Gaston Defferre naît le 14 septembre 1910 à Marsillargues (Hérault) dans une famille protestante. Il est marqué par l'influence d'une mère cultivée qui est sa première institutrice avant qu'il n'entreprenne des études secondaires au lycée de Nimes. Très jeune il se familiarise avec la civilisation africaine lorsqu'il rejoint son père qui possède un cabinet juridique à Dakar.
Il revient à Marseille où il travaille comme avocat en 1931. Il épouse alors Andrée Aboulker. Désormais sa vie ne se sépare plus de la grande cité phocéenne. En 1933 il adhère à la Xe section de la SFIO de Marseille où il milite discrètement. Antimunichois, il saisit la première occasion de résister à l'occupant et entre dans le réseau " Froment " puis constitue avec Pierre Fourcaud et André Boyer le réseau de renseignement " Brutus " . Il participe en juin 1941 à la direction du Parti socialiste clandestin. Il refuse de siéger à l'Assemblée consultative d'Alger car il préfère être présent à Marseille lors de la Libération espérée. Dès que la ville recouvre sa liberté, Gaston Defferre devient par accord des résistants, chef de la délégation municipale. Il publie et dirige Le Provençal . La Croix de guerre et la Rosette de la Résistance récompensent ses activités clandestines. En septembre 1946 il épouse en secondes noces Marie-Antoinette Swaters qui vient de combattre dans l'armée britannique. Le temps est désormais venu de siéger à l'Assemblée consultative provisoire où il est inscrit dans la Commission de l'équipement national, dans la Commission de la France d'outremer, dans la Commission du règlement et dans la Commission de la justice et de l'épuration. Le jeune délégué se prononce en faveur d'une réelle épuration notamment dans l'armée et les milieux économiques et réclame un meilleur ravitaillement pour Marseille. Mais déjà il se tourne vers l'avenir et rappelle qu'il faudra tenir outremer les promesses de rénovation. Favorable à la réforme de l'Etat au nom des idées de la Résistance, il établit le constat de faillite de la IIIe République. Une nouvelle Constitution devrait être élaborée avec une assemblée unique. Très tôt il prend position contre le recours au référendum.
Gaston Defferre, élu en 1945, à la tête de la liste SFIO de Marseille (74 256 voix, trois députés), participe aux travaux de la première Assemblée nationale Constituante dans les Commissions des territoires d'outremer, de la presse, de la radio et du cinéma et dans la Commission du règlement où il organise la Commission de la Constitution. Il approuve les accords de Bretton Woods. Le directeur du Provençal s'intéresse, comme de nombreux résistants, à la reconstitution de la presse et cherche à maintenir les acquis de la Résistance. Il présente en 1945 une proposition de loi tendant à attribuer en priorité aux journaux résistants les biens confisqués des entreprises de presse accusées de collaboration. Nommé secrétaire d'Etat chargé de l'information il fait voter une loi relative à la dévolution des biens confisqués. Il justifie les attributions de papier qui tiennent compte des ventes de journaux et il se montre favorable au rétablissement des émissions régionales de radiodiffusion.
La situation politique très agitée de Marseille requiert l'attention de Gaston Defferre. Il est réélu lors des deux élections de 1946 mais il affronte un Parti communiste puissant, qui a toujours quatre élus et qui augmente le nombre de ses électeurs (104 920 voix en juin et 113 448 voix en novembre) alors que la S.F.I.O. subit une érosion (68 821 suffrages en juin et 49 422 en novembre). Il retrouve la Commission des territoires d'outre-mer, la Commission du règlement et la Commission de la presse. Il justifie longuement les accords Blum-Byrnes sur la place du cinéma américain sur les écrans français que certains députés jugeaient excessive. Pour Gaston Defferre, ces accords constituent plutôt un progrès par rapport à l'avant-guerre.
Dans la première Assemblée législative le député de Marseille appartient toujours à la Commission de la presse et à la Commission de la France d'outre-mer dont il est élu vice-président en janvier 1947. Il entre dans la Commission de la marine marchande et dans la Commission de réforme administrative (1947) et est juré à la Haute cour de justice. Dès le 16 décembre 1946 il est nommé sous-secrétaire d'Etat à la France d'outre-mer et exerce cette charge jusqu'au 22 janvier 1947. Redevenu député il s'estime offensé à la suite d'une campagne menée par L'Aurore dont Paul Bastid est le directeur. Un duel règle un différend assorti d'une gifle donnée en pleine assemblée. L'année 1947 est particulièrement éprouvante pour Gaston Defferre qui ne parvient pas à reconquérir la mairie de Marseille gagnée deux ans plus tôt par les communistes. Il noue une alliance avec la droite locale et Le Provençal publie des témoignages sur l'existence de camps de concentration en Union soviétique. De graves émeutes qui ne sont pas contrôlées par le service d'ordre composé de CRS, ont lieu dans la ville; la tribune de l'Assemblée est l'écho d'échanges très vifs entre les députés communistes et Gaston Defferre qui met en cause leur responsabilité dans la tentative d'attaque de la mairie et du commissariat de police par les émeutiers.
