Bar-sur-Seine - En cette année de centenaire de la Grande Guerre, les témoignages ressurgissent. Exemple remarquable avec le journal de guerre de ce militaire originaire de Lagesse.
Les sept petits carnets du capitaine Dosnon racontent plusieurs histoires dans l’Histoire. D’abord, celle d’un militaire né le 20 octobre 1879 à Lagesse, qui aura franchi tranquillement les étapes au sein du cursus militaire jusqu’à devenir capitaine. Un homme plutôt militariste dans l’âme mais qui, progressivement, au fur et à mesure que le conflit va s’enliser et qu’il aura vécu sur le front de l’Est (Ypres, Verdun, Nancy…), va développer un esprit critique à l’égard de ses supérieurs hiérarchiques. « À partir d’un certain moment, il attendait avant d’exécuter un ordre car il savait qu’un contre-ordre allait ensuite arriver. Ce qui se produisait finalement neuf fois sur dix », relate Jean-Marie Thiébault.
Absurdité et horreurs
Des consignes parfois sans queue, ni tête, comme celle donnée à son régiment de passer par un bois qui n’existe plus après avoir été bombardé, sont légion. L’anecdote des sept demandes de nomination de lieutenant qui n’auront jamais abouti démontrera également le décalage entre les têtes dirigeantes installées dans les bureaux et seulement intéressées par les honneurs, et les soldats en prise avec les horreurs du terrain.
Des horreurs que n’hésite pas à restituer le capitaine Dosnon, telles l’explosion d’un obus qui fait voler les chevaux à dix mètres de hauteur ou le déplacement sur des cadavres encore vivants. « Ce qu’on peut remarquer également, c’est qu’il ne développe jamais ses séjours en permission, ni sa famille. Le passage commence par « je suis parti en permission… » et enchaîne par « je suis revenu de permission… ». Comme si c’était une non-période », signale le transcripteur.
Il n’en a jamais reparlé
L’imperméabilité des émotions et des sentiments, qui rejaillissent toutefois lorsqu’il s’agit d’évoquer ses hommes, ne va pas non plus sans une certaine ambiguïté. Si l’Allemand était l’ennemi, « Le Boche » comme il était surnommé, Lucien Dosnon ne pouvait inversement s’empêcher d’éprouver une forme d’admiration pour sa discipline. « À travers son récit, on retrouve également les grandes informations de la guerre générale. Les directives énoncées par Clemenceau, sur le fait de ne jamais reculer, alors qu’il n’est pas forcément au courant. »
Il y a également dans ces quatre années condensées dans un journal un officier militaire qui écrit dans un style tout sauf ampoulé et qui ne commet aucune faute d’orthographe, alors qu’il a quitté l’école plutôt jeune.
Un officier qui, une fois la guerre terminée, n’aura jamais reparlé de ce qu’il aura vécu. Tout juste consentait-il à montrer sa blessure à la cuisse engendrée par un éclat d’obus. « On peut le comprendre, tant la période fut difficile à vivre et le traumatisme imposant », souligne Jean-Marie Thiébault. Le capitaine Dosnon, une fois retraité, vécut ses derniers jours à Chesley, où il ouvrit un pressoir. Sur celui-ci, des inscriptions du type « L’heure, c’est l’heure, avant l’heure, ce n’est pas l’heure, après l’heure, ce n’est plus l’heure », héritage d’une vie militaire marquée au fer rouge.