On nomme camp de concentration un lieu cloitré de grande taille créé pour regrouper et détenir une population considérée comme ennemie, généralement dans de très mauvaises conditions. Cette population peut se composer des opposants politiques, des résidents d'un pays ennemi, des groupes ethniques ou religieux spécifiques, des civils d'une zone critique de combats, ou d'autres groupes humains, souvent pendant une guerre.
Les personnes sont détenues à raison de critères généraux, sans procédure juridique, et non en vertu d'un jugement individuel. Le régime nazi a créé une relative confusion en utilisant le terme de camp de concentration pour désigner certains de ses camps d'extermination, il convient de les distinguer, même si les conditions de détention dans les camps de concentration peuvent mener à des niveaux de morbidité et de mortalité extrêmement élevés.
L'expression « camp de concentration » fut créée à la fin du XIXe siècle. En effet, l'innovation technique du fil de fer barbelé permit de clore de vastes espaces à peu de frais. La première utilisation de ce terme se fit à propos de la Seconde Guerre des Boers, comme innovation britannique. Il était inspiré du terme espagnol « reconcentración », utilisé par les Espagnols pendant la guerre avec Cuba (1895-1898).
Camps de concentration pour civils ennemis
Le statut d'un camp de concentration, bien qu'il soit admis par le droit de la guerre pour l'internement des civils ennemis, est difficile à justifier en ce sens qu'alors, l'internement constitue une mesure collective et non individuelle, qui ne sanctionne pas des actes individuels, mais une situation indépendante de la volonté de la personne internée.
De tels camps sont utilisés en tant que mesure conservatoire militaire : si des ressortissant du pays B vivent dans le pays A lors de la déclaration de guerre entre A et B, le pays A peut considérer que les ressortissant de B sur son territoire sont des ressortissants d'un pays ennemi, qu'il importe d'interner, pour éviter qu'ils rejoignent l'armée adverse ou se lancent dans des opérations d'espionnage. Ainsi, certains responsables des camps d'internement parleront de simples prisons élargies pour recevoir un plus grand nombre d'internés prisonniers, ou même — dans certains pays et hors temps de guerre — de « structures éducatives ».
La première apparition de la dénomination « camp de concentration » est due aux Britanniques en Afrique du Sud durant leur guerre contre les Boers ; (Guerre du Transvaal, 1899-1902) ; sur ordre du général Frederick Roberts puis de Lord Kitchener, les Britanniques y enfermaient les femmes, les vieillards et les enfants des Boers et des membre de tribus indigènes alliées.
L'idée elle-même avait été appliquée un peu plus tôt par les Espagnols à Cuba, pendant la guerre d'indépendance. Le général Valeriano Weyler y Nicolau a l'idée en 1897 de « concentrer » les populations civiles dans des places contrôlées par l'armée pour enlever tout soutien à la rébellion, près de 300 000 personnes sont ainsi déplacées dans ces camps. Les civils sont invités à rentrer dans ces camps, avec leur bétail, sous le délai de huit jours.
Passés ce délai, ceux qui se trouvent à l'extérieur sont considérés comme rebelles et donc tués. Le sénateur américain Redfield Proctor se rend sur place et visite ces camps ; il en rend compte au Sénat américain le 17 mars 1898 : « Une fois déportés, hommes, femmes, enfants et animaux domestiques sont placés sous garde armée à l'intérieur de tranchées fortifiées. [...] Concentration et désolation [...] »
Malgré la défaite espagnole, le terme, « re-concentration » (« reconcentración », en espagnol), et son principe est repris par les Anglais pour lutter contre les Boers. Un artiste français, Jean Veber, dénonce en 1901 dans l'Assiette au Beurre, les « camps de re-concentration » du Transvaal.
Il y a eu également les camps de concentration construits dès 1904 en Namibie (pays d'Afrique) pour éliminer le peuple Herero opposé à la colonisation et aux armées du chancelier Von Bülow. Le désastre humanitaire fut effrayant : plus de 70 000 hereros morts avant ou dans les camps de concentrations (pour causes de malnutrition, mauvais traitements, exécutions sommaires des malades ainsi que des plus faibles). Il ne faut pas oublier les expériences anthropologiques, scientifiques et médicales transformant les prisonniers hereros en cobayes humains.
Les camps de concentration ne sont apparus qu'après l'invention du fil de fer barbelé, qui permet de clôturer de grandes surfaces pour un coût sans commune mesure avec les moyens de détention classiques tels que les prisons.
Il faut souligner le caractère moderne de cette pratique, le traitement historiquement ordinaire pour résoudre le même type de conflit étant plutôt la réduction en esclavage ou la simple mise à mort immédiate (voir génocide). Une telle pratique fait partie des outils utilisés lors des guerres totales.
