La commémoration du 70e anniversaire de la libération du camp de la mort nazi se déroulera sur fond de conflit dans le Donbass, et dans une atmosphère empoisonnée par les propos du chef de la diplomatie polonaise jugés révisionnistes à Moscou.
Le 27 janvier est le jour de la commémoration du 70e anniversaire de la libération du camp d'Auschwitz-Birkenau, ultime entreprise d'extermination nazie où furent tuées 1,1 million de personnes, dont 960 000 Juifs, entre 1940 et 1945. Il est situé en Pologne, à 60 kilomètres de Cracovie. De nombreux chefs d'Etat seront présents, parmi lesquels François Hollande, le président de l'Allemagne Joachim Gauck, ainsi que le président de l'Ukraine Petro Porochenko.
Vladimir Poutine, présent en 2005 à l'occasion du 60e anniversaire, brillera par son absence. Selon son porte-parole, "aucune invitation ne lui a été adressée", et le président russe, ce jour-là, fêtera l'événement en Russie. Il se rendra au Musée juif et centre de tolérance, ouvert à Moscou en novembre 2012, dans lequel une cérémonie en mémoire des victimes de l'Holocauste aura lieu sous la houlette du grand rabbin de Russie, Berl Lazar. C'est en principe le chef de l'administration présidentielle Sergueï Ivanov qui représentera la Russie en Pologne, nous précise Gazeta.ru.
Subtilités diplomatiques
Comme le raconte en détail le quotidien moscovite anglophone Moscow Times, selon les organisateurs de la cérémonie en Pologne, à savoir le Musée d'Etat Auschwitz-Birkenau et le Conseil international d'Auschwitz, aucune invitation officielle nominale n'a été adressée aux chefs d'Etat. Les ambassades des pays donateurs sont censées préciser elles-mêmes qui elles souhaitent envoyer pour représenter leur Etat.
Le ministre des Affaires étrangères russe, Sergueï Lavrov, a confirmé avec dédain, lors de sa conférence annuelle du 21 janvier, que l'ambassade de Russie à Varsovie avait en effet reçu une notification qui disait en substance : "Vous pouvez venir si vous voulez. Si vous ne le souhaitez pas, dites-nous qui est censé se présenter. Vous n'êtes pas obligés de répondre à cette invitation." "Cependant, commente le titre, au Kremlin, une invitation formulée de la sorte n'a aucune chance d'atteindre le sommet du pouvoir."
"L'ineptie" du ministre polonais
Le 21 janvier, le ministre des Affaires étrangères polonais, Grzegorz Schetyna, "a ajouté l'insulte au préjudice", poursuit The Moscow Times, en déclarant dans une interview à la radio polonaise que le camp d'Auschwitz avait été libéré par les Ukrainiens, faisant allusion, comme s'évertuent à le préciser les officiels et la presse russes, scandalisés, aux "unités du premier front ukrainien de l'Armée rouge".
Le ministère des Affaires étrangères russe a immédiatement rappelé que "des individus en provenance de toute l'ex-URSS avaient combattu dans l'Armée rouge qui a libéré Auschwitz". Le président de la Douma [le Parlement], Sergueï Narychkine, a pour sa part commenté : "Du point de vue historique, c'est une falsification, une ineptie pure et simple. Mais par ailleurs il s'agit, je pense, d'un désir de récrire l'histoire, à des fins politiques."
Le tabloïd russe, Komsomolskaïa Pravda, rapporte que même en Pologne on est un peu gêné. Un journaliste du quotidien de Varsovie Dziennik a ainsi suggéré au chef de la diplomatie polonaise de ne pas se déplacer sans antisèches, qu'il serait ravi de rédiger pour lui.
Une journaliste du quotidien Moskovski Komosomets rappelle que les unités de l'armée soviétique n'étaient pas constituées selon le principe ethnique ou national, ce qui aurait été contraire à l'esprit soviétique. Selon les recherches de Grigori Krivocheev, sur 100 soldats soviétiques parvenus aux portes du camp d'Auschwitz, 16 étaient ukrainiens. Si l'on veut préciser, ajoute-t-elle, il faut signaler que l'officier qui a ouvert ces portes était juif. Il s'agit du commandant Anatoli Shapiro.
Unités ukrainiennes dans la Wehrmacht
Cependant, la journaliste va plus loin. Elle débusque, dans les propos du ministre polonais, un "lapsus freudien" et tente une interprétation : "En disant que le 'front ukrainien' était composé d'Ukrainiens, le ministre avait en tête une autre armée, que visiblement il connaît mieux, à savoir la Wehrmacht.