Aimé-Joseph Darnand est un militaire, homme politique et collaborateur français (né à Coligny dans l'Ain le 19 mars 1897 et mort fusillé au Fort de Châtillon, à Fontenay-aux-Roses (actuel département des Hauts-de-Seine) dans le département de la Seine le 10 octobre 1945).
Il était une figure majeure de la Collaboration française. Ancien combattant de la Grande Guerre et de 1939-1940, militant d'extrême -droite dans l'entre-deux-guerres, soutien actif et précoce du maréchal Pétain et du régime de Vichy, il devint membre honoraire de la SS en 1943. En dépit de quelques velléités de passer à la Résistance, son principal rôle historique fut celui de fondateur et dirigeant de la Milice française, organisation paramilitaire de type fasciste, supplétive de la Gestapo et chargée de la traque des résistants, des Juifs et des réfractaires au STO. Les exactions de ses hommes valurent à Darnand d'être considéré comme l'une des personnalités les plus jusquauboutistes de la collaboration; il fut condamné à mort après la guerre. Issu d’une famille modeste de l’Ain dont le père est cheminot, le jeune Joseph Darnand est imprégné des valeurs traditionnelles du catholicisme" indique l'historien Max Lagarrigue. Joseph Darnand est élève de l'école St Louis à Bourg jusqu'à 11 ans puis d'octobre 1911 à mars 1913 au Collège Lamartine de Belley. Il rentre à Coligny où il travaille comme boulanger à l'asile psychiatrique de Bourg puis il rentre en apprentissage chez M.Dumarchy, ébéniste. Le 8 janvier 1916, il est incorporé au 35ème Régiment d'Infanterie. Il est nommé caporal en avril 1917, sergent le 1er juin 1917, enfin adjudant en 1918. Il reçoit plusieurs citations pour son courage comme « nettoyeur de tranchées ».
En 1918, son commando s'empare de documents allemands essentiels qui permettent de connaître le plan de l'offensive ennemie du 15 juillet 1918, qui sera vouée à l'échec immédiat grâce au général Mangin. Darnand reçoit la médaille militaire des mains du général Pétain, à qui il voue ensuite un attachement sans borne et peut "après avoir été nommé adjudant, il est décoré de la Légion d’honneur par le président de la République en personne, Raymond Poincaré. En septembre 1919 , il s'engage pour deux ans dans l'armée. Il part en permission libérable en juillet 1921. Déçu de ne pas être nommé officier d'active à l'issue de la guerre, il en rend responsable le régime républicain. Il reçoit la Légion d'Honneur dans la cour d’honneur des invalides le 7 avril 1927. En 1923, il entre comme vendeur décorateur à la fabrique de meuble Chaleyssin à Lyon puis il devient transporteur. Il milite à l’extrême droite d'abord dans le cadre de l’Action française de 1925 à 1928 puis aux Croix-de-Feu et à partir de 1936 au PPF. Il conspire ensuite contre la République en liaison avec le complot de « La Cagoule », dont il est le responsable à Nice.
Arrêté le 14 juillet 1938, il est libéré le 21 décembre 1938 et bénéficie d'un non-lieu prononcé en juillet 1939. "Au moment de la déclaration de guerre en septembre 1939, le quadragénaire ne s’est guère assagi, il s’engage aussitôt comme combattant volontaire. Il constitue un corps franc et s’illustre encore aux combats. Une couverture de Match lui est même consacrée" atteste l'historien Max Lagarrigue. Il est nommé « premier soldat de France » et nommé officier de la Légion d’honneur pour avoir été chercher aux mains de l'ennemi le corps de son chef et ami le capitaine Agnely. Fait prisonnier le 19 juin 1940, il parvient à s'évader du camp de Pithiviers en août 1940 et à rejoindre Nice. En juin 1940, quand Pétain prend le pouvoir il se rallie à la « Révolution nationale ».