Le député des Bouches-du-Rhône manifeste une attitude libérale vis-à-vis de l'Union française. Il est favorable a un développement des dépenses d'investissement en Afrique et à une décentralisation de la politique monétaire. Il se déclare prêt à aider les peuples d'outremer à mettre sur pied des institutions démocratiques. Lorsque se produisent les événements de Madagascar, il affirme sa pleine confiance dans l'aptitude du gouvernement à faire la lumière sur les responsabilités. Une mission sur place l'amène à conclure qu'un renforcement de la hiérarchie policière empêcherait le retour d'actes regrettables. S'il vote le statut de l'Algérie en 1947 c'est qu'il le considère comme l'amorce d'une nouvelle politique. En Indochine, il s'agit pour lui de mettre fin à une " triste aventure militaire " . Il précise en mars 1949 que la France n'a pas à choisir de négocier avec Ho Chi Minh ou avec Bao Daï mais qu'elle doit créer les conditions qui permettront aux peuples de désigner librement leurs représentants. Cette priorité donnée au libre choix des populations l'amènera à soutenir fermement Pierre Mendès France en 1954.
Le 12 juillet 1950 Gaston Defferre est nommé ministre de la marine marchande dans le cabinet de René Pleven. Il expose aux députés les solutions apportées au trafic avec la Corse et préfère à la régie directe et aux subventions la formule plus commerciale des allocations complémentaires. Il se préoccupe de réunir pour les pêcheurs français les meilleures conditions techniques d'exploitation et envisage aussi un développement des activités des chantiers navals. Sur ce sujet comme sur bien d'autres les affrontements entre Gaston Defferre et les communistes sont vifs et n'épargnent pas la tribune de l'Assemblée. Les élections de 1951 à Marseille sont l'occasion de former des apparentements entre les listes socialiste, UDSR-RGR, des Indépendants et du MRP afin de contrer les communistes et le RPF. Les listes apparentées n'obtenant pas la majorité absolue - elles n'ont que 94 076 voix - la répartition des sièges a lieu à la proportionnelle. Le Parti communiste, fort de 112 578 voix a quatre députés et la SFIO en obtient deux pour 57 690 voix. Le RPF a également deux députés pour 73 683 voix et le MRP -23 641 voix - n'a qu'un élu. Gaston Defferre est nommé membre de la Commission de la marine marchande et de la Commission des territoires d'outre-mer qui le délègue dans la Commission de coordination chargée d'examiner les problèmes intéressant les Etats associés en Indochine en 1954. Partisan de la nouvelle Europe, le député de Marseille vote pour la CECA et la CED. Il s'inquiète de la politique coloniale du gouvernement qui empêche de réunir les forces nécessaires à la défense du continent européen.
Il soutient très fidèlement la politique de Pierre Mendès France. Ses interventions sont moins nombreuses au cours de cette législature car il se consacre à la reconquête de la mairie de Marseille. II exprime son inquiétude devant la situation lamentable des hôpitaux d'une ville tenue d'accueillir de nombreux malades de l'outre-mer sans avoir les moyens financiers correspondant à ses charges. En mai 1953 le succès couronne ses efforts puisqu'il est élu maire de Marseille. Aux élections législatives de 1956 il apparente la liste SFIO avec les Républicains sociaux et les Radicaux-UDSR. Bien que les listes apparentées demeurent loin de la majorité absolue ce qui impose une répartition à la proportionnelle, le maire de Marseille remporte un beau succès avec trois élus pour 79 805 voix. Le Parti communiste a quatre élus pour 122 152 voix, les indépendants un siège pour 55 548 voix. Il en est de même pour les poujadistes qui ont réuni 39 709 suffrages.
Gaston Defferre appartient à la Commission de l'intérieur, à la Commission de la marine marchande puis, en 1957 à la Commission de la presse, à la Commission des moyens de communication et du tourisme et enfin à la Commission des territoires d'outremer. Le 1er février 1956 il est nommé ministre de la France d'outre-mer dans le gouvernement de Guy Mollet. Toute son action, dans la lignée de convictions maintes fois exprimées, est tournée vers la recherche d'une solution évolutive et pacifique dans ces territoires où il est encore possible de prendre des initiatives sans être poussé par de dramatiques événements. Ainsi nain l'idée d'une loi-cadre qui permette au Parlement d'exprimer un avis global mais laisse au gouvernement l'élaboration précise des textes. Gaston Defferre cherche à associer plus étroitement les populations à la gestion en instituant des conseils de gouvernement à Madagascar des conseils provinciaux qui assistent le gouverneur dans l'administration du territoire. Les assemblées de territoire bénéficient d'un pouvoir délibérant.
Tout est mis en œuvre pour faciliter l'accès des fonctionnaires d'origine locale à tous les échelons de la hiérarchie. Le gouverneur est chargé de prendre des mesures pour favoriser le développement économique et social, organiser et soutenir la production par le crédit, l'appel à l'investissement privé et diverses mesures sociales. Les élections auront désormais lieu au collège unique. Des dispositions particulières sont prévues pour le Togo et le Cameroun. Après le vote de la loi le 20 juin 1956, il se consacre à la mise au point des décrets d'application et recherche l'appui des députés africains et métropolitains. Aussi n'a-t-il guère le loisir de s'engager dans la crise algérienne. Il appuie le gouvernement de Pierre Pflimlin et vote contre les projets du général de Gaulle les 1er et 2 juin 1958 mais il appelle à voter pour la Constitution d'une Ve République où il poursuivra sa carrière politique.