publié le 12/05/2011 à 18h49
Les petits-enfants de Louis Renault attaquent l'Etat en justice pour contester la nationalisation-sanction de
Renault en 1945 et obtenir réparation, nouvelle étape d'une campagne pour réhabiliter l'industriel accusé de collaboration pendant la Seconde guerre mondiale.
Sept héritiers du constructeur ont déposé une assignation devant le tribunal de grande Instance (TGI) de Paris afin de contester l'ordonnance de confiscation du 16
janvier 1945, qui transforme Renault en une Régie nationale, sans que Louis Renault, décédé entre-temps, n'ait
été jugé.
Cette ordonnance "est contraire aux principes fondamentaux du droit de la propriété", droit constitutionnel, a déclaré l'avocat des héritiers, Me Thierry Lévy, qui a déposé une question
prioritaire de constitutionnalité (QPC).
Si l'ordonnance est inconstitutionnelle, le tribunal pourra dire que la nationalisation constituait une "voie de fait", a affirmé Me Levy, dont les clients demandent par conséquent une
indemnisation. Ils veulent voir "réparer le préjudice ayant résulté de la dépossession de l'ensemble des biens, droits et participations" de Louis Renault, selon la plainte dévoilée par le Monde et dont l'AFP a eu copie.
Il revient désormais au TGI de décider de transmettre ou non la QPC à la Cour de Cassation qui à son tour décidera de saisir ou non le Conseil constitutionnel. Les requérants sont les sept
petits-enfants de Louis Renault qui avec ses deux frères avait fondé l'entreprise en 1898 dans la maison de
campagne de leur père sur l'île Seguin à Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine), transformée en ateliers.
Si l'épisode des taxis de la Marne durant la Première Guerre mondiale avait contribué à la popularité
du constructeur, son attitude durant l'Occupation fut plus controversée. Placé en 1940 sous contrôle allemand, Renault a fabriqué du matériel pour la Wehrmacht, ce qui lui valut d'être accusé de collaboration à la Libération et d'avoir été la seule entreprise à être
sanctionnée par une nationalisation.
A l'inverse des familles fondatrices de Citroën, Panhard et Peugeot, Louis Renault, arrêté en septembre 1944 pour
collaboration, est dépossédé par simple ordonnance. Il ne devait pas vivre cette expropriation, étant décédé le 24 octobre 1944 à la prison de Fresnes, sans avoir pu être jugé.
L'assignation déposée le 9 mai s'inscrit dans une campagne de réhabilitation de Louis Renault lancée par ses
petits-enfants.
En 2010, la justice avait condamné le Centre de mémoire d'Oradour-sur-Glane (Haute-Vienne) à retirer une photo montrant Louis Renault entouré d'Adolf Hitler et
d'Hermann Göring au salon de l'auto de Berlin en 1939, avec une légende dénonçant la collaboration de
l'entreprise française avec l'Allemagne nazie. Mais en 1959, ils avaient été déboutés d'une demande d'indemnisation par le tribunal administratif qui avait estimé que "le transfert de propriété"
édicté par l'ordonnance de 1945 "ne permet(tait) pas au héritiers d'invoquer un droit de propriété mais un simple droit de créances".
Le tribunal avait toutefois précisé qu'il ne lui revenait pas d'apprécier "ni la constitutionnalité, ni l'opportunité" de l'ordonnance de 1945. La création en 2008 de la QPC rend aujourd'hui
cette contestation possible par les héritiers. "S'ils arrivent à leur fins, cela peut coûter au contribuable français", déplorait en mars Sylvain Roger, ancien responsable CGT chez Renault.
Renault n'a pas souhaité faire de commentaire.
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66 ans après la nationalisation de Renault, les héritiers de l'industriel attaquent l'Etat
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