Julien Duvivier, né le 8 octobre 1896 à Lille, mort le 29 octobre 1967 à Paris, est un réalisateur français. Il a marqué le cinéma français de la période 1930-1960. Parmi ses films les plus originaux, figurent notamment Pépé le Moko, Panique et Voici le temps des assassins. Célèbre pour sa noirceur et son pessimisme, il connut cependant l'un de ses plus grands succès publics avec son Don Camillo.
C'est comme acteur de théâtre que Julien Duvivier fait ses débuts en 1916 à l'Odéon, alors dirigé par André Antoine. En 1918, il entame son parcours au cinéma chez Gaumont comme scénariste ou assistant, entre autres d'André Antoine, devenu réalisateur (pour le film La Terre), de Louis Feuillade et Marcel L'Herbier. Dès l'année suivante, Duvivier réalise son premier film, Haceldama ou le prix du sang, qui cependant ne connaît qu’un succès mitigé. Parmi les films qu’il tourne dans les années 1920, on en trouve quelques-uns qui traitent de sujets religieux tels : Credo ou la Tragédie de Lourdes ( scénario Georges d'Esparbès) , L'Abbé Constantin, ou encore La Vie miraculeuse de Thérèse Martin… Sa filmographie ne restera jamais cantonnée cependant à une thématique ni même à un style particulier.
Dans les années 1930, il est engagé par de la société de production Film d'Art fondée par Marcel Vandal et Charles Delac où il pratique le travail d'équipe. Duvivier y restera neuf ans. C’est avec David Golder, réalisé en 1930, que Duvivier connaît un premier succès. C’est aussi son premier film parlant, et la première expérience du parlant pour l’acteur Harry Baur. 1934 marque la première collaboration de Julien Duvivier avec l’acteur Jean Gabin, qu’il dirige dans Maria Chapdelaine.
En 1935, pour La Bandera, Julien Duvivier s’attache pour l’écriture les talents de Charles Spaak, qui avait jusque-là collaboré avec Feyder, Grémillon, Allégret et L'Herbier. Ils travailleront par la suite souvent ensemble. Après le tournage du Golem (1936), film fantastique, Duvivier entreprend La Belle Équipe avec Jean Gabin, Charles Vanel, Raymond Aimos, une œuvre qui restera un titre phare du réalisateur. Dans ce film, cinq traîne-savates décrochent le gros lot à la loterie et décident d’acheter en commun une guinguette au bord de l’eau ; mais les imprévus se succèdent, et quand la femme s’en mêle, il n’y a plus grand-chose à sauver. La fin originale du film étant jugée trop pessimiste, une autre, plus joyeuse, est tournée. Ces deux fins existent toujours.
Trois films s’enchaînent ensuite : L'Homme du jour (1936), Pépé le Moko et Un carnet de bal (1937). Tandis que le premier, avec Maurice Chevalier dans le rôle principal, est un film mineur dans la carrière du réalisateur, les deux autres sont d'incontestables sommets. Pépé le Moko, qui nous plonge dans le milieu de la pègre, et qui a pour décor exotique la ville d’Alger, est par ailleurs le film qui véritablement propulse Gabin au rang de vedette internationale.
En 1938, Duvivier signe un contrat avec la MGM et va tourner aux États-Unis un premier film, une biographie de Strauss, The Great Waltz. L'année suivante, déjà de retour en France, Duvivier met en scène la La Fin du jour, dans lequel des acteurs de théâtre à la retraite luttent pour que la maison de repos créée pour les accueillir eux seuls ne ferme pas ses portes ; on retrouve dans ce film Michel Simon en vieil acteur cabotin, et Louis Jouvet en vieux jeune premier psychotique qui croit encore en son pouvoir de séduction. C’est sans doute le film le plus émouvant du réalisateur. Duvivier enchaîne ensuite avec La Charrette fantôme, film fantastique adapté d’un roman de Selma Lagerlöf.
Duvivier tourne en 1940 Untel père et fils, avec Raimu, Michèle Morgan, et Louis Jouvet ; le film, une chronique familiale, ne pourra, à cause de la tournure prise par les événements politiques, être projeté qu’à la fin de guerre, du moins en France. Ce film, en dépit d'une distribution excellente, est généralement considéré comme un film mineur, voire raté, de Duvivier. Durant la Seconde Guerre mondiale, contrairement à Marcel Carné notamment, qui malgré les circonstances poursuit sa carrière en France, Julien Duvivier part de nouveau travailler aux États-Unis, où il réalise 5 films : Lydia (1941), 2 films à sketches : Tales of Manhattan, avec Charles Boyer, Rita Hayworth entre autres stars (1942) et Flesh and Fantasy, avec Edward G. Robinson, Charles Boyer et Barbara Stanwyck (1943), ensuite L'Imposteur, un remake de Pépé le Moko avec toujours Gabin (1943) et Destiny (1944).
