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Audrey Hepburn racon­tée par son fils

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Dans l'intimité de l'icône du cinéma. À l'occa­sion de la paru­tion d'un beau livre* qui évoque ses années italiennes, Luca Dotti nous entraîne dans le sillage de l'actrice, icône de mode, femme enga­gée et mère excep­tion­nelle.

Audrey Hepburn et Luca DottiAudrey Hepburn et Luca Dotti

Audrey Hepburn et Luca Dotti

Rendez-vous sur la terrasse de l'hôtel Hass­ler, une insti­tu­tion située à deux pas de la Piazza di Spagna, enva­hie par des hordes de touristes. Vue pano­ra­mique sur la Ville éter­nelle, soleil aveu­glant, charme fou. La star aimait y déjeu­ner en paix. Son fils cadet (quarante-quatre ans), père de trois enfants, a repris les rênes de la [fonda­tion] Audrey Hepburn Chil­dren's Fund, créée par sa mère, décé­dée en 1993. Inta­ris­sable, il revient sur celle qui lui a donné de très belles leçons de vie. 

Gala : Entre Rome et Audrey Hepburn, ce fut un vrai coup de foudre…

Luca Dotti: Bien plus que cela : une longue histoire d’amour qui a duré trente ans! En 1952,  elle y a connu la joie d’un début de carrière fulgu­rant avec Vacances romaines de William Wyler, pour lequel elle sera récom­pen­sée de l’os­car de la meilleure actrice. Elle venait d’avoir vingt-trois ans. L’ef­fer­ves­cence de Cine­città la sédui­sait aussi beau­coup car à l’époque,  on y  croi­sait tous les monstres sacrés holly­woo­diens. Elle y a tourné, en 1956, aux côtés de Mel Ferrer son premier mari, le mythique Guerre et paix de King Vidor. Elle effec­tuera de nombreux allers-retours entre l’Amé­rique  et l’Ita­lie, avant de s’y instal­ler à la fin des années soixante. 

Gala : Dans Audrey à Rome, le beau livre que vous avez super­visé, on découvre de nombreuses photos inédites, la montrant dans sa vie quoti­dienne. Qu’elle aille chez l’épi­cier, au cinéma ou chez le fleu­riste, elle était toujours telle­ment chic !

L.D. : J’ai souhaité montrer un autre visage de maman, loin de l’icône de Diamants sur canapé en petite robe noire. En fouillant dans les archives de certains papa­razzi qui étaient ses amis, j’ai pu retrou­ver des clichés qui ne sont jamais parus dans la presse. Ces images, saisies sur le vif, dans les rues de Rome, reflètent bien sa person­na­lité. Elle a vécu ici la vie simple de madame-tout-le-monde, sans limou­sine. Ce qu’elle n’au­rait jamais pu faire si elle avait résidé à Los Angeles. 

Gala : L’Ita­lie est aussi le  pays où, après une sépa­ra­tion, elle a retrouvé l’amour. Comment a-t-elle rencon­tré votre père, Andrea Dotti ?

L.D.:  Quand, en 1968,  elle a divorcé de Mel Ferrer après quatorze ans de vie commune, une de ses amies lui a proposé de passer quelques jours chez elle, dans le sud, et de partir en croi­sière pour se chan­ger les idées.  C’est durant ces vacances qu’elle a rencon­tré papa, qui étudiait la psychia­trie. Elle en était folle ! Elle adorait  son côté romain, très gai, spiri­tuel, évidem­ment séduc­teur. Elle avait alors 39 ans et déjà une belle carrière derrière elle, alors que mon père était un gamin de trente ans, qui n’avait pas encore terminé ses études. Je suis né deux ans plus tard, en 1970. Mon frère, Sean Ferrer, avait alors  dix ans et vivait avec nous.  

Gala : Pourquoi ce second mariage d’amour  a-t-il été un échec ?