Darnand prend la tête de la nouvelle Légion française des combattants (LFC), dans les Alpes-Maritimes. Après l’ouverture de la LFC aux jeunes partisans du régime qui n’ont jamais combattu, il fonde en août 1941, dans son département, un Service d'ordre légionnaire (SOL), où s’introduisent certains éléments du « milieu » niçois. Ce SOL, étendu ultérieurement à toute la zone non occupée et à l’Afrique du Nord, prône la Collaboration active avec l’occupant nazi. Plusieurs chefs et militants des SOL se livrent à des actions brutales contre les adversaires réels ou supposés du régime et déclenchent une vague de délation qui n’épargne ni les autorités civiles, ni les autorités religieuses de l’État français. Lorsque le commandement national du SOL est attribué à Darnand, il s’installe à Vichy. Il y affiche des positions ouvertement collaborationnistes, tout en restant toujours très proche de Pétain. Selon le résistant Claude Bourdet, des résistants des Alpes-Maritimes tentèrent en 1940 de convaincre Darnand d'entrer dans la dissidence et de fonder les groupes-francs de la Résistance. Un instant hésitant, Darnand refusa au nom de son allégeance absolue à Pétain.
En 1943, dans un moment de négociations difficiles avec Laval et les Allemands, Darnand, un temps découragé, fit quelques sondages en direction de la France libre, puis abandonna définitivement toute idée de changer de camp. Le Général de Gaulle aurait repoussé le ralliement de Darnand il le dit d'ailleurs lui même dans ses mémoires) Sans doute aussi ses opinions le poussaient-elles bien plus à profiter d'un régime qui lui permettait de satisfaire ses rancœurs antisémites, anticommunistes, antimaçonniques et antirépublicaines. Le 5 janvier 1943, le Maréchal exalte le « patriotisme » des SOL qui auraient, aux cotés de l’Armée d’Afrique, tiré sur les Américains à la suite du débarquement allié de novembre 1942 en Afrique du Nord. En réalité, seules quelques dizaines des hommes de Darnand, sur des milliers, se sont battus à Oran et au Maroc, tandis qu’à Alger les SOL se sont tous laissés capturer sans résistance, lors du Putsch du 8 novembre 1942.
Pétain annonce l’autonomie du SOL et sa transformation en Milice française, sous les ordres de son chef national Darnand. L’autonomie du SOL est décidée, autant pour écarter de la Légion ses membres les plus extrémistes, que pour permettre à Darnand et à ses hommes d’agir, à leur façon. Le 30 janvier 1943, la fondation de la Milice a lieu à Vichy. Laval en est le président officiel, mais la gestion courante et la vraie direction reviennent à Darnand. Pétain et Laval ne démentiront jamais leur soutien public à la Milice et à ses actes. En novembre 1943, Laval rappelle encore qu'il est « main dans la main avec Darnand » car selon lui, « la démocratie, c'est l'antichambre du bolchevisme ». Le serment de la Milice mentionne entre autres le combat contre la « lèpre juive ». Le mouvement se voulait à la fois antisémite, anticommuniste, anticapitaliste et révolutionnaire. Selon les historiens Henry Rousso ou Jean-Pierre Azéma, le projet de Darnand et de ses hommes était de faire de la Milice un succédané de parti unique, et à terme l'ossature d'un authentique régime totalitaire.
La montée en force de Darnand dans le régime de Vichy, jusque là avant tout autoritaire et réactionnaire, marque une étape décisive dans la fascisation finale du régime, ainsi que dans sa satellisation par les Allemands. En août 1943, Darnand est nommé SS-Frw-Obersturmführer (lieutenant) de la Waffen-SS (de très - trop - nombreuses sources, même sérieuses, citent à tort qu'il reçu le grade Sturmbannführer (commandant), en réalité il ne recevra ce grade que le 1er novembre 1944) et il prête serment à Hitler, à l'ambassade allemande, rue de Lille, à Paris. Il ne revêtira que rarement l'uniforme feldgrau (2 ou 3 fois selon Darnand, jamais diront certains), notamment pour le serment et quand il se présenta en novembre 1944 au dépôt de Wildflecken de la division Charlemagne pour prendre ses fonctions (il sera d'ailleurs refoulé, les autorités allemandes ne voulant pas de politiques). Le 30 décembre 1943, à la demande des Allemands, il est nommé par Pétain « secrétaire-général au maintien de l’ordre ».
