Jean Delannoy est mort mercredi soir chez lui, à Guainville, dans l'Eure-et-Loir, a précisé la famille.
"Je suis le dernier survivant d'une partie de l'histoire du cinéma français", déclarait-il en 2004 à la sortie d'un livre de mémoires.
En plus de 60 ans, Jean Delannoy a réalisé une cinquantaine de films, avec une préférence pour les reconstitutions historiques, les adaptations littéraires et, en fin de parcours, les oeuvres d'inspiration religieuse.
Personnage affable à la haute silhouette de notable, Delannoy fut au milieu des années 1950 la cible idéale des jeunes cinéastes de la Nouvelle vague qui lui reprochaient l'académisme et la froideur de ses réalisations.
"La symphonie pastorale" (1946) avec la jeune Michèle Morgan, Micheline Presle dans "Les jeux sont faits" (1947), Gina Lollobrigida dans "Notre-Dame de Paris" (1957)... La plupart des monstres sacrés d'après-guerre ont tourné avec Delannoy, qui leur a donné quelques-uns de leurs grands rôles.
Né le 12 janvier 1908 à Noisy-le-Sec (Seine-Saint-Denis), cet homme simple avait débuté dans le cinéma comme acteur. Mais c'est par la technique qu'il parvint à s'imposer, comme réalisateur de courts métrages, puis comme monteur.
Il aborde le long métrage en 1938 avec "Paris Deauville", une comédie musicale, et connaît le succès en 1942 avec "Pontcarral, colonel d'empire", un film parfois interprété comme une dénonciation du régime de Vichy.
En 1943, "L'éternel retour", d'après un scénario de Jean Cocteau, avec Jean Marais et Madeleine Sologne, le consacre. Et "La symphonie pastorale", d'après une nouvelle d'André Gide, obtient trois ans plus tard l'un des Grand prix du festival de Cannes.
Passionné de littérature, Jean Delannoy enchaîne les adaptations et les films historiques: "Les jeux sont faits" (1947), d'après Jean-Paul Sartre, "La route Napoléon" (1953) avec Pierre Fresnay, "Marie-Antoinette" (1956), ou encore "Notre Dame de Paris" (1957) d'après Victor Hugo.
Mais son oeuvre éclectique compte aussi des films policiers ("Obsession", 1954) ou de critique sociale ("Chiens perdus sans colliers", 1955, "Les amitiés particulières" 1964).
A la fin des années 1950, il dirige Jean Gabin dans deux Maigret, "Maigret tend un piège" (1957) et "Maigret et l'affaire Saint-Fiacre" (1958), qui comptent parmi les meilleures adaptations de l'oeuvre de Georges Simenon.
Cinéaste multiprimé, à Cannes, Venise ou Berlin, Delannoy est alors, avec Julien Duvivier ou Claude Autant-Lara, la cible des cinéastes de la Nouvelle vague (Godard, Truffaut, Chabrol...) à l'assaut du "cinéma de papa".
Delannoy n'en tourne pas moins très régulièrement, au cinéma et à la télévision, jusque dans les années 1980. Dans des genres très différents, de "La princesse de Clèves" (1960) aux films à la gloire de Gabin, "Le baron de l'écluse" (1960) ou "Le soleil des voyous" (1967). Filmographie qu'il boucle avec deux films d'inspiration chrétienne, "La passion de Bernadette" (1987) et "Marie de Nazareth" en 1995, réalisé au Maroc à l'âge de 87 ans.
Artisan cinéaste à la technique impeccable, Jean Delannoy a occupé divers postes stratégiques dans la profession. Notamment la présidence de l'Association des auteurs de films (1965-67), de l'IDHEC (école de cinéma) en 1973 ou du Syndicat national des auteurs et des compositeurs (1976-81).