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Vuillemin Francis

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A 29 ans, Me Francis Vuillemin débute aux assises. Discret, sérieux, le look un peu strict, il est l'un des trois défenseurs de Maurice Papon et le benjamin des avocats.  

Vuillemin Francis

Il est seul devant la tasse de café et le jus d'orange de son petit déjeuner, dans l'une des salles à manger de l'hôtel Saint-James à Bouliac l'établissement renommé dans lequel, avec Jean-Marc Varaut, il a installé ses quartiers pour la durée du procès. Francis Vuillemin profite de l'unique instant de calme de ses journées bordelaises. Dans moins d'une heure, il roulera vers la maison où loge Maurice Papon, à une quinzaine de kilomètres de Bordeaux. Ultime briefing avant la reprise des débats au tout début de l'après-midi : « Nous travaillons une heure et demie, nous déjeunons en vitesse et nous partons pour le palais de justice. »

Jeune homme discret, avocat sérieux, le look un peu strict, Francis Vuillemin comprend bien et apprend vite. Au fil des débats de ce qui est et restera sa vie durant « son » premier procès d'assises, son attention ne se distrait pas une seule seconde. Il écoute, regarde, enregistre, apprend. De tous et de chacun. Surtout de son « maître » comme il l'appelle toujours Jean-Marc Varaut. « Au sens professionnel du terme », ajoute- t-il dans un léger sourire. Originaire de Besançon, monté à Paris pour terminer son droit et entamer des études d'avocat, Francis Vuillemin a souhaité travailler avec Me Varaut dès l'instant où il a entendu ses conférences et lu ses livres : « Je lui ai écrit, j'ai passé un entretien et tout a commencé. Comme une aventure. »

Ce fut d'abord le stage professionnel de trois mois. Puis trois semaines après sa prestation de serment, en janvier 1995, il est devenu le collaborateur de Jean-Marc Varaut auquel il voue une admiration certaine : « Pour moi, il est toujours l'un des plus grands avocats du moment. J'aurais tendance à dire le plus grand. » En entrant au cabinet Varaut, Francis Vuillemin s'est immédiatement immergé dans le dossier Papon. « Je savais qu'il avait ce dossier mais je ne connaissais pas l'affaire. J'avais juste lu le livre de Me Boulanger. J'ai regardé et étudié les pièces pendant plusieurs semaines. En professionnel, objectivement. sans problème de conscience. » Francis Vuillemin avait croisé une fois Maurice Papon, dans le cabinet, lorsqu'il effectuait son stage en septembre 1994. Rencontre décisive. Il ne savait pas encore qu'il partirait pour Bordeaux mais en avait eu la prémonition. « J'ai tendance, comme les Grecs, à accorder de l'importance aux signes.» Et d'ajouter, ironique : « C'est comme lorsque j'ai vu le projecteur manquer assommer le procureur général. » Francis Vuillemin a lu dans l'incident un présage favorable...

En fait, il n'a réellement mieux connu Maurice Papon qu'à l'occasion de l'instruction. En mars, mai et juillet 1995, il l'assistait, parfois seul, devant le juge qui clôturait l'information judiciaire : « Le contact est tout de suite bien passé. Au fur et à mesure, les relations ont évolué. Au début, il devait me considérer davantage comme l'assistant de Me Varaut. Maintenant, je crois qu'il me tient pour avocat à part entière. » (1) A 29 ans, Francis Vuillemin fait ses premiers pas d'avocat dans la cour des très grands. Pour le procès le plus long des annales judiciaires, avec un accusé tout droit tombé des plus hautes sphères de l'Etat, accusé des faits criminels les plus graves, le crime contre l'humanité. On peut le croire sans peine lorsqu'il assure que « son premier procès d'assises en vaut cent par l'expérience ».

Il sait que cette « affaire » marquera sa carrière d'une empreinte indélébile, mais il la considère d'abord comme un atout extraordinaire plutôt que comme un handicap qu'il lui faudra assumer par la suite. « Lorsque des collègues m'en font la remarque, je lis dans leur regard plus d'envie que de réels reproches. Je participe à un procès dont on parlera encore dans un siècle, même à mon petit niveau, derrière Jean-Marc Varaut. Ca m'a fait gagner au bas mot dix ans de pratique professionnelle, peut-être davantage. C'est un peu comme si je devenais chaque jour un peu plus avocat. » De fait, plutôt réservé au début du procès, il affiche au fil des jours de plus en plus d'assurance. Au point d'intervenir plus souvent et même de « remplacer son maître», Me Varaut, lorsqu'il est retenu par d'autres affaires à Paris. C'était le cas ces jours derniers. « Je me sens plus fort. Au début, la différence d'âge et d'expérience par rapport aux autres avocats m'impressionnait. Ce n'est plus le cas. Je me considère à égalité. Je n'ai plus d'appréhension à l'idée d'avoir à leur répondre. »

Son attitude nouvelle, explique-t-il, doit le plus à son confrère Varaut. « C'est lui que j'observe. Je m'inspire de son savoir-faire. J'observe le ton qu'il utilise. Lui, réplique avec beaucoup de calme. Moi, j'ai une trop grande tendance à m'emporter. » La légitime fierté du jeune avocat propulsé sans étape préliminaire sous les feux d'une actualité judiciaire qui pourrait être professionnellement grisante a un regret toutefois. Il lui arrive de se sentir isolé dans une salle d'audience où les avocats des parties civiles sont beaucoup plus nombreux et se retrouvent entre eux. « J'ai aussi acquis une maturité personnelle et je me sens plus solide. Ce ne pouvait pas être facile ou commode d'être acteur d'un procès comme celui- là », ajoute Francis Vuillemin qui avoue ne pas toujours bien dormir la nuit : « Mes nuits sont peuplées de rêves à la limite du cauchemar. Ils ont toujours un lien, parfois mystérieux, avec les audiences. »

Si Francis Vuillemin affirme « adorer parler politique », il refuse d'aborder le sujet « pendant le procès ». Tout au plus, confirme-t-il ses sympathies « à droite ». Il évoque plus volontiers, tout en restant très discret, sa fiancée « je préfère ce mot » , Emmanuelle, avocate à Paris qu'il retrouve deux week-ends sur trois. Lui aussi a mis sa vie entre parenthèses : « J'ai l'impression de vivre dans une bulle, comme une obsession intellectuelle, il est difficile de penser à autre chose. » Francis Vuillemin ne va plus au cinéma, s'intéresse au reste de l'actualité « d'une manière superficielle » et trouve à peine le temps de lire les philosophes et les historiens qu'il affectionne. A l'heure actuelle, il se détend avec « les penseurs pré-socratiques ». A deux semaines de sa première plaidoirie en assises, il confie son émotion : « C'est une forme de trac que je ressens depuis longtemps, la fameuse boule au creux de l'estomac. » Il pense peu à « l'après-procès ». Il effleure juste le projet de « participer au livre qu'écrirait Jean-Marc Varaut ». Et puis, sûrement, un voyage au Yémen avec Emmanuelle.

(1) Le bâtonnier Marcel Rouxel complète la défense de Maurice Papon.


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