publié le 16/08/2013 à 13h20
C'est une figure emblématique du barreau qui vient de s'éteindre... Avocat aussi médiatique que controversé, Jacques Vergès est mort, jeudi 15 août 2013 vers 20 heures, emporté par une crise cardiaque à 88 ans. Une mort à la
dimension presque aussi romanesque que sa vie, dans la chambre qu'occupait jadis Voltaire, quai Voltaire à Paris.
"Me Jacques Vergès est mort d'un arrêt
cardiaque vers 20h dans la chambre de Voltaire alors qu'il s'apprêtait à dîner avec ses proches. Un lieu idéal pour le dernier coup de théâtre que devait être la mort de cet acteur-né", ont
indiqué les éditions Pierre-Guillaume de Roux, lesquelles avaient publié les mémoires de Jacques Vergès en
février, De mon propre aveu. Une disparition qui ne semble malheureusement pas surprendre le président du Conseil national des barreaux, Christian Charrière-Bournazel, qui avait dîné avec lui il
y a une dizaine de jours. "Il avait fait une chute il y a quelques mois, et du coup, il était très amaigri, marchait très lentement. Il avait des difficultés à parler mais intellectuellement il
était intact. On savait que c'était ces derniers jours mais on ne pensait pas que ça viendrait aussi vite", regrette-t-il.
Depuis l'annonce de la mort de Jacques Vergès, les réactions se multiplient chez les ténors du barreau. A
commencer par un autre avocat hautement médiatique : Georges Kiejman. "Il n'y a pas beaucoup de géants au barreau, mais lui incontestablement en était un", a-t-il jugé, évoquant notamment sa
"période glorieuse quand il défendait le FLN algérien et une moins glorieuse quand il a commencé à défendre les mouvances terroristes comme la bande à Bader". Me Charrière-Bournazel a salué un
"très brillant avocat" et un "chevalier". "Il était de ceux qui sont capables de dire non. C'est ce dont nous avons besoin aujourd'hui. D'hommes capables d'être aux côtés de ceux sur lequel tout
le monde s'acharne", a quant à lui déclaré Gilbert Collard, avocat et député FN.
Né au Siam (actuelle Thaïlande), Jacques Vergès aura vécu une vie hors du commun. Résistant, militant
anti-colonialiste, et même gaulliste, cet homme de convictions avait ainsi épousé Djamila Bouhired, poseuse de bombes du FLN algérien. Mystérieux, il disparaît huit ans à partir de 1970 sans
donner d'explications puis revient pour défendre des terroristes palestiniens auteurs d'attentats. Car Jacques
Vergès restera surtout comme le médiatique défenseur des "indéfendables". L'"avocat du diable" a compté parmi ses clients une liste impressionnante de personnalités controversées comme le
criminel nazi Klaus Barbie, le terroriste Carlos, le président ivoirien Laurent Gbagbo, Tarek Aziz, le ministre des affaires étrangères de Sadam Hussein, ou encore le dictateur yougoslave Slobodan Milosevic, devenant ainsi la cible de nombreuses critiques
mais aussi de beaucoup d'interrogations. A France Soir, qui lui demandait comment il était possible de défendre Sadam Hussein, il avait répondu : "Défendre Sadam n'est pas une cause perdue. C'est défendre Bush qui est une cause perdue."
Mais Jacques Vergès, qui a aussi défendu le jardinier Omar Raddad ou encore la fille de Marlon Brando, est
surtout un avocat brillant, un amateur de cigares et un homme de lettres, auteur de plusieurs livres comme son Dictionnaire amoureux de la justice ou Je défends Barbie. Ces dernières années, la figure du barreau s'était mise en scène dans un spectacle intitulé Serial plaideur au
Théâtre de la Madeleine à Paris, où il racontait sa vision de la justice et évoquait sa vie romanesque. Voyant l'épilogue de sa vie s'approcher, Jacques Vergès avait imaginé il y a quelques mois
ses obsèques dans Sud-Ouest, comme le rappelle Le Parisien : "Trois ou quatre personnes qui m'aiment et qui m'enterrent. Et si des faux culs de politiques me récupèrent, j'aimerais leur dire :
Soyez un peu plus dignes", avait-il confié. Jusqu'au bout, Jacques Vergès sera donc resté un homme de
convictions, n'en déplaise à ses détracteurs.
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Jacques Vergès : Mort à 88 ans du célèbre ''avocat du diable"
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