publié le 04/08/2012 à 14:00 par Julien Bordier
Suicide? Accident? Assassinat? La mort de l'actrice, le 5 août 1962, a suscité les théories les plus folles. La vérité est peut-être plus simple.
La mort de l'actrice Marilyn Monroe a suscité les théories les plus folles
Ces journées qui, il y a cinquante ans, ont marqué l'Histoire
Samedi 19 mai 1962. Madison Square Garden, New York. Avec dix jours d'avance, le Parti démocrate fête les 45 ans du président John F. Kennedy en présence de 15 000 invités. Ella Fitzgerald, Maria Callas et Peggy Lee ont déjà assuré le
spectacle. Mais le public, comme les 40 millions de téléspectateurs qui assistent en direct à la soirée de gala, attend avec impatience la cerise sur le gâteau. Une gourmandise à laquelle
JFK aurait déjà goûté quelques semaines plus tôt, lors d'un week-end en Californie. L'acteur Peter Lawford l'annonce une première fois. L'objet du désir est invisible. Lawford meuble. Dans son dos, la belle paraît enfin sur scène. Sensuelle et provocante. Sa robe fourreau en gaze de soie
rose, couverte de strass, a été cousue à même la peau. La sirène ondule vers le pupitre pour susurrer un Happy Birthday qui va devenir célébrissime. D'un air satisfait, Peter Lawford lance:
"Mister President, the late Marilyn Monroe!" Ce "late", qui peut signifier à la fois "en retard" et "défunte",
est un funeste présage. Moins de trois mois après le sulfureux épisode, la vedette est retrouvée morte, étendue nue sur son lit, le 5 août 1962, dans sa maison californienne. Elle avait 36
ans.
L'autopsie à l'origine de plusieurs thèses complotistes
Douze jours plus tard, l'enquête du service médico-légal du comté de Los Angeles conclut à une "overdose auto-administrée de médicaments sédatifs". Elle était une star, sa disparition tragique
l'élève au rang d'icône éternelle.
Cinquante après sa mort, la craquante Sugar Kane de Certains l'aiment chaud n'a rien perdu de son pouvoir de séduction. Il suffit de voir le nombre de publicités dans lesquelles le visage de
Marilyn apparaît aujourd'hui. Mais le mythe Monroe ne se résume pas à des poses faussement ingénues, ni à
l'envol d'une robe blanche au-dessus d'une grille de métro et encore moins à une filmographie inégale, qui la voit bien souvent cantonnée aux rôles de blonde idiote. Les zones d'ombre qui
entourent son décès exercent aussi leur part de fascination morbide.
Suicide? Surdosage accidentel pour cette accro aux somnifères et aux cocktails chimiques? Meurtre commandité par John Fitzgerald Kennedy ou par son frère Robert? Assassinat organisé par la Mafia ou par la CIA pour gêner les deux hommes politiques? Sur cette fameuse nuit du 4 au 5 août 1962, les scénarios les
plus rocambolesques ont été imaginés. Certains de leurs auteurs s'appuient sur l'autopsie, qui a révélé l'absence troublante de résidus de pilules dans l'estomac de Marilyn. Selon eux, ce résultat contredit une absorption massive par voie orale de capsules de Nembutal, un puissant
barbiturique utilisé comme somnifère et calmant. Aucune trace de piqûre n'ayant été détectée sur le corps, reste donc l'hypothèse d'une introduction des produits par voie rectale. Autrement dit
d'un meurtre plutôt élaboré. Cependant, même après une ingestion massive de gélules, il est fréquent de ne pas en retrouver dans l'estomac. Retour à la case départ.
Marilyn dans Le prince et la danseuse de Laurence Olivier (1957)
Quand la femme la plus désirée du monde disparaît dans d'étranges circonstances, cela suscite forcément quelques vocations de partisans du grand complot. On en citera deux, pour l'exemple. La
première thèse impliquant Robert Kennedy est apparue en 1964, dans un petit fascicule intitulé The Strange Death of Marilyn Monroe, sous la plume de Frank Capell, un activiste d'extrême droite.
