La Direction de la surveillance du territoire (DST) était un service de renseignements du ministère de l'Intérieur, au sein de la direction générale de la police nationale, chargé historiquement du contre-espionnage en France.
Cette dernière compétence n’était plus la seule qui était confiée à la DST ; depuis la disparition du bloc soviétique, s’y ajoutaient la lutte anti-terroriste, la lutte contre la prolifération (matériels sensibles ou militaires) et la protection du patrimoine économique et scientifique français. Cette dernière spécialité relève de l’intelligence économique. Elle était membre de la communauté française de renseignement. Elle constituait sans doute la structure la moins visible et l'une des plus discrètes de la police nationale. C'est que la mission de contre-espionnage civil et militaire qui lui était dévolue ne concerne pas le grand public et requiert une confidentialité particulière. L'identité des personnels ainsi que la nature des opérations auxquelles ils participaient relèvent d'ailleurs du secret-Défense et du confidentiel Défense.
Le 1er juillet 2008, la DST a fusionné avec la Direction centrale des Renseignements généraux au sein d'une nouvelle direction qui a pris le nom de : Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI). La Surveillance du Territoire (ST) est un service de police qui fut créé en 1934 par le gouvernement de Gaston Doumergue et renforcé en 1937 par le Front populaire. Il a permis l'arrestation de nombreux espions allemands pendant la Seconde Guerre mondiale. Plusieurs de ses membres rejoindront d'ailleurs la Résistance. La DST succède à la ST par une ordonnance du 16 novembre 1944, signée du général de Gaulle et relative à l'organisation du ministère de l'Intérieur, que vint compléter un arrêté du 22 novembre 1944. Elle est confiée à Roger Wybot, qui avait dirigé à Londres, à partir de décembre 1941, la section de contre-espionnage du Bureau central de renseignements et d'action (BCRA).
Le Général de Gaulle établit la DST cette même année, fixant ses attributions et ses structures internes. Selon Phillipe Bernert, la création de la direction marquait une petite révolution car, pour la première fois en France, le contre-espionnage échappait au contrôle de l'armée. Roger Wybot prit soin de lui assurer une indépendance totale et mit l'accent sur l'exploitation du renseignement qu'il confia à un service de documentation créé à son initiative. La tâche dévolue aux "documentalistes" de ce service nouveau et interne à la DST consistait principalement à exploiter les informations transmises par les agents de terrain et à mettre à jour un fichier nominatif. Il leur revenait en outre d'identifier par recoupement les résidents étrangers suspectés de se livrer à des activités d'espionnage et de terrorisme ainsi que, en cas d'arrestation d'un suspect, de préparer les schémas d'interrogatoires. Les succès majeurs de la DST furent l'exploitation de Farewell et l'arrestation du terroriste international Ilich Ramírez Sánchez dit Carlos.
Dernièrement, les grandes missions de la DST étaient le contre-espionnage intérieur, la protection du patrimoine industriel, scientifique et technologique ainsi que la lutte contre le terrorisme intérieur. La DST s'articulait autour de quatre grandes divisions :
- Division de la surveillance du Monde musulman et contre-terrorisme,
- Division sécurité, protection du patrimoine et prolifération,
- Division contre-espionnage intérieur,
- Division des services techniques et de l'informatique.
Les liens traditionnels que la France entretient avec l'Afrique, le Proche-Orient et le Moyen-Orient avaient contribué à faire de la DST l'un des services de renseignements occidentaux les plus performants en matière de contre-terrorisme islamiste radical. La DST assurait des missions se rapportant à la défense, dirigées sur la recherche, la prévention et la lutte contre toutes les activités inspirées ou soutenues par des puissances étrangères et de nature à menacer la sécurité et la souveraineté du pays et de son patrimoine à tous les niveaux. Elle est organisée en services centraux (de compétence nationale) et en services territoriaux. Elle entretenait également des antennes dans certains pays étrangers.