À son retour en France, Duvivier éprouve quelques difficultés à renouer avec son succès des années 1930. En 1946, sort Panique. Condensé exhaustif des instincts les plus vils et les plus bas de la nature humaine, l’œuvre reste le film le plus personnel, le plus noir et le plus nihiliste de son auteur. Ce sera un échec cuisant, tant critique que public. La critique lui reprocha une volonté de retour au réalisme poétique d’avant-guerre. Duvivier continuera cependant, après un court détour en Grande-Bretagne en 1948 pour le tournage d'Anna Karénine et un tournage en Espagne pour Black Jack en 1950, à travailler en France jusqu’à la fin de sa vie.
En 1951, il réalise Sous le ciel de Paris, un film d’une très grande originalité d’un point de vue du découpage scénaristique : au cours d’une journée à Paris, on suit des gens dont les destins vont finir par se croiser. La même année, Duvivier tourne le premier volet des Don Camillo : Le Petit monde de don Camillo qui rencontre un succès populaire immédiat et auquel il donne lui-même une suite Le Retour de don Camillo, qui sort en 1953. La série se prolongera sous la direction d’autres réalisateurs.
Dans Voici le temps des assassins (1956), on retrouve Jean Gabin dans le rôle d’un brave restaurateur qui se fait gruger par une jeune femme cynique et sans scrupules, jouée par Danièle Delorme. Un film très noir, et un portrait de femme démoniaque marquant. Duvivier tourne un autre grand film en 1959 : Marie-Octobre, avec Danielle Darrieux, Paul Meurisse, Serge Reggiani et Bernard Blier, entre autres. Un exercice de style : 11 personnages (neuf hommes, deux femmes — la reine et l'ouvrière pourrait-on dire —), unité de lieu, de temps, d'action, et une mise en scène omniprésente, inquisitrice, presque menaçante, avec un souci constant et presque maniaque du cadrage et de la composition de l'image. La même année, le metteur en scène est invité à faire partie du jury au Festival de Cannes.
En 1962, il se livre une dernière fois à l’exercice du film à sketches, avec Le Diable et les Dix Commandements. L’année suivante, sort Chair de poule, un film dont le scénario est proche de celui du Facteur sonne toujours deux fois et qui présente encore une fois un personnage de garce sans scrupules. En 1967, alors que la production de Diaboliquement vôtre vient de s’achever, film dans lequel il est question d’un homme rendu amnésique à la suite d’un accident de voiture, Duvivier est lui-même victime d’un accident de la circulation, provoquant une crise cardiaque qui lui coûte la vie. Il est âgé de 71 ans et laisse derrière lui une filmographie riche de près de 70 titres, parmi lesquels on compte d’incontournables classiques du cinéma mondial. Il est enterré au cimetière ancien de Rueil-Malmaison dans les Hauts-de-Seine.
