Asma el-Assad née Asma Fawaz Akhras le 11 août 1975 à Londres (Royaume-Uni), est une femme d'affaires de nationalité syrienne et britannique. Elle est la Première dame de Syrie depuis 2000, en tant qu'épouse du président de la République Bachar el-Assad.
Fille du docteur Fawaz Akhras, Asma est issue d'une famille sunnite de la ville de Homs. Elle naît dans le quartier d’Acton, à Londres. Son père a émigré vers le Royaume-Uni dans les années 1950 pour y terminer ses études et exercer la profession de cardiologue, au prestigieux Cromwell Hospital ; sa mère Sahar Otri était pour sa part la première secrétaire de l'ambassade de Syrie et sa propre sœur l’épouse d’Adnan el-Dabbagh, ministre de l’Intérieur d’Hafez el-Assad. Elle a deux frères cadets, Fara et Ayad. Elle parle couramment l’arabe et l’anglais et est passionnée d’art contemporain. Dans sa jeunesse, elle ne se rend en Syrie que pendant ses vacances d’été. Elle déclare en février 2011 au magazine américain Vogue : « Je me suis habituée à l’idée que les gens ne considéraient pas la Syrie comme un pays ordinaire ».
Grandissant dans la capitale britannique, elle étudie au Queens College, où elle obtient les meilleures notes de sa promotion en économie, en mathématiques, en informatique et en littérature française. Elle décroche par la suite une licence en informatique et littérature française au King's College de Londres. Après ses études, en 1996, elle commence à travailler à la Deutsche Bank en tant qu’« analyste dans le département des fonds de spéculation » pour les clients européens et est-asiatiques. En 1998, elle rejoint le département bancaire de JPMorgan Chase, où elle « se spécialise dans les fusions et acquisitions de compagnies pharmaceutiques et de biotechnologie ». Elle exerce un temps son activité à Paris (France), puis à New York (États-Unis).
C’est en 1992 lors d'une soirée à l’ambassade syrienne au Royaume-Uni, qu’elle rencontre Bachar el-Assad, qui poursuivait ses études en ophtalmologie. De dix ans son aîné, il est le fils du président Hafez el-Assad (en poste depuis 1971), dont sa famille est proche. Il n’a cependant pas de destin politique particulier, son frère aîné Bassel ayant été désigné comme « dauphin » du président. Celui-ci décède pourtant dans un accident de voiture en 1994, et Bachar devient alors l’héritier officiel du régime. C’est en 1996 que le couple se forme entre Bachar et Asma. Elle se fait alors de plus en plus absente à son travail, et finalement démissionne par surprise, après avoir touché une prime exceptionnelle à la suite d'un contrat important qu’elle venait de remporter. Leur liaison demeure officiellement secrète jusqu’à la fin des années 1990. Bachar est intronisé président le 17 juillet 2000. Le couple se marie le 31 décembre de la même année, mais l’annonce réelle n’a lieu de façon officielle qu’en janvier 2001, bien qu’aucune photographie d’elle ne transpire dans la presse. Le couple a trois enfants : Hafez (né en 2001), Zein ou Zeyn (née en 2003) et Karim (né en 2004).
Le couple formé entre Asma et Bachar el-Assad ne résulte pas simplement d’une rencontre amoureuse. En effet, si leur amour est sincère, il permet aussi au président d’asseoir son influence sur la majorité sunnite syrienne, dont sa femme fait partie, alors que lui-même appartient à la minorité alaouite. Au début de la présidence de son mari, elle parcourt trois mois la campagne syrienne incognito afin de découvrir le pays. Elle est ensuite médiatisée et le fait qu’elle ne porte pas le voile surprend, alors que le couple bénéficie alors d’une bonne image, dînant par exemple sans escorte apparente dans les restaurants de la capitale. Elle offre également un visage glamour au régime, rivalisant d’élégance, en Chanel comme en Louboutin : « Asma devient l’une des icônes glamour et modernes du monde arabe ».C’est d’ailleurs pour cela qu’une société de relations publiques britannique est sollicitée en 2007 par la présidence syrienne afin de communiquer sur cette Première dame moderne. Elle est par la suite surnommée la « rose du désert » par Vogue et « beauté 100 % nature » par le Huffington Post.
