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Castro Fidel Cruz

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Fidel Castro Ruz, homme d'État cubain (Birán, district de Mayari, 1926). Le milieu familial dont est issu Fidel Castro est celui de la grande propriété paysanne récemment établie. 

Castro Fidel Cruz

Parti de rien, son père, Angel Castro, immigré espagnol d'origine galicienne, a réussi à devenir propriétaire terrien dans la région de Santiago de Cuba. Mais, malgré son aisance, la famille Castro vit d'une façon fruste et ne fréquente pas la bonne société. Le père et la mère de Fidel Castro n'ont aucune instruction et n'apprennent à lire que tardivement. Le jeune homme n'en reçoit pas moins une instruction secondaire et en 1945, à 19 ans, il entre à la faculté de droit de l'université de La Havane. Aussitôt, la vie politique l'attire. Il apporte son adhésion au parti du Peuple cubain d'Eduardo Chibas, créé le 15 mai 1947. Il y demeurera jusqu'en 1955.

Le PPC se définit comme « orthodoxe » c'est-à-dire dans la ligne de la pensée de José Martí, héros de l'indépendance cubaine au xixe s. Ce parti est avant tout anti-impérialiste (anti-nord-américain), en réaction à la férule que font peser les États-Unis sur Cuba depuis l'indépendance de l'île en 1902, et partisan de profondes réformes sociales en faveur des couches de la population les plus défavorisées. En son sein, Fidel dirige un groupe de jeunes radicaux. Déjà, la dimension latino-américaine est présente dans son action politique : en juillet 1947, il participe à une tentative de débarquement à Saint-Domingue contre le dictateur Rafael Trujillo et, en avril 1948, il fait brièvement le coup de feu à Bogotá, où il est venu participer à un congrès étudiant, avec la gauche bolivienne. Après son mariage en octobre 1948 et un premier voyage aux États-Unis, il y séjourne à nouveau en 1949. De retour à La Havane au printemps 1950, il est reçu docteur en droit et devient avocat spécialisé dans la défense des petites gens. Malgré une forte réputation d'étudiant activiste, il réussit à se faire désigner par le PPC comme candidat aux élections de juin 1952, élections avortées par le coup d'État de Fulgencio Batista le 10 mars 1952.

Castro est un des premiers opposants à Batista, contre lequel il prépare la lutte armée. Le 26 juillet 1953, à la tête de quelques dizaines d'hommes, il lance un assaut contre la caserne de la Moncada à Santiago de Cuba. C'est l'échec : beaucoup d'assaillants sont tués et lui-même est arrêté peu après. Jugé, il est condamné à quinze ans de prison à l'issue d'un procès au cours duquel il prononce sa propre plaidoirie, connue sous le nom de « L'histoire m'absoudra », véritable programme politique et social qui va circuler clandestinement à Cuba. Amnistié le 15 mai 1955, il fonde alors le Mouvement du 26 juillet (M 26) sans cesser d'être en contact avec le PPC. Devenu une personnalité politique à Cuba, il donne des interviews qui accroissent sa notoriété. Mais, le gouvernement de Batista devenant menaçant, il passe au Mexique, où il prépare un débarquement armé à Cuba. Il rassemble des volontaires, y compris un jeune Argentin, « Che » Guevara, et collecte des fonds jusqu'aux États-Unis où il se rend alors. Le 25 novembre, 82 hommes s'embarquent sous sa direction sur un yacht baptisé « Granma » à destination de la province d'Oriente, où ils arrivent le 2 décembre 1956.

Avec une vingtaine d'hommes seulement, rescapés des premiers accrochages avec l'armée régulière, Castro gagne la sierra Maestra et commence à organiser la guérilla et à nouer des contacts avec les paysans que son programme de réforme agraire et la répression aveugle de l'armée de Batista transforment peu à peu en auxiliaires de la révolution. En liaison avec le M 26 du reste de l'île, la guérilla s'enracine tandis que d'autres opposants au gouvernement agissent, comme le Directoire révolutionnaire des étudiants, créé depuis l'automne 1955, qui donne en vain l'assaut au palais présidentiel en mars 1957. Le régime réagit avec brutalité à cette opposition multiforme, recourant de plus en plus souvent à des exécutions sommaires qui provoquent une grande émotion dans l'île ainsi qu'aux États-Unis, où Fidel Castro et ses « barbudos » sont populaires depuis l'interview du journaliste Herbert Matthews en février 1957. Le discrédit de Batista, la conviction que Fidel Castro n'est pas communiste conduisent les États-Unis à mener une politique attentiste, mettant même un moment l'embargo sur les envois d'armes à Batista.

