Raymond Barre, né le 12 avril 1924 à Saint-Denis (La Réunion) et mort le 25 août 2007 à Paris, est un économiste et homme politique français. Professeur d'université, il est vice-président de la Commission européenne, chargé de l'Économie et des Finances, de 1967 à 1973.
Raymond Barre occupe les fonctions de ministre du Commerce extérieur du gouvernement Jacques Chirac I du 12 janvier au 25 août 1976, date à laquelle il est nommé Premier ministre par le président de la République, Valéry Giscard d'Estaing. Il met en œuvre une politique monétaire visant à réduire la pression de la monnaie sur les prix et une politique budgétaire stricte du fait de la hausse de la dette. Il démissionne après la victoire du PS à l'élection présidentielle de 1981 et peu avant la prise de fonctions du président élu, François Mitterrand, en 1981.
Candidat à l'élection présidentielle de 1988, il arrive en troisième position. Il fut par ailleurs député du Rhône de 1978 à 2002 et maire de Lyon de 1995 à 2001. La villa Déramond-Barre, la maison natale de Raymond Barre à Saint-Denis de La Réunion. Raymond Barre est un lointain cousin de Paola Ruffo di Calabria, épouse du roi Albert II de Belgique, et de Bertrand du Guesclin. Ils descendent tous les trois de Robert II du Guesclin, seigneur de Broons. La famille Barre est installée à Saint-Denis, à La Réunion, depuis 1843. Raymond Barre est le fils de René Barre, négociant, et de Charlotte Déramond. Ses parents se séparent, lorsque Raymond Barre a quatre ans, suite à une affaire frauduleuse dans laquelle son père a été impliqué, puis acquitté. Son père parti, Raymond Barre ne le reverra jamais, bien qu'il décède le 18 mars 1975. À l'exception de quelques mois à Paris en 1934, il passe son enfance sur son île natale de La Réunion dans une imposante case créole de Saint-Denis autrefois habitée par le poète Léon Dierx, une villa aujourd'hui appelée Déramond-Barre.
Là, il se retrouve d'abord dans la même école maternelle que Raymond Bourgine, l'école de l'Immaculée Conception, avant d'être scolarisé au lycée Leconte de Lisle aux côtés de Paul et Jacques Vergès. Ce dernier lui dispute la place de premier de la classe, mais en vain, car Raymond est un brillant lycéen malgré l'absence de son père, homme d'affaires malheureux parti pour l'île Maurice. Il entre d'ailleurs à la faculté de droit de La Réunion au sortir du lycée. Mobilisé à l'âge de vingt ans, il doit mettre de côté son vœu d'étudier la médecine à Montpellier comme l'avait fait le reste de sa famille avant lui. Il part en 1945 pour Madagascar rejoindre son régiment d'artillerie et débarque à Tamatave, d'où il doit s'embarquer pour l'Indochine. Mais Américains et Britanniques ne fournissent pas les navires de transport nécessaires avant la fin de la Seconde Guerre mondiale. Démobilisé, il prend le bateau pour Paris le 15 janvier 1946.
Logé à la Cité internationale universitaire jusqu'en 1950, il décroche plusieurs diplômes de l'enseignement supérieur : agrégation de droit et de sciences économiques en 1950 dont il finit deuxième1 et le diplôme de l'Institut d'études politiques de Paris. En 1953, il traduit l'ouvrage du libéral Friedrich Hayek paru l'année précédente : Scientisme et sciences sociales, Essai sur le mauvais usage de la raison. Il est nommé professeur à la Faculté de droit et de sciences économiques de Caen, mais ne rejoint pas son poste immédiatement et, pendant quatre années, effectue des missions à l'Institut des hautes études de Tunis. Il publie en 1959 un manuel d'économie qui restera longtemps utilisé par les étudiants et qui est appelé familièrement Le Barre. Il devient ensuite professeur d'économie à l'Institut d'études politiques de Paris, à la faculté de droit et de sciences économiques de Paris, ainsi qu'à l'École centrale Paris.
De 1959 à 1962, Raymond Barre est directeur de cabinet de Jean-Marcel Jeanneney, ministre de l'industrie. Le 19 novembre 1954, Raymond Barre épouse Eva Hegedüs, une jeune femme d'origine juive hongroise, mariée en premières noces à Michel Tutot dont elle divorça en 1953. Le couple Barre eut deux fils. En 1967, il est nommé vice-président de la Commission européenne, responsable des Affaires économiques et financières, poste qu'il occupera jusqu'en 1973. Son mandat a été marqué par son action en faveur de l'union économique et monétaire entre les six États membres de la Communauté économique européenne. C'est à son initiative qu'a été élaboré un mémorandum en février 1968 sur la politique monétaire de la Communauté économique européenne, préconisant un dispositif d'assistance réciproque entre les États membres, et la définition d'une unité de compte européenne.
