Jean-Louis Gergorin (né en 1946) est un ancien diplomate et homme d'affaires français. Polytechnicien et énarque, il était, avant l'affaire Clearstream 2, directeur de la coordination stratégique (en anglais : Executive Vice President Strategic Coordination) du groupe EADS.
Ancien élève de l'École polytechnique (promotion 1966). Ancien élève de l'ENA. Promotion 1972 "Charles-de-Gaulle" (avec Alain Juppé, Dominique Perben, Louis Gallois, Jean-Cyril Spinetta, Jérôme Clément). Début 1970 : Il rejoint le Conseil d'État à sa sortie de l'ENA. Il entre à la RAND Corporation (Santa Monica, Californie) proche des conservateurs américains et du complexe militaro-industriel américain. 1973-1984 : Il dirige le Centre d'analyse et de prévision (CAP) du ministère des affaires étrangères avec Thierry de Montbrial. Il a alors comme subordonné le jeune diplomate Dominique de Villepin et y fait la connaissance du futur général Philippe Rondot et de Philippe Delmas, futur dirigeant d'Airbus. Il passe l'alternance de 1981 sans encombre et rencontre Régis Debray, François Mitterrand (1983) et Hubert Védrine (1984). Il tisse des liens très étroits avec Claude Cheysson. En 1979, il y fait la connaissance du général Philippe Rondot, spécialiste du renseignement militaire. "J'ai même le souvenir que c'est Gergorin, que j'estimais, qui avait fortement appuyé la proposition d'intégrer Rondot à la DST", en 1986, dit Yves Bonnet, ancien directeur de la DST. En 1981, il recrute Dominique de Villepin, issu de la direction des affaires africaines et malgaches.
En septembre 1984, il intègre le groupe Matra. Il est directeur de la stratégie du groupe et conseiller spécial de Jean-Luc Lagardère. Il est un des collaborateurs directs de Jean-Luc Lagardère et participe à l'essor du groupe Matra. Il participera à ce titre aux conflits contre le concurrent Thomson (devenu Thales) dirigé alors par Alain Gomez. Un de ces conflits se déroule de 1992 à 1997, lorsque Thomson, peu après la fusion contestée avec Hachette et le fiasco de la Cinq, aurait monté avec la complicité d'un intermédiaire et avocat américain d'origine chinoise, William Lee, une opération de déstabilisation du groupe Lagardère, dite opération « Couper les ailes de l'oiseau ». Il s'agissait pour Thomson de couper Matra sur plusieurs marchés d'armement avec Taïwan (frégates Lafayette, avions Mirage 2000, missiles). Dans cette affaire, il fut accusé d'avoir acheté les services de la DST pour 300 000 francs en liquide livrés dans un sac de sport (ce qu'il niera toujours).
Young Leader de la French American foundation en 1994. À la fin des années 1990, il est l'artisan avec Philippe Camus de la fusion entre Aérospatiale et Matra puis de la création d'EADS et de la société intégrée Airbus. Jean-Louis Gergorin joue également un rôle majeur dans le rapprochement avec les Allemands, qui permet, en 2000, la fusion des activités de Matra-Aérospatiale avec Dasà et l'espagnol Casa. Il est un honorable correspondant des services de renseignement français (DGSE et DST). À la mort de Jean-Luc Lagardère, en mars 2003, Jean-Louis Gergorin est persuadé qu'il s'agit d'un assassinat. Une enquête préliminaire demandée par le procureur de la République de Paris est classée sans suite. En mai 2003, il participe, avec Philippe Camus et Thierry de Montbrial, à la réunion du groupe Bilderberg au château de Versailles. Il fut directeur de la coordination stratégique chez EADS depuis 2000 et membre du comité exécutif d'EADS. Il était à ce titre responsable de l'intelligence économique.
