publié le 18/12/2012 à 18h07 par Nicolas Devers-Dreyfus
Les Cahiers célébraient leurs quarante ans, une belle persévérance, sachant la fragilité économique d’une revue, les trésors de dévouement rédactionnel à mobiliser pour assurer sa pérennité,
et les tensions au sein du PCF, tout au long d’une période tourmentée. Un anniversaire réussi – organisé par l’équipe animée par Anne Jollet, directrice des Cahiers depuis 2001 – commencé
vendredi 8 décembre à Fabien, puis accueilli, le lendemain, dans les illustres et vénérables locaux de l’École normale supérieure, rue d’Ulm.
Histoire et engagement le vendredi, avec des invité(e)s très divers, chercheurs et acteurs des mobilisations associatives et politiques, mais qui tous ressentaient la prégnance du mouvement des
luttes émancipatrices. Oui, l’histoire engage, par ce qu’elle dit comme par ce qu’elle ne dit pas, elle engage même ceux qui refusent de s’engager, réfugiés dans l’érudition.
Samedi, les Cahiers firent leur histoire, et les jeunes historiens présents n’en ont pas été déçus. Elle se tissa par l’étude de dizaines de livraisons, d’un grand apport, par l’attention
chaleureuse portée au fonctionnement d’un lieu d’échanges intellectuels, ainsi qu’aux parcours biographiques, aux rencontres qui se sont nouées entre chercheurs. Depuis les prémices, en 1964, le
Manuel d’histoire, puis les Cahiers de l’Institut Maurice-Thorez pilotés par Jean Burles, les historiens communistes se dégagèrent progressivement d’une conception de l’histoire bataille, de la
seule collecte des souvenirs militants, voire de l’histoire hagiographique.
Sous le regard amical de Claude Willard, dont les travaux et ceux de Germaine Willard ont tant appris, de Claude Mazauric et de Francette Lazard, les animateurs successifs de la revue ont
témoigné, avec un méritoire effort d’objectiver leurs souvenirs en historiens. Exercice difficile qu’a remarquablement réalisé Roger Martelli, son premier animateur, avec le concours de Richard
Lagache et d’une pléiade d’alors jeunes chercheurs, dont Roger Bourderon. Jean-Paul Scott et Serge Wolikow ont complété le panorama des années 1970 et 1980. Ils ont notamment évoqué les chemins
parallèles des équipes des Cahiers et du Cerm. Claude Pennetier, directeur du Maitron, délivra le point de vue d’un chercheur extérieur à la rédaction des Cahiers.
Passage de génération : Frédéric Génevée, qui succéda à Roger Martelli, présenta la « rupture » de 1995, lorsque les Cahiers devinrent « d’histoire critique », animés par une équipe de jeunes
historiens militants. Les chercheurs italiens, compagnons des Cahiers, valorisent l’approche comparatiste, moteur de l’histoire critique. L’après-midi s’est tournée vers les productions récentes.
Une table ronde a porté sur les luttes sociales et les révolutions, avec les contributions de Claude Mazauric, sur la Révolution française, et de Stéphane Sirot, sur les luttes sociales.
Caroline Fayolle, spécialiste de l’approche genrée des révolutions, souligna l’intérêt des dossiers novateurs consacrés à l’étude des sexualités. Puis vinrent les interventions marquantes de
Jérôme Lamy, sur l’importance du rapport critique à l’histoire des sciences dans la revue, de Catherine Coquery-Vidrovitch, sur les dossiers consacrés aux Sud et/ou à l’histoire coloniale, de
Massimo Préaro, spécialiste de l’homosexualité et auteur de la prochaine livraison des Cahiers.
Parole fut donnée, en conclusion, à Laurent Willemez, sociologue, Priscilla Ferguson, spécialiste de la littérature française, Pierre Boichu, archiviste du fonds communiste. Tous montrèrent la
grande richesse des Cahiers.
↧
Quarante ans de Cahiers d’histoire
↧