Charles Spindler (11 mars 1865 à Bœrsch - 3 mars 1938 à Saint-Léonard) est un peintre, aquarelliste, marqueteur, écrivain et
photographe alsacien1. Il est le créateur de la Revue Alsacienne Illustrée. Il était le neveu du portraitiste et peintre de genre Louis-Pierre Spindler. Il a tenu régulièrement son journal pour
occuper ses insomnies dues à des crises de goutte, maladie qu’on ne savait pas encore soigner. La partie allant du 25 juillet 1914 au 28 avril 1919 a été publiée en 1925. C’est un document
incomparable qui restitue l’état d’esprit de la population pendant ces heures sombres car, malgré son patriotisme français évident, il essaie de garder la tête froide et de rester objectif, ne
cessant de rapporter ce qu’il entend dire autour de lui.
C’est ainsi qu'on peut lire, à la date du 6 décembre 1914 : « Aujourd’hui dimanche, visite du notaire H., de Strasbourg, avec quelques amis ; parmi eux, le potier W. de Betschdorf, le jeune
peintre D., de Gresswiller. Court et gros, l’œil spirituel et malicieux, le notaire offre le type de l’habitué de la Taverne. Il est plein d’anecdotes contre les Boches, car c’est, paraît-il, le
surnom qu’on donne maintenant en France aux Allemands. » Qu’un Alsacien aussi patriote que Spindler ait ignoré jusqu’à l’existence du mot « boche » avant cette date montre que ce mot n’était pas
vraiment répandu avant la guerre alors qu'il était devenu courant dès la fin de l'année 1914. Le livre est d’autant plus savoureux que, si les propos tenus en allemand ou en alsacien sont
traduits, de façon d’ailleurs fort brillante (« Wir sind fürchterlich blamiert » devient « On va se ficher de nous, et comment ! »), souvent le texte original est donné en note ou immédiatement
après.
La partie du journal postérieure au 28 avril 1919 n'a pas encore été publiée. Le 24 mars 2006 Jean-Marie Gyss a prononcé à la salle des fêtes de Bœrsch une conférence où il a parlé de la suite du
journal, qui s'arrête pratiquement en 1928. De cette conférence, il apparait que l'enthousiasme patriotique de Spindler est bien vite retombé devant les maladresses des autorités françaises et
que ce patriote français a été outré par les exactions commises contre les Allemands ; étant encore bien vu il a réussi à intervenir utilement en faveur de quelques-uns mais cette attitude
modérée, dans le climat exalté de l'époque, a commencé à lui valoir des inimitiés ; nombre de ses proches ont rompu avec lui quand, à l'occasion de l'absurde procès de Colmar3, il est venu
témoigner en faveur d'un autonomiste, innocent des faits dont on l'accusait. On comprend qu’à pareille époque une telle publication aurait paru un soutien à la cause autonomiste qu’il n’a jamais
soutenue.
Dans ses Mémoires inédits publiés publiés soixante-dix ans après sa mort il mâche encore moins ses mots. Sur Hansi, dont la légende fait son ami, il n'hésite pas à écrire : « Hansi, un singe mal
bâti, le dos voûté, une figure de gavroche aux traits flétris sur un corps trop grand, le regard méfiant et fuyant, un débit nasillard, ressemble à un Boche qui aurait voulu se donner des allures
de rapin français. » Cet ouvrage rassemble ses souvenirs allant de 1889 à 1914 et a été rédigé après 1928, quand il a arrêté de tenir son journal. C'est un ouvrage essentiel pour qui s'intéresse
à la vie artistique et intellectuelle de l'Alsace avant 1914 ; par ailleurs, bien que profondément déçu par la politique française en Alsace après 1918, il cherche toujours à rester objectif dans
ce domaine et constate que : « La guerre a été provoquée surtout par la bêtise et la maladresse des hommes d'État allemands, et elle se serait déclenchée aussi bien avec ou sans le redressement
de l'Alsace ; de même qu'une Alsace absolument germanisée n'eût pas été un empêchement à la désannexion par la France. » Une partie de son travail est protégée par l'inscription à l'inventaire
complémentaire des monuments historiques, catégorie mobilier (Base Palissy) : ils sont visibles à la mairie d'Étampes, ou à Soultz-sous-Forêts.
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Spindler Charles
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