publié le 21/11/2012 à 08:18
Une prison désaffectée en plein centre de Lyon va devenir dans quelques mois un complexe immobilier qui entend préserver son architecture tout en devenant un lieu de vie, une initiative
originale en France où les vieilles prisons sont généralement détruites.
En voyant aujourd'hui les cellules et les bâtiments désertés de la prison Saint-Joseph, défigurés par les extensions successives et les outrages du temps mais qui gardent tous les stigmates de la
vie carcérale, des barbelés aux graffitis de détenus, difficile d'imaginer que bientôt s'élèveront ici immeubles de bureaux et logements.
"Comment d'un monde clos passer à un lieu ouvert, vivant, pacifié" et "conserver la mémoire de ce patrimoine carcéral unique en le transformant en locaux répondant aux normes de confort
actuelles", c'est à cette double gageure que doit répondre le projet retenu par l'Etat pour la réhabilitation des lieux, explique Frédéric Didier, architecte en chef des Monuments historiques qui
suit le projet.
D'un coût de 40 millions d'euros, les travaux, qui commenceront début décembre, prévoient la construction d'un immeuble de bureaux de 11.300 m2, de 54 logements sociaux locatifs et 119 en
accession à la propriété, et d'une résidence intergénérationnelle de 110 appartements pour étudiants et personnes âgées fragiles, réalisée pour l'association Habitat et humanisme.
Pour réussir leur pari, les promoteurs du projet entendent tirer parti de la qualité architecturale de Saint-Joseph qui fut en son temps une prison modèle.
Lorsque naît en 1823 l'idée d'installer une nouvelle prison dans le quartier industrieux et populaire de Perrache, on fait appel à l'architecte des bâtiments civils Louis-Pierre Baltard.
L'homme - père de Victor Baltard qui deviendra beaucoup plus célèbre - a déjà construit la prison Saint-Lazare à Paris. Peintre, dessinateur, amoureux de l'Italie, où il a vécu, il est aussi
l'auteur d'un "Traité des prisons" dans lequel il expose des idées généreuses et modernes.
"Il voit la prison comme un lieu de reconstruction morale de l'individu. C'est la prison rédemption plutôt que la prison expiation. On est dans l'ordre et la raison et on cherche à organiser les
lieux comme on veut organiser les individus", souligne Frédéric Didier.
Louis-Pierre Baltard va donc concevoir une prison innovante construite en forme de peigne, comme les hôpitaux, avec six ailes réservées aux détenus partant d'une zone centrale où s'élèvent les
bâtiments administratifs, les parloirs et une chapelle.
Les bâtiments sont reliés par des galeries et des coursives à l'air libre, qui donnent à l'ensemble néoclassique un air de forum ou de cloître. L'architecture se veut aussi hygiéniste, favorisant
la circulation de l'air et un bon ensoleillement. Elle permet aussi de répartir les prisonniers en fonction de l'importance des délits. Une aile est notamment réservée aux condamnés pour
dettes.
Achevée en 1831, Saint-Joseph, devenue trop exigüe, sera doublée dès 1860 d'une nouvelle prison, Saint-Paul, construite juste à côté, et dessinée par l'architecte Antonin Louvier selon un plan en
étoile, comme la prison de la Santé à Paris.
Et en 2009, elle sera vidée de ses derniers détenus - dont un des plus tristement célèbres fut Klaus Barbie,
ancien chef de la Gestapo à Lyon, qui y séjourna après son arrestation en 1983 - puis vendue par les domaines, comme sa
voisine Saint-Paul.
Des bâtiments originaux, où se mêlent la pierre dorée du Beaujolais, la pierre rose de Tournus et la pierre blanche de Villebois, ne seront conservés qu'une partie, essentiellement le mur
d'enceinte et le porche d'entrée face au Rhône, une seule des six ailes de détention et toute la partie centrale.
En revanche les galeries et les coursives reliant entre eux les bâtiments seront restaurées à l'original, agrémentées en leur centre de cours et de jardins. Des fresques et des peintures
réalisées par des prisonniers, parmi lesquels Didier Chamizo, aujourd'hui peintre reconnu, seront également préservées.
Aujourd'hui propriété de l'université catholique de Lyon, Saint-Paul fait également l'objet d'un projet de réhabilitation destinée à accueillir un campus urbain.
Selon M. Didier, ces deux projets sont les seuls de ce type en France, les anciennes prisons étant généralement détruites.
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A Lyon, un complexe immobilier va remplacer les cellules d'une prison historique
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