publié le 19/03/2013 à 18h03
Des retrouvailles émouvantes: à 84 ans, l'Américain Thomas Selldorff s'est vu restituer mardi par la France six tableaux du XVIIIème siècle que son grand-père juif viennois avait été
contraint de céder dans l'urgence en 1941 pour fuir Paris occupé.
Lors d'une cérémonie de restitution au ministère de la Culture, M. Selldorff s'est déclaré "très heureux". "La restitution n'a pas été un processus facile. Cela a pris beaucoup de temps", a
déclaré l'octogénaire, qui vit près de Boston et avait vu ces oeuvres chez son grand-père à Vienne lorsqu'il avait six ans.
Devant les six toiles de peintres italiens (Gaspare Diziani, Sebastiano Ricci...) et autrichien (François-Charles Palko), conservées dans des musées français, M. Selldorff a évoqué le souvenir de
son grand-père, Richard Neumann, industriel du textile viennois passionné d'art.
Propriétaire de plus de deux cents oeuvres avant la guerre, Richard Neumann avait dû fuir l'Autriche lors de son annexion par l'Allemagne nazie en 1938, en laissant une partie de ses tableaux,
réquisitionnés pour les collections autrichiennes.
Avec sa famille, il avait cependant pu emporter à Paris certaines oeuvres, mais il avait dû les céder dans l'urgence en 1941 à des marchands pour pouvoir payer des passeurs et gagner l'Espagne
puis Cuba. Par la suite, il s'est installé à New York.
Les Nazis avaient récupéré ces oeuvres pour les envoyer au musée qu'Adolf Hitler projetait d'ouvrir à Linz, sa ville natale.
"C'est la première fois que je les revois pour de vrai", a déclaré, tout ému et dans un bon français M. Selldorff, qui mène depuis plusieurs années des démarches en Autriche et en France pour
retrouver une partie du patrimoine familial.
"Un grand jour"
"C'est un grand jour pour moi. J'ai trois enfants, déjà grands et les tableaux vont rester en famille, dans nos maisons respectives. Mais j'aimerais aussi pouvoir les prêter à des musées, par
exemple à Boston", explique-t-il.
Les tableaux ont été retrouvés grâce aux recherches d'une historienne de l'art autrichienne Sophie Lillie et au travail de la Commission d'indemnisation des victimes de spoliation (CIVS) en
France.
Ces tableaux font partie des 2.000 oeuvres d'art devenues MNR (Musées Nationaux Récupération) en l'absence de propriétaires identifiés. Sous la garde de l'Etat français, les MNR sont conservées
dans les musées, en attendant leur réclamation.
Un septième tableau, du XVIIe siècle, MNR lui aussi, a été restitué mardi lors de la même cérémonie, à un ayant-droit du banquier praguois Josef Wiener, mort en déportation.
Cet ayant-droit, M. Mandel, était représenté par son avocate, Imke Gielen. "C'est le fils d'une amie londonienne de l'épouse de Josef Wiener", a précisé son avocate à l'AFP. Ce Britannique vit à
présent en Israël, a-t-elle ajouté.
"La Halte", peinture hollandaise de Pieter-Jansz van Asch (1603-1678), avait été vendue à Munich sous la contrainte des événements en 1941. A la fin de la guerre, lorsque les Alliés ont récupéré
en Allemagne les oeuvres d'art spoliées par les Nazis, ils se sont attachés à les renvoyer dans leur pays d'origine. La toile de van Asch s'est retrouvée par erreur en France.
Pour cette restitution, M. Mandel avait saisi directement le Service des musées de France au ministère de la Culture, qui dispose notamment d'un portail spécifique sur ce dossier.
La ministre de la Culture Aurélie Filippetti entend mener "une action plus volontariste" sur la question des MNR, tout en relevant l'important travail accompli par ses services.
"D'autres restitutions auront sans doute lieu dans le courant de l'année 2013", a-t-elle annoncé.
"Avant, on attendait les demandes des ayants droit pour débuter les recherches. Maintenant, on va de nous-même rechercher les propriétaires", a-t-elle expliqué.
Les recherches vont se concentrer sur 163 oeuvres d'art MNR spoliées. Un groupe de travail a été mis en place pour tenter de retrouver les propriétaires.
Il devra rendre un rapport "au premier semestre 2014", a indiqué la ministre.