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A Caen, les fusillés du 6 juin

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Le Point
publié le 17/01/2007 à 13h40

Il s'appelle Harold Heyns. Il est docteur en philosophie, mais à 30 ans s'est trouvé affecté à la Gestapo de Rouen, puis à celle de Caen. Il parle si parfaitement le français que, dans les cafés de Caen qu'il fréquente en compagnie de sa maîtresse française, on ne l'appelle que « Monsieur Bernard » . Le 6 juin, Monsieur Bernard a été réveillé par les alertes de 0 h 20 et de 2 heures. Il a grogné, puis s'est rendormi auprès de Marie-Clotilde. Mais, à 4 h 10, le commandant Herlich l'informe qu'un débarquement est en cours et qu'il doit gagner son bureau pour prendre les mesures qui s'imposent. Quelles mesures ?

Elles concernent les résistants enfermés dans la prison. Les ordres, venus de Berlin, sont formels. Il ne faut jamais laisser tomber aux mains de l'ennemi les prisonniers les plus dangereux. Heyns demande d'abord dans quel délai les Anglais prendront Caen. On lui répond : « Vingt-quatre ou quarante-huit heures. » Il se met alors en quête de quatre ou cinq camions pour un transfert collectif en direction de Fresnes, puis de l'Allemagne. Mais, à Caen, le 6 juin, l'armée allemande n'a aucun camion à mettre à sa disposition. Sans que l'on sache qui a donné l'ordre - Heyns s'en défendra -, les prisonniers sont alors exécutés dans l'après-midi. Et un Feldwebel (adjudant) surnommé « Casque d'acier » tuera l'un après l'autre plus de vingt d'entre eux.

Combien de morts dans cette prison de Caen ? 92, 87, 83, 75... le chiffre exact demeure ignoré. On sait seulement qu'ont péri ceux - Douin, Hardy, Boulard, Loslier, Boutrois, Dumont, de Touchet... on ne peut les citer tous - qui, en fournissant mille informations secrètes sur le mur de l'Atlantique et ses défenses, avaient facilité les préparatifs du Débarquement. Leurs corps n'ont jamais été retrouvés. Sans doute n'est-ce pas exceptionnel, mais, s'agissant de résistants, de longues recherches allaient être entreprises. On savait que les victimes avaient été enterrées les 6 et 7 juin dans plusieurs fosses réparties dans les cours de la prison. On savait également qu'à la fin de juin les corps avaient été transportés vers une destination mystérieuse. Il semble - mais aucune preuve ne peut être apportée - qu'ils furent enfouis dans quelques-uns de ces milliers de trous de bombes dont le terrain d'aviation de Carpiquet était criblé.

Ces hommes, ces résistants, soupçonnaient-ils leur destin ? Quelques jours avant le 6 juin, l'aumônier de la prison fit savoir à la fille d'Antoine de Touchet qu'il réclamait ses lunettes et son missel. Il la quitta sur ces mots : « Votre père, bon chrétien, très bon chrétien. » , Henri Amouroux


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