Le 12 février 1969, un document connu sous le nom de « premier plan Barre », propose ensuite au nom de la Commission européenne une « convergence des orientations nationales » ainsi qu'une « concertation des politiques économiques ». Au Sommet de La Haye, les gouvernements des six États membres de la CEE se donnent pour objectif l'Union économique et monétaire : le plan Barre sert alors de travail préparatoire. Puis, le 4 mars 1970, la Commission européenne présente au Conseil de l'Union européenne une communication appelée « deuxième plan Barre » proposant trois étapes devant aboutir en 1978 à une Union économique et monétaire. Ce document servira de base à la constitution du groupe présidé par Pierre Werner, qui va élaborer le document connu sous le nom de « Plan Werner », étape suivante dans l'histoire de l'Union économique et monétaire européenne ayant mené à l'euro.
En janvier 1976, il est nommé ministre du Commerce extérieur dans le gouvernement Jacques Chirac I par le président de la République Valéry Giscard d'Estaing et le Premier ministre Jacques Chirac. Le 25 août 1976, Raymond Barre est nommé Premier ministre par le président Valéry Giscard d'Estaing, après la démission du gouvernement de Jacques Chirac. Le président Giscard d'Estaing, avec qui il avait des réunions régulières à Bruxelles plusieurs années auparavant, dit alors de lui qu'il est « l'un des meilleurs économistes de France ». Confronté aux hausses du chômage et de l'inflation liées à la crise économique mondiale des chocs pétroliers, Raymond Barre mène une politique d'austérité économique, plus couramment nommée par les économistes comme celle de « la rigueur ». Il ne parvient cependant à juguler ni le premier, ni la seconde à l'instar de ce qui se passera dans tous les pays européens à l'exception de la Grande-Bretagne de Margaret Thatcher.
Son plan de restructuration de la sidérurgie en 1979, consistant à quasi-nationaliser les usines concernées, sauvegarde une industrie sidérurgique en France qui donnera plus tard naissance au groupe Arcelor. Ce plan implique la suppression de plusieurs dizaines de milliers d'emplois, et de violents mouvements de protestations en découlent. Il permet néanmoins de reconstruire un groupe plus moderne et créateur d'emplois. Son gouvernement engagera de plus le plan nucléaire. Cependant sa politique est contestée par la gauche, mais aussi le parti gaulliste, l'obligeant durant ses fonctions à engager dix fois la responsabilité de son gouvernement devant l'Assemblée nationale1. Il en gardera toujours une rancœur contre le RPR.
À La Réunion, où il conserve des contacts avec quelques élus comme Pierre Lagourgue et Marcel Cerneau, il décide de la construction du second bassin du Port de la Pointe des Galets. Son passage à Matignon est par ailleurs marqué par la mort de Robert Boulin, alors ministre du Travail, en 1979, dans des circonstances qui provoquent une importante polémique. La cote de popularité de Raymond Barre au début 1981 est alors au plus bas, au point que Giscard d'Estaing le maintient délibérément à l'écart de sa campagne présidentielle de 1981.
Il annonce, après la défaite du président Valéry Giscard d'Estaing à l'élection présidentielle, la démission de son gouvernement. Il souligne les aspects positifs de son action et condamne ceux qui ont « joué au quitte ou double le sort de la Ve République ». Le Premier ministre prédit par ailleurs que la gauche sera obligée de revenir à la politique qu'il avait menée dans les trois ans (le « tournant de la rigueur » de 1983 lui donnera raison). Raymond Barre expédie les affaires courantes jusqu'à l'investiture du socialiste François Mitterrand à la présidence de la République, dix jours plus tard et à la nomination de son successeur à Matignon, Pierre Mauroy. Raymond Barre se replie alors sur une circonscription électorale de Lyon, où il se fait élire à l'Assemblée nationale lors des législatives de juin 1981. Député du Rhône, il sera dès lors volontairement « apparenté » au groupe centriste et sera toujours réélu jusqu'en 2002. Il reprend également à cette époque ses cours à Sciences-Po.
Jusqu'à l'automne 1987, les sondages donnent Raymond Barre vainqueur de l'élection présidentielle à venir, y compris face à François Mitterrand. Sans étiquette, il décide de se porter candidat à l'élection présidentielle, soutenu par l'UDF. Pendant la campagne, les intentions de vote en sa faveur diminuent fortement et il obtient finalement 16,54 % des voix au premier tour4. En vue du second tour, il apporte son soutien à Jacques Chirac face à François Mitterrand. Plus tard, ce dernier rendra hommage à Raymond Barre en le qualifiant de « véritable homme d'État ». Raymond Barre se définira lui-même comme « un homme carré dans un corps rond ». Déjà député du Rhône, il brigue en 1995 le poste de maire de Lyon. Il annonce dès le début de son mandat qu'il ne se représentera pas aux élections municipales de 2001. En 1988, il succède à Edgar Faure à la présidence de l'Institut d'étude des relations internationales de Paris. Raymond Barre fut président de l'Institut Aspen France, de 1994 à 2004, et en a été le président d'honneur jusqu'à sa mort.
