Edito du Monde. Une fois de plus dans la crise ukrainienne, c'est Vladimir Poutine qui a l'initiative. Le président russe souffle le chaud et le froid avec maestria. Il donne le ton dans la mini-guerre froide qui s'installe en ce début de XXIe siècle
La vague de manifestations qui secoue l'Ukraine depuis novembre 2013 a conduit à la destitution le 22 février du président Viktor Ianoukovitch. Cette crise est le symbole d'un clivage au sein de la population ukrainienne. Mais d'où provient ce tiraillement ?
En milieu de semaine, mercredi 7 mai, l'homme du Kremlin a changé de discours. Il a tenu des propos conciliants qui marquent un revirement, au moins rhétorique. Il a demandé aux séparatistes prorusses de l'est de l'Ukraine de repousser le référendum d'autodétermination qu'ils ont prévu de tenir le 11 mai. Il a promis de retirer les 40 000 soldats russes massés à la frontière.
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Plus significatif peut-être, M. Poutine a renoncé à parler du gouvernement de Kiev comme d'une « junte fasciste ». Alors qu'il jugeait « absurde », jusqu'à présent, d'organiser, comme le souhaitent les autorités de Kiev, une élection présidentielle le 25 mai, il qualifie de « pas dans la bonne direction » le projet d'un prochain scrutin.
Dans les mots au moins, c'est une approche radicalement contraire au discours tenu jusque-là et qui laisse espérer la possibilité d'une négociation. Elle serait la bienvenue. Chaque jour, les affrontements entre les deux camps – prorusses de l'Est et du Sud-Est, forces loyales au gouvernement de Kiev – entraînent l'Ukraine plus avant sur le chemin de la guerre civile.
Restent les actes. Pour l'heure, les Etats-Unis et l'OTAN disent n'avoir noté aucun retrait des troupes russes à la frontière ukrainienne. Elles seraient toujours prêtes à envahir l'est du pays.
LES GRANDES LIGNES D'UN FÉDÉRALISME
Après avoir joué l'apaisante partition de mercredi, certaines sources prêtaient à Vladimir Poutine le projet, vendredi 9 mai, d'une rapide visite, en Crimée, aux allures de provocation : cette région appartient à l'Ukraine, au regard du droit. Pour donner des signes d'apaisement et de « désescalade », il y a mieux.
Vient ensuite la question des élections du 25 mai. Elles sont essentielles pour conférer plus de légitimité aux autorités de Kiev, investies par le Parlement au lendemain de la fuite du précédent président, Viktor Ianoukovitch.
M. Poutine semble en convenir. Mais, si l'on comprend bien ses propos, plutôt sibyllins, il entend que Kiev pose auparavant les grandes lignes d'un fédéralisme qui conférerait une large autonomie aux régions de l'Est, notamment.
Autrement dit, la Russie donne deux semaines à Kiev pour formuler, à l'adresse des séparatistes prorusses, des garanties quant à une décentralisation poussée du pays.
Pourquoi pas ? Mais cela suppose auparavant que les séparatistes déposent les armes. En contrepartie, les autorités de Kiev interrompraient leur piètre tentative de reconquête des villes de l'Est par la force.
Les porte-parole du Kremlin jurent qu'ils n'ont pas d'influence sur les séparatistes prorusses. C'est manifestement faux. Quand le Kremlin a – tardivement – exigé que les insurgés de l'Est libèrent les médiateurs de l'OSCE qu'ils avaient pris en otage, ils l'ont fait.
Au fond, peu importent les raisons qui ont incité M. Poutine à changer de discours – peut-être la peur des sanctions économiques. Il faut maintenant le prendre au mot. Et exiger des actes.