Sir Winston Churchill, le "vieux lion" conservateur, premier ministre anglais, s'est battu contre l'invasion hitlérienne et a marqué le monde politique et la communauté internationale de l'après-guerre avec ses discours visionnaires sur l'Europe. Né le 30 novembre 1874 à Blenheim palace (Oxfordshire), fils aîné de l'aristocrate Lord Randolph Churchill, il est à la fois homme politique, soldat et écrivain. Il est nommé officier du "Fourth Hussards" en février 1895. Il combat au Soudan, en Inde où il est par ailleurs journaliste. Il devient héros national après sa fuite d'Afrique du Sud où il avait été capturé alors qu'il était correspondant de guerre pendant la guerre des Boers. Elu du parti conservateur au Parlement en 1900, il adhère au parti libéral en 1904. Il commence alors une carrière politique au niveau national : en 1905, il est nommé sous-secrétaire d'Etat aux colonies. De 1908 à 1910, il occupe le poste de Président du Ministère du commerce.
En 1910, il devient Ministre de l'Intérieur, poste qu'il quitte en 1911 pour devenir Lord de l'Amirauté. Discrédité par l'échec de la campagne des Dardanelles contre les Turcs pendant la Première guerre mondiale, il doit céder sa place. En 1917, il réintègre le Gouvernement en tant que Ministre des munitions, puis Secrétaire d'Etat pour la guerre et les affaires aériennes de1918 à 1921 et enfin, Secrétaire aux Colonies de 1921 à 1922. Pendant les dix ans qui suivent, Churchill est absent du gouvernement. Il est toutefois élu au parlement où il est nommé Chancelier de l'Echiquier. Il se montre alors réservé vis à vis du projet européen d'Aristide Briand. Quant à ses avertissements face à l'avancée nazie et les dangers de la politique d'apaisement, ils sont ignorés. En 1939, l'Allemagne déclare la guerre à la France et à la Grande-Bretagne, Chamberlain nomme Winston Churchill de nouveau First Lord de l'Amirauté le 3 septembre. En mai 1940, il accède au poste de Premier Ministre.
La même année, Churchill approuve la Déclaration d'union franco-britannique qui prévoit qu'"[on] instituera des organismes communs pour la défense, pour la politique étrangère, pour les finances et l'économie". Mais cette proposition britannique ne semble être motivée que par la conjoncture difficile et la volonté de garder la France du côté des Alliés. En effet, ce projet est abandonné dès la Libération française et à la fin de la guerre, Churchill suggère même une citoyenneté commune anglo-américaine. En août 1941, Churchill signe avec Roosevelt la Charte de l'Atlantique, déclaration des principes communs des démocraties. Le parti travailliste ayant remporté les élections de 1945, Churchill ne participe pas directement aux règlements de l'après-guerre, mais il est cependant considéré comme un héros national.
Leader de l'opposition depuis 1945, Churchill mène une politique favorable à l'Union européenne qui reste cependant ambiguë. Dans le discours qu'il prononce à Zurich, le 19 septembre 1946, il n'hésite pas à parler de futurs "Etats-Unis d'Europe", avec l'ambition de "reconstituer la famille européenne et de lui fournir une structure qui lui permette de vivre et de croître en paix, en sécurité et en liberté". Toutefois, Churchill s'oppose d'ors et déjà à toute notion de supranationalité. Par ailleurs, Churchill crée le Mouvement pour l'Europe unie en 1947. En mai 1948, à la Haye, 800 délégués issus de tous les Etats européens se réunissent sous la présidence de Churchill en un Grand congrès de l'Europe. Ce congrès aboutit à l'adoption du projet du "Conseil de l'Europe" qui devient réalité le 5 mai 1949. Churchill fait parti des membres de la première assemblée. Le 16 mai 1950, il évoque dans un discours la possibilité de créer une armée européenne qui incorpore un contingent allemand. Cette proposition connaît un renouveau avec l'éclatement de la guerre de Corée le 25 juin 1950. Dans un discours le 11 août, Churchill exige à l'Assemblée consultative la création d'une force européenne puissante qui aura a sa tête un ministre européen de la Défense.
De nouveau Premier Ministre en 1951, Churchill s'éloigne de ses propos européens pour poursuivre une politique conservatrice qui cause la démission de Paul-Henri Spaak qui préfère poursuivre la création de l'Europe sans les Anglais. L'aboutissement vient en 1953 quand Churchill rappelle à l'Europe que le Royaume-Uni est aux côtés de la CED (communauté européenne de défense) mais qu'il n'en fait pas parti. Churchill démissionne en 1955 mais reste membre du Parlement jusqu'à 1964. Il reçoit le prix Nobel de la littérature pour ses écrits en 1953. Il refuse la pairie qui sera accepté par sa femme après sa mort. En 1963, le Congrès américain lui confère la citoyenneté américaine. Il meurt à l'âge de 90 ans en 1965.
"Si les pays européens parvenaient à s'unir, leurs 300 à 400 millions d'habitants connaîtraient, par le fruit d'un commun héritage, une prospérité, une gloire, un bonheur qu'aucune borne, qu'aucune frontière ne limiterait. Il faut que la famille européenne, ou tout au moins la plus grande partie possible de la famille européenne, se reforme et renoue ses liens, de telle manière qu'elle puisse se développer dans la paix, dans la sécurité et dans la liberté. Il nous faut ériger quelque chose comme les Etats-Unis d'Europe. Le premier pas à accomplir est la constitution d'un Conseil européen. Pour mener à bien cette tâche urgente, la France et l'Allemagne devront se réconcilier ; la Grande Bretagne, la famille des peuples britanniques, la puissante Amérique et, je l'espère sincèrement, l'Union Soviétique - car, alors, tout serait résolu - devront se poser en amis et protecteurs de la nouvelle Europe, devront défendre son droit à la vie et à la prospérité". (Extrait du discours prononcé par Winston Churchill, le 19 septembre 1946 à Zurich).