La DST avait en charge la police des communications radio (PCR), c'est-à-dire la recherche d'émetteurs clandestins grâce à des stations d'écoute. Un plan national des fréquences est programmé sur un ordinateur, et toute émission non répertoriée provoque ainsi un état d'alerte. Il est alors procédé à l'enregistrement du contenu de l'émission puis à sa localisation. La DST de par ses attributions était chargée de protéger les entreprises françaises contre l'espionnage économique, scientifique et industriel. Ces cas d'espionnage se sont considérablement développés au cours des dernières années, ils constituent désormais 60% des cas détectés, contre 40% pour l'espionnage politique, diplomatique et de défense. Un nombre important d'entreprises françaises font l'objet d'espionnage de la part de puissances étrangères.
Le siège de la DST se trouve au 84, rue de Villiers à Levallois-Perret, depuis qu'elle a quitté en 2007 le siège historique du 7, rue Nélaton à Paris. L'organisation exacte et l'identité des agents qui y travaillent sont couverts par le secret défense (avis du Conseil d'État du 19 juillet et du 29 août 1974). Ses effectifs étaient de 1 419 fonctionnaires au 1er janvier 2000. Depuis le 11 septembre 2001, les effectifs et les moyens mis en œuvre dans la lutte anti-terroriste ont augmenté de façon significative : avant sa fusion en 2008 avec la DCRG au sein de la nouvelle DCRI, les effectifs de la DST étaient compris entre 1 800 et 2 000 fonctionnaires, personnel administratif inclus.
La DST dépendait du Premier ministre, via le ministre de l'Intérieur, mais aussi de la Direction générale de la police nationale (DGPN). Parmi les autres services centraux, on trouvait un service de documentation et d'exploitation qui assurait la centralisation de tous les renseignements recueillis par les fonctionnaires du service et qui bénéficiait de sections spécialisées en province. Le but de ce service était d'assurer un contrôle total des documents liés aux informateurs et aux agents (simples ou doubles), depuis leur recrutement jusqu'à la cessation de leurs rapports avec le service. En ce qui concerne les activités dans le domaine de l'informatique, la DST a aussi créé un département des systèmes informatiques en 1986.
Le 27 juin 1975, la division Moyen-Orient de la DST s'est vu attribuer des moyens humains et matériels supplémentaires afin de lui permettre de s'impliquer plus sérieusement dans les affaires de terrorisme. Elle disposait ainsi de moyens plus importants que les autres divisions de la DST : voitures rapides, matériel de photographie très sophistiqué pour l'époque, et des moyens permettant de réaliser des écoutes téléphoniques, des récepteurs et émetteurs pour marquer et suivre des véhicules ou des personnes. Ces techniques étaient à l'avant-garde de nombre de services de contre-espionnage en Europe et dans le monde à cette époque. Il existait une antenne de la DST par région militaire et par zone de défense répartie sur l'ensemble du territoire :
- Direction régionale Lille
- Direction régionale Rennes
- Direction régionale Bordeaux
- Direction régionale Marseille
- Direction régionale Metz
- Direction régionale Lyon
- Direction régionale Tours
- Détachement Antilles-Guyane
- Détachement Réunion
- Détachement Polynésie
- Détachement Nouvelle Calédonie
La DST bénéficiait d'un groupe d'opérateurs du RAID. Les fonctionnaires de ce corps d'élite de la police nationale assistaient les enquêteurs de la DST pour les interpellations et leurs protections depuis 1987. Ainsi, dans Paris et en Île-de-France, le RAID entretenait une astreinte pour la DST de 8 à 24 opérateurs du groupement d'intervention, pour sécuriser les lieux et procéder à l'effraction et à l'interpellation des individus incriminés. Pour les directions régionales en province, la DST était aidée et soutenue par les groupes d'intervention de la police nationale (GIPN) et par les BREC (devenues BRI) de la Direction centrale de la police judiciaire (DCPJ) décentralisées au niveau des Services régionaux de police judiciaire (SRPJ) pour les mêmes tâches de sécurité et de protection que le groupement d'intervention RAID.
