publié le 03/09/2013 à 19h05
Le président allemand, Joachim Gauck, visite avec François Hollande ce "village martyr" où fut perpétrée la pire atrocité nazie en France occupée.
Le président français et son homologue allemand sont arrivés main dans la main avec Robert Hebras, l'un des derniers survivants du massacre perpétré par les nazis à Oradour-sur-Glane. Jean Pierre Muller / POOL / AFP
François Hollande et Joachim
Gauck, les présidents français et allemand, sont arrivés peu après 14 h 30, mercredi, au village martyr d'Oradour-sur-Glane, dans la Haute-Vienne. Leur premier geste très symbolique a été d'étreindre de leurs
mains celles d'un rescapé du massacre, Robert Hébras. En très petit comité, accompagnés notamment du maire
d'Oradour, Raymond Frugier, ou de Claude Milord, président de l'association des familles de
victimes, ils ont entamé une visite du site, guidés par Robert Hébras, 88 ans, l'un des trois survivants du
massacre encore en vie.
Leur premier arrêt a été pour l'église, où ont été massacrés les femmes et les enfants, avant que leurs corps ne soient brûlés. Les hommes ont été exécutés par groupes ailleurs dans le village.
Ce massacre perpétré le 10 juin 1944 par une unité de la division SS Das Reich a fait un total de 642 victimes (dont 205 enfants). Dans l'église, les deux présidents, venus avec
leurs compagnes respectives, se sont pris la main discrètement, tout en écoutant les explications de Robert
Hébras, qui y a perdu sa mère et ses soeurs.
Émotion
Quelques instants plus tard, devant l'émotion de Robert Hébras, François Hollande lui a pris la main, et Joachim
Gauck lui a entouré les épaules avec son bras, puis les trois hommes se sont tenus main dans la main et épaule contre épaule quelques instants à l'intérieur de l'édifice, Robert Hébras entre les deux chefs d'État. Le groupe est ensuite ressorti de l'église, les deux chefs d'État encadrant
Robert Hébras et le tenant chacun par le bras. Ce geste très symbolique, notamment entre Hollande et Gauck, fait écho à la
poignée de mains entre les présidents François Mitterrand et Helmut Kohl, en 1984, à Douaumont, près de Verdun, où se déroulèrent les combats les plus meurtriers de la Première Guerre
mondiale.
"C'est pour moi le point culminant" d'une visite d'État de "dimension historique" en France, a déclaré le responsable allemand, lors d'une conférence de presse en compagnie de son homologue
français. Des allocutions des deux chefs d'État sont prévues au Centre de la mémoire, inauguré en 1999 à proximité des ruines classées monument historique en 1946. La visite doit durer près de
deux heures et s'achever par une rencontre avec des familles des victimes. Deux survivants du massacre seront présents.
"Je ne leur cacherai pas mon état d'âme"
"Je ne leur cacherai pas mon état d'âme, je n'hésiterai pas, en pleine conscience politique, à dire que cette Allemagne que j'ai l'honneur de représenter est une Allemagne différente de celle qui
hante leurs souvenirs", a déclaré Joachim Gauck mardi devant la presse, en prévision de cette rencontre avec les
familles des survivants. "Vous avez bien voulu que je sois à vos côtés à Oradour pour qu'on
se rappelle ce que des Allemands d'une autre Allemagne ont commis comme atrocités", a-t-il ajouté à l'intention de François Hollande, déclarant avoir accepté son invitation "avec un mélange de reconnaissance et d'humilité".
Le massacre d'Oradour-sur-Glane conserve une forte connotation symbolique de la barbarie nazie
dans la mémoire collective en France et le déplacement de Joachim Gauck dans ce petit village du Limousin
devrait constituer un moment important, sur le plan émotionnel, dans les relations entre les deux pays, comme le fut l'image de François Mitterrand et d'Helmut
Kohl se tenant par la main, en 1984, à Douaumont, près de Verdun, où se déroulèrent les combats les plus meurtriers de la Première Guerre mondiale.
"Un passé qui se regarde en face"
François Hollande a rendu un hommage appuyé à la décision de Joachim Gauck de se rendre à Oradour. Cette visite "sera un symbole, le symbole d'une histoire, d'un passé qui se regarde en face,
d'une vérité qui doit être dite, prononcée, proclamée, reconnue" en présence des familles et des survivants. Mais cette visite, a poursuivi le président français, "nous oblige à aller, une fois
reconnu le passé, dans la préparation audacieuse de l'avenir". Dans l'entourage de la présidence française, on insiste sur la personnalité et le parcours de Joachim Gauck, qui s'est toujours montré très soucieux de l'"importance d'une mémoire réconciliée".
Le président allemand, âgé de 73 ans, a acquis une indiscutable aura dans son pays, en présidant, après la réunification, de 1990 à 2000, l'organisme chargé des archives de la Stasi, l'ancienne
police politique de la RDA. Joachim Gauck s'est déjà rendu en tant que président sur plusieurs sites de
massacres nazis, notamment en octobre 2012 à Lidice, près de Prague, puis en mars 2013 en Toscane, demandant le pardon
pour les fautes de l'Allemagne hitlérienne.
Le calendrier se prête aussi particulièrement à une telle visite. Du côté français, on rappelle qu'elle marquera un temps fort de l'année franco-allemande, sur le point de s'achever, et qui
marquait le cinquantenaire du traité de l'Élysée signé entre le président Charles de Gaulle et le chancelier
Konrad Adenauer. La visite intervient également à l'approche du 70e anniversaire des commémorations de la
libération des pays d'Europe du joug nazi, et enfin de celles du centenaire de la guerre de 1914-1918.