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Front populaire

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Rassemblement des forces de gauche qui permit en France l'accès au pouvoir, en 1936, d'une coalition regroupant les socialistes, les communistes et les radicaux.

Front populaire

Fin 1933, l'affaire Stavisky, scandale financier auquel sont mêlés plusieurs hommes politiques, contribue à alimenter les campagnes de l'extrême droite contre le régime parlementaire. Des ligues fascisantes (Action française) et des organisations d'anciens combattants (Croix-de-Feu) organisent le 6 février 1934 une manifestation à Paris contre la corruption, et les ligueurs tentent l'assaut du Palais-Bourbon. Débordées, les forces de l'ordre ouvrent le feu, faisant une quinzaine de morts et plusieurs centaines de blessés.

La prise de conscience d'un danger fasciste en France, après ces événements, et la crainte suscitée par les exemples italien et allemand favorisent le regroupement des partis et des associations de gauche dont l'union paraissait jusque-là irréalisable. En effet, le parti communiste (PCF), fidèle aux directives de l'Internationale communiste, considère alors les socialistes de la (Section française de l'Internationale ouvrière (SFIO) comme des « ennemis », selon les mots de Thorez en janvier 1934. À cet égard, une première tentative de regroupement, celle du « Front commun contre le fascisme », créé en 1933 par Gaston Bergery avec l'appui de Georges Monnet et de Jacques Doriot, a été désavouée par les principaux dirigeants de la gauche. C'est la réaction spontanée des masses, réunie les 9 et 12 février 1934 dans une même protestation contre les émeutiers du 6 février, qui conduit finalement les responsables de la SFIO et du PCF à signer en juillet 1934 un pacte d'unité d'action contre le fascisme. Cette union à la base n’est pas la seule raison de l’accord de juillet : depuis juin, devant la menace que constitue l'Allemagne nazie, l'URSS recherche des alliances auprès des démocraties occidentales. Moscou demande alors aux partis communistes de faire alliance avec les bourgeoisies nationales contre le fascisme.

En France, cette nouvelle ligne se traduit par le revirement du PCF qui se rapproche des socialistes et des radicaux. Le 23 juin 1934, il propose à la SFIO, d'abord réticente, un pacte d'unité d'action. Un meeting commun, organisé à Paris le 2 juillet, rassemble un public considérable, ce qui témoigne de la volonté unitaire des militants de gauche. Le 27 juillet, le pacte d’unité d’action est donc conclu entre les deux partis. Il met l'accent sur la lutte contre le fascisme et prévoit l'organisation de campagnes et de réunions communes. Après le choc du 6 février 1934, l'ethnologue Paul Rivet, membre de la SFIO, le physicien Paul Langevin, sympathisant communiste, et le philosophe Alain, proche des radicaux, avaient fondé le Comité de vigilance des intellectuels antifascistes. Celui-ci remporte un succès retentissant aux élections municipales de mai 1935 : Paul Rivet, candidat unique de la gauche, est élu à Paris contre un candidat d'extrême droite, grâce au report de toutes les voix de gauche au second tour.

Le Comité Amsterdam-Pleyel (réunissant des intellectuels proches du PCF) lance alors l'idée d'une grande manifestation commune à Paris le 14 juillet 1935. La proposition est acceptée par une cinquantaine d'organisations, dont le parti communiste, la SFIO), le parti radical, la CGT (socialiste) et la CGTU (communiste), le Comité de vigilance des intellectuels antifascistes, la Ligue des Droits de l'Homme, ainsi que des associations de jeunesse, de paysans, d'anciens combattants. Le 14 juillet, 500 000 manifestants enthousiastes défilent de la Bastille à la Nation, tandis que les délégués des organisations présentes prêtent le serment du Rassemblement populaire.

Fort de son succès, le comité organisateur des manifestations du 14 juillet devient permanent et se transforme en Comité national du Rassemblement populaire. Son objectif est de chasser la droite au pouvoir en remportant les élections de mai 1936. À cette fin, il obtient un accord de désistement mutuel au second tour entre les candidats de gauche, et s'attache à élaborer un programme commun de gouvernement.

À la demande des radicaux, et avec le soutien des communistes, qui ne veulent pas compromettre l'union avec les classes moyennes, le programme électoral du Rassemblement populaire, publié le 12 janvier 1936, avance des revendications modérées. Au chapitre politique, il prévoit notamment la dissolution des ligues, le respect du droit syndical, la prolongation de la scolarité obligatoire, l'établissement de la sécurité collective dans le cadre de la Société des Nations. Au chapitre économique sont prévues des mesures en faveur des chômeurs, des agriculteurs, des petits commerçants, des retraités, ainsi que la réduction de la semaine de travail sans réduction de salaire. S'y ajoutent diverses réformes, dont celle de la Banque de France.

