Ils sont trois cents, rassemblés à l'entrée du camp de la mort. Trois cents survivants ont été invités, mardi 27 janvier, à commémorer les 70 ans de la découverte du camp d'extermination d'Auschwitz-Birkenau par l'Armée rouge, en compagnie d'une trentaine de chefs d'Etat et de gouvernement. Un immense chapiteau blanc a été dressé à l'entrée du site. A l'intérieur, les participants font face au tristement célèbre mirador, qui surveillait la voie ferrée d'accès aux lieux, située à quelques encablures des chambres à gaz, au milieu des rangées de baraques. Ici, plus de 1,1 million de personnes ont été exterminées par les nazis, dont un million de juifs, avant la libération du camp par l'armée rouge le 27 janvier 1945.
« C'EST LEUR VOIX QUI PORTE LA MISE EN GARDE »
Les cérémonies ont commencé à 15 h 30 dans cette région du sud de la Pologne balayée par la bise et la neige. Les survivants de différents pays, dont une centaine venus d'Israël, ont d'abord écouté le président polonais, Bronislaw Komorowski, et les témoignages poignants de trois rescapés venus de Pologne, d'Israël et des Etats-Unis. « Je pensais qu'un jour, je passerai par le crématorium, sans connaître l'effet d'un baiser d'amour », s'est souvenue l'une des survivantes, déportée à l'âge de 14 ans. « Pour moi, il est impossible d'oublier même pour une seconde les atrocités observées », a raconté un ancien déporté, en ravalant ses sanglots : « Cela suffit pour me réveiller la nuit jusqu'à la fin de mes jours. »
« C'est leur voix qui porte la mise en garde contre notre capacité de pratiquer l'humiliation, la haine et le génocide, explique Piotr Cywinski, le directeur du Musée national d'Auschwitz-Birkenau : bientôt, ce sera à nous, les générations de l'après-guerre, de transmettre le leg que nous font les survivants. » Le réalisateur américain Steven Spielberg, présent aux cérémonies, a présenté un documentaire préparé pour l'occasion, peut-être la dernière fois qu'autant de rescapés sont en mesure d'être là pour se souvenir, et témoigner. Différentes prières ont ponctué l'hommage.
Bougies en main, survivants et officiels devaient ensuite, à la nuit tombante, marcher en procession vers le monument aux victimes, installé près des restes des chambres à gaz et fours crématoire détruits par les nazis avant d'abandonner les lieux. Trois représentants de survivants ont ouvert la marche, accompagnés de jeunes.
POUTINE ABSENT
Chefs d'Etat et de gouvernement suivaient, en présence du président allemand, Joaquim Gauck, et de nombreux responsables religieux. Le mémorial est situé au-delà des quais où les déportés descendaient des trains. Les uns, surtout les femmes et les enfants, pour être directement gazés, puis incinérés. Les autres, pour rejoindre les baraquements alignés par dizaines sur le site.
Les cérémonies surviennent à un moment particulier en Europe. En France, les attentats de Paris ont rappelé que la violence antisémite continue de menacer la communauté juive. Plusieurs intervenants ont fait référence aux récentes attaques pour constater que les juifs sont encore « ciblés pour ce qu'ils sont ». Avant son déplacement en Pologne, François Hollande, a exhorté les juifs de France à ne pas quitter leur pays pour Israël : « la France est votre patrie », a insisté le chef de l'Etat.
Le continent est par ailleurs plongé dans une ambiance de néo guerre froide, en raison de la crise avec la Russie au sujet de l'Ukraine. Le président russe, Vladimir Poutine, a décidé de ne pas venir aux commémorations, en prétextant ne pas y avoir pas été invité. La Russie reproche à la Pologne de minimiser le rôle des forces soviétiques dans la libération du camp. Quelques jours avant les 70 ans, le ministre polonais des affaires étrangères a jugé que le camp avait été libéré par les Ukrainiens.
Depuis Moscou, où il participait à une cérémonie au musée du judaïsme, M. Poutine a qualifié d'« inacceptable » toute « tentative de réécrire l'Histoire ». « Souvent, derrière ces tentatives il y a le désir de cacher sa propre honte, la honte de sa lâcheté, hypocrisie et trahison, de cacher sa complicité tacite, passive ou active avec les nazis », a ajouté le président russe.