Évolution historique
D'une manière générale, tous les pays liés au premier conflit mondial ont ouvert des camps pour regrouper les civils des nations ennemies : camps pour Allemands en Australie, pour Belges en Afrique allemande, pour Autrichiens en Russie, etc. Au Royaume-Uni, 32 000 étrangers ou espions supposés ou Irlandais après 1916, ont été enfermés dans des camps comme le champ de course de Newbury, puis dans une prison de l'île de Man qui n'était pas prévue pour des civils. Des tailleurs juifs de Londres, issus de Galicie (donc de l'Autriche-Hongrie) sont aussi internés dans des camps.
La France a utilisé des camps de concentration durant la Première Guerre mondiale, dont celui de Pontmain, pour y enfermer les ressortissants allemands, austro-hongrois et ottomans présents sur son territoire à l'ouverture des hostilités. De nombreuses îles françaises de la Manche, de l'Atlantique et de la Méditerranée ont été utilisées pour implanter de tels camps. Le narrateur du Temps retrouvé, Marcel Proust, mentionne l'existence en France de camps de concentration lors de la Première Guerre mondiale, où furent internés les civils allemands présents sur le sol français lors de la déclaration de guerre.
Entre-deux-guerres
La France a aussi eu à nouveau recours à des camps de concentration à la fin de la guerre d'Espagne pour regrouper les réfugiés républicains fuyant l'avancée du camp franquiste à Gurs, Rivesaltes, Argelès-sur-Mer et Agde, bien que beaucoup de ces réfugiés n'aient pas été des ennemis. L'utilisation du terme « camp de concentration » dans ce cadre est très discutée : pas de travail forcé, libre déplacement à l'extérieur de ces camps (d'ailleurs très peu étaient fermés).
Il faut rappeler qu'environ 450 000 réfugiés espagnols arrivèrent en France en moins d'un mois, soit le premier plus grand déplacement de population du XXe siècle. Si au départ la situation de ces camps fut déplorable, très rapidement les choses se sont améliorées. Ajouter le qualificatif de concentration à ces camps est un non sens historique pour certains historiens.
Selon Geneviève Dreyfus-Armand, spécialiste de l'exil républicain espagnol : « Le terme camp de concentration peut choquer ; il est couramment utilisé dans les documents administratifs de l’époque, et le ministre de l’Intérieur, Albert Sarraut, l’emploie dans un sens « lénifiant » lors de sa conférence de presse au début de février 1939 : « Le camp d’Argelès-sur-Mer ne sera pas un lieu pénitentiaire, mais un camp de concentration. Ce n’est pas la même chose. »
Seconde Guerre mondiale
Lors de la Seconde Guerre mondiale, de nouveau, le procédé a été employé pour interner les ressortissants des pays ennemis, mais dans ce cas la police française n'a pas fait de différence entre les Allemands et Autrichiens réfugiés en France et les partisans d'Hitler dont certains avaient organisé en France, dès le temps de paix, la « cinquième colonne ». Les Britanniques aussi ont organisé des camps de concentration de civils de l'Axe. C'est ainsi que des civils allemands et britanniques du sexe masculin résidant aux Indes se sont retrouvés en 1940, internés au camp de Deraa Doun, sur les contreforts de l'Himalaya.
D'autres camps de concentration ont été ouverts aux États-Unis, notamment ceux destinés aux japonais et aux citoyens états-uniens d'origine japonaise, après l'attaque de Pearl Harbor. Bien des années après le souvenir de ces rafles de civils japonais et Nippo-Américains a refait surface. Le gouvernement des États-Unis présenta des excuses à ce sujet, en 1988. D'autre camps de concentration ont été instaurés ailleurs, entre 1940 et 1945, comme ceux du Canada destinés aux Nippo-Canadiens et, entre autres, aux ressortissants d'origine italienne et allemande, aux Témoins de Jéhovah pacifistes et aux Québécois refusant la conscription.
Des camps de concentration ont été constitués par le régime de Vichy en zone non occupée et en Afrique du Nord entre 1941 et 1944 pour interner des Juifs, des patriotes français récalcitrants et des antifascistes d'Europe centrale qui avaient trouvé refuge en France. Ceux du Sud-Algérien où ont été regroupés des engagés allemands de la Légion étrangère, sous la direction d'officiers et sous-officiers vichystes, ont été soumis à un régime tellement atroce, que plusieurs internés ont demandé, pour y échapper, à être rapatriés en Allemagne nazie. Bien qu'en France la plupart des camps de concentration de la Seconde Guerre mondiale soient imputables au régime de Vichy, celui de Gurs, destiné à regrouper les personnes de nationalité espagnole (fuyant la Guerre civile espagnole et la dictature de Franco) fut l'œuvre de la Troisième République. Il faut signaler ici le cas du camp de concentration de Jasenovac, un camp de l'État indépendant de Croatie d'Ante Pavelić. Dans ce camp dirigé par des Oustachis, furent tués de 45 000 à 80 000 Serbes, Croates, Juifs, Tziganes et opposants.
