PARIS - Le Vénézuélien Ilich Ramirez Sanchez, alias Carlos, déjà condamné deux fois à la réclusion criminelle à perpétuité, va de nouveau être jugé en France, cette fois pour un attentat ayant fait deux morts voici 40 ans à Paris.
Agé de 64 ans, Carlos, condamné à perpétuité pour quatre attentats et trois meurtres, est incarcéré en France depuis son arrestation au Soudan par la police française en août 1994.
Une juge antiterroriste a décidé vendredi son renvoi pour meurtre avec préméditation devant la cour d'assises spéciale de Paris, pour un attentat à la grenade commis en 1974 en plein coeur de la capitale française, a annoncé à l'AFP une source proche du dossier.
L'avocate de Carlos, Isabelle Coutant-Peyre, a indiqué qu'elle faisait appel.
Deux personnes avaient été tuées et 34 autres blessées dans l'explosion d'une grenade lancée dans l'enceinte du «Drugstore Publicis» à Paris le 15 septembre 1974.
Dans une interview parue fin 1979 dans le magazine Al Watan al Arabi, Carlos avait reconnu avoir jeté la grenade. Mais, interrogé au cours de l'instruction, il avait contesté avoir donné cet entretien.
Pour la juge antiterroriste Jeanne Duyé, qui a signé l'ordonnance de mise en accusation, cet attentat s'inscrivait, selon une source proche du dossier, dans le contexte d'une prise d'otages alors en cours à l'ambassade de France à La Haye. Un commando de l'Armée rouge japonaise (ARJ) - lié au Front populaire de libération de la Palestine (FPLP) - exigeait notamment la libération d'un de ses membres, interpellé à Paris deux mois plus tôt.
Carlos, qui était selon la magistrate impliqué dans la planification de cette prise d'otages, aurait d'après elle pris l'initiative de commettre lui-même l'attentat du drugstore en raison des réticences du gouvernement français à satisfaire certaines demandes du commando japonais.
«Attentat contre la loi française»
Elle appuie notamment son accusation sur le récit publié par Al Watan al Arabi, sur des déclarations de l'ancien révolutionnaire allemand Hans-Joachim Klein, ou encore sur le fait que la grenade utilisée contre le drugstore provenait du même lot - volé en 1972 dans un camp militaire américain en Allemagne - que celles dont étaient munis les preneurs d'otages de La Haye et que celle découverte à Paris chez une maîtresse de Carlos.
En 40 ans, l'enquête aura connu de nombreux rebondissements, tel ce premier non-lieu en 1983. Elle avait été rouverte en 1995 après l'arrestation de Carlos.
La chambre de l'accusation avait ordonné en 1999 un non-lieu pour Carlos mais cette décision avait été cassée après un pourvoi introduit par une association d'aide aux victimes des attentats. Depuis les investigations ont été relancées, notamment au Japon.
Vendredi, la juge a ordonné que Carlos réponde notamment devant les assises spéciales des crimes de meurtres avec préméditation, estimant que ces faits constituaient des actes de terrorisme.
«Je considère l'ordonnance de mise en accusation comme un attentat contre la loi française», a déclaré à l'AFP Me Coutant-Peyre.
La Fédération française des victimes d'attentats et d'accidents collectifs (Fenvac) a de son côté exprimé son «soulagement», après «une épreuve de 40 ans». «Cette ordonnance montre que la justice n'oublie pas et qu'il n'y a pas d'impunité pour les terroristes», a déclaré à l'AFP son secrétaire général Stéphane Gicquel.
Carlos avait été condamné en 2013 à la prison à vie pour quatre autres attentats à l'explosif en France qui ont fait onze morts et près de 150 blessés: rue Marbeuf à Paris, dans un train Paris-Toulouse (sud-ouest), un train Marseille-Paris et en gare de Marseille (sud), en 1982 et 1983.
Il avait déjà été condamné en 1997 à la réclusion criminelle à perpétuité pour le meurtre de trois hommes, dont deux policiers, à Paris en 1975.
Surnommé «le chacal», il avait notamment mené la prise d'otages spectaculaire de 11 ministres de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) réunis à Vienne en décembre 1975.