Politiquement classé au centre-droit et proche de l'UDF, Raymond Barre est un des rares hommes politiques français contemporains à avoir occupé d'aussi hautes fonctions sans jamais avoir été membre d'un parti politique, ce à quoi il s'est toujours refusé voulant rester comme un « homme au-dessus des partis », disant de lui « je ne suis nulle part. Je suis inclassable ». En 2001, il est élu à l’Académie des sciences morales et politiques au fauteuil d'Alain Peyrefitte (1925-1999). En 2003, il est délégué à la Séance publique annuelle des cinq académies. Membre honoraire du Club de Rome, il se retire de la vie politique en juin 2002, ne se représentant pas aux élections législatives cette année-là. Le 3 octobre 1980, à la suite de l'attentat de la rue Copernic, Raymond Barre, alors Premier ministre, déclare sur TF1 : « Cet attentat odieux qui voulait frapper les israëlites se trouvant dans cette synagogue et qui a frappé des Français innocents qui traversaient la rue Copernic ». Le 8 octobre 1980 à l'Assemblée nationale, il assure, à ses « compatriotes juifs », la « sympathie de l'ensemble de la nation ».
Le 20 février 2007, au cours d'une interview sur France Culture, diffusée le 1er mars 2007, il revient sur cette affaire : « C'était des Français qui circulaient dans la rue et qui se trouvent fauchés parce qu'on veut faire sauter une synagogue. Alors, ceux qui voulaient s’en prendre aux juifs, ils auraient pu faire sauter la synagogue et les juifs. ». Il estime que cette affaire fut « une campagne […] faite par le lobby juif le plus lié à la gauche », affirmant considérer « que le lobby juif — pas seulement en ce qui me concerne — est capable de monter des opérations qui sont indignes ». Dans la même interview, il estime que Bruno Gollnisch, député européen FN, dont il blâme les propos, est par ailleurs « un bon conseiller municipal [lyonnais], un homme bien ». Il ajoute : « Je vous ai parlé très franchement. Que vous me fassiez passer pour un antisémite, pour quelqu'un qui ne reconnaît pas la Shoah, j'ai entendu cela cent fois et cela m'est totalement égal. »
Cette interview a été vivement critiquée par le Crif, qui s'est déclaré « scandalisé » et par Claude Lanzmann, qui accuse Raymond Barre d'antisémitisme. Ce dernier répond à ces critiques le même jour, sur RTL, dans l'émission Les Grosses Têtes : « Il y a une clique qui depuis 1979 me poursuit pour me faire apparaître antisémite. » Le 11 mars 2007, dans un entretien accordé au Parisien, Raymond Barre se déclare « indigné et attristé » par les accusations d'antisémitisme dont il est l'objet. Déclarant que « l'antisémitisme et le racisme sont contraires à [s]es convictions personnelles », il dénonce un « lobby juif de gauche » qui s'acharnerait contre lui « depuis plus de trente ans ».
Aux problèmes rénaux, dont Raymond Barre souffrait depuis des années et qui l’obligeaient à de régulières séances de dialyses, s'ajoutaient des problèmes cardiaques. Le 11 avril 2007, il est hospitalisé en urgence au Centre cardio-thoracique de Monaco à la suite d'un malaise cardiaque survenu dans sa maison de Saint-Jean-Cap-Ferrat, puis transféré par hélicoptère à l'hôpital militaire du Val-de-Grâce, à Paris, au sein du service de cardiologie. Il décède le 25 août 2007, à l'âge de 83 ans, à l'hôpital du Val-de-Grâce. Ses obsèques sont célébrées par l'archevêque de Paris, Mgr André Vingt-Trois, le 29 août 2007 dans la chapelle du Val-de-Grâce, en présence de nombreuses personnalités dont le président de la République Nicolas Sarkozy. Il est inhumé peu après à Paris, au cimetière du Montparnasse, au sein de la 18e division. Le 18 octobre 2008, une esplanade Raymond-Barre a été inaugurée à Lyon, dans le sixième arrondissement, ville dont il fut maire, pour lui rendre hommage, également la construction d'un pont Raymond Barre sur le Rhône va bientôt débuter pour permettre au Tramway T1 d’enjamber le fleuve.