Directeurs
- Roger Wybot (1944 - 1959)
- Gabriel Eriau (1959 - 1961)
- Daniel Doustin (1961 - 1964)
- Tony Roche (1964 - 1967)
- Jean Rochet (1967 - 1972)
- Henri Biard (1972 - 1974)
- Jacques Chartron (1974 - 1975)
- Marcel Chalet (novembre 1975 - novembre 1982)
- Yves Bonnet (1982 - 1985)
- Rémy Pautrat (août 1985 - avril 1986)
- Bernard Gérard (avril 1986 - mai 1990)
- Jacques Fournet (23 mai 1990 - 5 octobre 1993)
- Philippe Parant (6 octobre 1993 - 28 août 1997)
- Jean-Jacques Pascal (29 août 1997 - 3 juillet 2002)
- Pierre de Bousquet de Florian (4 juillet 2002 - 15 juillet 2007)
- Bernard Squarcini (16 juillet 2007 - 1er juillet 2008 ; directeur central du renseignement intérieur à partir du 2 juillet 2008)
Affaire du Canard enchaîné
Le 3 décembre 1973, des agents de la DST, déguisés en plombiers, ont été surpris en train d'installer un micro espion dans les bureaux du journal Le Canard enchaîné.
Affaire Farewell
Qui était Farewell ? On présente généralement Vladimir Ippolitovitch Vetrov comme un étudiant doué, fréquentant assidûment les salles de sport et en outre père de famille attentionné. Toutes ces qualités le firent remarquer par les sergents recruteurs du KGB qui écumaient régulièrement les campus moscovites à la recherche de nouveaux talents. Ayant intégré les rangs de la principale centrale d'espionnage soviétique, sa carrière le vit tout d'abord opérer en France où il se montra à son avantage. Il séjourna ensuite au Canada avant de se voir attribuer un poste d'analyste à Moscou, affectation qu'il ressentit comme un désaveu.
Il en conçut une certaine rancœur qui déborda tant dans sa vie professionnelle que dans sa vie personnelle : naguère officier de renseignement émérite, il finit par douter de tout, y compris de lui-même. La suite fut ainsi résumée par Serguei Kostine : Vladimir Ippolitovitch Vetrov se décide à faire le saut : au printemps 1980, il contacte le contre-espionnage français, la DST.
L'aventure commence. Vetrov devint Farewell. Il semble que, dès le départ, le Soviétique entendait agir dans la durée, il se préoccupait donc en priorité de sa sécurité personnelle et tenant les services occidentaux d'espionnage extérieur comme tous pénétrés par le KGB, il les évita soigneusement. Ayant en outre résidé dans la capitale française, il connaissait bien les méthodes de la DST. Enfin Vetrov avait été en relation avec un Français répondant au nom de Jacques Prévost qui assurait le suivi des contrats signés par Thomson-CSF en Union soviétique notamment dans le domaine des télécommunications.
Contredisant les propos tenus par Marcel Chalet, la DST s'avéra tétanisée par la crainte des opérations de manipulation dans la mise en œuvre desquelles les Soviétiques étaient passés maîtres. Cependant, et sur l'insistance de l'officier du KGB, le service français demanda à un cadre commercial d'une grande entreprise d'accepter de jouer au cheval de Troie. Ce que livra Vladimir Ippolitovitch Vetrov à l'espion de rencontre acheva de convaincre les fins limiers du contre-espionnage : c'était des informations de tout premier ordre. Au point, quelques mois plus tard , d'avoir inspiré à Ronald Reagan ce jugement aussi dithyrambique que lapidaire : « c'est l'une des plus grandes affaires d'espionnage du XXe siècle ».
Effectivement le bilan apparaît exceptionnel : selon Marcel Chalet, Vladimir Ippolitovitch Vetrov dit Farewell a remis exactement 2997 pages de documents émanant pour la plupart du KGB, la majeure partie de ses documents est frappée du cachet indiquant le niveau de classification maximal, Farewell a aussi donné à la DST la liste d'environ 250 noms de membres de ligne X du KGB, c'est-à-dire les officiers de renseignement chargés de recueillir les renseignements scientifiques et techniques à travers le monde, et de 170 agents du KGB appartenant à d'autres directions du KGB et du GRU. Le 5 avril 1983, la France demanda à 47 Soviétiques de quitter le territoire, sur ce total 40 étaient investis de fonctions diplomatiques, deux exerçaient le métier de journaliste et cinq officiaient dans différents organismes commerciaux.