Philippe Séguin, né le 21 avril 1943 à Tunis et mort le 7 janvier 2010 à Paris, est un homme politique et haut fonctionnaire
français. Gaulliste « social », il est ministre des Affaires sociales et de l'Emploi durant la première cohabitation (1986-1988). Président de l'Assemblée nationale de 1993 à 1997, puis du
Rassemblement pour la République, il est Premier président de la Cour des comptes de 2004 à sa mort.
Son père Robert Séguin meurt à l'âge de 23 ans, pendant la Seconde Guerre mondiale, en septembre 1944,
alors que Philippe est âgé d'un an. Pupille de la nation, il étudie au lycée Carnot de Tunis. À l'indépendance de la Tunisie, sa mère, Denyse Séguin Daniele, institutrice, décide de rentrer en
France pour vivre à Draguignan et Philippe poursuit ses études au lycée Alphonse-Daudet de Nîmes où il passe d'ailleurs son baccalauréat, puis à l'École normale d'instituteurs du Var.
Licencié en lettres à la Faculté des lettres d'Aix-en-Provence, il est ensuite diplômé d'études supérieures d’histoire et diplômé de l'Institut d'études politiques d'Aix-en-Provence en 1967, dont
il a été président du conseil d'administration de septembre 2007 à sa mort. Il fait ensuite l'ENA, promotion « Robespierre » (janvier 1968 - mai 1970) et entre à la Cour des comptes en juin 1970
tout d'abord en tant qu'auditeur de seconde classe. En décembre 1971, il devient auditeur de première classe.
Membre de l'Union des démocrates pour la République (UDR), futur Rassemblement pour la République (RPR), il commence sa carrière politique en travaillant dans les cabinets ministériels. En avril
1973, il est chargé de mission au secrétariat général de la Présidence de la République sous Georges Pompidou.
Puis, sous la présidence de Valéry Giscard d'Estaing, il devient en octobre 1974 adjoint au directeur
de l'éducation physique et des sports auprès du secrétaire d'État auprès du ministre de la Qualité de vie. En octobre 1975, il réintègre la Cour des comptes avant de revenir en politique en avril
1978 comme chargé de mission au secrétariat d'État aux relations avec le Parlement auprès du Premier ministre Raymond Barre puis d'être Chargé de mission au cabinet du Premier ministre d'octobre 1977 à février 1978. Entre ces deux
postes, il est nommé en juin 1977 conseiller référendaire de seconde classe à la Cour des comptes. Pourtant, il peine à trouver ses marques : gaulliste, il ne se reconnaît pas dans la politique
de Georges Pompidou, de Raymond
Barre ou de Valéry Giscard d'Estaing. Il invente donc son propre style, le « séguinisme ».
En avril 1978, il est élu député des Vosges (1ère circonscription), mandat qu'il conserve jusqu'en juin 2002. Il est également vice-président du Conseil régional de Lorraine de 1979 à 1983 puis
est élu maire d'Épinal en mars 1983 jusqu'en octobre 1997. En 1981 il prononce un discours pour soutenir l'abolition de la peine de mort à l'Assemblée nationale ; il est, avec Jacques Chirac, un des rares députés d'opposition à soutenir cette réforme emblématique du Président François Mitterrand. Entre 1984 et 1986, il occupe les postes de Secrétaire national du RPR pour les affaires
sportives, puis pour les problèmes des rapatriés, enfin chargé de la décentralisation. En mars 1986, il est nommé Ministre des Affaires sociales et de l'Emploi dans le gouvernement du Premier
ministre Jacques Chirac sous la présidence de François Mitterrand.
