de la prison à effectuer lui-même le déplacement. Nouveau souci : les quatre gardiens désignés pour l'accompagner s'y refusent. Ils sont licenciés. Finalement, le directeur adjoint revient avec 20 livres de gaz létal et un appareil de fumigation, le tout pour 700 dollars.

Il est temps de passer à l'action. La direction commence par employer la méthode préconisée par la loi, à savoir l'injection surprise du gaz directement dans la cellule du condamné à mort durant son sommeil. Mais les nombreuses fuites rendent le gaz inopérant. Si bien que le directeur se voit dans l'obligation d'ériger un bâtiment étanche spécialement destiné à cet usage. Il choisit pour cela le secteur de la boucherie de la prison. Après tout, on a l'habitude d'y manier de la viande morte... Un essai est fait avec un chat errant. L'expérience est concluante. Au Chinois, maintenant... Malgré les petits incidents, la méthode est jugée efficace et humaine. De nombreux États l'adoptent à leur tour dans l'ouest du pays.


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