Cependant, elle était au départ mise en minorité au sein du parti Baas, et par sa belle-famille, « qui ne soutient pas ses projets ». Dernière arrivée dans le clan el-Assad, elle cultivait une forte animosité avec Anisah Makhlouf, mère de Bachar el-Assad, qui avait projeté rester Première dame de Syrie même après le décès de son mari et l’avènement de son fils comme président. Bouchra, sœur de Bachar, mariée à Assef Chaoukat, l'ancien chef de des services de renseignement et actuel vice-ministre de la Défense, compte également parmi ses rivales. Le fait qu’elle soit sunnite participe également de cette défiance, l’histoire de la Syrie n’ayant pas effacé le souvenir où « les montagnards alaouites vendaient leurs filles comme bonnes à la bourgeoisie sunnite » ; le conflit se règle en 2006, avec une « victoire » d’Asma sur les femmes de sa belle-famille.
Parallèlement, le régime syrien, qualifié en 2002 par le président américain George W. Bush comme faisant partie de l’« axe du mal » redevient fréquentable dans les capitales occidentales : en 2005, alors que Bachar el-Assad est mis en cause dans l’assassinat du Premier ministre libanais Rafic Hariri, elle profite des funérailles de Jean-Paul II à Rome pour réussir un « coup médiatique », s’entrenant devant les caméras avec Cherie Blair, Première dame britannique et la reine Sofía d'Espagne, alors que leurs époux respectifs avaient préféré éviter le président syrien. En 2007, le président el-Assad est l’invité d'honneur de la France lors du cérémoniel défilé du 14 juillet ; en 2010, son épouse Asma est présente à ses côtés lors d’un déjeuner avec le président Nicolas Sarkozy. En décembre de la même année, elle est reçue au Bristol, à Paris, et s’exprime sur les enjeux culturels de la Syrie devant l'Académie diplomatique internationale, un centre de réflexion financé par l’Aga Khan et des invités comme les ministres français Frédéric Mitterrand et Christine Lagarde ainsi que le président du Louvre Henri Loyrette. Elle participe donc pleinement à la « normalisation » du régime syrien opéré à la fin des années 2000.
Contrairement aux précédentes Premières dames syriennes, elle a un rôle politique important dans le pays et participe à de nombreux événements diplomatiques et politiques. Influencée par les idées libérales en économie, elle a tenté de convertir son mari au libéralisme. Elle déclare ainsi en 2007 à l’écrivain Eyal Zisser : « Je suis britannique et je suis arabe. Je ne suis pas l’un ou l’autre. Je fais partie de deux mondes ». Andrew Tabler, journaliste spécialiste de la Syrie écrit ainsi dans l’ouvrage de référence sur le régime syrien In the Lion’s Den (« Dans l’antre du lion ») qu’Asma el-Assad « a deux facettes. C’est une femme moderne, différente des autres épouses de leaders arabes, à l’origine de la création d’ONG […]. Mais en même temps qui convoite la belle vie et veut être une princesse ». Le couple vit dans un loft de trois niveaux de Damas, dans le quartier nord de Muhajirin, avec leurs trois enfants. Toutefois, elle a des réserves sur la médiatisation dont elle fait l'objet, refusant d’incarner une « femme-trophée » : ainsi, lors la première visite officielle du couple syrien, en 2001, elle préfère visiter HEC Paris et la Banque de France plutôt que le journal de 20 heures de TF1 et la boutique Hermès, où elle est invitée ; une responsable associative note ainsi qu’elle « déteste Rania de Jordanie, joli minois futile ».
Elle est aussi engagée dans des œuvres caritatives et humanitaires, ainsi que dans des mouvements pour l'émancipation de la femme. En 2005, elle fonde « Massar », une organisation éducative pour des jeunes gens âgés de 5 à 21 ans avec « des méthodes d’enseignement non conventionnelles pour les aider dans la connaissance d’eux-mêmes et du monde », affirme-t-elle en 2008 au magazine français Paris Match. En 2007, elle participe également à la création du Fonds syrien pour le développement, spécialisé dans le microcrédit, afin de soutenir des projets liés à l’agriculture et à l’éducation. Elle projette alors un partenariat avec le musée du Louvre (France). Andrew Tabler poursuit : « Elle est charmante, courageuse, concentrée, mais elle est aussi naïve, et semble croire qu’elle pourrait améliorer le pays grâce à des actions de charité ou des ONG » (dans l’agriculture, l'éducation, l’emploi des jeunes ou encore la culture, captant alors l’essentiel des aides internationales à la Syrie), alors que celui-ci demeure une dictature où le népotisme et la corruption sont monnaie courante. En 2009, sur la chaine américaine CNN, elle critique l’opération israélienne « Plomb durci » contre la bande de Gaza, déclarant : « Nous sommes au xxie siècle, dans quelle partie du monde ces choses-là arrivent-elles encore ? ». Elle s’adresse également à la jeunesse moyen-orientale, frustrée devant le peu de perspectives économiques qui lui est offerte : « Nos gouvernements doivent vous permettre de croire en votre futur ».