En 1992, la carrière politique de Philippe Séguin prend un tournant : il s'engage pour le « non » au traité de Maastricht. Fidèle à la tradition gaulliste et attaché à l'implication de l'État
dans le domaine social, il estime que le traité européen est une menace pour l'indépendance de la France. Il craint surtout une Europe trop libérale. François Mitterrand alors président de la République, accepte même un débat télévisé avec lui. En avril 1993, après
la victoire de la droite aux élections législatives, Philippe Séguin devient président de l'Assemblée nationale. Son combat consiste à protéger l'autonomie des parlementaires face au
gouvernement. Au cours de ses années de Ministre des Affaires sociales et de l'Emploi et de président de l'Assemblée nationale, Philippe Séguin et François Mitterrand vont, malgré leurs divergences politiques, se lier d'un profond respect et d'une grande
amitié.
Lors de la campagne présidentielle de 1995, Philippe Séguin apporte son soutien à Jacques Chirac. Il joue un
rôle-clé puisqu'il est l'un des inspirateurs du discours de Jacques Chirac sur la fameuse "fracture sociale" avec Henri Guaino. Mais contrairement à ce qu'il espérait, Philippe Séguin n'est pas
nommé Premier ministre, une fois Jacques Chirac élu président de la République et c'est un de ses concurrents
de toujours, Alain Juppé, qui est nommé à sa place. Il reste donc président de l'Assemblée nationale jusqu'en avril 1997. Après la dissolution de l'Assemblée nationale voulue par Jacques Chirac en 1997 malgré son avis défavorable, Philippe Séguin, au cours de la campagne électorale des
législatives anticipées, s'est rapproché des libéraux du RPR tout en maintenant l'idée de faire une Europe sociale.
Après l'échec de la droite aux législatives, ces nouvelles affinités lui permettent de prendre la tête du RPR en juillet 1997. Ses projets sont divers : il souhaite rénover le parti en proposant
de nouveaux statuts aux membres du parti. Ainsi, il propose que les militants votent de façon directe pour le président. Il élabore également un projet social-libéral. Toutefois, il est très vite
confronté à de nombreux obstacles au sein même du RPR : certains le soupçonnent de se mettre déjà en campagne pour la Présidence de la République de 2002 et de vouloir trahir Jacques Chirac. Le parti se divise également au sujet de la monnaie unique et de la construction de l'Europe. Il ne
parvient pas à établir une liste unique aux élections européennes. Finalement, sous la pression et surtout les différentes manœuvres des chiraquiens, Philippe Séguin abandonne la direction du RPR
en avril 1999.
Après quelques mois de retraite politique, Philippe Séguin revient en tant que candidat à la mairie de Paris. Alors qu'Édouard Balladur et Françoise de Panafieu lui ont laissé le champ libre,
Philippe Séguin est désigné à l'unanimité comme candidat du RPR. Afin de mettre fin à la polémique des « faux électeurs », il propose une loi sur la refonte des listes électorales de Paris. Mais
la campagne se complique : certains lui reprochent son manque de transparence quant à l'élaboration des listes de candidature. Il doit de plus composer avec Jean Tibéri, le maire sortant. Il
refuse de fusionner leurs listes entre les deux tours souhaitant un soutien clair de Jacques Chirac qui ne lui
viendra jamais en aide, contribuant ainsi à sa défaite. Le président de la République affirme ne pas vouloir prendre parti et dénonce les querelles au sein du parti. Finalement et sans surprise,
Philippe Séguin est battu au second tour par le candidat socialiste Bertrand Delanoë.
En 2002, au lendemain du premier tour de l'élection présidentielle et à la veille des élections législatives, le candidat sortant Jacques Chirac décide de créer un nouveau parti, plus ouvert que le RPR : l'Union pour la majorité présidentielle
(UMP). L'objectif de Jacques Chirac est clair : prendre les rênes d'un parti qui lui apporterait tout son soutien en rassemblant les forces gaullistes, libérales et du centre-droit. Mais Philippe
Séguin, à la tête du RPR au Conseil de Paris, qui souhaitait réformer le parti, refuse d'intégrer l'UMP. Il démissionne donc du Conseil de Paris en 2002 et se retire de la vie politique.
