publié le 13/08/2013 à 14h54
INTERVIEW : Serge Klarsfeld, vice-président de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah
Paris, le 26 avril 2012. Serge Klarsfeld a arrêté la « chasse aux nazis » car « il n'y avait plus de criminels d'envergure encore vivants ».
Surnommé avec sa femme Beate « les chasseurs de nazis » pour avoir contribué à conduire Klaus Barbie, René Bousquet, Paul Touvier ou Maurice Papon devant les
tribunaux, l'historien et avocat Serge Klarsfled, 77 ans, estime que vouloir à tout prix juger les criminels
nazis avant leur mort est contradictoire avec le manque de preuves subsistantes pour les faire condamner.
Mort samedi, Laszlo Csatary était le criminel de guerre nazi le plus recherché. Qui
reste-t-il?
SERGE KLARSFELD.
Tous les décideurs de la solution finale sont morts. Ceux qui sont encore vivants, ce sont tous les exécutants subalternes qui avaient entre 20 et 25 ans à l'époque, ceux qui faisaient partie des
groupes d'extermination en Union soviétique ou gardaient des camps d'extermination.
Comprenez-vous l'intérêt de chasser les derniers criminels nazis, aujourd'hui très âgés?
C'est une volonté de la justice et de la société mais qui est contradictoire : d'un côté, on voudrait que le criminel nazi ne puisse pas mourir sans être condamné. Mais de l'autre, ceux qui
restent sont extrêmement difficiles à juger.
Pourquoi?
Dans les années 1960 et 1970, alors que la société ne voulait pas qu'on juge les anciens nazis, on pouvait toujours attaquer les décideurs de la Shoah en les confrontant à leur propre signature
sur les ordres écrits. Ça a été le cas pour Klaus Barbie. Aujourd'hui, on veut les juger… mais il n'y a plus de
décideur. Ceux qui restent sont ceux qui, à l'époque, étaient très jeunes, avaient les fonctions les moins visibles. Des fonctions sur lesquelles on a le moins de preuves, qu'il s'agisse des
témoins ou des documents prouvant leur implication dans la solution finale.
Il faut arrêter la chasse, alors?
Non. J'ai arrêté après la condamnation par contumace d'Aloïs Brunner (NDLR : ancien capitaine SS, condamné en France en 2001 pour crimes de guerre et crime contre l'humanité) parce qu'il n'y avait plus de criminels
d'envergure encore vivants. Mais quand on a des preuves tangibles qui rattachent des exécutants subalternes à la solution finale, il faut bien sûr les juger. C'est le cas de Hans Lipschis, interpellé en mai dernier en Allemagne et pour qui il y aura bientôt un acte d'accusation. Lui jure qu'il
était cuisinier à Auschwitz, mais la justice allemande dit avoir un document
prouvant qu'il était sur la rampe d'arrivée des convois de juifs, ce qui pourrait permettre de le condamner pour complicité de meurtre.