Malgré son modernisme très apprécié des médias occidentaux, certains ont fait remarquer son indifférence au sort des manifestants du Printemps arabe, victimes de violences policières. On pense même, au début du mouvement de révolte qui secoue le monde arabe, qu’elle pourrait constituer une influence bénéfique, afin que le régime prenne un virage démocratique dans ses réformes, à l’instar du Maroc par exemple. On parle dès lors de la « muse du changement », et au printemps 2011 elle est titrée par le magazine Vogue « la plus fraiche la plus magnétique des Premières dames ».
Mais selon Chris Doyle, directeur du Conseil pour l’entente arabo-britannique, les choses ne sont pas si simples et Asma el-Assad ne dispose pas de toute sa liberté de parole : « Le régime ne lui laissera jamais la possibilité d’exprimer un quelconque désaccord ni de quitter le pays ». The Guardian note pour sa part qu’elle soutient totalement son mari, y compris dans sa politique de répression de la révolte syrienne de 2011-2012. Tandis que celle-ci a fait en un an plus de 8 500 victimes civiles, Asma el-Assad « continue ses achats frénétiques de bijoux et autres produits de luxe », selon des e-mails piratés de ses comptes privés et des comptes de son époux, auxquels le Guardian a eu accès8. C'est la raison invoquée par l'Union européenne pour décider, en mars 2012, de prendre des sanctions contre elle, ainsi que contre la mère, la sœur et la belle-sœur de Bachar el-Assad, notamment en gelant leurs avoirs économiques présents en Europe et en les privant de visa5. Dans un e-mail envoyé à une amie le 14 décembre 2011, elle écrit, en parlant de sa vie privée et familiale : « Le vrai dictateur du couple, c’est moi ». Parallèlement, Vogue retire l’article de son site Internet, son auteur ayant exprimé ses regrets sur CNN et la rédactrice en chef, Anna Wintour, ayant déclaré : « Comme beaucoup alors, nous espérions que le régime des Assad s’ouvrirait ».
Son père, résident britannique, déclare dans la presse être « horrifié par la répression sanglante » menée par son gendre. Alors qu’on la donne plusieurs fois de suite en fuite au Royaume-Uni ou en Russie avec ses enfants, elle apparaît dans une vidéo non datée aux côtés de son mari, au chevet d’un étudiant blessé en décembre 2011 dans une attaque ayant eu lieu à l’université de Damas. Le 11 janvier 2012, elle défile avec deux de ses enfants dans une cérémonie en faveur du régime. Elle confirme ce soutien dans un e-mail envoyé par ses services au quotidien britannique The Times, notant toutefois vouloir « encourager le dialogue et réconforter les familles en deuil ». Elle écrit ainsi : « Le président est le président de tous les Syriens, pas seulement d’une partie d’entre eux, et la Première dame le soutient dans sa fonction ». Elle est également présente aux côtés de son mari le 26 février, pour voter lors du référendum visant à rédiger une nouvelle Constitution pour la Syrie. En avril, elle prépare avec son époux des colis humanitaires pour les familles victimes de la rébellion.
Bachar el-Assad annonce fin janvier 2013 qu’elle est enceinte d’un quatrième enfant ; il s’agit finalement d'une rumeur démentie par la présidence. Dans Le Point, Claire Meynal écrit : « Tout le monde a cru que Bachar et Asma allaient ouvrir la Syrie, réformer un système vermoulu. Ce qui explique la violence verbale actuelle, à la mesure de la déception. Les courriels des Assad révélés mi-mars 2012 par le Guardian montrent un couple tendre, uni dans l’épreuve, et une Marie-Antoinette absorbée par son shopping de luxe alors que son peuple est massacré ». Diane Ducret, qui a écrit Femmes de dictateur, explique cela par le fait que « lorsque leurs maris deviennent politiquement illégitimes, les épouses recréent un royaume où elles ont l’illusion de conserver du pouvoir. C'était le cas de Sajida Hussein, qui s’est mise à prendre le Boeing de Saddam au moment de la guerre contre l’Iran, pour amonceler les habits de marque à Paris et New York. Eva Braun, au Berghof, tenait un carnet où elle comptait ses fourrures Ferragamo » ; quant à une potentielle fuite, l’auteur conclut : « aucune [femme de dictateur] ne l’a fait. Il y a en elles une part de syndrome de Stockholm. Il leur est impossible d’admettre que le père de leurs enfants et leur grand amour est un monstre ».