Fernando Armindo Lugo Méndez, né le 30 mai 1951 à San Solano, au Paraguay, est un ancien évêque catholique romain et président de la République du Paraguay entre le 15 août 2008 et le 22 juin 2012.
Membre de l'Alliance patriotique pour le changement (coalition de centre-gauche), il est élu président de la République le 20 avril 2008, avec 40,8 % des voix contre 30,8 % des voix à sa principale rivale, Blanca Ovelar, du Parti Colorado. Cet ancien étudiant en sociologie, devenu un temps maître d'école, est né dans une famille pauvre du département d'Itapúa, à la frontière avec l’Argentine. Son oncle, Epifanio Méndez Fleitas, fut un dissident historique à l'époque du général dictateur Alfredo Stroessner (1954–1989). Il est le plus jeune des six frères d'une famille persécutée sous cette dictature. Son père fut emprisonné, ainsi que trois de ses frères qui ont dû s'exiler pendant plus de vingt ans.
En 1971, alors que son père le destinait à être avocat, il choisit, à 19 ans, après une expérience d'enseignement à la campagne, d'entrer au séminaire dans la communauté des Missionnaires du Verbe divin, et intègre l'université catholique de Notre-Dame de l'Assomption à Asuncion où il obtient une licence en théologie. Il est ordonné prêtre le 15 août 1977. Missionnaire, il part ensuite pour l'Équateur, dans la province de Bolivar pour y travailler jusqu'en 1982 au contact des couches sociales les plus défavorisées. Ces années lui valent aujourd'hui le surnom d'« évêque des pauvres ».
Expulsé du Paraguay par le régime de Stroessner parce que ses sermons sont jugés subversifs, il connaît quatre années d'exil à Rome, où il complète ses études de théologie à l'université pontificale grégorienne, et obtient en 1983 une licence en sociologie, avec une spécialisation en doctrine sociale de l'Église. Rentré au pays, il est ordonné le 17 avril 1994 évêque de San Pedro (centre), la région la plus pauvre du pays. En janvier 2005, il remet sa démission avant de renoncer en décembre 2006 à sa charge d'évêque canoniquement incompatible avec son engagement politique. Malgré cela, le pape le déclare suspens a divinis en février 2007, refusant sa renonciation à la charge d'évêque, qui est acceptée à vie, mais suspendant celle-ci. Cette sanction, très rarement appliquée dans le cas de prêtres s'engageant politiquement, avait été appliquée à Jean-Bertrand Aristide en Haïti.
Cependant, le 30 juillet 2008, à la suite de son élection, le Vatican lui « concède la perte de l'état clérical, avec toutes les obligations qui y sont attachées » et sa « réduction à l'état laïc ». Cette décision le libère des droits et obligations associées à l'état clérical. Il conserve cependant sa qualité d'évêque consacré et son éventuelle réintégration dans l'état sacerdotal demeure possible à l'issue de son mandat de cinq ans. Il s'affirme au grand jour sur la scène politique en mars 2006, lorsqu'il prend la tête d'une manifestation à Asuncion pour protester contre Nicanor Duarte, président de la République en exercice, qui tente alors de briguer un second mandat malgré l'interdiction inscrite dans la Constitution du pays. L'establishment tente de le faire passer pour un dangereux communiste en le comparant au président bolivien Evo Morales ou au vénézuélien Hugo Chávez. En fait, il appartient à une gauche modérée. Il est soutenu pour la présidentielle par le Parti libéral, un parti de centre-droit historiquement opposé au parti au pouvoir, et qui fait partie de l'Alliance patriotique pour le changement, ainsi que le Parti démocrate-chrétien. Plutôt que « de gauche », il préfère lui-même se qualifier de « progressiste » et se dit proche du président brésilien Lula.
Il aurait reçu des menaces de mort au cours de la campagne électorale. En décembre 2007, le Parti démocrate chrétien accepte son affiliation, le candidat à la présidentielle devant nécessairement être affilié à un parti en particulier. Cela suscite la colère de l'ancien membre et président du Parti démocrate-chrétien, Luis Manuel Andrada Nogués, qui considère cette désignation comme ne devant pas avoir lieu, en raison de l'attitude de Lugo vis-à-vis de l'Église catholique et de ses valeurs. Fernando Lugo se présente à l'élection présidentielle (un seul tour) en ticket avec Federico Franco, du Parti Libéral Radical Authentique, ce parti ayant validé en interne un ticket mixte plutôt qu'un ticket exclusivement libéral mené par Federico Franco. Le Parti Libéral à lui seul n'aurait probablement pas pu battre le candidat du Parti Colorado, alors que Lugo attire les voix des électeurs qui veulent un président honnête, dans un pays miné par la corruption et le clientélisme.
