publié le 04/09/2013 à 15h49
Ce mercredi, les présidents français et allemand se rendent dans le village martyrisé le 10 juin 1944.
La cicatrice est restée visible. Soixante-neuf ans après, Oradour-sur-Glane est tel que les nazis
l'ont laissé: un village en ruines où 642 hommes, femmes et enfants ont été massacrés le 10 juin 1944 par la division Das Reich. Seulement six habitants ont survécu. C'est là, dans ce village martyr de la Seconde Guerre mondiale, que les présidents français et allemand, François Hollande et Joachim
Gauck, en visite d'État pour trois jours en France, se rendront mercredi.
La visite est historique et rappelle un peu celle d'Helmut Kohl et François Mitterrand à Verdun en 1984. C'est la première fois qu'un président allemand se rend à Oradour. Pourtant, dans la presse allemande, où la campagne électorale fait les gros titres, il en est
assez peu question. «En Allemagne, on connaît assez peu ce qu'il s'est passé à Oradour. Si les
Allemands ont travaillé sur le passé nazi, ils connaissent moins les massacres perpétrés à l'étranger», explique Claire Demesmay, spécialiste de la relation franco-allemande à l'institut de
recherche DGAP.
Le président Joachim Gauck, ancien pasteur et figure du combat pour la liberté dans l'ex-RDA, a entrepris
d'intégrer cette dimension dans la mémoire allemande. Sa parole est son seul pouvoir dans le système politique fédéral. En République tchèque, il a visité le village de Lidice, détruit en représailles de l'attentat contre Reinhard Heydrich. L'année dernière, il s'est rendu à Sant'Anna di Stazzema, un village toscan où les SS massacrèrent 560 personnes.
« Ce n'est pas facile de revenir à Oradour, dans un endroit où des
exactions aussi importantes ont été commises »
À Paris, on souligne avec respect la démarche. «Ce n'est pas facile de revenir à Oradour, dans un
endroit où des exactions aussi importantes ont été commises», observe-t-on à l'Élysée. Devant les ambassadeurs français, fin août, le président Hollande a rendu hommage au choix de son homologue allemand de venir à Oradour «pour porter le message, le seul qui vaille: ne rien oublier et être capable, en même temps, de
construire l'avenir ensemble».
Pour François Hollande, la visite comporte une résonance particulière: sa ville de Tulle a été victime de la
division Das Reich, qui y a supplicié 99 personnes, exécutées par pendaison le 9 juin 1944.
L'idée d'une visite de Joachim Gauck à Tulle a d'ailleurs été évoquée sans qu'il soit donné suite. «François Hollande est sensible aux questions mémorielles», assure un de ses proches, en rappelant ses mots sur la
guerre d'Algérie. «Il faut toujours avoir un souci pédagogique. Et mettre en résonance ce qu'il s'est passé à Oradour avec ce qu'il se passe dans le monde. C'est une piqûre de rappel. Même si aujourd'hui l'époque
est différente, Oradour cela pourrait de nouveau arriver», explique-t-on dans une référence à la guerre civile en Syrie.
Les discours des deux chefs d'État sont attendus. Notamment de la part des familles des «Malgré nous», ces Français enrôlés de force dans l'armée nazie. Jusqu'à présent, l'État français n'a pas
su trouver les mots de l'apaisement. Les «Malgré nous» voudraient voir reconnu leur traumatisme. Les familles des survivants des massacres, elles, s'inquiètent qu'on puisse, même a posteriori,
relativiser la responsabilité personnelle de chacun. À Oradour, les plaies françaises ne sont pas totalement refermées.