Parallèlement, Castro affirme son autorité sur le M 26 de l'ensemble du pays – certains l'ont accusé de « caudillisme » – ainsi que sur le maquis, où il s'appuie désormais sur trois hommes : son frère Raúl, Che Guevara et Camillo Cienfuegos. L'arrivée au maquis de Carlos Rafael Rodriguez, dirigeant du parti socialiste populaire (communiste) [PSP] renforce auprès de Fidel la tendance marxiste représentée par le Che et par son frère Raúl, qui avait adhéré à ce parti en 1953. Le 20 juillet 1958, à Caracas, Fidel Castro est proclamé « commandant en chef du Front révolutionnaire démocratique ». Au cours de la même année, la guérilla s'étend tandis que le M 26, le Directoire révolutionnaire des étudiants et le PSP travaillent clandestinement dans les villes. Le 18 août, Castro décide l'offensive finale contre le régime de Batista. À la suite de la prise de Santa Clara le 25 décembre 1958, Batista s'enfuit le 1er janvier 1959 et Fidel fait un voyage triomphal à travers toute l'île, de Santiago (1er janvier) à La Havane (le 8). Le 2 janvier, les troupes révolutionnaires s’étaient emparées de La Havane.

Bien que la présidence provisoire soit confiée à Manuel Urrutia et la fonction de Premier ministre assurée par Miro Cardona, le vrai chef du pays et de la révolution est F. Castro, commandant en chef de l'« armée rebelle », dont la popularité est immense. C'est lui qui imprime son rythme à la révolution, annonçant les conventions collectives, la réforme agraire, la suspension des expulsions de locataires. Le 13 février 1959, il remplace Cardona au poste de Premier ministre, et, en juillet, Osvaldo Dorticós succède à Urrutia. Le nouveau régime déjoue les diverses tentatives de déstabilisation (attentats, guérilla des « contras ») soutenues par les États-Unis et organise les Comités de défense de la révolution (CDR). Les premières entreprises nord-américaines sont nationalisées en août 1960. Suivent les compagnies pétrolières étrangères qui ont refusé de raffiner le pétrole soviétique. Le sucre cubain, dont les États-Unis ne veulent plus, est désormais acheté par l'URSS. En octobre 1960, les États-Unis décrètent l'embargo de leurs exportations vers Cuba.

L'échec de la tentative d'invasion de Cuba par des anticastristes soutenus par la CIA (baie des Cochons, le 17 avril 1961) fait la preuve de la solidité du régime, et Castro accélère le rapprochement du M 26, du PSP et du Directoire, qui fusionnent en juillet 1961 dans les Organisations révolutionnaires intégrées qui deviendront en 1962 le parti uni de la Révolution cubaine et en 1965 le parti communiste cubain (PCC). Castro dirige le nouveau parti et en écarte les anciens communistes jugés trop sectaires (affaire Escalante). La crise des fusées (22-28 octobre 1962), qui met le monde au bord de la guerre nucléaire, conforte la révolution cubaine et le pouvoir de Castro. En effet, le retrait de Cuba des fusées soviétiques se fait moyennant des contreparties (retrait des fusées américaines de Turquie, sécurité de Cuba socialiste contre sécurité de Berlin occidental). Si Castro proteste contre une négociation qui s'est déroulée en dehors de lui, la détente qui va alors se développer bénéficie largement au castrisme tandis que la proclamation de Fidel le 16 avril 1961 (« La révolution cubaine est socialiste ») se vérifie rapidement.

Dans les années qui suivent, le Líder máximo (chef suprême) engage son pays dans la voie de la socialisation des moyens de production, de l'industrialisation (qui sera rapidement abandonnée), de l'extension de la réforme agraire. Chaque année, Castro fixe les choix du moment, économiques ou politiques, démontrant aussi que la révolution est un processus ininterrompu. Les rapports qu'entretient Castro avec l'URSS sont le reflet de la communauté d'idéaux, des nécessités économiques de Cuba, mais aussi parfois de divergences stratégiques. Accueilli en héros de la révolution mondiale en URSS en avril-mai 1963, Castro obtient du « grand frère » l'engagement d'acheter chaque année la moitié de la production de sucre cubaine. Castro souhaite que l'Union soviétique apporte une aide plus importante au Viêt Nam ou à la révolution en Amérique latine, là où des guérillas procastristes existent malgré l'opposition des partis communistes locaux. La conférence tricontinentale de La Havane en janvier 1966 représente un sommet dans l'influence mondiale du castrisme. Mais l'échec des guérillas, et notamment de celle de Bolivie, où le Che trouve la mort en 1967, conduit Fidel à diminuer l'interventionnisme de Cuba et, lors de son mémorable voyage dans le Chili de l'Unité populaire, en novembre 1971, à mettre en garde les progressistes contre l'impatience révolutionnaire.

