publié le 15/11/2013 à 16h36
Les 1 400 tableaux volés par les nazis retrouvés chez Cornelius Gurlitt à Munich ne sont pas seulement une grande découverte artistique. Ce "trésor" repose la question du rapport
qu'entretient l'Allemagne à son passé.
Dessin de Burki
Ça y est, ils l’ont retrouvé, le vieillard le plus recherché du pays. Paris Match l’a pris en photo dans un centre commercial de Schwabing [quartier de Munich]. Brushing blanc soigné, mise
élégante. Il regarde de côté, l’air mal à l’aise, la bouche entrouverte, comme s’il voulait dire quelque chose mais qu’aucun mot ne sortait.
Voici donc – selon toute vraisemblance – Cornelius Gurlitt, le fils du marchand d’art nazi Hildebrand Gurlitt. Voilà une semaine, le magazine Focus que la police avait déjà perquisitionné en 2012
son appartement de Munich, où s’entassaient des œuvres réunies pour la plupart sous le régime nazi. Si le Parquet ne recherche pas Gurlitt, ne sachant pas encore ce que l’on peut lui reprocher
sur un plan juridique, d’autres mènent l’enquête depuis [le 11 novembre] : détectives embauchés par les héritiers de collectionneurs juifs, journalistes, photographes, représentants des
musées.
L’histoire n’a rien d’anecdotique : ce qui subsiste ici, derrière les volets roulants baissés d’un immeuble moderne, n’est rien moins qu’un concentré du chapitre le plus sombre de l’histoire
allemande. Un homme esseulé y entreposait l’héritage de son père, un homme aussi allemand qu’on peut l’être. Hildebrand Gurlitt a collaboré avec le régime nazi et profité de lui, dépossédant des
collectionneurs juifs de leurs biens et donc de leurs moyens d’existence, privant des musées de joyaux de l’art moderne. Parallèlement, outre le fait qu’il avait lui-même un peu de sang juif,
c’était également un mécène et un défenseur de ces artistes d’avant-garde dont il conservait ou revendait les œuvres, selon les cas.