Charles « Lucky » Luciano (24 novembre 1897, Lercara Friddi, Sicile, Italie - 26 janvier 1962, Naples, Italie) est un mafieux italo-américain né sous le nom de Salvatore Lucania. Il fut certainement le criminel dont l'influence historique fut la plus grande. Le magazine « Times » l'a classé parmi les principaux batisseurs d'empire du XXéme siécle: un empire du crime.
Deuxiéme « Capo de tutti Capi » aprés l'assassinat de Salvatore Maranzano, Luciano a été le véritable créateur du trafic international d'héroïne. Luciano immigra aux États-Unis avec ses parents en 1907. Il commença très tôt par le vol à l'étalage et le racket des garçons juifs et Italiens plus jeunes en échange de sa protection. C'est ainsi qu'il rencontra Meyer Lansky, pour qui il conserva une indéfectible amitié. effectivement lorsqu'il menaca Lansky, ce dernier ne se laissa pas intimidé et refusa sa protection. C'est également durant sa jeunesse qu'il rencontra celui qui sera plus tard le boss de Chicago : Al Capone. À 18 ans, Luciano fut arrêté (avec Armand Taheri, alors âgé de 15 ans) pendant qu'il livrait de l'héroïne et passa six mois en prison. Sa notoriété s'accrut au sein du Five Points Gang, dont les membres étaient aussi connus comme les « Five Pointers ».
En 1920, il était un contrebandier important (anglais : powerful bootlegger), en association avec Frank Costello, Meyer Lansky et Bugsy Siegel, et accessoirement Joe Adonis et Vito Genovese. À la même période, Costello lui fit rencontrer Dutch Schultz et Arnold Rothstein. Deux versions différentes expliquent son surnom de « Lucky » (« Chanceux ») : la plus vraisemblable le rattache à un passage à tabac, en 1926. Selon les versions, il s'agissait des sbires d'un des deux principaux parrains new-yorkais, Masseria ou Maranzano. Il s'en était sorti miraculeusement vivant, gardant seulement plusieurs cicatrices faciales, dont une paupière endommagée, toujours à moitié fermée. L'autre version indique qu'il misait souvent sur le bon cheval lorsqu'il jouait aux courses.
Lucky Luciano rejoignit ensuite la famille d'un des plus puissants parrains de New York, Joe Masseria. Alors que Luciano enrageait de voir de nombreuses opportunités d'affaires s'envoler en raison de l'antisémitisme de la mafia, Masseria se méfiait de son ambition. De 1930 à 1931, la famille Masseria et celle de son rival Salvatore Maranzano s'affrontèrent au cours de la guerre des Castellammarese, avec pour conséquence plusieurs dizaines d'assassinats. Pour mettre fin à cette hécatombe (et préparant avec Meyer Lansky un plan pour prendre le pouvoir), Luciano passa un marché avec Maranzano pour trahir Masseria, assassiné alors qu'il se trouvait avec lui au restaurant (Luciano était passé aux toilettes pour son alibi). Il se retourna ensuite contre son nouveau patron.
La vision de Luciano, sa volonté de bousculer les vieilles traditions de la mafia, ses relations (en particulier Meyer Lansky) et son sens aigu de la stratégie, ainsi qu'un charisme indéniable, amenèrent Lucky Luciano, désormais parrain de l'une des cinq familles de la Cosa Nostra de New York, à devenir un membre important du Syndicat du crime. Luciano, jeune gangster brillant et avide de pouvoir arriver au sommet, devient une célébrité et amasse des sommes considérables pour l'époque(rackets, trafiques de drogues, d'alcool, jeux, contrôle des syndicats). Son idée de décentralisation du crime avec à sa tête la commission lui octroie un pouvoir que plus aucun gangster ne connut après lui. Aussi il s'installe dans le luxe au Waldorf Astoria, porte des costumes différents chaque jour et fréquente les plus belles call-girls de New-York.
Cependant, en 1936, le procureur Thomas Dewey monta un complot visant à soi-disant mettre à jour un grand réseau de prostitution, Luciano étant accusé de l'organiser selon des procédés d'optimisation industrielle. Lors du procès, plusieurs prostituées et souteneurs furent appelés à témoigner, et Luciano écopa d'une peine de 30 à 50 ans d'emprisonnement (bien des preuves montrent maintenant que cette histoire de prostitution avait été créée de toutes pièces). Son avocat parvint à le faire transférer à la prison de Dannemora (au lieu de la prison plus dure de Sing Sing où il était bibliothécaire. Grâce à ses accointances politiques, il put y bénéficier d'un traitement de faveur (champagne, caviar, etc. ) et recevoir régulièrement ses associés, ce qui lui permit de continuer à gérer son empire.
