Martine Aubry, née Martine Delors le 8 août 1950 à Paris, est une femme politique française. Elle est ministre du Travail, de l'Emploi et de la Formation professionnelle de 1991 à 1993, puis ministre de l'Emploi et de la Solidarité de 1997 à 2000. À ce titre, elle met notamment en œuvre la réforme des 35 heures et instaure la couverture maladie universelle (CMU). Elle devient ensuite maire de Lille et présidente de la communauté urbaine de Lille.
Fille aînée de Jacques Delors, en son temps conseiller du chef de l’État français, ministre puis président de la Commission européenne de Bruxelles, Martine Aubry se passionne dès son plusjeune âge pour la politique. Membre du parti socialiste (PS), administratrice civile au ministère du Travail (1975-1980), elle est nommée en 1981 conseillère technique puis directrice adjointe auprès du ministre chargé du Travail, Jean Auroux, et enfin chargée de mission auprès de Pierre Bérégovoy, ministre des Affaires sociales et de la Solidarité nationale (1983-1984) et directrice des relations du travail au ministère du Travail, de l'Emploi et de la Formation professionnelle (1984-1987).
En décembre 1988, elle devient directrice générale adjointe de la société Pechiney avant de retrouver des fonctions publiques lorsqu'en mai 1991 elle est nommée ministre du Travail, de l'Emploi et de la Formation professionnelle dans le gouvernement d'Édith Cresson, poste qu'elle conserve dans le gouvernement Bérégovoy de 1992 à 1993. À la suite de la défaite de la gauche aux élections législatives de 1993, elle crée la Fondation Agir contre l'exclusion (FACE), qu'elle préside jusqu'en 1997.
Première adjointe au maire de Lille Pierre Mauroy (1995-2001), et membre du conseil national du parti socialiste, M. Aubry est élue députée du Nord en mai 1997 à la faveur de la dissolution de l’Assemblée nationale par Jacques Chirac (mais elle sera battue en 2002 après le « tremblement de terre » politique du 21 avril qui voit l’élimination au second tour de la présidentielle du candidat socialiste Lionel Jospin).
En juin 1997, Lionel Jospin, nommé à la tête d’un gouvernement de cohabitation, en fait son numéro 2 et lui confie les rênes d'un grand ministère de l'Emploi et de la Solidarité, ce qui lui donne l'occasion de lier son nom à des réformes emblématiques de la gauche : elle s'attèle à la lutte contre le chômage en créant les emplois-jeunes (septembre 1997) puis en faisant adopter la loi portant sur la réduction du temps de travail (RTT) à 35 heures par semaine (janvier 2000). Dans le cadre de son programme de lutte contre les exclusions (adopté en juillet 1998), elle instaure la couverture maladie universelle (CMU) en janvier 2000, et parvient à combler le déficit de la Sécurité sociale. Son objectif restant, toutefois, la conquête de la mairie de Lille, elle démissionne du gouvernement en octobre 2000 pour se consacrer pleinement à la campagne municipale.
Élue à la mairie de Lille en mars 2001, Martine Aubry promeut une politique en faveur de l'embellissement et du rayonnement culturel de la préfecture (« Lille 2004, capitale européenne de la culture », grand succès populaire que les événements de Lille 3000 se proposent de prolonger : « Bombaysers de Lille » en 2006, « Europe XXL » en 2009) et poursuit la tertiarisation de la ville (initiée par son précédesseur), en l'orientant, grâce à Euralille, Eurasanté et Euratechnologies, vers les grands enjeux européens et les filières « vertes ».
Forte de son bilan, elle est réélue confortablement à la mairie en mars 2008 en ouvrant sa majorité de gauche aux Verts et au MoDem. Auréolée de ce succès, elle succède, un mois plus tard, à P. Mauroy à la présidence de la communauté urbaine de Lille. En 2012, c’est à nouveau dans la métropole régionale qu’elle annonce vouloir se replier après avoir porté son parti à la victoire aux élections présidentielles et législatives et achevé, en novembre, son mandat à sa tête. Car entre-temps elle a pris les rênes du PS.
Membre du bureau national du PS, secrétaire nationale chargée des affaires sociales et de l'emploi et membre de la Commission du projet, M. Aubry défend, au lendemain de la défaite des socialistes à l'élection présidentielle de 2007 et dans la perspective du renouvellement des instances dirigeantes du parti lors du congrès de Reims en novembre 2008, un « PS social-démocrate bien ancré à gauche ».
Opposée à Ségolène Royal dans la course au poste de première secrétaire du parti, elle est élue avec une centaine de voix d'avance sur sa rivale et devient ainsi la première femme à occuper cette fonction. Contestée dans sa légitimité, elle peine à s’imposer, et ce d’autant que les élections européennes de juin 2009 constituent un camouflet pour la formation qu’elle dirige.