Après 1945
Certains camps nazis ont été « réutilisés » après la libération pour les prisonniers de guerre ou des civils français et allemands, comme par exemple le camp de Zgoda. Des camps de regroupement ont été créés pendant la guerre d'Algérie pour permettre le contrôle des populations algériennes. Par contre, les camps de regroupement de harkis après les accords d'Évian ne sont pas des camps de concentration : ils n'en n'avaient pas le caractère (les harkis, loin d'être des ennemis de la France, l'avaient au contraire servie, ils étaient de plein droit citoyens français, et ces camps ne comportaient ni régime carcéral, ni brimades), mais constituaient tout de même des camps de regroupement de la population. Leur durée d'existence, supérieure à dix ans, est allée bien au-delà de celle des simples camps de réfugiés, car les autorités françaises n'ont pratiquement rien fait pour assurer leur intégration.
Camps de concentration nazis
À partir de 1933, le Troisième Reich met en place des camps de concentration (Konzentrationslager ou KL) dans des buts punitifs et de discrimination : pour éloigner les opposants au régime puis pour y exterminer immédiatement ou par épuisement au travail et par mauvais traitements les Juifs, les Tziganes, les Témoins de Jéhovah, les homosexuels, les handicapés, les associaux, etc. En 1939, Hitler imputa aux Juifs la responsabilité de la guerre et transforma certains de ces camps de concentration en camps d'extermination.
Buts des camps de concentration nazis
Les objectifs des camps de concentrations mis en place par le régime nazi sont notamment :
- vider un pays de sa population, pour l'empêcher de soutenir des combattants à l'occasion d'une guerre ;
- purger la population des personnes considérées comme nuisibles ;
- exploiter un grand nombre de travailleurs forcés (camp de travail).
Les personnes incarcérées dans de tels camps le sont souvent pour des motifs politiques, religieux, raciaux, d'une façon générale en raison d'une discrimination ou d'un soupçon à leur encontre. Les prisonniers y sont souvent : séparés de leurs proches, gardés dans des conditions précaires et difficiles, mal nourris, forcés à travailler et maltraités par les gardiens. La mortalité y est élevée.
Liste des camps de concentration
Camps de concentration des années 1930
Les premiers camps de concentration (auparavant souvent dénommés camps de concentration « sauvages ») sont tous les camps qui après la prise de pouvoir par Adolf Hitler ont été créés, de manière non systématique et dans des conditions différentes de rattachement, pour éliminer les opposants politiques au nazisme. Caractéristiques de la plupart de ces camps est leur existence pour la plupart assez courte, leur construction toujours antérieure à la création de « l'inspection des camps de concentration » et leur rattachement diversifié (SA, SS, ministère de l'intérieur etc.).
Bien que quelques-uns de ces camps aient été plus tard intégrés dans le système des camps de concentration de la SS, on les considère comme des camps de concentration "précoces" lorsqu'ils ont été construits puis fermés avant le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale ou lorsque leur fonction a été par la suite modifiée. L'exception est ici le camp de Dachau, qui sera le seul de ces camps à rester utilisé jusqu'à la fin de la guerre et servira de prototype à tous les camps de concentration ultérieurs.
- Bad Sulza
- Benninghausen
- Börgermoor
- Brandebourg-sur-la-Havel plus tard institution de mise à mort du Programme Aktion T4
- Breitenau
- plus tard "camp d'éducation par le travail"
- Columbia-Haus (Berlin-Tempelhof)
- Camps du Pays de l'Ems (plusieurs petits camps) ensuite camp pénitentiaire
- Heuberg plus tard déplacé vers le camp de Oberer Kuhberg (Ulm)
- Kemna (Allemagne)
- Kislau
- Leschwitz
- Lichtenburg à Prettin
- Oranienburg
- Osthofen
- Sachsenburg
- Wittmoor (Hambourg-Lemsahl-Mellingstedt)
Camps de concentration de " l'Inspection des camps de concentration" devenue "Office central administratif et économique de la SS"
Les camps de concentrations fondés par l'Inspection des camps de concentration" et qui pour la plupart sont restés en fonction jusqu'à la fin de la guerre sont ceux qui sont généralement visés par le terme générique de "camp de concentration". D'après un ordre de Himmler, seuls ces camps rattachés à l'Inspection pouvaient être ainsi officiellement considérés comme des "camps de concentration" (en allemand "Konzentrationslager" en abrégé KZ). Plus tard l'Inspection des camps de concentration est devenue l'Office central administratif et économique de la SS" (en allemand "SS-Wirtschafts- und Verwaltungshauptamt").