Filmographie
- 1917 Le coupable – de André Antoine avec René Hiéronimus - Seulement régisseur
- Les travailleurs de la mer : 1ère époque – de André Antoine avec Romuald Joubé - Seulement assistant réalisateur
- Les travailleurs de la mer : 1ère époque – de André Antoine avec Andrée Brabant - Seulement assistant réalisateur
- 1919 Haceldama ou le prix du sang / Haceldama / Le prix du sang – de Julien Duvivier avec Camille Bert + scénario, directeur de la photographie, montage & production
- 1920 La réincarnation de Serge Renaudier – de Julien Duvivier avec Andrée Reynis + scénario – Film détruit
- Quatre-vingt-treize, 1ère époque – de Albert Capellani, André Antoine & Léonard Antoine avec Paul Capellani - Seulement assistant réalisateur
- Quatre-vingt-treize, 2ème époque – de Albert Capellani, André Antoine & Léonard Antoine avec Philippe Garnier - Seulement assistant réalisateur
- 1921 Crépuscule d’épouvante – de Henri Etiévant avec Victor Francen - Seulement scénario
- L’agonie des aigles : 1ère époque, Le roi de Rome – de Bernard-Deschamps avec Séverin-Mars - Seulement assistant réalisateur & adaptation
- L’agonie des aigles : 2ème époque, les demi-soldes – de Bernard-Deschamps avec Séverin-Mars - Seulement assistant réalisateur & adaptation
- La terre – de André Antoine avec Paul Castanet - Seulement assistant réalisateur
- 1922 Les Roquevillard – de Julien Duvivier avec Jeanne Desclos + adaptation, scénario & production
- L’ouragan sur la montagne – de Julien Duvivier avec Camille Beuve + scénario
- L’Arlésienne – de André Antoine avec Lucienne Bréval - Seulement assistant réalisateur
- Le logis de l’horreur – de Julien Duvivier avec Jeanne Helbling + scénario & production
- Le logis de l’horreur ( der unheimliche gast / sturm im gebirge ) de Julien Duvivier avec Lotte Lorring - Version allemande de « Le logis de l’horreur »
- 1923 Le reflet de Claude Mercœur – de Julien Duvivier avec Maud Richard + adaptation, scénario & production
- Cœurs farouches – de Julien Duvivier avec Desdemonda Mazza + scénario & production
- Credo ou la tragédie de Lourdes – de Julien Duvivier avec Henry Krauss + scénario & production
- 1924 CM La machine à refaire la vie – de Julien Duvivier & Henri Lepage
- L’œuvre immortelle ( wat eeuwig blijft ) de Julien Duvivier avec Suzanne Christy + scénario
- La nuit de la revanche – de Henri Etievant avec Léon Mathot - Seulement scénario
- 1925 L’abbé Constantin – de Julien Duvivier avec Georges Lannes + adaptation
- Poil de carotte – de Julien Duvivier avec Charlotte Barbier-Krauss + scénario
- 1926 L’agonie de Jérusalem – de Julien Duvivier avec Berthe Jalabert + adaptation & scénario
- L’homme à l’Hispano – de Julien Duvivier avec Huguette Duflos
- 1927 Le mariage de Mademoiselle Beulemans – de Julien Duvivier avec Jean Dehelly + adaptation & scénario
- Le mystère de la tour Eiffel / Les frères Miroton / T.S.F., Tramel s’en fout… – de Julien Duvivier avec Félicien Tramel
- 1928 Le tourbillon de Paris – de Julien Duvivier avec Lil Dagover + adaptation & scénario
- La divine croisière / Le miracle de la mer – de Julien Duvivier avec Thomy Bourdelle + scénario
- 1929 La vie miraculeuse de Thérèse Martin – de Julien Duvivier avec Simone Bourday + scénario
- Maman Colibri – de Julien Duvivier avec Francis Lederer + adaptation & scénario
- 1930 Au bonheur des dames – de Julien Duvivier avec Ginette Maddie
- David Golder – de Julien Duvivier avec Camille Bert + dialogues & scénario
- 1931 Les cinq gentlemen maudits – de Julien Duvivier avec Robert Le Vigan + adaptation, dialogues & scénario
- Les cinq gentlemen maudits ( die fünf verfluchten gentlemen ) de Julien Duvivier avec Anton Walbrook + scénario – Version allemande de « Les cinq gentlemen maudits »
- 1932 CM La Vénus du collège – de Julien Duvivier
- Allô, Berlin ? Ici Paris! – de Julien Duvivier avec Josette Day + adaptation, dialogues & scénario
- Poil de carotte – de Julien Duvivier avec Harry Baur + dialogues & scénario
- La tête d’un homme – de Julien Duvivier avec Valéry Inkijinoff + lyriques, dialogues & scénario
- 1933 Le petit roi – de Julien Duvivier avec Robert Lynen + scénario
- CM La machine à refaire la vie – de Julien Duvivier
- 1934 Maria Chapdelaine – de Julien Duvivier avec Madeleine Renaud + scénario - Mention spéciale au festival du cinéma de Venise, Italie
- Le paquebot « Tenacity » – de Julien Duvivier avec Raymond Aimos + scénario