Le scrutin ayant lieu dans le calme, il est élu président de la République le 20 avril 200811 et prend ses fonctions le 15 août suivant. Il nomme la première ministre autochtone du Paraguay aux Affaires indigènes en août 2008, Margarita Mbywangi, une Guayaki et ancienne esclave. Le nationalisme économique, la lutte contre la corruption et la réforme agraire constituent ses axes prioritaires. Toutefois, il perd dès le printemps 2009 le soutien du Parti libéral et de la majorité du Parlement, et ne peut mener cette dernière réforme à terme. Au cours de sa présidence, plusieurs révélations concernant des enfants qu'il aurait eus alors qu'il était encore prêtre font scandale. Il a depuis reconnu sa paternité à l'égard de Guillermo Lugo Carrillo, un enfant de deux ans. Cette reconnaissance est qualifiée d'« acte courageux » par des dirigeants politiques locaux et même par un membre de la Conférence épiscopale paraguayenne, Mgr Mario Melanio Medina. Mais on sait depuis que Viviana Carrillo n'avait, selon sa demande légale, que 16 ans lors des ses relations intimes initiales avec l'évêque Lugo, âgé alors de 48 ans. En juin 2012, il a reconnu un second fils, Angel Zárate, âgé de 10 ans.
En décembre 2009, il affirme avoir fait l'objet de plusieurs tentatives de putsch et être menacé par un coup d'État selon le scénario hondurien de juillet 200913,7. Son vice-président lui-même, Federico Franco (libéral), se dit prêt à assumer le pouvoir13, tandis que le sénateur libéral, Alfredo Jaeggli, affirme qu'il faudrait le destituer dans les quatre mois, l'accusant de ne pas réussir à maintenir l'ordre dans le pays. Federico Franco tentera de faire destituer Lugo en octobre 2010, en l'accusant d'avoir violé la Constitution. En effet, alors que Lugo est au Brésil pour faire traiter un lymphome, il ordonne des changements dans l'état-major des armées; or cette compétence revient alors à Franco qui assure la présidence par intérim. La menace d'un procès politique contre Lugo aura été brandie à de nombreuses reprises avant 2012.
Le 15 juin 2012, 384 policiers armés tentent de déloger les 60 paysans présents dans un campement près de Curuguaty, pourtant déclaré « d'intérêt social » par décret en 2004. Une fusillade éclate, faisant onze morts du côté des paysans, six du côté des policiers. La responsabilité de la tuerie fait toujours débat. En effet, l'un des dirigeants paysans, Vidal Vega, peu après avoir déclaré qu'il allait témoigner sur ce qu'il savait de la présence d'infiltrés sur les lieux du massacre, est assassiné. De plus, le film réalisé par un hélicoptère de la police ayant survolé en permanence le lieu des événements a mystérieusement disparu. Enfin la présence de femmes et d'enfants au sein du campement des paysans désavoue la thèse d'une embuscade des ces derniers, tendue aux forces de l'ordre.
Ce tragique événement sert alors de prétexte à la droite, majoritaire au Parlement19, pour engager la procédure de destitution. Le 21 juin, 76 membres de la Chambre des députés votent pour la révocation du président. Le lendemain, le Sénat le destitue au terme d'un "jugement politique" de vingt-quatre heures, par 39 voix pour, 4 contre et 2 abstentions ; alors que l'article 225 de la Constitution stipule qu'il aurait dû disposer de cinq jours pour organiser sa défense. Le Paraguay est alors exclu du Marché commun du Sud (Mercosur), de l'Union des nations sud-américaines (Unasur) et de la Communauté d'États latino-américains et caraïbes (Celac), qui ne reconnaissent pas le nouveau gouvernement, tandis que l'Organisation des États américains (OEA) rejette cette possibilité. Les chefs d’État des pays voisins prennent position contre la destitution, tels que le président équatorien Rafael Correa qui la juge ainsi « illégitime » ou la présidente argentine Cristina Kirchner parlant d’un « coup d’État inacceptable ».