Auriol Vincent Jules, né le 27 août 1884 à Revel (Haute-Garonne), décédé le 1er janvier 1966 à Paris (7ème). Député de la Haute-Garonne de 1914 à 1942. Ministre des finances du 4 juin 1936 au 22 juin 1937. Ministre de la justice du 22 juin 1937 au 18 janvier 1938. Ministre chargé de la coordination des services à la présidence du Conseil du 11 mars au 10 avril 1938. Ministre d'Etat du 21 novembre 1945 au 26 janvier 1946. Membre de la première et de la seconde Assemblée nationale constituante (Haute-Garonne). Député de la Haute-Garonne de 1946 à 1947. Président de la République de 1947 à 1954.
Novembre 1945 : les socialistes Vincent Auriol et Daniel Mayer sont membres de l’Assemblée constituante. Un an plus tard, le premier sera président de la République, le second, ministre
Vincent Auriol est né d'un père boulanger, dans une famille originaire de Carcassonne de forte tradition républicaine. Le jeune Vincent a fait ses études au lycée de Revel. Brillant élève, il entre à la faculté de droit de Toulouse, où il obtient le titre de docteur en droit. Il passe aussi une licence de philosophie. En 1903, il adhère aux Jeunesses républicaines de Toulouse et il est, en même temps, secrétaire des Etudiants socialistes. En 1905, il entre à la SFIO et dès 1906, il est membre du comité fédéral de la Haute-Garonne. A cette date, il a déjà commencé une carrière d'avocat à la cour d'appel de Toulouse. En décembre 1908, avec des amis, il fonde le quotidien, Le Midi Socialiste, dont il devient le rédacteur en chef. En 1910, lors des élections législatives, Vincent Auriol pose sa candidature dans l'arrondissement de Muret. Battu, il construit cependant une solide implantation locale en fondant plusieurs sections socialistes au cours des années sui-vantes. Le 1er juin 1912, il épouse Michèle Aucouturier, fille d'un des fondateurs de la verrerie d'Albi.
Le 10 mai 1914, il est élu député de la circonscription de Muret, localité dont il deviendra maire en 1925 en succédant à Albert Bedouce. Il commence alors une importante carrière politique et sera constamment réélu jusqu'en 1936. Dès 1918, il prend une part importante aux grands débats parlementaires. Membre de l'influente Commission des finances, il devient un des experts économiques de la SFIO. Proche de Léon Blum, il joue un rôle majeur dans le jeu des tendances qui caractérise la vie interne de la SFIO entre les deux guerres. En mai 1924, après la victoire du Cartel des Gauches, il est nommé président de la Commission des finances et participe aux négociations menées à Londres par Edouard Herriot pour l'application du Plan Dawes. En 1928, il est secrétaire général du groupe parlementaire socialiste. Le 4 juin 1936, Léon Blum lui confie le ministère des Finances. Garde des Sceaux dans le cabinet Chautemps le 22 juin 1937, il est ensuite chargé de la coordination des services ministériels à la présidence du Conseil dans le second ministère Blum en mars 1938.
Le 10 juillet 1940, Vincent Auriol fait partie des 80 opposants à la délégation de pouvoirs que le Parlement accorde au maréchal Pétain. Suspect au régime de Vichy, arrêté en septembre, emprisonné jusqu'en avril 1941, à Pellevoisin, puis à Vals-les-Bains, en compagnie de Paul Reynaud et de Georges Mandel, il est ensuite consigné à domicile par arrêté administratif. En octobre 1942, il se réfugie dans la clandestinité. Dans les montagnes de l'Aveyron, il écrit un livre bilan, Hier... demain, publié en 1945 dans lequel il analyse les faiblesses des institutions de la IIIe République. En octobre 1943, Vincent Auriol part pour Londres. A l'Assemblée Consultative provisoire, réunie à Alger, il préside la Commission des affaires étrangères. I1 participe aux réflexions sur les institutions futures de la France et rédige une proposition de constitution qui servira de base au projet d'organisation des pouvoirs soumis au référendum. En août 1945, le congrès de la SFIO adopte une motion présentée par Vincent Auriol, qui formule les positions socialistes sur les institutions : un système monocaméral, le Gouvernement étant responsable devant l'Assemblée, et le chef de gouvernement étant désigné par elle sur la base d'un contrat de législature.
Le 21 octobre 1945, Vincent Auriol retrouve son mandat de représentant de la Haute-Garonne, à la première Assemblée nationale Constituante. La liste SFIO qu'il conduit, recueille 80 338 suffrages sur les 229 719 exprimés, et emporte deux sièges, la liste communiste obtient 59 335 suffrages et a deux sièges également, le dernier siège revient au MRP avec 47 191 suffrages. Le 22 novembre 1945, le général de Gaulle lui confie les fonctions de ministre d'Etat, chargé des rapports avec l'Assemblée. Il est, en outre, délégué de la France à la première session de l'Organisation des Nations unies.