En 1973, le célèbre Norman Mailer reprend à son compte cette allégation douteuse dans une biographie à succès. La motivation de l'écrivain n'a cette fois rien de politique. Le mobile est purement
financier. Il le reconnaîtra d'ailleurs plus tard sur le plateau de l'émission télévisée 60 Minutes.
Retour à Hollywood. Ce vendredi 1er juin 1962, Marilyn tourne Something's Got to Give (Quelque chose doit
craquer). Ses absences répétées ont entraîné beaucoup de retard. Sur le plateau 14, la 20th Century Fox a donc donné pour consigne de ne pas célébrer le 36e anniversaire de Marilyn avant la fin
de la journée de tournage. A 18 heures, l'équipe du film goûte enfin au gâteau que la doublure de l'actrice a acheté au coin de la rue. On trinque dans de vulgaires gobelets en plastique. Rien à
voir avec le faste habituellement réservé par les studios pour ses plus grandes stars. La Fox, avec laquelle Marilyn Monroe a signé son premier contrat en 1946, est excédée par ses atermoiements et son escapade à New York pour
l'anniversaire de Kennedy. La scène de son bain de minuit dans la piscine, dont les photos ont fait le
tour du monde, n'y change rien. La production a déjà engagé Lee Remick pour la remplacer. Mais Dean Martin, qui partage l'affiche avec elle, refuse de continuer l'aventure si sa partenaire est
débarquée. "No Marilyn, no picture!" Le bras de fer est engagé. Quelqu'un doit craquer.
Le 1er août, la Fox cède. Le contrat de Marilyn est renégocié à la hausse. La reprise du tournage est prévue à
l'automne, sous la direction d'un nouveau réalisateur, pour un salaire porté à 250 000 dollars. L'actrice a remporté son combat et réfléchit à de nouveaux projets. Elle envisage un film sur son
idole, Jean Harlow, la vedette blonde platine des années 1930, morte à seulement 26 ans. Un rendez-vous est également pris le 9 août, à New York, pour travailler sur I Love Louisa, une comédie
musicale où elle donnerait la réplique à Frank Sinatra. Surtout, Marilyn s'est à nouveau rapprochée de Joe
DiMaggio et prévoit de se remarier avec lui. On parle déjà d'une date, le 8 août. Prête à entamer une nouvelle vie, elle informe Eunice Murray, la gouvernante engagée en novembre 1961 sur les
conseils de son omniprésent psychanalyste Ralph Greenson, qu'elle n'aura pas besoin de revenir en septembre après ses congés. Marilyn fait le ménage.
Marilyn Monroe dans La rivière sans retour d'Otto Preminger (1954)
Le déroulé de son dernier jour complexe à établir
Le vendredi 3 août, les lecteurs de l'hebdomadaire Life découvrent une longue interview de Marilyn. Facétieuse sur les photos, elle évoque le fardeau de la célébrité, sa relation avec le
public... L'entretien a eu lieu un mois auparavant dans sa nouvelle maison, achetée en juillet 1961. Située dans une impasse, au 12305 5th Helena Drive, à Brentwood, un quartier de Los Angeles,
cette résidence en L, de type hacienda mexicaine, est entourée d'un jardin fleuri et dotée d'une piscine en forme de haricot. La publication, dans un magazine, de l'adresse de son appartement de
Doheny Drive a précipité son emménagement. Les travaux ne sont pas terminés et les meubles, achetés au Mexique en février, pas encore livrés. Sa table de chevet arrivera le lendemain de sa mort.
Sur les dalles du porche, on peut lire cette inscription laissée par les anciens propriétaires: "Cursum perficio" - "Ici s'achève mon chemin."
