Ancien directeur des RG entre 1992 et 2004, figure centrale du procès Clearstream, il a été retrouvé mort lundi à son domicile.
L'ancien directeur central des Renseignements généraux (RG) Yves Bertrand pose, le 21 janvier 2009 à Paris
Yves Bertrand, 69 ans, inamovible «patron» des RG de 1992 à 2004, retrouvé mort lundi à son domicile parisien, s’est rendu célèbre avec la publication dans la presse de ses carnets manuscrits dans lesquels il rapportait rumeurs et ragots de la Ve République.
Proche de l’ex-président de la République Jacques Chirac, il était entré dans la police en 1970 et était devenu en 1992 patron des Renseignements généraux, qu’il a dirigés sous huit ministres de l’Intérieur. Il s’est toujours décrit comme un «démineur de la République» et un homme de l’ombre. Arborant volontiers un air bougon «avec des yeux derrière le crâne», selon un proche, il a été détesté par plusieurs hommes d’Etat, qui ont vainement tenté d’obtenir sa tête, juges ou policiers. Mais il a été vénéré par autant d’autres, comme Jean-Pierre Chevènement, sous le gouvernement Jospin, Jacques Chirac ou Dominique de Villepin.
Il s’est rendu célèbre malgré lui lorsque ses 23 cahiers à spirale ont été publiés dans la presse en 2008 après avoir été saisis dans le cadre de l’enquête Clearstream, alors qu’il avait quitté les RG. Il était très en froid avec Nicolas Sarkozy, qui l’a soupçonné d’avoir joué un rôle dans cette affaire. L’ex-président avait d’ailleurs porté plainte contre lui à la suite de la publication de certains passages de ses carnets le concernant.
Couvrant les années 1998-2003, Yves Bertrand y avait consigné tout au long de sa carrière nombre d’indiscrétions et de rumeurs sur des affaires politico-financières de la Ve République, la vie privée et publique du Tout-Paris et des hommes politiques. Il s’était présenté comme une «victime» après la divulgation de ses carnets, des «brouillons» selon lui, dont il a toujours demandé, en vain, la restitution.
«Je sais rien mais je dirai (presque) tout»
Au cœur des affaires et des secrets de l’Etat, petits et grands, la carrière de l’ex-directeur des RG a toujours senti le soufre. L’ancien Premier ministre Lionel Jospin, cité dans ses fameux carnets, l’avait ainsi accusé d’être un «amateur de basse police», le qualifiant de «nuisible» et assurant qu’il a été longtemps protégé par Jacques Chirac.
«Les RG ont été une police politique mais pas au sens totalitaire du terme», s’était défendu Yves Bertrand auprès de l’AFP lors de la sortie de ses mémoires, en 2007, dont le titre, Je sais rien mais je dirai (presque) tout, résumait à lui seul l’ambiguïté du personnage.
«Les RG sont les yeux et les oreilles du gouvernement, ils doivent lui fournir des renseignements de qualité, plaidait alors Yves Bertrand. Je n’étais pas l’homme capable de faire sauter la République que l’on a souvent décrit, en raison des informations que j’étais supposé détenir, mais un serviteur.»
Né le 25 janvier 1944 à Grasse (Alpes-Maritimes), il était devenu commissaire de police en 1968 après sa licence en droit, puis commissaire principal en 1975 et divisionnaire en 1982. En 1992, il devenait chef du service central des renseignements généraux à la direction générale de la police nationale et, trois ans plus tard, directeur des services actifs de la police nationale, directeur central des RG. De 1999 à 2001, il était parallèlement directeur du cabinet du directeur général de la police nationale (Patrice Bergougnoux).
Yves Bertrand, qui revendiquait l’histoire parfois trouble des RG mais aussi ses succès comme la traque contre les terroristes de tout poil, a fait valoir ses droits à la retraite en 2009. En 2011, il avait fait un pas vers le Front national en déclarant que Marine Le Pen était «quelqu’un de respectable», estimant qu’elle était «victime d’une diabolisation injuste et absurde à cause de son nom».