Des dizaines de personnes suspectées par les Etats-Unis d’avoir été des criminels de guerre nazis ont bénéficié de millions de dollars de retraite en acceptant en contrepartie de quitter le territoire américain, révèle l’agence Associated Press qui publie l'aboutissement de deux ans d’enquête. Selon l’agence de presse, le département de la justice américain aurait «marchandé» avec d’anciens nazis, membres de la SS ou scientifiques ayant collaboré avec le troisième Reich et s'étant réfugiés aux Etats-Unis après la guerre, afin d’obtenir leur départ.
«Depuis 1979, écrit AP, au moins 38 des 66 suspects qui ont quitté les Etats-Unis ont conservé leurs prestations de sécurité sociale.»
Il resterait au moins quatre bénéficiaires encore vivants en Europe.
L’idée vient du bureau d’enquêtes spéciales (Office of Special Investigations, OSI) du ministère de la Justice américain, une organisation chargée de la chasse aux anciens nazis. L’OSI souhaitait que les anciens criminels de guerre soient jugés de leur vivant dans les pays où les crimes dont ils étaient accusés avaient été commis. Comme ces crimes n’avaient pas été commis sur le territoire américaine et ne concernaient pas les citoyens de ce pays, la seule manière de les faire passer devant un tribunal était de prouver qu’ils avaient menti aux services d’immigration sur leur passé de criminels de guerre, afin de les déchoir de leur nationalité américaine et de les renvoyer en Europe dans un pays concerné par leurs crimes. Mais la procédure peut durer 10 ans: pour faciliter et accélerer la tenue de ces procès, l’Etat aurait consenti à ne pas priver les anciens nazis de pension de retraite.
L’OSI est aller jusqu’à encourager certains suspects à utiliser leur passeport américain pour voyager légalement vers leur pays d’origine, où ils renonceraient à la nationalité américaine en échange de la préservation de leur pension.
Mais «seulement 10 suspects ont été jugés après avoir été expulsés, selon les propres chiffres du ministère», précise AP.
Les auteurs de l’article citent l’exemple de Jakob Denzinger, ancien garde d’Auschwitz, un de ces suspects aujourd’hui âgé de 90 ans qui vivait «le rêve américain» jusqu’en 1989 et qui, renvoyé en Croatie après avoir monté une entreprise prospère, gagne encore 1.500 dollars par mois de pension.
Associated Press avait déjà révélé en juin 2013 que Michael Karkoc, ancien officier de la Division SS Galicie, une unité ukrainienne de la Waffen-SS, coulait des jours tranquilles dans l’Etat du Minnesota.