En janvier 1944, la milice est étendue au nord de la France, et les hommes de mains de divers partis collaborationnistes y sont versés. Le 13 juin 1944, quelques jours après le débarquement allié, son titre ministériel est changé en « secrétaire d’État à l’Intérieur ». Darnand vient à Paris et recherche un logement confortable. Il jette son dévolu sur un appartement du 16e arrondissement, dans un immeuble appartenant à la famille juive Schwob d’Héricourt, dont les occupants légitimes, y compris leurs petits enfants, sont contraints de se cacher. La Milice française, que Darnand qualifie de « nouvelle chevalerie », mène une série d'actions violentes : comme supplétifs des Allemands, ils luttent contre la Résistance et participent à la liquidation des maquis des Glières. Déstabilisés par leur impopularité auprès de la nette majorité des français, les miliciens redoublent d'extrémisme. Les immeubles de la Milice, à commencer par le Petit Casino de Vichy, deviennent des lieux de torture systématique.
Les miliciens pratiquent également la délation, contribuent à l'organisation des rafles, et se livrent parfois à d'authentiques massacres, ainsi à Saint-Amand-Montrond (11 juin 1944) où plus de 80 cadavres de civils seront retirés d'un puits. Contre les résistants, Darnand institue au printemps 1944 aussi des cours martiales, où aucune garantie élémentaire du droit n'est respectée. Elles se chargeront notamment de condamner à mort et de faire exécuter les révoltés de la prison centrale d'Eysses (avril 1944), à qui la vie sauve avait été promise en échange de leur reddition. Les miliciens se livrent également à des exécutions sommaires : à la suite de l’assassinat par la résistance du secrétaire d'état de l'information et de la propagande Philippe Henriot, des membres de la Milice sillonnent en voiture les rues de Châteauroux en tirant au hasard sur les passants. À Rillieux-la-Pape, Paul Touvier fait fusiller arbitrairement sept Israélites.
Les hommes de Darnand s’engagent aussi dans la chasse aux juifs, et dans l’assassinat des hommes politiques, qui, comme Georges Mandel, ou Maurice Sarraut, ont tenté de s’opposer à l'Allemagne nazie (Georges Mandel fut tué également en représailles à l'assassinat d'Henriot). Au début de 1944, les miliciens fusillèrent aussi vers Lyon les octogénaires Victor Basch et sa femme Hélène Basch, faisant payer à l'ancien président de la Ligue des Droits de l'Homme des décennies de dreyfusisme et de militantisme républicain, ainsi que ses origines juives. Manquant d'hommes, Darnand ne disposera jamais de plus de 35 000 militants, dont beaucoup ne sont pas armés ou actifs. Aussi se montre-t-il peu regardant sur le recrutement : des jeunes gens qui cherchent à échapper au STO, mais aussi un gros nombre d'aventuriers, de repris de justice, de criminels de droit commun. Les exactions politiques des miliciens se doublent ainsi de nombreux vols, cambriolages, rackets, extorsions de fonds, voies de faits sur la voie publique ou contre des fonctionnaires, qui achèvent de discréditer totalement la Milice dans la population.
Le 6 août 1944, Pétain finit par désavouer - dans une lettre qu'il ne rendit pas publique - les exactions des hommes de Darnand, trop tardivement pour que ce dernier en soit dupe. « Pendant quatre ans, répondra-t-il caustiquement, j'ai eu le droit à tous vos encouragements parce que ce que nous faisions, c'était « pour la France ». Et aujourd'hui que les Américains sont aux portes de Paris, vous commencez à me dire que je vais être la tache de l'Histoire de France. On aurait pu s'y prendre plus tôt ! ». À la Libération, les miliciens prennent le chemin de l’Allemagne, où ils sont affectés à la Waffen SS (division Charlemagne). Mais Darnand doit en abandonner le commandement à un officier supérieur allemand, tandis que lui-même est envoyé en Italie du Nord faire la chasse aux partisans. C'est là qu'il est arrêté le 25 juin 1945 par les Britanniques, et remis aux autorités françaises. Transféré en France, Darnand est jugé le 3 octobre 1945 et condamné à mort par la Haute Cour de Justice. Il est fusillé le 10 octobre 1945.