Société - De nombreux collectionneurs, en costume d’époque, participent à des rassemblements…
Un homme déguisé en soldat américain de la Seconde guerre mondiale, le 2 juin 2014, sur la plage de Vierville-sur-Mer
A quelques jours du 70e anniversaire du Débarquement, des centaines de collectionneurs, à bord de jeeps, casques kaki et drapeaux aux vents, sillonnent la Basse-Normandie le long des côtes, pour des rassemblements qui laissent sceptiques certains élus locaux.
«J'ai toujours été intéressé par l'Histoire, le Débarquement, jusqu'au jour où on m'a offert une caisse de munitions. Et là c'est parti. Vous vous retrouvez à vous lever tous les dimanches matins à 6h pour faire les vide-greniers», explique Jean-Marie Thomas, 39 ans, de la MVCG (Military Vehicule Conservation group) Bretagne à l'entrée du camp Géronimo, à Sainte-Mère-Eglise.
200 véhicules de collection
Selon lui, d'ici à la fin de la semaine, les collectionneurs se compteront par milliers dans la région. Lundi, la place centrale du village libéré par les parachutistes américains le 6 juin 1944 comptait plus de passants en costume militaires que de touristes en civils. Sur le bas côté, un collectionneur jouait le blessé.
Quelque 200 véhicules de collection étaient exposés sur la place ou dans le «camp Géronimo», un champ en marge du village, dont Jean-Marie Thomas contrôlait l'entrée afin «d'éviter les dérives».
Alors qu'il y a quelques années des collectionneurs en uniforme SS avaient fait scandale, les associations de collectionneurs ont été priées pour ce 70e anniversaire de signer une charte encadrant ces rassemblements. Un texte, paraphé par le préfet et le procureur, qui ne plaît pas à Jérôme Leloup, 40 ans, installé avec plusieurs autres collectionneurs au pied de l'église de Sainte-Marie-du-Mont (Utah Beach). «On est contre. Faut pas d'armement... Y a des interdictions de stationner, etc...», déplore cet employé d'une entreprise de gaz qui possède 3 véhicules et trois remorques de 1942-1943.
«Une reconstitution n'est pas complète sans les perdants»
«C'est nous qui faisons le spectacle et rappelons le souvenir et on est boycottés!», ajoute ce «passionné» qui n'a «pas de budget» fixé pour ce hobby «très cher». Une jeep vaut 12.000 euros en moyenne, la plus petite moto américaine peut monter à 30.000 euros, selon la MVCG. Un uniforme basique tournerait autour de 1.700 euros.
Avec une dizaine d'amis, ce collectionneur de matériel américain venu de Seine-et-Marne se rend deux à trois fois par an à ce genre d'événements.
«Ici c'est le plus mythique. Et les gens du coin ont parfois encore du matériel intéressant», explique Jérôme Leloup. La réglementation étonne aussi Chris Van Den Heuvel, un Néerlandais de 44 ans habillé dans une copie d'un uniforme de parachutiste américain, sur la place de Sainte-Mère. «Je comprends que des uniformes allemands (interdits) puissent heurter des sensibilités. Mais une reconstitution n'est pas complète sans les perdants», estime ce collectionneur qui fait lui aussi deux à trois rassemblements par an. Un avis partagé par sa compagne.
«Rencontrer des vétérans»
Pour Jean-Marie Thomas, ceux qui n'adhèrent pas à la charte sont minoritaires. «Les collectionneurs sont là pour la mémoire. On restaure des véhicules. Pour des enfants, c'est plus parlant un véhicule qui marche qu'une jeep dans un musée», poursuit celui qui animera une soirée le 5 juin en interprétant des chansons d'époque. «On vient moins pour acheter du matériel que pour rencontrer des vétérans».
«Ils disent tous qu'ils font cela pour la mémoire. Pour moi, on peut comprendre qu'on ait envie de jouer à la guerre jusqu'à 7 ans mais après...», réagit Charles de Vallavieille, adjoint au maire et responsable du musée municipal du Débarquement d'Utah Beach. Sur le marché du matériel militaire, «quand on voit que c'est le matériel nazi qui se vend le plus cher, ça fait froid dans le dos. Et pour le reste, pour nous musée qui expliquons l'Histoire, cela ne facilite pas les acquisitions», explique l'élu «issu d'une famille de militaire».
La députée Nouvelle Donne Isabelle Attard de son côté «préférerai(t) qu'il y ait plus de costumes civils dans ce genre de reconstitution. Le problème, c'est que c'est que militaire. Et quand vous avez un mélange de vrais militaires, de faux, cela peut devenir irrespectueux pour les vétérans», estime l'ancienne directrice du musée d'Utah.