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Pétain avant Pétain

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Le Figaropublié le 15/11/2010 à 12h55

Ce soir, sur France 3, «Hors-Série» dresse le portrait historiquement honnête du vainqueur de Verdun, depuis sa jeunesse jusqu'à sa mort.



Pétain avant Pétain

Le président Georges Clemenceau remet, le 8 décembre 1918 à Metz, le bâton de maréchal à Philippe Pétain

 

Nous sommes le 26 avril 1944, à Paris, à quelques ­semaines du Débarquement. Le maréchal Pétain fait un discours devant une foule très dense qui l'acclame et chante… La Marseillaise ! Cet extrait de film de l'époque survient à la fin du passionnant documentaire de 90 mn de Serge de Sampigny, Pétain, un héros si populaire, diffusé ce soir sur France 3, qui tente de percer à jour l'énigme à la fois psychologique et politique que représente aujourd'hui encore le maréchal Pétain. Ou comment le vainqueur de Verdun que Léon Blum qualifiait en 1939 de «plus noble des Français» ­allait devenir le symbole du naufrage de la France entre 1940 et 1944.

Pour tenter de comprendre l'homme Pétain, sans céder à la facilité des jugements rétrospectifs, ce document retrace sa vie à partir d'archives parfois inédites. La partie la plus originale est consacrée à Pétain avant Pétain. On a tendance à oublier que lorsque celui-ci accède à la notoriété en France, durant la Guerre de 14, il a déjà 58 ans ! Mais qui était-il auparavant?

Les images de Pétain jeune homme sont, à cet égard, étonnantes. Qui aurait pu deviner que ce soldat qui vibrait aux récits de l'aventure napoléonienne, ce libertin aimé des femmes et qui n'eut pas d'enfants - certains extraits des lettres de ses maîtresses sont lus dans ce film - ce conservateur d'instinct, mais nullement idéologue, il ne sera même pas antidreyfusard, allait devenir le promoteur d'un régime fondé sur le culte de la famille et marqué par un ­antisémitisme criminel ?

Jamais sénile

Le film montre que c'est la Guerre de 14 qui révèle Pétain à lui-même. Devenu chef charismatique, celui qui a réussi à remonter le moral des troupes après la désastreuse offensive Nivelle en 1917, va croire en sa destinée de sauveur de la patrie. Les historiens interviewés, ­depuis Marc Ferro à Henri Rousso en passant par Robert Paxton, l'auteur de La France de Vichy, l'attestent: même aux moments les plus sombres de l'Occupation, l'homme ne fut jamais sénile, contrairement à la légende. Il entraîna sciemment la France dans la voie de la collaboration avec une Allemagne détestée, car il était germanophobe, ayant comme souci affiché de prémunir les Français d'une occupation brutale et en ­escomptant, comme en 1917, le soutien des Américains, qui l'avaient reconnu. Comme l'affirmera de Gaulle: «S'il avait rejoint l'Afrique du Nord en 1942 après l'entrée des Allemands en zone ­libre, il pouvait rentrer à Paris sur un cheval blanc.»

S'il ne fait plus de doute que le choix de Pétain fut désastreux, il était mal aisé à l'époque de savoir où était son devoir. Claudel, qui proteste en 1942 contre le sort des juifs, ainsi que le film le rappelle, avait, comme Mauriac, commencé par écrire une ode au Maréchal en 1941 !

Quant à l'historien Denis Peschanski, il affirme que les mêmes qui pouvaient faire confiance à Pétain pouvaient aussi être choqués par les rafles antijuives. Concernant la détention de Pétain en 1945, Marc Ferro ajoute qu'il était si persuadé de la légitimité de ses choix qu'il pensait que de Gaulle allait le tirer de prison ! «Il y a concernant sa personne un mystère que je ne peux pas percer», dira Léon Blum lors de son procès. Formule ­emblématique s'il en est…


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