Durant la deuxième décennie de la révolution cubaine, dans un contexte d'amélioration de la situation économique et sociale mais aussi des premières mesures prises contre des intellectuels contestataires, Castro envoie des troupes en Angola soutenir le régime marxiste (novembre 1975). Il redécouvre la latino-africanité de Cuba et, à la demande de gouvernements ou de mouvements révolutionnaires, apporte une aide militaire à divers pays, dont la Namibie, le Mozambique et l'Éthiopie. L'ouverture à La Havane, le 3 septembre 1979, du sixième sommet des non-alignés est pour Castro un incontestable succès personnel, même s'il ne parvient pas à faire accepter par tous les délégués ses positions anti-américaines. En Amérique latine, Castro apporte également son aide aux gouvernements amis de Grenade, de Guyana, du Nicaragua et à la guérilla du Salvador, ce qui provoque une forte tension avec les États-Unis de Ronald Reagan au début de 1981. La crise connaît son paroxysme à l'automne 1981. Castro, craignant une invasion de Cuba, mobilise le pays tout entier et fait appel à ses amis de l'extérieur. La peur d'un second Viêt Nam fait reculer Reagan et la crise se dénoue après une rencontre secrète à Mexico, le 23 novembre 1981, entre Alexander Haig et Carlos Rafael Rodriguez : Cuba ne sera pas envahie, la guérilla du Salvador ne recevra plus d'armes cubaines. La page du soutien actif aux révolutions d'Amérique latine paraît alors définitivement tournée pour le Líder máximo, qui se fait en 1985 le porte-parole des pays endettés du tiers-monde en proposant un moratoire de dix à vingt ans. En 1988, ses troupes se retirent d'Angola.

Castro doit faire face également aux difficultés économiques récurrentes qui sont le lot de la révolution depuis 1959. Celles-ci s'expliquent par l'embargo des États-Unis et par la généralisation de la collectivisation dans laquelle le Líder máximo voit la garantie d'une société égalitaire mais qui freine la production. À compter du début de 1980, une libéralisation économique contrôlée est mise en place. Toutefois, la persistance des difficultés tant au niveau de la production que de la consommation et la limitation des libertés politiques et de la liberté d'expression conduisent un nombre croissant de Cubains à souhaiter émigrer aux États-Unis tout proches. Castro accepte les départs de 125 000 personnes en 1980. Émigration et embargo sont au centre de la polémique entre Cuba et les États-Unis depuis le début des années 1960. Les États-Unis ayant encore renforcé l'embargo en 1992, puis en 1994, Castro menace de faciliter à l'extrême les départs. Ce sont alors les États-Unis qui proposent un quota annuel d'immigrés cubains (accord du 9 septembre 1994).

Un autre problème se pose au Líder máximo à partir de la fin des années 1980 : celui de l'évolution de l'URSS. Il est opposé à la politique de perestroïka de Mikhaïl Gorbatchev qui finira en décembre 1991 par amener la disparition de l'URSS. Après cette date, et la cessation de l'aide soviétique, Castro doit tenir compte des pressions internationales en faveur de la démocratisation du régime : en 1993, une Assemblée nationale est élue à bulletins secrets, mais les candidats sont uniques. Toutefois, les signes d'ouverture du régime sont réels tandis que Fidel déploie dans ces années une grande énergie pour retrouver une stature internationale : en 1993, il reçoit le président chinois Jiang Zemin, une visite qui marque un tournant dans les relations sino-cubaines ; en 1996, il est reçu par le pape au Vatican et, après avoir restauré officiellement en décembre 1997 la fête de Noël (après 25 ans d'interdiction), il accueille le souverain pontife à Cuba en 1998, un voyage historique au cours duquel Jean Paul II émet le vœu « que Cuba puisse avec son potentiel magnifique s'ouvrir au monde et le monde s'ouvrir à Cuba » ; en 1999, c'est au tour de Juan Carlos de se rendre à La Havane pour le sommet ibéro-américain et la première visite d'un souverain espagnol depuis des siècles. Castro apparaît aussi aux séances des grands organismes internationaux : à l'Unesco, à Paris, en 1995, comme à l'Organisation mondiale de la santé (OMS), à Genève, en 1998. Il n'est plus le jeune révolutionnaire en treillis des années 1950. La silhouette alourdie, la barbe moins noire, la voix fluette font de lui un personnage plus débonnaire. Mais il reste le chef incontesté du régime et sait toujours mobiliser le sentiment national autour de son célèbre slogan « la patrie ou la mort ».

Malade, il délègue provisoirement en 2006 ses fonctions à son frère, Raúl, son successeur désigné depuis 2001. En 2008, il renonce à solliciter le renouvellement de son mandat à la présidence du conseil d'État et du Conseil des ministres – poste auquel son frère Raúl est élu le 24 février – mais demeure premier sécrétaire général du PCC. L'homme a suscité des haines terribles et un enthousiasme extraordinaire. Le système égalitariste qu'il a édifié à Cuba a rendu au peuple cubain une dignité perdue sous la tutelle nord-américaine. Pédagogue politique hors pair, recordman des discours-fleuves, l'homme est aussi autoritaire et à l'occasion implacable. Même si l'on peut contester le fait qu'il était selon ses dires marxiste depuis 1953, il est pourtant facile de voir la continuité qu'il y a entre sa jeunesse « orthodoxe » de gauche et le communiste qu'il est devenu. Symbole de la révolution dans le tiers-monde, il a joué lui-même et a fait jouer au petit peuple cubain dans la seconde moitié du xxe s. un rôle mondial que ni le passé de l'île ni sa population (5 800 000 habitants en 1953, plus de 11 000 000 en 2005) ne pouvaient laisser prévoir.


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