publié le 17/03/2014 à 12h40
Lundi 17 mars commence, à la cour d'appel de Rennes, le troisième procès de Maurice Agnelet, principal suspect dans la disparition toujours non élucidée d'Agnès Le Roux, à Nice en novembre 1977.
Photo d'identité, récupérée le 20 septembre 1978 à Nice, d'Agnès Le Roux, la fille de Renée Le Roux, la propriétaire du Palais de la Méditerranée à Nice
Une disparition mystérieuse
Le week-end de la Toussaint de 1977, Agnès Le Roux, 29 ans, disparaît à Nice au volant de sa Range Rover, sans
laisser de trace. Au centre de l'affaire, l'avocat niçois Maurice Agnelet et une somme de 3 millions d'euros, qui serait, pour certains, le mobile du crime. Mais, trente-six ans après la
disparition de la jeune femme, le mystère reste entier, car ni sa voiture ni son corps n'ont été retrouvés.
Agnès Le Roux, héritière du casino du Palais de la Méditerranée, à Nice, a grandi avec ses trois frères et sœurs
dans une propriété sur le rocher de Monaco, partie la plus ancienne de la principauté. Peu avant sa mort, Agnès Le Roux, décrite par l'une de ses meilleures amies comme « la personne la moins
suicidaire de la terre », fait deux tentatives de suicide.
Son amant de l'époque est Maurice Agnelet, bel homme, alors avocat au barreau de Nice, et militant engagé dans la défense des droits de l'homme. Les multiples témoignages et enquêtes lors des
procès révèlent aussi un homme à femmes, membre éminent de la loge maçonnique de Nice, et lèvent le voile sur de nombreux mensonges.
Les membres de la famille d'Agnès Le Roux — sa mère, ses deux sœurs et son frère — se disent depuis le début de
l'affaire convaincus de la culpabilité de Maurice Agnelet.
Quelques éléments-clés des précédents procès
La famille d'Agnès Le Roux ne porte plainte que quatre mois après la disparition de la jeune femme, lorsque
Maurice Agnelet transfère 1 million de francs suisses du compte en banque d'Agnès Le Roux sur un compte
personnel, et devient ainsi rapidement soupçonné du meurtre de l'héritière.
Cet argent, Agnès Le Roux l'a gagné en 1977, peu de temps avant sa disparition, grâce à une sombre affaire
familiale, sur fond de guerre entre les casinos de la région. Elle reçoit 457 000 euros du directeur d'un autre casino niçois, Jean-Dominique Fratoni, qui souhaite s'emparer du casino familial
que dirige Agnès Le Roux. En échange de cette somme, cette dernière vote contre sa mère lors d'une assemblée
générale du casino, ce qui permet à M. Fratoni de prendre le contrôle du Palais de la Méditerranée.
Les enquêteurs, en fouillant dans les tiroirs du bureau de Maurice Agnelet, tombent sur un document inattendu : la photocopie de l'original du « testament » manuscrit d'Agnès Le Roux, dont une copie avait été retrouvée à son domicile quelques mois auparavant. Les enquêteurs se rendent
alors compte que la version retrouvée chez Agnès Le Roux était incomplète : « Désolée, mon chemin est fini.
Je m'arrête. Tout est bien. Je veux que ce soit Maurice qui s'occupe de tout », pouvait-on lire. Le testament avait été amputé de sa date de manière à le rendre intemporel.
Les mensonges et contradictions se multiplient : Maurice Agnelet, qui avait d'abord nié être l'amant de la jeune disparue, avait aussi affirmé ne pas avoir connaissance de l'existence de comptes
que l'héritière aurait pu détenir en Suisse. Confronté par ses propres enregistrements, il affirme ensuite qu'Agnès
Le Roux lui avait fait « don » de l'argent qui s'y trouvait. Puis, en 1980, il contracte un mariage blanc au Québec, dans le but d'obtenir la nationalité canadienne.
Plusieurs témoignages viennent aussi jouer contre l'ancien avocat, notamment à propos de son comportement jugé étrange et insensible lorsqu'Agnès Le Roux fait deux tentatives de suicide.
PREUVES INSUFFISANTES
Il obtient tout d'abord un non-lieu en 1985, faute de preuves suffisantes. En 1999, sa deuxième épouse, Françoise Lausseure, déclare lui avoir fourni un faux alibi pour la nuit du 27 au 28
octobre 1977. De nouvelles charges qui mènent à la réouverture de l'information pour « homicide volontaire ». De nouveau mis en examen, il est acquitté par la cour d'assises des Alpes-Maritimes
en 2006. Le parquet fait appel, et l'avocat est finalement condamné le 11 octobre 2007 à vingt ans de réclusion criminelle.
Dernier épisode dans cette affaire : la décision de la Cour européenne des droits de l'homme, en janvier 2013, qui estime que « le meurtre n'est pas formellement établi » et qui souligne que,
faute de motivation écrite, Maurice Agnelet « n'a pas disposé d'informations suffisantes lui permettant de comprendre le verdict de condamnation », ouvrant la voie à un troisième procès.
Chronologie
- Toussaint 1977 - Disparition d'Agnès Le Roux.
- Mars 1978 - Ouverture d'une information judiciaire pour « séquestration arbitraire ».
- Janvier 1980 - Plainte avec constitution de partie civile de Renée Le Roux pour « homicide volontaire ».
- Août 1983 - Maurice Agnelet, qui vit au Canada, est inculpé pour « homicide volontaire » et placé en détention préventive jusqu'en octobre.
- Avril 1986 - La cour d'appel confirme l'ordonnance de non-lieu rendue en septembre 1985.
- Février 1995 - Renée Le Roux obtient l'ouverture d'une information judiciaire pour « recel de cadavre ».
- Juin 1999 - Françoise Lausseure, deuxième épouse de Maurice Agnelet, déclare lui avoir fourni un faux alibi pour la nuit du 27 au 28 octobre 1977.
- Décembre 2000 - Réouverture de l'information pour « homicide volontaire » en raison des charges nouvelles.
- Octobre 2005 - Maurice Agnelet renvoyé devant les assises pour « assassinat ».
- Décembre 2006 - Maurice Agnelet est acquitté par la cour d'assises des Alpes-Maritimes.
- Octobre 2007 - Maurice Agnelet est condamné par les jurés des Bouches-du-Rhône en appel à vingt ans de réclusion criminelle.
- Octobre 2008 - La Cour de cassation rejette le pourvoi formé par Maurice Agnelet et rend définitive sa condamnation.
- Janvier 2013 - Décision de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) condamnant la France dans cette affaire pour atteinte au principe du procès équitable.