publié le 22/11/2013 à 12h46 par Philippe Broussard
A Bordeaux, un colloque a réuni jeudi des survivants de massacres commis par les SS en France et en Italie,
en 1944.
Bordeaux - Deux survivants des massacres d'Oradour-sur-Glane et de Sant'Anna di Stazzema perpétrés en 1944 par des SS se souviennent
Deux hommes, deux drames, une même émotion. Mario Marsili et Robert Hébras, survivants de massacres commis par
des SS pendant la Deuxième Guerre mondiale en Italie et en France, ont partagé un moment d'exception,
jeudi après-midi, au Musée d'Aquitaine, à Bordeaux. L'un et l'autre participaient à un colloque consacré à la tragédie de Sant'Anna di Stazzema, un village Toscan où les SS tuèrent 560 personnes, dont 110 enfants de moins de 12 ans, le 12 août 1944. Pour Mario Marsili, âgé de 6 ans à
l'époque des faits, la journée de jeudi a été l'occasion de lier connaissance avec Robert Hébras, l'un des
derniers témoins des horreurs d'Oradour-sur-Glane (642 morts, le 10 juin 1944).
Juste avant l'arrivée du public, et de la presse locale, alors que la salle était presque vide, l'Italien s'est spontanément approché du Français, et l'a pris dans ses bras, les larmes aux yeux,
en lui disant "Nous sommes forts, nous sommes forts, je suis heureux d'être ici avec vous." Hébras, tout aussi ému, a répondu, en serrant les poings, "il faut continuer à se battre, pour la
mémoire". Vingt minutes plus tard, les spectateurs, parmi lesquels quelques dizaines de lycéens, découvraient l'histoire de Sant'Anna et de ce vieux monsieur en costume gris...
Un massacre sous ses yeux
Ce matin de l'été 1944, quand les nazis arrivent dans le village, le petit Mario se trouve dans une ferme avec ses grands-parents, et sa mère. Dans les hameaux alentours, les Allemands tuent tout
le monde, même un bébé tout juste né, et brûlent les maisons au lance-flamme. Par la suite, ils rassembleront 132 personnes devant l'église. Agenouillés derrière le curé en position de prière,
elles tomberont sous les rafales, et leurs corps seront balancés dans l'église incendiée.
A l'arrivée des Allemands dans la ferme, la mère du petit Mario parvient à lui dire de se cacher dans une sorte de niche creusée dans le mur de la grange. Il s'y réfugie et voit sa mère
s'écrouler sous les balles d'un SS qu'elle a tenté de repousser en lui lançant un sabot. Grièvement brûlé dans le dos, le garçonnet attendra plusieurs heures avant d'être secouru par d'autres
rescapés.
"En dette vis-à-vis des victimes"
S'adressant aux jeunes présents dans le public, Mario Marsili leur a demandé de "défendre la liberté et la démocratie". De son côté, Robert Hébras, les a mis en garde contre toute forme d'"embrigadement". "Soyez vigilants", a-t-il ajouté.
Le massacre de Sant'Anna, comme des centaines d'autres commis à la même époque en Italie, a donné lieu, ces dernières années, à de longues enquêtes judiciaires. Un homme a joué un rôle décisif
dans la recherche et la condamnation - même symbolique - des coupables: le procureur militaire Marco de Paolis. Invité lui aussi de ce colloque, il a raconté comment les autorités politiques de
son pays avaient étouffé ces dossiers pendant des dizaines d'années pour ne pas froisser l'Allemagne du temps de la Guerre froide puis au moment de la création de l'Union européenne. "Nous étions
en dette vis-à-vis des victimes, a-t-il expliqué. Mais le délai a été si long, pour traiter ces affaires, que nous ne pouvons pas employer le terme de justice."