Elle reprend la main dans la seconde moitié de 2009, manifestant une pugnacité nouvelle en tant que leader de l’opposition à Nicolas Sarkozy. Elle parvient à faire adopter par les militants un projet de rénovation de l’appareil, dont son bras de fer avec Georges Frêche, puissant et populaire patron de la région Languedoc-Roussillon, mais coutumier des dérapages verbaux, se veut être une première traduction concrète au début de 2010.
La victoire du PS aux élections régionales de mars 2010 et le succès du rassemblement des forces de gauche qu’il réussit à mettre en œuvre pour le second tour achèvent de conforter M. Aubry dans son statut de première secrétaire, au point de lui permettre d’intégrer les rangs des prétendants à la présidentielle de 2012.
Fortement impliquée dans la rénovation du parti, M. Aubry impose notamment les principes de non-cumul des mandats, de parité et de primaires ouvertes, tandis qu’elle engage sa formation à revoir son programme économique et social.
Engrangeant de bons résultats aux cantonales de mars 2011, elle n’en évoque pas moins une « victoire humble » au regard de la crise et des angoisses que vivent alors les Français. Mais elle se révèle impuissante – ou indifférente ? – face au scandale qui éclabousse la fédération socialiste des Bouches-du-Rhône, et plus généralement l’image du parti qu’elle dirige.
Déliée du pacte scellé avec Dominique Strauss-Kahn quand celui-ci, à la mi-mai, au faîte de sa popularité, est incarcéré pour affaire de mœurs à New York et mis hors-course pour toute compétition interne, elle s’engage fin juin dans la bataille des primaires mais ne parvient guère à refaire son retard devant celui qui l’a précédée à la tête du parti et qui devient le favori des sondages, François Hollande. Défendant une ligne politique assez proche de celle de ce dernier, bien que plus résolument marquée à gauche, elle affronte également le droitier Manuel Valls, le radical Jean-Michel Baylet, l’ancienne candidate de 2007 et rivale de 2008 Ségolène Royal et l'antimondialiste aux accents « chevènementiens » Arnaud Montebourg.
Battue en octobre au second tour avec 44,6 % des voix face au député et président du conseil général de Corrèze, F. Hollande, elle n’en retire pas moins les bénéfices de la mise en œuvre réussie de cette initiative citoyenne et se consacre plus que jamais à porter les projets de rénovation politique qui sont les siens (en particulier la question potentiellement épineuse du non-cumul des mandats). Elle affiche par ailleurs sa pleine solidarité envers le candidat désigné par les urnes et se mue en chef de campagne efficace et loyal, même si, un temps, semblent émaner du QG de Solférino certaines frictions issues des tractations de novembre menées entre le PS et les écologistes puis des investitures internes au parti en vue des échéances législatives de 2012.
Elle accompagne donc la victoire à la présidentielle du candidat en mai 2012 mais préfère ne pas entrer dans le gouvernement formé par Jean-Marc Ayrault à la demande du nouveau chef d’État. Ayant fait le choix de ne pas se présenter aux législatives, elle peut se targuer d’avoir promu le principe de parité (dans la composition de l’exécutif), donné une majorité absolue à son parti à l’Assemblée, et largement renouvelé le visage du Parlement, avec l’entrée d’une grande proportion de femmes, ainsi que des représentants de la diversité.
Après avoir annoncé son intention de quitter la tête du parti en novembre 2012, pour officiellement se consacrer pleinement à sa ville de Lille, elle signe avec le Premier ministre une motion qui se veut majoritaire dans le cadre du renouvellement de la direction de la formation au Congrès de Toulouse d’octobre. Elle finit en outre par se rallier à la candidature d’Harlem Désir au poste de secrétaire général, qui de fait lui succède à la tête du PS. Un instant fragilisée par une mise en examen dans le cadre de l’affaire de l’amiante dont elle sort plusieurs fois blanchie en mai 2013 puis fin juin 2014, elle se fait discrète, ce qui n’exclut toutefois nullement une position de recours ni un rôle de vigie s’agissant notamment des objectifs de rénovation de la vie politique qu’elle s’était fixés et qu’elle avait imposés à ses camarades, jusqu’à F. Hollande.
Mais sa proximité réelle ou supposée avec les « frondeurs » qui se font entendre depuis l’aile gauche du PS à l’Assemblée ne tient en rien lieu de courant susceptible de porter sa voix au-delà de son fief du Nord. Si elle échappe à la bérézina socialiste lors des municipales de mars 2014 en remportant un troisième mandat à la tête de sa ville, le score de sa liste d’union de la gauche et de rassemblement avec des centristes, 52 %, est en repli de plus de 14 points par rapport à 2008. Surtout, la prise de Roubaix et de Tourcoing par l’UMP la prive de la possibilité de conserver la tête de la métropole lilloise, qu’elle laisse à un sans-étiquette proche de sa sensibilité pour éviter qu’elle ne bascule elle aussi à droite. Écartée du remaniement gouvernemental qui suit la sanction des urnes, elle semble devoir rester durablement sur la touche – comme repliée sur ses terres locales.