- 1935 Golgotha / Ecce Homo – de Julien Duvivier avec Edwige Feuillère + adaptation & scénario
- La Bandera / La grande relève – de Julien Duvivier avec Annabella + dialogues & scénario
- Bout de choux – de Henry Wulschleger avec Sinoël - Seulement scénario
- 1936 L’homme du jour – de Julien Duvivier avec Maurice Chevalier + production & scénario
- Le Golem – de Julien Duvivier avec Marcel Dalio + scénario
- La belle équipe – de Julien Duvivier avec Viviane Romance + lyriques, musique & scénario
- Pépé-le-Moko – de Julien Duvivier avec Jean Gabin + scénario
- 1937 Un carnet de bal – de Julien Duvivier avec Marie Bell + adaptation & scénario - Coupe Mussolini du meilleur film étranger au festival du cinéma de Venise, France
- 1938 Toute la ville danse ( the great waltz ) de Julien Duvivier avec Luise Rainer
- La fin du jour – de Julien Duvivier avec Victor Francen + scénario - Coupe de la 7ème Biennale au festival du cinéma de Venise, Italie
- 1939 La charrette fantôme – de Julien Duvivier avec Pierre Fresnay + scénario
- Casbah ( Algiers ) de John Cromwell avec Hedy Lamarr - Seulement sujet original
- 1940 Untel père et fils – de Julien Duvivier avec Raimu + scénario
- 1941 Lydia ( illusions ) de Julien Duvivier avec Merle Oberon + sujet & scénario
- 1942 Six destins / Histoires de Manhattan ( tales of Manhattan ) de Julien Duvivier avec Rita Hayworth + scénario
- Destiny / The fugitive – de Julien Duvivier & Reginald Le Borg avec Gloria Jean + production
- 1943 Obsessions ( flesh and fantasy / six destinies ) de Julien Duvivier avec Barbara Stanwyck + production & scénario
- L’imposteur ( the impostor / bayonet charge / strange confession ) de Julien Duvivier avec Ellen Drew + production & scénario
- 1946 Panique – de Julien Duvivier avec Michel Simon + adaptation & scénario
- Amours, délices et orgues – de André Berthomieu avec Gisèle Pascal - Seulement sujet original & scénario
- 1948 Anna Karénine ( Anna Karenina / Tolstoy’s Anna Karenina ) de Julien Duvivier avec Vivien Leigh + adaptation & scénario
- 1949 Au royaume des cieux – de Julien Duvivier avec Juliette Gréco + adaptation, scénario & production
- 1950 Trafiquants d’opium / Black Jack ( captain Blackjack / Jack, el negro ) de Julien Duvivier & José Antonio Nieves Conde avec George Sanders + production, sujet & scénario
- Sous le ciel de Paris / Sous le ciel de Paris coule la Seine – de Julien Duvivier avec Paul Frankeur + adaptation & scénario
- 1951 Le petit monde de Don Camillo / Don Camillo – de Julien Duvivier avec Gino Cervi + adaptation, dialogues & scénario. Coupe d’Argent du meilleur scénario, pour promouvoir les valeurs démocratiques pour le futur, du Cinéma Germanique, Allemagne
- 1952 La fête à Henriette – de Julien Duvivier avec Michel Auclair + scénario
- 1953 Le retour de Don Camillo – de Julien Duvivier avec Fernandel + adaptation, dialogues & scénario
- 1954 L’affaire Maurizius – de Julien Duvivier avec Madeleine Robinson + adaptation, dialogues & scénario
- Marianne de ma jeunesse / Marianne – de Julien Duvivier avec Pierre Vaneck + adaptation, dialogues & scénario
- Marianne de ma jeunesse ( Marianne, meine jugendliebe ) de Julien Duvivier avec Horst Buchholz + scénario – Version allemande de « Marianne de ma jeunesse »
- 1955 Voici le temps des assassins – de Julien Duvivier avec Danièle Delorme + lyriques, adaptation, dialogues & scénario
- 1956 L’homme à l’imperméable – de Julien Duvivier avec Bernard Blier + scénario
- 1957 Pot-Bouille – de Julien Duvivier avec Gérard Philipe + adaptation & scénario
- 1958 La femme et le pantin – de Julien Duvivier avec Brigitte Bardot + adaptation & scénario
- Marie-Octobre – de Julien Duvivier avec Danielle Darrieux + adaptation & scénario
- 1960 La grande vie ( das kunstseidene mädchen / la gran vita ) de Julien Duvivier avec Giulietta Masina + adaptation, dialogues & scénario
- Boulevard – de Julien Duvivier avec Jean-Pierre Léaud + adaptation & scénario
- 1961 La chambre ardente – de Julien Duvivier avec Jean-Claude Brialy + adaptation, scénario & production
- 1962 Le Diable et les dix commandements – de Julien Duvivier avec Charles Aznavour + scénario
- 1963 Chair de poule – de Julien Duvivier avec Robert Hossein + adaptation & scénario
- Deux têtes folles / Paris qui pétille ( Paris – When it sizzles ) de Richard Quine avec Marlene Dietrich Seulement sujet
- 1967 Diaboliquement vôtre – de Julien Duvivier avec Senta Berger + adaptation & scénario