Compagnon de Jean Moulin, secrétaire du Conseil national de la Résistance. Nous vous proposons de relire cet entretien avec Robert Chambeiron, disparu hier. L'ancien résistant s'exprimait à propos du CNR dont il a été l'une des pierres angulaires.
Nous célébrons le 70e anniversaire de la première réunion du Conseil national de la Résistance. Que retenez-vous principalement de cet événement ?
Robert Chambeiron. Le CNR fut le point de rassemblement de tous les Français patriotes, qui se retrouvaient dans les valeurs permanentes de la République – la liberté, la justice sociale, la solidarité, le rejet de l’intolérance – et dans le même attachement à la souveraineté du pays.
Les idéaux de la justice sociale, d’égalité et de liberté qu’il fixait sont-ils atteints ?
Robert Chambeiron. Il y a eu la création de la Sécurité sociale, fondée sur la solidarité de tous. Mais la justice sociale va au-delà. Elle a progressé jusqu’au moment de la crise mondiale, ou plutôt des crises à répétition – financière, économique, sociale – qui ont frappé notre pays, sur fond de démission vis-à-vis de l’Europe libérale.
Quel message adresseriez-vous aux générations futures pour perpétuer ce combat ?
Robert Chambeiron. Aujourd’hui, les valeurs de la Résistance sont menacées. On voit resurgir de plus en plus de campagnes de dénigrement, l’apologie de Vichy, le racisme est quotidien. Cela signifie que les valeurs humanistes ne sont pas acquises pour toujours. Nous devons nous unir, lutter avec fermeté et sans concession contre les résurgences du nazisme et du racisme. Autrement dit, au volontariat que fut le nôtre, il y a soixante-dix ans, doit succéder un nouveau volontariat au service des valeurs de la Résistance.
Une société est en péril lorsque le tissu social se déchire, quand la fracture s’élargit entre « le peu » qui ont trop et le « reste » qui a peu, quand la désespérance frappe une large fraction de la population. Sans justice, sans égalité, sans solidarité, la démocratie devient un mot vide de sens. La remise en cause de ce qu’on appelle les acquis de la Résistance, notamment sur le plan social, constitue un recul historique qui tend à priver de son sens véritable le combat du peuple français pour sa libération.
Entretien réalisé par Grégory Marin le Lundi, 27 Mai, 2013