Dans les guerres de pouvoir au sein d'EADS, il soutint Philippe Camus contre Noël Forgeard, alors patron d'Airbus dans la course à la présidence française du groupe d'aéronautique EADS. Pendant deux ans, les couples Philippe Camus-Jean-Louis Gergorin et Noël Forgeard-Philippe Delmas vont s'opposer par presse interposée. Maître de conférences à l'Institut d'études politiques de Paris, il est également membre du conseil d'administration de l'Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS) et du très élitiste club Le Siècle. Ami proche de Dominique de Villepin, Jean-Louis Gergorin a été fait officier de l'ordre national du Mérite par Dominique de Villepin dans son bureau en avril 2004. Il est membre du comité exécutif de l’Institut international d'études stratégiques (IIES). Il est chevalier de la Légion d’honneur et officier de l’ordre du Mérite.
Jean-Louis Gergorin et l'informaticien Imad Lahoud ont été présentés dans des notes d'analyse de la DST (Direction de la surveillance du territoire) comme les possibles délateurs dans l'affaire Clearstream 2 sans que des preuves soient apportées. La DST évoque comme motif un conflit entre Jean-Louis Gergorin et Philippe Delmas, alors numéro deux d'Airbus. L'avocat de M. Gergorin, Paul-Albert Iweins, dénonce l'exploitation de ces notes « basées sur des rumeurs et des articles de presse » et évoque également « l'hypothèse d'une manipulation montée contre son client ». Familier des milieux du renseignement, M. Gergorin aurait présenté Imad Lahoud au général Philippe Rondot. Il l'aurait également fait recruter à EADS en mars-juin 2003. Dans le cadre de cette affaire, son bureau à EADS et son domicile font l'objet d'une perquisition début avril 2006. Son domicile a déjà été perquisitionné une première fois en avril 2005. D'autres dirigeants d'EADS ont vu leur bureau perquisitionné début avril 2006, comme Noël Forgeard, vice-président du groupe, et Gustav Humbert, PDG d'Airbus.
En janvier 2004, Jean-Louis Gergorin aurait remis les listings Clearstream à Dominique de Villepin, alors ministre des Affaires étrangères, Ce dernier aurait alors commandé une enquête au général Philippe Rondot, proche conseiller de Michèle Alliot-Marie. Les démarches de M. Gergorin intervenaient alors qu'une guerre de succession se déroulait à EADS entre Philippe Camus, son supérieur, et Noël Forgeard. Dans son édition du 10 mai 2006, l'hebdomadaire satirique Le Canard enchaîné affirme que le numéro deux d'EADS (Jean-Louis Gergorin) est l'auteur de la première lettre anonyme adressée au juge Renaud Van Ruymbeke en mai 2004. Celle-ci ne contenait pas de noms de personnalités politiques. M. Gergorin et l'avocat Thibault de Montbrial ont rencontré secrètement le 30 avril 2004 le juge Van Ruymbeke pour lui livrer les pseudo-informations sur les listings informatiques. Selon lui, des personnalités du monde entier détenaient des comptes chez Clearstream, crédités de sommes d'origine frauduleuse. M. Gergorin aurait refusé que l'entretien avec le juge soit enregistré en procédure et que les listings lui soient remis officiellement, en prétextant qu'il craignait pour sa vie. Quelques jours plus tard, le 3 mai 2004, le juge recevait une lettre des mains de Thibault de Montbrial reprenant les informations livrées par Gergorin.
En juin 2004, deux autres courriers et un CD-ROM réellement anonymes ceux-là, reprennent les pseudo-informations livrées lors de l'entretien et livrent de nombreux noms de personnalités : politiques (dont Nicolas Sarkozy), haute police, industrie de l'armement, ministère de la Défense. Le Canard enchaîné dit ignorer si ces lettres proviennent de la même main. M. Gergorin est, le 10 mai 2006 déchargé à sa demande de ses fonctions au sein du groupe EADS afin, dit-il, de pouvoir mieux se défendre dans cette affaire. Les 18 et 19 mai 2006, dans des interviews parus dans la presse, il reconnaît avoir rencontré le juge Renaud Van Ruymbeke et lui avoir adressé deux lettres sous le couvert de l'anonymat en accord avec celui-ci. Suite à ses déclarations, Noël Forgeard, président exécutif d'EADS, demande qu'une procédure de licenciement soit engagée à l'encontre de Jean-Louis Gergorin. Selon Airy Routier1, Jean-Louis Gergorin est allé fin mai 2006 rencontrer l'intermédiaire anglo-irakien Nadhmi Auchi à Londres quelques jours avant sa garde à vue et sa mise en examen, le 2 juin 2006 ; il est laissé en liberté sous contrôle judiciaire. Selon le Parisien du 7 juin 2006, tous les magistrats2 du pôle financier, en particulier son chef, Catherine Pignon, s'étaient prononcés pour son incarcération. Pour les magistrats, il était en effet nécessaire que M. Gergorin soit écroué « au moins le temps de la garde à vue d'Imad Lahoud », permettant une confrontation « à chaud » des deux protagonistes de l'affaire Clearstream 2.
