Aujourd’hui, uniquement sur invitation, des passionnés d’histoire et des témoins de l’attaque des bombardiers <UN> anglais à Mailly-le-Camp rendent hommage aux aviateurs morts pour la Libération.
François Meunier participe à l’hommage aujourd’hui. Le bombardier peint ci-dessus est un modèle ayant servi à l’attaque de Mailly.
À quelques heures près, cela fera 70 ans. Soixante-dix ans que le camp militaire de Mailly, alors occupé par les nazis, a été détruit par 348 bombardiers anglais, des Lancaster, dans la nuit du 3 au 4 mai 1944.
Seules 400 personnes assisteront à la cérémonie d’hommage organisée pour commémorer l’événement, à Mailly-le-Camp. « Tous les gens qui vont entrer sur le camp seront identifiés, détaille François Meunier, le président de l’association 3, 4 mai 1944. La manifestation se déroule sur un terrain militaire, c’est un point sensible à cause de ses missions de la Défense nationale. » Aujourd’hui donc, aux côtés de Français, des Anglais, des Canadiens et des Australiens, des nationalités aux commandes lors de l’offensive, vont commémorer l’épisode. Trois aviateurs anglais, qui ont survécu au raid, seront présents.
Une attaque stratégique avant le Débarquement
« Les buts de cette opération étaient multiples, note François Meunier. Il s’agissait de détruire le camp servant aux Allemands de base de renouvellement, pour les blindés qui revenaient de combat, et de base de ravitaillement. Et les réseaux de résistance avaient indiqué la présence de la 9e division SS Hohenstoffen, qui venait de se faire étriller à Tarnopol, en Ukraine. À un mois du Débarquement, il valait mieux la savoir loin des plages de Normandie. »
Selon le président de l’association, l’idée de détruire ce camp, pris par les Allemands en 1940, germe dès 1943. Environ 2 000 soldats ennemis résident en moyenne sur le site de Mailly, qui s’étend sur 12 000 hectares et peut accueillir jusqu’à 12 000 hommes au plus fort de son activité. « C’était une ville, relate François Meunier. Il y avait une boulangerie, un abattoir, une blanchisserie, des bâtiments dortoirs… Mais beaucoup d’Allemands n’y dormaient plus, des bruits de couloir avaient circulé, le camp s’attendait à un bombardement. Les généraux avaient notamment conseillé à une division d’infanterie arrivée de Russie le matin du 3 mai dans un état de délabrement physique assez avancé de ne pas rester dans les baraques, mais d’aller dormir dans les bois… »
Vers 22 heures, le 3 mai, 380 avions décollent du comté du Lincolnshire, en Angleterre. « S’ils voulaient casser de l’Allemand, ils devaient attendre minuit, pour que les permissionnaires soient rentrés. » Trente-deux avions d’accompagnement se trouvent avec les bombardiers Lancaster. Stationnés en vol au-dessus de Châlons-sur-Marne, les aviateurs n’entendent pas l’ordre d’attaque, qui est brouillé sur les ondes. « Certains décident d’aller quand même faire ce pour quoi ils sont venus, mais la chasse allemande, avertie par les systèmes de radars, est là, elle aussi… »
Mille cinq cents tonnes de bombes sont finalement larguées, la très grande majorité des explosifs atteint 12 hectares du site militaire de Mailly. Quarante-quatre avions anglais sont au sol, dont 42 Lancaster. Toute une rue de Poivres disparaît, 17 villageois meurent lors de cette attaque, comme 249 militaires attaquants.
Entre 350 et 10 000 morts allemands : le mystère persiste
Quant aux unités allemandes, le mystère reste quasiment entier. Après l’attaque, des Français voient des wagons chargés de cadavres partir vers les incinérateurs de Châlons et de Troyes. Le général allemand Guderian évoque 350 disparus, le militaire et historien Pierre Nord table, de son côté, sur une dizaine de milliers de morts. « Tant qu’on n’aura pas accès aux archives allemandes, on ne saura pas », analyse François Meunier. Le succès de l’opération est mitigé, la 9e division SS Hohenstoffen ne se trouvait plus sur le camp au moment de l’attaque des alliés.
L’association du 3, 4 mai 1944 continue de réaliser des entretiens de Français témoins du bombardement. À ce jour, elle a recueilli plus de 60 récits, dont celui de Robert Jacquemin (lire ci-contre). Membre de l’association, ce septuagénaire sera à Mailly-le-Camp aujourd’hui.
Soixante-dix ans après le bombardement, de nombreux témoins sont présents mais aucun Allemand n’est invité. « Ça va être très émouvant, décrit François Meunier. On n’est pas prêts encore à recevoir des Allemands, il y a des témoins qui ont énormément souffert. » Ce dernier compte beaucoup sur les échanges entre jeunes Anglais, Français et Allemands.
Robert Jacquemin avait 9 ans en 1944 à Sompuis
Robert Jacquemin était enfant en 1944, au moment du bombardement du camp de Mailly. « Je me rappelle d’une lueur énorme dans le ciel, du ronflement des bombardiers, décrit ce septuagénaire qui a toujours vécu à Sompuis, à 12 kilomètres de Mailly. On ne se rendait pas compte avec ma sœur. Nos parents nous ont vite fait rentrer dans la maison, moi, je voulais voir les avions. » Le 4 mai 1944, Robert Jacquemin voit des soldats allemands blessés, avec la tête bandée. « Ils avait l’air hébétés et de chercher un abri. » « Par peur de représailles », ses parents l’éloignent à nouveau. Ce matin, Robert Jacquemin assistera à la cérémonie sur le camp : « Il faut reconnaître le sacrifice des aviateurs, c’était des gamins qui sont morts en essayant de nous libérer du nazisme. »