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Rencontre avec Dominique Missika, historienne, éditrice et productrice. « L’institutrice d’Izieu, une oubliée de l’histoire »

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Le Progrèspublié le 25/03/2014 à 20h49 par Nathalie Mauret

Pourquoi une biographie de Gabrielle Perrier, celle que l’on appelle « l’institutrice d’Izieu » ?



Dominique Missika

Dominique Missika

 

Je suis membre du comité scientifique d’Izieu, j’ai suivi le procès Barbie, j’ai produit les émissions et les DVD sur le procès. Cette histoire, je la porte en moi depuis longtemps. En 2005, j’ai rencontré Gabrielle Perrier à Izieu et je lui ai demandé de répondre à mes questions pour une campagne de témoignage. Elle a décliné, mais j’ai été troublée par sa bienveillance, sa gentillesse et aussi par sa tristesse. Ce moment est resté en moi.

Pourquoi ?

Ma vie a été rythmée par les témoignages du procès Barbie et j’ai été émue par le destin de cette institutrice qui est une clandestine de l’histoire. Dans les 107 témoins, elle apparaît de façon fugitive. J’ai été touchée par ce silence. Car on connaît la souffrance terrible de ceux qui ont subi les violences de Barbie ou de ceux qui ont perdu un être cher. Mais elle, on l’a oubliée car elle n’est pas une victime. Elle n’a pas de statut : il n’y a pas de mot qui désigne une institutrice dont les 44 élèves sont raflés. Je me suis demandée qui elle était. J’ai écrit la biographie d’une personne qui par sa présence et son absence, m’intrigue.

Pourquoi a-t-elle refusé de vous parler selon vous ?

Elle a pris la parole au procès Barbie et elle s’est ensuite souvent exprimée devant des enfants au mémorial d’Izieu. Elle n’est pas désireuse de parler en public. Elle est dans l’effacement. Son silence dit aussi quelque chose de la place des femmes dans l’histoire.

De qui cette femme est-elle représentative ?

Pour moi c’est l’institutrice jusqu’au bout des ongles : elle remplit sa mission et sa vocation, quels que soient les élèves qui sont en face d’elle. Sa présence, sa bienveillance, son dévouement, sa modestie symbolisent une sorte de résistance civile à l’occupation. Elle n’est pas une héroïne, elle n’a sauvé personne, mais son attitude, sa dignité, son attachement aux enfants, sont remarquables.

Quel sens cela a, aujourd’hui, de parler de cette femme ?

C’est restituer la place d’une femme oubliée de l’histoire, c’est dire à quel point elle a été admirable et exemplaire. Alors qu’il y a eu tant de gens peu glorieux, elle incarne ce que la République a de mieux. Il faudra toujours transmettre cette histoire et une manière de le faire est de raconter l’itinéraire de cette femme, qui au cœur de l’occupation, accomplit sa mission.


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