Abada Roger Henri Joseph est né le 22 décembre 1920 au 4, Place Defly à Nice (06). Son père Adrien est employé d'administration
et sa mère Thérèse née Heitzler est couturière. Il vient habiter à Moulins 8, rue des Couteliers en 1935 avec sa mère, ses frères et ses sœurs. Il travaille aux Etablissements Bardet. Communiste
depuis 1936, il est membre du Bureau Fédéral des Jeunesses Communistes de l'Allier. Il constitue un groupe de résistance, imprime des tracts et fréquente le groupe de Républicains Espagnols.
La famille Heitzler est sous surveillance de la police, car, selon le commissaire de police, bien que, « depuis l'Occupation elle ne manifeste plus, du moins au grand jour, aucune action à
tendance extrémiste, (…) cette famille a manifesté avant la guerre des sentiments communistes acharnés et elle était le centre d'une propagande extrémiste active». Le 19 mai le commissaire
propose au préfet d'effectuer une perquisition au domicile de la famille "en vue d'y découvrir tous documents ou objets suspects concernant la Sûreté Nationale". La perquisition qui a lieu le 27
mai ne donnera rien.
Il est arrêté –ainsi que son demi-frère, René Heitzler- à son domicile le 4 juillet 1941, peut-être suite à la rupture du Pacte Germano-Soviétique. Selon l'enquête de la police « le
domicile de sa mère (militante d'extrême-gauche) servait, à l'époque, de relais et de boîte aux lettres aux résistants communistes». D'abord interné à la Mal-Coiffée, prison militaire allemande à
Moulins, il est ensuite transféré à Compiègne (60).
Entre fin avril et fin juin 1942, il fait partie du groupe de 1100 otages désignés comme communistes et une cinquantaine d'otages désignés comme juifs. Il s'agit selon le livre mémorial de la
Fondation pour la mémoire de la Déportation d' «un convoi de représailles formé, à l'origine, par l'administration militaire allemande afin de dissuader les dirigeants et les militants
communistes de poursuivre la guérilla urbaine, commencée en août 1941, sous la forme d'attentats contre des officiers et des troupes d'occupation». Le 6 juillet 1942 il est l'un des 1170 hommes
déportés de Compiègne à Auschwitz où ils arrivent le 8 juillet dans le convoi N°
I.42.
Ce convoi est particulier :
- C'est le premier à partir de Compiègne.
- Il est le premier des 3 transports de déportation de répression à avoir été dirigé sur Auschwitz-Birkenau.
A Auschwitz Roger Abada reçoit le matricule N° 45157 qui sera tatoué sur son
avant-bras gauche. Affecté au Block 22 du camp principal, il travaille dans divers kommandos (portage de matériaux de construction, serrurerie, garage des voitures SS). Atteint par le typhus, il
est admis à l'infirmerie entre septembre et décembre 1942. Membre du triangle de direction du groupe français de Résistance, Roger Abada assure la liaison du groupe français avec le Comité
International créé par les communistes autrichiens. Pour des questions de sécurité il n'y a que des communistes dans l'organisation clandestine. Selon Claudine Cardon-Hamet, en mars 1943 86 % des
hommes de ce convoi qui ont été immatriculés neuf mois plus tôt sont décédés. Les causes en sont multiples: l'esclavage, la sous-alimentation, les coups, les maladies, les sélections,
le désespoir.
À la mi-août 1943, il fait partie des "politiques” français rassemblés (entre 120 et 140) au premier étage du Block 11 - la prison du camp - pour une "quarantaine”. Exemptés de travail et d'appel
extérieur, les "45000” sont témoins indirects des exécutions massives de résistants, d'otages polonais et tchèques et de détenus du camp au fond de la cour fermée séparant les Blocks 10 et 11. Le
12 décembre 1943, à la suite de la visite du nouveau commandant du camp, Arthur Liebehenschel, et après quatre mois de ce régime qui leur a permis de retrouver quelques forces, physiques et
mentales, ils sont pour la plupart renvoyés dans leurs Blocks et Kommandos d'origine. Le 3 août 1944, il est parmi les trois-quarts des "45000” présents à Auschwitz qui sont de nouveau placés en "quarantaine”, au Block 10, en préalable à un
transfert.
Le 7 septembre 1944 , il est dans le petit groupe de trente "45000” transférés au KL Gross-Rosen, dans la région de Wroclaw. Il travaille dans un atelier de matériel électrique. En février
1945, il est parmi les quinze "45000” évacués vers *Dora-Mittelbau et répartis dans différents Kommandos. Roger Abada est affecté au Kommando de Nordhausen où il reçoit un nouveau matricule, le
N° 40965. Le 5 avril, il profite des bombardements de l'aviation alliée sur le camp pour s'évader. Dans une maison vide, il trouve des vêtements civils et fait office d'infirmier dans un bâtiment
de fortune. Le 11 avril, l'avant-garde de l'armée américaine passe rapidement sur la route : il est libre. Il traverse alors la ville de Nordhausen et retourne au camp de Dora où il
retrouve des camarades de son convoi.
Sur les 1170 hommes immatriculés à Auschwitz le 8 juillet 1942 il ne reste, en mai
1945, que 119 survivants. Mais son retour est retardé par un début de gangrène, soigné à Dora dans un hôpital de campagne. Il regagne la France par avion, le mardi 24 avril, et commence sa
convalescence au camp de Mourmelon, puis regagne Paris le 11 mai 1945. Le titre de déporté résistant lui a été attribué. Dans les années 1950, il rédige un récit de son activité au sein du Comité
international de résistance à Auschwitz pour le Musée d'Etat d'Auschwitz-Bikenau.
*Nordhausen: Kommando des KL Buchenwald-Dora. Ce Kommando est situé à quelques kilomètres de Dora et il fonctionne au service d'entreprises de la ville. Les détenus sont logés à la BoelckeKaserne où
on regroupe de plus en plus en 1945 des détenus inaptes au travail, extraits d'autres Kommandos comme celui d'Ellrich.