L.D : Un jour, maman m’a dit : « Tu sais, ton père m’a fait beau­coup souf­frir. C’est un vrai Italien, à cause de lui, j’ai perdu  la tête ! » Papa était bien sûr amou­reux d’elle, mais sa grande beauté et la tension média­tique autour de sa célé­brité ont pesé sur leur rela­tion. Dans le couple, c’était elle la vedette, pas lui. Une situa­tion qu’il ne vivait pas toujours très bien. Comme tous les jeunes de son âge, papa adorait sortir avec ses amis, faire la fête.  Ma mère, elle, avait depuis long­temps fait le tour d’une vie nocturne et mondaine. Elle aspi­rait à autre chose, d’au­tant qu’elle prenait très à cœur son rôle de maman.

Gala : Un peu avant votre nais­sance, elle renonce au cinéma pour se consa­crer exclu­si­ve­ment à sa famille. Elle ne l’a jamais regretté ?

L.D. : Sa famille a toujours été sa prio­rité. Il faut comprendre qu’au départ, maman, qui étudiait la danse clas­sique, aspi­rait à deve­nir balle­rine. Etre une star de cinéma n’a jamais été son ambi­tion. Malheu­reu­se­ment, la malnu­tri­tion dont elle a terri­ble­ment souf­fert pendant la guerre, a ruiné son rêve. Atteinte, à 16 ans, d’une anémie sévère, elle vivait alitée. Ma grand-mère, une baronne d’ori­gine hollan­daise qui avait tout perdu, faisait des petits boulots. Leur quotien à Londres était très diffi­cile. Le  corps de maman  ne pouvait  plus la porter telle­ment ses muscles s’étaient atro­phiés.  Les méde­cins ne lui donnaient plus que quelques jours  à vivre quand l’Ar­mis­tice est arri­vée. Elle m’en parlait souvent, insis­tant sur le fait que le cauche­mar de la guerrre ne l’avait plus jamais quit­tée.  Le cinéma était venu à elle comme un cadeau. Elle me disait toujours que sa plus grande victoire n’était pas son oscar, mais le fait d’avoir survécu.

Gala : Ne pensez-vous pas qu’au fond, elle aurait pu gérer sa vie privée et sa carrière autre­ment ?

L.D. : Non, je comprends sa déci­sion. Vous savez, à l’époque, Skype, Inter­net n’exis­taient pas. Tour­ner un film signi­fiait être absente de longs mois car après, il fallait assu­rer la promo, les inter­views, les émis­sions de radio et de télé. N’ou­blions pas qu’elle est l’ac­trice la plus photo­gra­phiée au monde, avec plus de six cents couver­tures de maga­zines. Faites le calcul : elle a passé deux ans de sa vie rien que sur ces shoo­tings ! Un jour,  elle ne l’a plus supporté.

Gala : Quels mots quali­fient le mieux sa person­na­lité ?

L.D. : Elle était d’une immense gentillesse, d’une grande simpli­cité aussi. Je me souviens de sa faculté d’éton­ne­ment, d’émer­veille­ment face à la vie. En tant que fils, je suis très touché par le fait que pour le public, ses quali­tés humaines comptent bien plus que ses rôles.

Gala : Son enga­ge­ment auprès de l’UNICEF, à partir de 1988, forçait l’ad­mi­ra­tion…

L.D. : Elle se levait à l’aube pour prépa­rer ses missions et ses discours. Sa force de travail était inépui­sable ! Dans les pays en guerre,  il arri­vait que l’on tire sur son avion, mais  rien ne lui faisait peur. Elle montrait beau­coup d’em­pa­thie avec les popu­la­tions déci­mées par la famine car elle compre­nait, au plus profond d’elle-même,  ce qu’é­tait  leur déses­pé­rance. Beau­coup d’ enfants sont morts dans ses bras…

Gala : En novembre 1992, alors qu’elle rentrait  d’une mission parti­cu­liè­re­met éprou­vante en Soma­lie, on lui a décou­vert un cancer de l’ap­pen­di­ce…

L.D. : Elle avait refait sa vie en Suisse,  avec l’ac­teur Robert Wolders. Elle se plai­gnait de violents maux de ventre et pensait avoir contracté des amibes. Son cancer a été fulgu­rant.  Elle est  morte à 63 ans, en janvier 1993. Mon père- ils étaient restés amis-, est venu la voir une dernière fois. Elle a géré sa mala­die de manière très sereine. Avec le senti­ment du devoir accom­pli. 

*Audrey à Rome (Galli­mard)


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