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La vie derrière les murs du camp

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Le Parisienpublié le 21/05/2012 à 11h10

Ils sont 67000. Des dizaines de milliers d'hommes, de femmes et d'enfants à être passés par les grilles du camp de Drancy, à la cité de la Muette, entre le 20 août 1941 et la Libération, en août 1944. Juifs étrangers pour la plupart, ils sont restés quelques heures, quelques mois ou quelques années dans ce camp qui se différencie des autres par son statut. Drancy a successivement été un camp de représailles, de transit, de concentration avant le départ pour Auschwitz, puis, après la guerre, une prison pour collaborateurs.

Pendant trois ans, Annette Wieviorka, historienne et chercheuse au CNRS, et Michel Laffitte, professeur d'histoire, ont écumé les archives pour retrouver les lettres de ces prisonniers et en extraire un livre, « A l'intérieur du camp de Drancy », qui vient de paraître. 300 pages qui racontent la vie quotidienne des internés.

La faim. A l'automne 1941, les premiers prisonniers du camp souffrent de famine. Fin octobre, on dénombre 40 morts. En guise de nourriture, les juifs n'ont que de la soupe servie dans de grandes marmites distribuées dans les chambrées. Pour résorber la famine, les gendarmes français — qui gardent le camp — autorisent, en décembre, les familles des internés et la Croix-Rouge à leur envoyer des colis. Certains contiennent de l'argent. Le troc et le marché noir apparaissent. Les gendarmes en profitent pour vendre du tabac au prix fort aux prisonniers.

L'hygiène. Les premières douches collectives n'arrivent qu'à la fin 1942. L'hygiène est déplorable. Les enfants ont des poux. Un service de lavage du linge est mis en place, mais les internés préfèrent garder leurs vêtements de rechange de peur d'être déportés sans leurs affaires. Les sanitaires se trouvent à l'entrée du camp, dans un local en briques rouges, surnommé le « château rouge ». Les juifs ne peuvent se rendre aux toilettes qu'à heures fixes. C'est dans le château rouge que les prisonniers se retrouvent et échangent sur les dernières rumeurs. « Où sont les Alliés et leurs familles? » « Vont-ils être libérés? » Le château rouge devient le canal de diffusion de ce qu'ils surnommeront la « radio chiottes ».

La sexualité. Les conditions de vie n'empêchent pas les prisonniers d'avoir une vie sexuelle. « Malheureusement les écrits que l'on a retrouvés sont ceux des adeptes de l'ordre moral. Ils ne font que condamner ces comportements », relate Michel Laffitte. Certaines femmes tentent de tomber enceinte pour éviter d'être déportées. Les relations homosexuelles, choquantes à l'époque, poussent les juifs plus conservateurs à créer une « police des mœurs », qui fait des rondes la nuit pour surveiller les chambrées.

L'abus de pouvoir. Les gendarmes français ont largement abusé de leur pouvoir. « Le capitaine du camp, Marcellin Vieux, prend les femmes juives pour son cheptel. Il se croit tout permis. Elles subissent de nombreux viols », raconte l'enseignant. En 1942, une vague de suicides emporte les internées. A l'arrivée des SS en juin 1943, la terreur s'installe mais le camp se modernise. Les conditions de vie s'améliorent quelque peu. En réalité, ces travaux n'ont qu'un seul but : mieux organiser la déportation des juifs vers l'Est.


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