C'est le procureur de la République de Paris, Jean-Claude Marin, qui ordonne au parquet de requérir pour un simple contrôle judiciaire. De ce fait, François Foulon, son adjoint, a dû soutenir cette ligne alors que Catherine Pignon aurait refusé de soutenir cette option devant le juge des libertés. « Un ordre est-il venu de plus haut pour ne pas envoyer Gergorin à la Santé ? », s'interroge Le Parisien. En effet, le procureur de la République de Paris est soumis à la hiérarchie politique de la Chancellerie, c’est-à-dire la direction des affaires criminelles et des grâces du ministère de la Justice et du Garde des Sceaux Pascal Clément. Au cours d'auditions qui ont lieu en juillet 2007, et à la suite de la reconstitution de notes ayant transité sur l'ordinateur du général Rondot, M. Gergorin dévoile n'avoir agi que sur ordre de Dominique de Villepin, celui-ci se réclamant alors d'instructions du Président de la République Jacques Chirac. Il en résulte un recentrage de l'enquête autour de l'ex-Premier ministre, passé depuis peu du statut de membre du gouvernement à celui de simple citoyen avec la formation d'un nouveau gouvernement consécutif à l'élection de Nicolas Sarkozy — lui-même constitué partie civile dans ce dossier —, et aboutissant dans des délais extrêmement rapides à la mise en examen de l'ancien Premier ministre sous pas moins de quatre chefs d'accusation différents. Lundi 27 août 2007, ce dernier annonce renoncer au bénéfice de son audition par la Cour de Justice de la République.
Le 20 octobre 2009, le procureur de la République requiert 18 mois de prison ferme et 45 000 € d'amende à l'encontre de Jean-Louis Gergorin. Le 28 janvier 2010, il est reconnu coupable de dénonciation calomnieuse, usage de faux, recel d'abus de confiance et vol, et condamné à 3 ans de prison dont 15 mois de prison ferme et 40 000 euros d'amende par le tribunal correctionnel de Paris3. Il fait appel de la décision. Le 14 septembre 2011, il est condamné à 6 mois ferme4.Son pourvoi a été rejeté par la Cour de cassation le 27 février 2013. Jean-Louis Gergorin publie en mars 2007 un livre intitulé Rapacités, dans lequel il revient sur son rôle dans les affaires Clearstream, démonte un mécanisme financier sophistiqué qui aurait pu servir à effectuer à une certaine époque des transactions douteuses au sein de la chambre de compensation (mécanisme qui n'a plus cours aujourd'hui).
Il y relate les résultats de l'enquête personnelle qu'il a menée avec la collaboration de Sophie Coignard sur le rôle de l'argent sale dans l'économie et la géopolitique mondiale, tant lors du blanchiment d'argent que lors d'opérations qui consistent à noircir de l'argent propre (noircissement d'argent), c’est-à-dire à extraire celui-ci de circuits économiques transparents pour financer les activités illégales, comme la corruption politique, le terrorisme ou la prolifération nucléaire. Il attire notamment l'attention sur la criminalisation avérée de pans entiers du système financier contemporain via le recours extrêmement fréquent aux services des paradis fiscaux dans le but de combiner souplesse, intraçabilité et anonymat des transactions illicites. Selon l'auteur, ces pratiques se répandent à un point tel qu'elles représentent aujourd'hui un risque de déstabilisation pour les démocraties et leurs économies. La maîtrise de la corruption endémique qui gangrène le système financier mondial serait donc l'un des enjeux majeurs de la géopolitique du xxie siècle.