Le matin du samedi 4 août, Marilyn Monroe sort d'une nuit d'insomnie. Son attachée de presse, Pat Newcombe, a dormi dans la chambre d'amis. Eunice Murray, arrive peu après 8 heures du matin pour
sa dernière journée de travail. A 13 heures, le psychanalyste Ralph Greenson vient pour une première séance de thérapie. Le déroulé exact de cette date fatidique est complexe à établir. Les
témoignages des uns et les agendas des autres sont contradictoires et difficiles à recouper. Dans Monroerama (Stock, ouvrage collectif dirigé par Françoise-Marie Santucci), Michel Contat résume
l'hypothèse la plus crédible défendue par Donald Spoto, auteur de la biographie de référence sur Marilyn: "Lors des deux séances de la journée de samedi, Marilyn s'est résolue, non sans angoisse,
à dire à Greenson qu'elle arrête les frais avec lui, qu'elle va se marier et s'en sortir sans psychothérapie. Pour Greenson, cela signifie la fin d'une relation à laquelle il tient pour de très
complexes raisons où se mêlent l'affectif, le professionnel, le financier. Il tente de dissuader Monroe en lui démontrant qu'elle ne peut cesser ainsi sa thérapie, qu'elle a toujours besoin de
médicaments, etc. Et Marilyn, de plus en plus agitée, angoissée, force sur le Nembutal durant l'après-midi. Avant de quitter la maison du 5th Helena Drive, Greenson, qui ne sait pas combien de
gélules sa patiente a absorbé, demande à Mme Murray [ndlr : qui reste dormir sur place] de lui faire un lavement à l'hydrate de chloral, un sédatif efficace, afin de lui assurer une nuit calme et
réparatrice." Ce mélange va lui être fatal.
Frank Sinatra et Dean Martin interdits de funérailles
Aux alentours de 20 heures, Marilyn est sans doute déjà morte. Mais la police n'est appelée qu'à 4h25 du matin. Que s'est-il passé dans ce laps de temps? Pourquoi la gouvernante est-elle en train
de laver les draps de Marilyn quand le sergent Jack Clemmons arrive le premier sur place? S'agit-il de faire disparaître les traces du lavement mortel? La mort de Marilyn est-elle un banal
accident? Le Dr Greenson, qui a découvert le corps, et la vieille gouvernante sont les deux témoins clefs qui permettraient de lever toutes ces interrogations. Etrangement, face aux enquêteurs,
ils n'auront pas à s'expliquer sur leurs contradictions.
Les funérailles de Marilyn Monroe ont lieu le 8 août 1962, le jour même où elle aurait dû épouser pour la deuxième fois Joe DiMaggio. Dans le petit cimetière de Westwood, à Los Angeles, on joue
Over the Rainbow, le thème musical du Magicien d'Oz. Les consignes de DiMaggio sont strictes. Seul l'entourage proche est convié. Des stars comme Frank Sinatra, Dean Martin ou Peter Lawford se
voient refuser l'entrée. Comme le reconnaissait Darryl F. Zanuck, le patron de la 20th Century Fox: "Personne n'a découvert Marilyn Monroe, elle ne doit sa célébrité qu'à elle-même." Sa mort,
elle, appartient toujours au mystère.
La fameuse photo de la bouche de métro avec Marilyn Monroe
Marilyn en dates
- 1926 Naissance de Norma Jean Mortenson, à Los Angeles.
- 1942 Epouse Jim Dougherty. Ils divorcent quatre ans plus tard.
- 1944 Début de sa carrière de pin-up.
- 1945 Première teinture en blond platine.
- 1953Les hommes préfèrent les blondes.
- 1954 Son union avec Joe DiMaggio dure dix mois.
- 1956 Se marie avec le dramaturge Arthur Miller.
- 1959 Certains l'aiment chaud.
- 1962 Tournage de Quelque chose doit craquer.
Marilyn en chiffres
- 4 600 000 dollars. Le prix de la robe blanche de Sept Ans de réflexion, vendue aux enchères en juin 2011.
- 95-62-92. Ses mensurations sur son dernier tournage.
- 2 500 éclats de strass. Brodés sur la robe portée le 19 mai 1962 à la soirée d'anniversaire du président Kennedy.
- 30 films. En comptant Quelque chose doit craquer, resté inachevé.
- 0 nomination aux Oscars.