Après le départ du général De Gaulle, le 20 janvier 1946, le nom de Vincent Auriol est avancé pour la présidence du Conseil mais, se heurtant à l'opposition du groupe communiste, le député de la Haute-Garonne doit renoncer. Cependant, le 31 janvier, Vincent Auriol devient président de l'Assemblée Constituante en remplacement du socialiste Félix Gouin élu président du Conseil. L'élaboration de la Constitution est au centre du débat parlementaire : Vincent Auriol tente d'en concilier les approches. A la fin mars, il organise plusieurs réunions auxquelles participent les représentants des trois partis qui constituent le "tripartisme". Le 18 avril, il propose en particulier que le président de la République soit élu par un collège élargi, mais la commission d'élaboration de la constitution, présidée par Guy Mollet, ne le suit pas. La rupture de la majorité et l'opposition du MRP amènent l'échec du référendum constitutionnel du 5 mai 1946.
Le 2 juin, de nouvelles élections ont lieu pour former une seconde Assemblée constituante et Vincent Auriol retrouve son siège. La SFIO, cette fois, recueille 75 333 suffrages sur 244 991 exprimés perdant quatre points, le MRP progresse avec 60 595 suffrages, le PCF connaît un affaiblissement avec 58 710 suffrages, les radicaux reviennent avec 50 353 suffrages. Le 14 juin, le député de la Haute-Garonne est à nouveau porté à la présidence de l'Assemblée par 466 voix sur 536. Il joue désormais un rôle fondamental pour parvenir à un texte constitutionnel transactionnel : l'Assemblée vote le projet, qui est adopté par référendum, le 13 octobre. Le 10 novembre 1946, pour élire une Assemblée Législative, il faut à nouveau voter. Vincent Auriol, tête de liste, est réélu, alors même que la SFIO connaît un nouveau tassement de ses suffrages, 65 466 voix sur 232 924 exprimées, contre 62 796 au parti communiste, 47 002 au MRP et 41 519 au Rassemblement des gauches républicaines. Le 3 décembre, le MRP décide de soutenir la candidature de Vincent Auriol à la présidence de l'Assemblée. Le parti communiste présente Marcel Cachin et le Rassemblement des gauches républicaines, Alexandre Varenne ; Vincent Auriol recueille 284 voix sur 556 suffrages.
Mais, dès le 16 janvier 1947, le Parlement, réuni en congrès à Versailles, l'élit Président de la République au premier tour de scrutin : 452 voix sur 883 se portent sur son nom, Champetier de Ribes, le candidat du MRP, en obtenant 242, le radical Jules Gasser 122 et le candidat de la droite, Michel Clémenceau 60. Dans le débat constitutionnel, André Philip avait pronostiqué : "La présidence de la République sera ce que la fera le premier président de la République". En fait, Vincent Auriol a imposé rapidement sa conception de la présidence : une magistrature d'influence pratiquant un arbitrage actif. Pour ce faire, il utilise toutes les prérogatives de sa fonction. Président de l'Union française, il tente de donner vie aux institutions de l'Union ; dès le lendemain de son élection, il entreprend un voyage en Afrique noire, et entretient des relations étroites avec le Sultan du Maroc et le Bey de Tunis.
D'autre part, il prend une part active dans les conseils du Gouvernement, tentant de concilier les désaccords, apparaissant comme un arbitre, interprétant le sens de l'intérêt collectif. Ce rôle, qui associe le président au pouvoir exécutif, établit un contrepoids au régime d'Assemblée. Il a entendu aussi être un garant vis-à-vis de la nation. Le 31 mai 1948, à Quimper, il affirme sa volonté de défendre le régime parlementaire. Le 6 novembre 1951, au palais de Chaillot, il suggère une réunion des quatre "grands" pour réduire leurs divergences. Le 27 octobre 1952, à Donzère-Mondragon, il marque la place de la France face aux États-Unis. A la fin de son mandat, Vincent Auriol manifeste son désir de ne pas se représenter. Dans son dernier message, le 16 décembre 1953, il appelle à la "réconciliation nationale". C'est René Coty, sénateur indépendant, qui lui succède finalement, après 13 tours de scrutin, le 23 décembre.
Retiré de la vie publique, Vincent Auriol, en décembre 1954, se voit conférer le titre de président d'honneur de la Fédération mondiale des anciens combattants et médaillés de la Résistance. En mai 1958, il sort de sa réserve pour défendre devant le groupe parlementaire socialiste la candidature du général de Gaulle à la présidence du Conseil. Le 26 mai, il rend publiques les lettres précédemment échangées avec le général, notamment celle où il indiquait : "Si vous rompez toute solidarité avec ceux qui ont créé un mouvement de sédition, vous retrouverez la confiance de la nation toute entière". Sa prise de position joue un rôle important dans la détermination d'une partie des parlementaires socialistes pour accepter de voter l'investiture au général de Gaulle, mais Vincent Auriol refuse de prendre un contact direct avec le général, le 29 mai, et il décline le poste de vice-président du Conseil que celui-ci lui propose.