Au cours de sa carrière politique, Philippe Séguin s'est entouré de collaborateurs dont certains travaillent ou ont travaillé aux côtés du président de la République Nicolas Sarkozy. C'est le cas
de François Fillon, aujourd'hui Premier ministre du gouvernement, d'Étienne Pinte, de Jean de Boishue, de Roger Karoutchi son ancien directeur de cabinet, ou de ses plumes Nicolas Baverez et
Henri Guaino, ce dernier nommé conseiller spécial auprès de Nicolas Sarkozy. Nicolas Sarkozy a aussi été un de ses proches collaborateurs alors que Philippe Séguin présidait le RPR.
En juin 2002, Philippe Séguin réintègre la Cour des comptes. Il est aussi nommé, en octobre de la même année, chef de la délégation gouvernementale française au conseil d'administration du Bureau
international du travail (BIT). En mars 2003, il devient conseiller maître à la Cour des comptes, et prend la présidence du conseil d'administration du BIT, en juin 2004. Le 21 juillet 2004,
Philippe Séguin est nommé premier président de la Cour des comptes. Quand en 2007, Nicolas Sarkozy pense à lui pour devenir ministre dans le gouvernement François Fillon, il refuse, préférant son
poste de Premier président de la Cour des comptes.
Étant donné son passé politique, Philippe Séguin est médiatiquement reconnu. Sa nomination a donc permis à l'institution de revenir sur le devant de la scène, même si les rapports de la Cour des
comptes n'ont aucun caractère contraignant pour l'État. Malgré tout, la publication des rapports et la médiatisation qui en est faite par Philippe Séguin renforcent la légitimité et l'impact de
la Cour des comptes. Son indépendance également, car il a, à plusieurs reprises, critiqué les comptes de l'Élysée et la politique budgétaire de Nicolas Sarkozy : défaut de concurrence,
déplacements officiels, intendance de l'Élysée ; dépenses fastueuses lors de la présidence française de l'Union européenne et de l'organisation du sommet de l'Union pour la Méditerranée ainsi que
le regret que la règle forfaitaire de non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux « résulte d'une démarche purement quantitative », sans évaluer la qualité des missions de service public, tout
en soulignant que cette méthode profite en outre aux « administrations pléthoriques et sous-productives » qui ont moins de mal que les autres à rendre des effectifs. Sans parler des rapports de
la Cour critiquant l'assouplissement de la carte scolaire ou encore la gestion des centres de rétention.
Par ailleurs, Philippe Séguin fit montre d'une sympathie pour le Québec et son mouvement indépendantiste. Il aida les indépendantistes lors de l'arrivée au pouvoir en 1994 du Parti québécois de
Jacques Parizeau et lors de son subséquent référendum de 1995 sur la souveraineté. Pour ce comportement, l'ambassadeur du Canada à Paris Benoît Bouchard le traita publiquement de loose cannon
(irresponsable, insensé) en 1995. Séguin enseigna aussi à l'université du Québec à Montréal et publia Plus Français que moi, tu meurs !, un livre sur le Québec, son histoire et son avenir de
coopération avec la France dans le contexte actuel d'accélération de la mondialisation.
Grand amateur de football, il a présidé la commission nationale tripartite de la fédération française de football et a pris la présidence en janvier 2008 de la commission Grands stades Euro 2016,
créée par le secrétariat d'État aux Sports afin d'évaluer les stades de football existants et les manques pour la probable candidature de la France à l'organisation de l'Euro 2016 de football. Il
est également président de la Fondation du Football à partir de février 2008.
Il meurt d'une crise cardiaque le jeudi 7 janvier 2010, à 6 h 45, à son domicile parisien, à l'âge de 66 ans. Quelques mois avant sa mort, Philippe Séguin n'excluait pas un retour en politique.
Sa disparition provoque un vif émoi dans toute la classe politique, qui lui rend un hommage unanime et qui regrette la perte d'un « grand serviteur de l'État ». Il est inhumé au cimetière de
Bagnols-en-Forêt (Var) dans le caveau familial.