Ce type de camp se caractérisait en dehors des conditions de rattachement, par leur structure inhérente et commune calquée sur le "modèle de Dachau" : séparation de la garde entre équipe de commandement (qui était toujours divisée en départements sensiblement identiques) et gardiens proprement dits, existence d'un système d'affectation de prisonniers à des fonctions identifiées, hiérarchie discriminante fondée sur l'appartenance sociale et raciale (voir aussi le Système de marquage nazi des prisonniers) .
Le réglement du camp élaboré en 1933 par Theodor Eicke à Dachau a été généralisé. Les camps érigés par la suite (Sachsenhausen ou Buchenwald) ont utilisé la structure des baraquements de Dachau avec des plans symétriques. En plus des camps principaux sont listés également tous les camps annexes.
- Arbeitsdorf (Fallersleben)
- Auschwitz I
- Auschwitz-Birkenau II
- Auschwitz-Monowitz III
- Bergen-Belsen
- Buchenwald
- Kochem
- Dachau
- Entrepôt G (Hambourg)
- Dora-Mittelbau
- Eberswalde
- Engerhafe
- Flossenbürg
- Gross-Rosen
- Hersbruck
- Vught
- Hinzert camp de travail, camp de transit, 'Eindeutschungslager'
- Rawa Ruska
- Riga-Kaiserwald
- Kaufering (près de Landsberg)
- Kaltenkirchen
- Kaunas
- Ladelund
- Langenstein-Zwieberge
- Majdanek (KZ Lublin)
- Mauthausen
- Moringen
- Natzweiler-Struthof
- Neuengamme
- Niederhagen (Wewelsburg)
- Płaszów
- Ravensbrück
- Sachsenhausen
- Stutthof
- Vaivara (Estoni)
- Varsovie
- Welzheim
- Wöbbelin
Camps d'extermination de l'Aktion Reinhardt
Les camps qui ont exclusivement servi à l'exécution organisée et massive d'êtres humains sont les camps d'extermination. Ceux qui sont listés ci-dessous ont été créés dans le cadre de l'Aktion Reinhardt, c’est-à-dire selon les décisions de la Conférence de Wannsee concernant la Solution finale. Ces camps étaient tous situés dans les territoires du Gouvernement Général (en allemand "Generalgouvernement") de Pologne et placés sous la responsabilité de hauts responsables de la SS. Les camps de concentration d'Auschwitz-Birkenau et de Majdanek peuvent être cependant considérés comme des camps d'extermination, bien qu'ils aient relevés de l'Inspection des camps de concentration (puis de l'Office central administratif et économique de la SS).
Camps du Programme Aktion T4
- Grafeneck
- Brandebourg-sur-la-Havel
- Hartheim
- Sonnenstein
- Bernburg
- Hadamar
Camps de transit
- Mechelen
- Drancy
- Camp de Royallieu à Compiègne
- Nováky Slovaquie
- Risiera di San Sabba (Italie)
- Sereď (Slovaquie)
- Theresienstadt République tchèque prison de la Gestapo camp de regroupement et de transit`. Ce camp servait de « vitrine » nazie montrée à la Croix rouge
- Westerbork (Pays-Bas) camp de regroupement et de transit
- Innsbruck-Reichenau (Autriche) Camp de transit
Camp de concentration pour jeunes
- Moringen (Allemagne)
- Uckermark (Allemagne)
- Lodz (Pologne)
Divers autres camps similaires
Ce sont par exemple les camps d'éducation par le travail, les camps de prisonniers de guerre ou les camps de travail forcé. Ces camps sont difficiles à caractériser en raison de la hiérarchie raciste instaurée par les nazis. Ainsi les prisonniers de guerre alliés occidentaux, considérés comme faisant partie de la "race nordique", étaient généralement bien traités tandis qu'en particulier les soldats de l' Armée rouge étaient confrontés dans leurs camps de prisonniers à des situations similaires à celles des camps de concentration. Même les camps d'éducation par le travail se distinguaient souvent peu des camps de concentration.
- Bolzano Tyrol du Sud, (Italie) "camp de transit de la police"
- Breendonk (Belgique) Prison, camp de torture et camp de travail
- Grini (Norvège) Prison
- Janowska (Lemberg) Ukraine camp de travail forcé; insllation de meurtre de masse
- Jasenovac (Croatie) camp d'extermination (Oustachis-Croatie)
- Schirmeck (France) camp de réeducation pour Alsaciens Mosellans
- Le Vernet d'Ariège (France) camp d'internement (Vichy-France)