La légende voudrait qu'en décembre 1941, les services secrets de l'US Navy (l'ONI) auraient approché discrètement Lucky Luciano pour qu'il les aide à contrôler le port de New York, dont les autorités américaines craignaient qu'il ne fasse l'objet de tentatives de sabotage de la part d'agents nazis. Autant par intérêt que par patriotisme, Lucky Luciano aurait accepté de mettre l'Organisation au service de l'effort de guerre. Jusqu'en 1945, le Syndicat des dockers, totalement noyauté par la Mafia, notamment par l'intermédiaire d'Albert Anastasia, aurait exercé ainsi un contrôle très ferme sur les installations portuaires.
Cette collaboration aurait franchi une nouvelle étape en 1943 lorsque les services secrets américains lui auraient demandé d'entrer en contact avec les principales " familles " siciliennes, dont notamment le parrain de Palerme, Calogero Vizzini, afin qu'elles facilitent le débarquement allié en Sicile par des sabotages et des missions de renseignements. La Mafia aurait ainsi joué un rôle non négligeable dans la réussite des opérations militaires. Plus tard, les Américains lui auraient demandé de contenir l'influence communiste dans l'île. Lucky Luciano nie cependant cette version des faits dans son livre testament.
En décembre 1946, poursuivant un voyage qui l'avait amené au Venezuela et au Mexique, Luciano se rendit à Cuba où il organisa (avec Meyer Lansky, Frank Costello et Joe Adonis) la conférence de la Havane. Par précaution, Luciano achéte l'hôtel où a lieu la réunion: le Nacional Hôtel pour la somme de 150 millions $ avec l'aval de Fulgencio Batista. Cette réunion fut l'occasion pour lui de réaffirmer son leadership sur le syndicat du crime. Albert Anastasia, Joseph Bonanno, Vito Genovese, Tommy Lucchese, Carlos Marcello, Willie Moretti, Joe Profaci, Abner Zwillman, Bugsy Siegel, Lepke Buchalter, Bo Weinberg, Albert Anastasia et Santo Trafficante étaient également présents.
Cette réunion engendra des décisions de premiére importance comme l'investissement massif dans les casinos de la Havane, l'assassinat de Bugsy Siegel, qui aprés ses investissements à Las Vegas, n'avait pu rembourser les sommes prêtées par la Commission. Par ailleurs, il formula un arbitrage dans la rivalité entre Albert Anastasia et Vito Genovese. Ce dernier, ambitieux, vindicatif souhaitait le retrait de Luciano (la gestion de sa famille, que convoitait Genovese, avait été confiée à Costello et Lansky), provoqua une vive altercation. En février 1947, Luciano fut de nouveau expulsé vers l'Italie suite à des pressions du gouvernement américain sur le gouvernement de Fulgencio Batista.
En 1947, Luciano s'installa à Naples (officiellement en tant que chef d'une entreprise d'import-export), où il tissa des liens avec les mafias italiennes, la Camorra, la Ndrangheta et la Cosa nostra sicilienne. Considérant les énormes bénéfices potentiels d'un marché en pleine expansion, il voulait organsier un trafic international d'héroïne, malgré les réserves qu'il avait auparavant exprimé envers Vito Genovese, précurseur dans cetta activité. En octobre 1957, il organisa au Grand Hôtel des Palmes à Palerme une conférence à laquelle participérent les principaux parrains siciliens ainsi que des représentants des Cinq familles new-yorkaise, dont Joseph Bonanno et son consigliere Carmine Galante. Il concrétisa ainsi des liens solides entre les mafias américaines et sicilienne et y mit en place des filiéres de trafic d'héroïne : l'opium provenant de Turquie. Il aurait également forgé des liens déterminants avec les trafiquants corse et la pégre marseillaise, notamment Antoine Guérini, dont les réseaux de trafic furent connus sous l'appellation : French Connection.
Depuis Naples, lieux où il est exilé, en 1959, il piégea Vito Genovese lors d'une transaction d'héroïne dont furent averties les autorités fédérales. Au début des années 1960, il entra en conflit avec Meyer Lansky, qu'il soupçonnait de détourner des sommes qui lui étaient dues, mais renonça à agir. Dans sa résidence napolitaine, Luciano ne ressemble au truand qu'il a été. Il déclare qu'il a l'air d'un « dentiste à la retraite ». Ses cheveux sont poivre et sel, porte des lunettes, s'amuse avec son chien. Il est surtout tombé amoureux pour la premiére fois d'une milanaise, Igea Lissoni. Mais elle décède d'un cancer du sein en 1958. Luciano ne s'en remettra jamais. En janvier 1962, Lucky Luciano fut terrassé par une crise cardiaque à l'aéroport de Naples. Il a été enterré aux États-Unis, la loi américaine ne considérant pas qu'un cadavre ait une nationalité quelconque. Il est enterré dans un caveau familial dont Luciano avait fait l'acquisition en 1935 au St. John's Cemetery de Middle Village, à New-York.