La situation continue d'être explosive sur place...
Le fossé se creusait encore jeudi entre militants pro-russes et partisans de Kiev dans l'est de l'Ukraine, où des centaines de manifestants se sont emparés d'un nouveau bâtiment officiel de Donetsk en brutalisant des policiers. Face à la dégradation de la situation dans la partie orientale du pays, le président ukrainien par intérim Olexandre Tourtchinov a annoncé jeudi avoir relancé la conscription militaire, qui avait été supprimée. La conscription militaire concernera les 18-25 ans.
Par ailleurs, le FMI, qui avait voté jeudi un plan d'aide de 17 milliards de dollars a, de son côté, admis que ce plan devrait être «remanié» en cas de perte de l'est du pays.
Peu auparavant à Donetsk, grande ville de cette région, le siège du Parquet régional avait été assiégé puis saisi en moins d'une heure par une foule de manifestants pro-russes, illustrant l'impuissance croissante des autorités ukrainiennes à assurer l'ordre dans la province troublée du Donbass.
Les policiers qui tentaient de protéger le bâtiment ont été frappés avant qu'ils ne puissent repartir, désarmés et pour certains en pleurs, a constaté l'AFP. Les rebelles pro-russes, hostiles au pouvoir mis en place à Kiev après le renversement du président Viktor Ianoukovitch, ont continué ces derniers jours d'étendre leur emprise. Ils contrôlent désormais des sites stratégiques (mairie, siège de la police et des services de sécurité) dans plus d'une douzaine de villes.
Différence de mobilisation pour le 1er mai
En ce 1er mai, jour férié, les traditionnels défilés de la Fête du Travail ont donné à chaque camp l'occasion de défendre ses couleurs et slogans. Kiev, les habitants ne se sont guère mobilisés en dépit de la gravité de la crise, la pire dans ce pays de 46 millions d'habitants issu de l'Union soviétique et indépendant depuis 1991. Seules 2.000 à 3.000 personnes se sont réunies dans le calme scandant des slogans en faveur de l'unité de l'Ukraine.
A Moscou, par contraste, la mobilisation a été massive et patriotique: environ 100.000 personnes ont défilé sur la place Rouge. «Je suis fier de mon pays», «Poutine a raison», proclamaient des pancartes dans la foule. Même phénomène à Simféropol, capitale de la péninsule ukrainienne de Crimée, rattachée en mars à la Russie, où quelque 60.000 personnes ont défilé en brandissant des drapeaux russes avec des banderoles «Nous sommes la Russie», «Poutine est notre président».
A Slaviansk, bastion rebelle pro-russe de l'Est ukrainien échappant depuis plus de deux semaines au contrôle de Kiev, les rebelles séparatistes retenaient toujours une équipe d'observateurs de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE). La chancelière allemande Angela Merkel a demandé au président Poutine de «faire usage de son influence» dans le dossier des observateurs retenus en «otages» (sept étrangers et quatre Ukrainiens), selon une porte-parole de Berlin.
Les négociations pour leur libération semblent patiner depuis plusieurs jours. «Les pourparlers se poursuivent dans une atmosphère amicale», a répété à l'AFP la porte-parole des rebelles de Slaviansk, Stella Khorocheva. Ces derniers négocient également le sort de trois officiers ukrainiens capturés il y a plusieurs jours, qu'ils espèrent échanger contre des prisonniers ukrainiens.
Blindés en exercice à Kiev
La bataille entre Kiev et Moscou se poursuit aussi sur les fronts militaire, économique ou diplomatique.
A Kiev, les autorités ont procédé dans la nuit de mercredi à jeudi à des exercices militaires. Des membres des unités spéciales de la garde présidentielle, à bord d'une dizaine de blindés, ont encerclé le bâtiment du Parlement, et des tireurs d'élite ont été parachutés sur le toit.
Soucieux de priver d'arguments les séparatistes, le gouvernement ukrainien a indiqué envisager un référendum sur l'unité de la nation ukrainienne et sur la décentralisation en parallèle de l'élection présidentielle anticipée du 25 mai. La Russie a qualifié l'idée de «cynique» et répété que Kiev devait cesser de «mener des opérations militaires contre son propre peuple», en allusion à l'opération «antiterroriste» lancée par les autorités dans l'Est.
Kiev avait annoncé mercredi avoir mis ses forces armées en «état d'alerte total» pour le combat, face à la menace d'une intervention russe et pour tenter d'empêcher la propagation de l'insurrection à de nouvelles régions du Sud et de l'Est. Le ministère russe des Affaires étrangères a mis en garde contre «des conséquences catastrophiques» en cas d'opération d'ampleur dans l'Est. Il a appelé Kiev, les Etats-Unis et l'Union européenne «à ne pas accomplir d'erreurs criminelles et à évaluer la tête froide les conséquences possibles d'un emploi de la force contre le peuple ukrainien».