Le Front populaire s'affirme d’autre part avec la réalisation, en mars 1936, de l'unité syndicale avec la réunification de la CGT et de la CGTU.

À la suite d’une campagne électorale inspirée par le slogan « le pain, la paix, la liberté », socialistes, radicaux et communistes remportent un succès important aux élections de mai 1936 (386 sièges, contre 222 à la droite). Pour la première fois dans son histoire, la France a un gouvernement socialiste. Le mécontentement social croissant, lié au développement de la crise économique mondiale et à l'échec de la politique déflationniste de Pierre Laval, a contribué à cette victoire, aussitôt suivie, dans un climat d'allégresse et de fête populaire, d'un vaste mouvement de grèves spontanées avec occupations d'usines. On compte rapidement près de 3 millions de grévistes, tous les secteurs d'activité étant touchés, à l'exception des services publics. Léon Blum constitue le 4 juin avec des ministres socialistes et radicaux un cabinet auquel les communistes apportent leur soutien sans y participer. Trois femmes participent au ministère, alors que les femmes ne sont ni éligibles ni même électrices. Dès le 7 juin, Léon Blum organise une rencontre entre les représentants du patronat (CGPF) et de la CGT qui aboutit, sous l'arbitrage du gouvernement, à la signature des accords Matignon, préconisant la conclusion de conventions collectives du travail, le relèvement des salaires, la reconnaissance de la liberté syndicale, la mise en place de délégués ouvriers. Les communistes, toujours soucieux de leur alliance avec la bourgeoisie, appellent dès le 11 juin à reprendre le travail. Les accords sont complétés par des lois instituant les congés payés et la semaine de quarante heures (au lieu de 48), le prolongement de la scolarité jusqu'à l'âge de 14 ans, la prise de contrôle par l'État de la Banque de France, des industries de guerre, puis des chemins de fer (création de la SNCF, en 1937), et par l'instauration de l'Office national du blé.

Mais le cabinet Blum se heurte à de graves difficultés économiques et financières (fuite des capitaux, dévaluation du franc, chômage), et à l'opposition croissante du patronat, inquiet de la persistance des troubles sociaux. Malgré la dissolution des ligues (depuis janvier 1936), l'agitation de l'extrême droite demeure très active (« complot » de la Cagoule, violente campagne de presse contre le ministre de l'Intérieur, Roger Salengro [accusé de désertion pendant la Première Guerre mondiale], qui se suicide, provocation des membres du parti social français [qui a succédé aux Croix-de-Feu] contre les militants de gauche). Les mouvements fascistes et l'antisémitisme prennent une grande extension. Pour les adversaires du gouvernement est venu le « temps de la haine ».

La cohésion du Front populaire est également menacée par les problèmes extérieurs, les communistes reprochant au gouvernement de ne pas intervenir contre Franco dans la guerre civile espagnole. De fait, sous la pression des radicaux français et des conservateurs britanniques, Léon Blum préconise la « non-intervention » et négocie dans ce sens, en août 1936, un pacte avec les principales puissances européennes alliées des deux camps. Dès février 1937, la nécessité d'une « pause » dans la réalisation des réformes paraît nécessaire à Blum, qui doit démissionner en juin, devant le refus du Sénat, et des radicaux, de lui accorder les pleins pouvoirs financiers.

Le Front populaire se disloque alors progressivement sous les deux ministères du radical Chautemps (juin 1937-mars 1938) qui marquent un retour vers le centre, les radicaux retrouvant le contrôle du pouvoir. Après un second ministère Blum à nouveau renversé par le Sénat (mars-avril 1938), Édouard Daladier forme un cabinet radical, auquel les socialistes ont refusé cette fois-ci de participer, et qui, face aux menaces extérieures, réprime l'agitation sociale et les grèves. La CGT riposte en lançant un appel à la grève générale pour le 30 novembre. Son échec, dû au désarroi des travailleurs et à la répression gouvernementale, marque la fin du Front populaire.

Celui-ci disparaît donc sans avoir réalisé les objectifs qui avaient présidé à sa formation : la fin du fascisme intérieur et extérieur et la transformation des structures économiques et sociales du pays. La composition hétérogène du gouvernement et les orientations contradictoires de ses représentants ont, dès le départ, compromis son action, notamment dans le domaine économique. Cependant, l'amélioration, réelle, de la condition sociale s'est accompagnée d'un souci nouveau de « l'organisation du travail et du loisir » (Blum) et de la culture ouvrière, considérée comme une source d'émancipation, souci qui s'est concrétisé par la création d'un sous-secrétariat aux Sports et aux Loisirs, confié à Léo Lagrange (qui institua le billet de congé populaire), par la mise en place d'un organisme de tourisme populaire et le développement d'expériences éducatives et culturelles.


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